Je ne prends que très rarement des photographies de nuit, trop rarement peut-être. Je ne possède pas de pied tri-pod pour me poser à un endroit et prendre des photos en longue exposition et je préfère de toute façon me déplacer sans arrêts. J’avais tout d’abord dans l’idée de prendre en photo des traînées de lumière pour obtenir des images que je pourrais ensuite réutiliser en superposition avec d’autres. Mais j’ai finalement ramené de mes marches nocturnes des photographies ’posées’ dont je montre certaines sur ce billet. Les couleurs bleutées inattendues sur le béton de l’autoroute intra-muros au niveau de Shibuya sur la première photographie m’ont finalement donné envie de me poser quelques instants. Ces photographies ont été prises à Shibuya et autour lors de deux soirées différentes, mais l’obscurité ambiante ne permet pas de les différencier. L’envie me vient maintenant de retourner à Shinjuku le soir pour en saisir les lumières.
Pendant les deux mois d’été, l’émission Very Good Trip sur France Inter diffusait une série spéciale de neuf épisodes consacrée à David Bowie. Cette série était nommée pour l’occasion Very Good Bowie Trip et était présentée comme d’habitude par Michka Assayas. J’ai écouté cette série avec beaucoup de plaisir et une certaine gourmandise. Je sais pertinemment que je finirais un jour ou l’autre par écouter tous les albums de David Bowie mais j’y vais doucement. Je n’avais jusque là que trois albums dans ma discothèque personnelle, à savoir Scary Monsters (And Super Creeps) sorti en 1980, son dernier album Blackstar sorti en 2016 et le premier album de la trilogie berlinoise, Low, sorti en 1977. Cette époque dite berlinoise à la fin dès années 1970 en collaboration avec Brian Eno est la période qui m’intéresse à priori le plus. Écouter l’émission Very Good Trip me donne l’envie irrésistible d’aller acheter au Disc Union le plus proche, l’album Heroes sorti en 1977 qui est le deuxième album de cette trilogie berlinoise. Je ne me lancerais bien sûr pas dans une critique de cet album, mais je noterais juste qu’il est fabuleux. C’est pour l’instant l’album que je préfère dans ma petite collection personnelle des albums de Bowie que je possède. L’album Heroes ressemble à Low dans le sens où la deuxième moitié de l’album est presque totalement instrumentale. Dans les morceaux chantés dans la première partie de l’album, le morceau titre Heroes est bien entendu le plus connu et un des plus beaux de sa carrière, mais la plupart des morceaux sont fascinants (Sons of The Silent Age, par exemple). C’est certainement dû à la manière non conventionnelle de chanter de David Bowie et à une certaine non prédictibilité musicale. Il a trois morceaux instrumentaux sombres et inquiétants (Sense of doubt, Moss Garden et Neukoln) faisant une coupure très nette avec le reste de l’album. Ils forment une longue trame se terminant en apogée sur le dernier morceau Neukoln et sa complainte de saxophone. J’ai une petite préférence pour les morceaux instrumentaux de Low, notamment le grandiose Warszawa et Subterraneans, mais ceux de Heroes sont également superbes. Sur Heroes, j’aime particulièrement le morceau intitulé Blackout. Dans les paroles de ce morceau, Bowie glisse la phrase suivante « I’m under Japanese influence and my honour’s at stake ». On sait que David Bowie apprécie beaucoup le Japon (trop peut-être si on comprend bien ce qu’il veut nous dire dans ces paroles). Son premier voyage au Japon date d’Avril 1973. Il a notamment collaboré avec le couturier Kansai Yamamoto (山本寛斎) et le photographe Masayoshi Sukita (鋤田正義) qui signe les photographies de l’album Heroes (la photo de droite ci-dessus).
