Je suis en ce moment plongé dans le bouquin/Oeuvre d’art/journal intime/livret de photos de l’artiste Sophie Calle, que m’a donné Mari. Le livre, « Douleur Exquise » (aux Editions Actes Sud) donc, est sorti peu de temps avant son exposition « M’as Tu Vue » à Paris, Centre Pompidou (Du 19 novembre 2003 – 15 mars 2004).
Il s’agit d’un exercice d’exorcisme d’une épreuve douloureuse de sa vie, une séparation, sous forme d’un compte a rebours de quatre-vingt-douze jours passés entre Paris et le Japon, et d’entretiens avec d’autres personnes ayant connues la souffrance. Ce n’est pas très gai, je sais, mais très poignant sur le fond, et très intéressant sur la forme.
« J’ai reçu en 1984 une bourse de trois mois pour le Japon. Je suis partie le 25 octobre sans savoir que cette date marquait le début d’un compte à rebours de 92 jours aboutissant à une banale rupture que j’ai vécue, alors, comme le moment le plus douloureux de ma vie. J’ai tenu ce voyage pour responsable. De retour en France, le 28 janvier 1985, j’ai décidé, par conjuration, de raconter ma souffrance plutôt que mon périple. En contrepartie, j’ai demandé à mes interlocuteurs, amis ou rencontres de fortune : « Quand avez-vous le plus souffert ? ». J’ai décidé de faire durer cet échange de récits jusqu’au jour où j’aurais, soit relativisé ma peine face à celle des autres, soit épuisé ma propre histoire à force de la raconter. La méthode a été radicale : trois mois plus tard j’ai cessé de souffrir. L’exorcisme réussi, dans la crainte d’une rechute, j’ai délaissé mon projet. Quinze ans plus tard je l’exhume. » –Sophie Calle
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