最後まで踊らない

Je m’amuse encore un peu avec l’application d’édition photographique Polarr en retouchant des photographies de Shibuya déjà montrées dans un billet précédent. Les filtres d’édition sont plus adaptés aux décors urbains qu’aux paysages naturels, car ils sont principalement axés sur les superpositions de lumières et sont très colorés. C’est amusant de jouer avec ces filtres, mais comme je le disais auparavant, on a tendance à en abuser. En fait, les photographies d’origine que je montrais sur le blog étaient déjà modifiées mais d’une manière beaucoup plus subtile, je pense. Depuis de nombreuses années, j’aime superposer des nappes de nuages sur mes photographies. Polarr propose également un filtre de superposition de formes de nuages, similaire à ce que je fais manuellement. Se sont-ils inspirés de Made in Tokyo? J’en doute fortement mais je me permets quand même de le noter ici. Ceci étant dit, simplement superposer une couche de nuages sur une photographie n’est pas suffisant, il faut la retravailler en effaçant ou accentuant certaines zones pour révéler les parties que l’on souhaite montrer sur la photographie d’origine. Les filtres prêts a l’emploi ne remplacent pas ce travail parfois minutieux et ont même tendance à standardiser les rendus. Un peu comme les filtres Instagram, ce sont des gourmandises qu’il faut consommer avec modération.

Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau Kowloon Sunset par Ether Feels.

Le début d’année est souvent l’occasion pour les sites internet traitant de musiques de faire des listes des meilleurs albums de l’année écoulée. Je jette toujours un œil curieux sur la liste de Pitchfork, histoire de vérifier si je suis passé à côté ou pas de ce qu’il fallait écouter pendant l’année. Les albums MAGDALENE de FKA Twigs et Norman Fucking Rockwell! de Lana Del Rey sont aux deux premières places, donc je me dis que je ne suis pas tout à fait déphasé. Sur les 50 albums du best of 2019 de Pitchfork, j’en possède par contre que 4. J’écoute beaucoup plus de musiques japonaises depuis ces deux dernières années, musiques qui ne sont pas du tout représentées sur Pitchfork. A vrai dire, sur la totalité des albums que j’ai écouté pendant l’année 2019, les trois quarts sont japonais. C’est le rapport inversé par rapport à il y a plus de deux ans où je me plaignais de ne pas connaître de musiques alternatives ou électroniques intéressantes au Japon. J’étais juste ignorant à cette époque, car plus je cherche sur internet et plus je me rends compte que le Japon fourmille de petits groupes indépendants créant de très belles choses. Je pense que les méthodes de distribution que sont Bandcamp ou YouTube ont grandement facilité la découverte de ces groupes, mais il faut quand même quelques pointeurs pour s’y retrouver dans cette masse musicale.

Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau Be my Valentine par Spool.

Le blog Muso Japan spécialisé dans la musique indé japonaise nous donne également sa liste 2019 et elle est excellente. Beaucoup d’albums qui y sont présentés sont disponibles sur Bandcamp (parfois sur SoundCloud) avec des vidéos sur YouTube. Je découvre ce blog sur Twitter à travers un retweet d’une autre personne que je suis pour ses recommandations musicales. Comme quoi, malgré tout le mal que je peux en penser, Twitter sait aussi faire découvrir des sites internet intéressants. En fait, j’aime quand Twitter me fait sortir de Twitter pour retourner vers des articles complets sur internet. La liste de Muso Japan attire tout de suite mon attention car elle mentionne la musique de deux groupes que j’ai apprécié pendant l’année 2019, à savoir le dernier album de For Tracy Hyde, New Young City, et le EP Blue de Ray dont je parlais plus récemment. Les quelques morceaux que j’ai découvert et que j’aime particulièrement sont à mi-chemin entre le Shoegazing et la Dream Pop. Il y a le morceau Kowloon Sunset de Ether Feels, groupe d’Osaka jouant un shoegaze aux accents pop et mélancolique. J’écoute ensuite Be my Valentine du quatuor féminin SPOOL sur leur premier album éponyme. Le morceau évolue sur un rythme assez lent et changeant, mais ne manque pas d’énergie. J’aime beaucoup l’intrusion dissonante de guitare à différents moments du morceau et sur sa partie finale. Il y a aussi le morceau un peu plus contemplatif intitulé Acacia アカシア de Mishca sur leur EP Square, qui alterne les voix féminine et masculine.

Image extraite de la couverture du EP Fukou 風光 par monocism.

Et finalement, le mini album de six titres Fukou 風光 de monocism. Je dirais que ce EP correspond très bien à l’idée que je me fais du shoegazing japonais, parfaitement exécuté musicalement, axé sur une mélancolie sombre avec des sons de voix que l’on comprend à peine, comme un léger bruissement dans une brume en abord de forêt (c’est l’image qui me vient en tête quand j’écris ces lignes). Les premiers morceaux mettent l’accent sur la mélodie et ce sont d’ailleurs les morceaux que je préfère, surtout le premier morceau Yuhyou 融氷 et le troisième Moya 冬靄. En écoutant ces morceaux, je pense soudainement au roman Norwegian Woods de Haruki Murakami que j’ai lu il y a plusieurs années en version anglaise mais que je reprends maintenant en version française sous le titre la Balade de l’Impossible (Comme les versions du même livre ont des titres très différents selon les langues, je ne me suis rendu compte qu’après l’avoir acheté que j’avais déjà lu ce livre). Cette musique me fait penser à ce livre car je retrouve un même sentiment de mélancolie en pensant à l’époque où je le lisais. Le personnage principal du livre se laisse également emporter par la mélancolie en se remémorant la période de sa jeunesse lycéenne et son amour impossible avec Naoko. Ce que je trouve ensuite très fort dans cet EP de monocism, c’est la transition sur le morceau suivant Shunkou 春光 vers un mur de sons impénétrables. Je me demande à ce moment là pourquoi je me trouve à être ému par un mur de sons de guitares. Dans un style un peu différent, je repense aux murs sonores de Chihei Hatakeyama sur le long morceau drone ambient de 23 mins Dark Sea. Ces musiques là jouent sur les ambiances et les variations subtiles de sons. On se laisse vite envahir par le flot jusqu’à la fin du morceau, car cette musique provoque une attirance irrésistible. Le morceau qui suit, le cinquième Hadare 斑雪, revient vers des terrains plus lumineux et mélodiques, mais le morceau qui conclut cet EP repart vers des terrains plus arides. Le morceau Souro 霜露 est un entrelacement infernal de sons venant anéantir l’équilibre précaire de l’album et nous rappelant d’une certaine manière que la beauté en ce monde est rare et bien cachée, il faut la défricher ici derrière les bruits infernaux des guitares. La beauté est dans ce qui reste à la fin du morceau, une nappe calme et mystérieuse à la Brian Eno.

2 commentaires

  1. Bonjour Frédéric,
    merci pour cet inventaire musicale et le lien vers le blog Muso ! Mes oreilles t’en sont reconnaissantes.

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