Pourquoi donc ces deux photographies de Sheena Ringo sur la gauche, me direz-vous? Je trouve que les positionnements de mains de Sheena Ringo sur ces photographies, notamment sur celle du bas, ressemblent beaucoup à ceux de David Bowie sur les photographies du photographe Sukita. Il ne s’agit pourtant pas du même photographe et je n’ai pas réussi à trouver de référence précise mentionnant une éventuelle influence. Mais la référence me paraît tout à fait évidente. Les photos de Sheena Ringo sont tirées du livre officiel Channel Guide Tokyo Incidents, sorti le 29 Février 2012 au moment de la séparation de Tokyo Jihen. L’émission Very Good Trip de Michka Assayas insiste beaucoup sur les multiples métamorphoses et la curiosité musicale de David Bowie tout au long de sa carrière. On retrouve ces métamorphoses et cette curiosité chez Sheena Ringo, et un journaliste lui avait d’ailleurs fait la remarque dès 2003 dans une interview du magazine GB que je suis en train de lire. J’y reviendrais certainement très vite, car c’est une piste qui m’est particulièrement intéressante.
Salut Frédéric,
un petit mot d’encouragement pour te dire que j’ai apprécié particulièrement ce billet. J’aime tes photos de nuit – je sais que tu ne te prêtes pas souvent à cet exercice, mais on peut se demander pourquoi car je les trouve très réussies ! – et les liens créés par le titre avec le sujet des podcasts Bowie puis entre Bowie et Sheena Ringo via les photos ont fait de la lecture de ce billet un moment assez exaltant et plein d’imprévisibilité. Bravo !
Salut Nicolas, Merci pour ces encouragements pour les photos de nuit, j’aime assez cette série en fait. Les occasions de partir de nuit prendre des photos ne se présentent qu’assez rarement mais avec l’hiver qui arrive à grand pas, ça veut dire des journées plus courtes et donc plus d’occasions de photos de nuit (bien que j’aime beaucoup plus le concept de la nuit d’été). Bon, dans les photos, j’ai un peu hésité à laisser Tommy Lee Jones… A suivre! Pour le rapprochement entre ces photos de Sheena Ringo et David Bowie, je vais peut être un peu loin, mais je ne peux m’empêcher de voir certains rapprochements de personnalités entre les deux. Il faudra que je revienne sur ce sujet. En parallèle de la musique japonaise, je continue petit à petit à écouter les albums de Bowie. David Bowie était comme un acteur de film, sauf qu’il n’arrivait plus à se séparer de ses personnages (comme nous l’expliquait très bien l’ami Michka dans la série de podcasts). Je vois ce côté actrice chez Sheena Ringo, et je pense qu’elle aurait pu être actrice mais que les opportunités ne se sont jamais vraiment présentées. Et pour revenir sur le billet, j’aime bien être en mesure de lier titre, photo et texte. Je ne réussis pas toujours (souvent) ceci étant dit.
Salut Frédéric,
Personnellement, je connais très très peu Bowie. A l’exception de son album Blackstar que je me suis procuré, notamment pour écouter le travail de Mark Guiliana qui était un batteur qui m’avait tapé dans l’oreille quelques années auparavant pour son duo avec Brad Mehldau sur l’album « Taming the dragon », je ne connais aucun album. J’ai conscience que c’est un monstre sacré de la musique mais c’est presque intimidant de ne serait-ce qu’imaginer se plonger dans sa discographie. La série de podcast de l’ami Michka pourrait être une opportunité à saisir…
Re-salut Nico, je connais moi-même assez peu la musique de Bowie mais son approche sans compromis à la musique et sa conception d’artiste total (jusqu’à l’excès) m’intéressent vraiment beaucoup. Et l’ami Michka nous l’explique vraiment très bien dans sa série d’émissions, donc ça s’écoute avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Les styles de Bowie sont tellement changeants que je pense que ce n’est pas évident de tout apprécier. J’avais un intérêt particulier pour sa période berlinoise car Brian Eno était également présent à la composition musicale. La série d’émissions interview de Very Good Trip avec Brian Eno est d’ailleurs également vraiment intéressante. Il y a certaines réflexions d’Eno (sur les fausses critiques d’appropriation culturelle par exemple) qui me paraissent très justes et censées. Bon, la discographie de Bowie m’intimide également beaucoup et je serais bien en mal d’émettre la moindre critique de sa musique, sous peine de passer pour un ignorant.
Bonjour Frédéric, un petit message juste en passant pour te prévenir que je m’apprête à écouter les podcasts sur Bowie. J’ai le sentiment d’être au départ d’une grande aventure musicale. Ce sentiment porte son lot d’appréhension et d’exaltation. Mais en étant accompagné par Michka sur les premières écoutes, il n’y a pas de raison de se faire trop peur :)
Salut Nico, merci de me prévenir :-) et il nous accompagne bien! En fait, même si on n’aime pas tout dans la musique de Bowie, cette série de podcast est une page de l’histoire de la musique contemporaine qu’on découvre. Il me revient en tête que Michka diffuse un extrait dans un des podcast d’une émission télévisée où Yves Mourousi interview David Bowie. J’avais eu envie de regarder cette émission après avoir écouté le podcast donc je mets le lien là au cas où.
salut Frédéric,
merci pour le lien ! Michka a raison, la traduction est assez approximative !
Il me reste 2 épisodes. Sacrée vie que celle de David Bowie ! Sa palette discographique est telle qu’il est difficile pour moi d’adhérer à tout ce qu’il a fait (en particulier je ne suis pas très réceptif aux ambiances de cabaret ou de comédie musicale) mais ce n’est pas très grave. L’essentiel est d’avoir trouvé la musique qui nous parle, car il y a forcément un album ou quelques morceaux qui nous émeuvent face à un génie créatif de cette envergure. Peut être que le mien restera Black Star.
En tout cas je suis plus admiratif que jamais pour ce parcours sans cesse renouvelé.
Re-salut, tu avances bien vite dans les épisodes du podcast!! Oui pas forcément facile de trouver un style qu’on aime dans sa vaste discographie mais personnellement j’aime vraiment beaucoup les trois albums avec Brian Eno de la période berlinoise Low, Heroes et Lodger. Puis Blackstar également. En tout cas, son parcours est en effet impressionnant dans le sens où il ne faisait pas semblant. En fait la photo ci-dessous m’a aussi poussé à me dire que je ne pouvais qu’aimer la musique de David Bowie, car les groupes et musiciens autour de lui sont tous des groupes que j’apprécie.
Il est entouré pour un concert d’anniversaire pour ses 50 ans au Madison Square Garden de New York en 1997, par Franck Black de Pixies, Sonic Youth, Placebo, Dave Grohl et Pat Smear de ex-Nirvana et Foo Fighters, Robert Smith de The Cure, Billy Corgan de Smashing Pumpkins. C’est une très belle affiche pour un concert. Je me demande d’ailleurs si ce concert est visible. Ah on dirait que oui sur YouTube, à voir…
Série terminée ! Je n’ai aucun regret d’avoir suivi ton conseil ! Cette écoute menée sur quelques jours a mis tout le reste entre parenthèse, m’a pas mal déphasé de mes autres écoutes du moment et me rendrait presque nostalgique d’une période que je n’ai pas connu, ce qui est un drôle de sentiment. Il est encore trop tôt pour savoir si le dernier épisode sera suivi de mes propres explorations, à commencer par la trilogie berlinoise, mais je suis sûr que je reviendrai à la musique de David Bowie tôt ou tard.
Salut Nico, je suis très en phase avec ton dernier commentaire. J’étais moi aussi persuadé que je viendrais à écouter la musique de Bowie quand le moment serait venu. Et il est venu petit à petit. Même maintenant, je dois avoir cinq albums en tout mais je ne suis pas particulièrement pressé de découvrir les autres. L’envie se présente sans prévenir. Un des morceaux clés de Bowie qui me rappelle vers ses albums est Subterraneans, de style dark ambiant, sur l’album Low de 1977. C’est le premier album de sa période berlinoise mais le morceau a été enregistré en plusieurs fois à Los Angeles, au Château d’Herouville en France et finalement au studio Hansa de Berlin. Michka avait d’ailleurs fait une très bonne émission sur l’histoire des studios du Château d’Herouville!