C’est la première fois que j’assiste à un spectacle Kabuki. Cela se passe dans le célèbre théâtre Kabuki-Za situé au pied de la gare de Higashi-Ginza. Nous assistons aujourd’hui à une des trois sessions de la journée, celle de 2h40. Une petite heure d’attente est le passage obligé pour obtenir les quelques places non réservées dans le fond du théâtre, places se monneyant à environ 1500 Yens par personne. C’est relativement bon marché contrairement à l’image que je m’en faisais. Nous sommes au troisième étage loin de la scène, mais l’acoustique est bonne et le panorama intéressant. Nous nous sommes tous munis de traducteurs similutanés (anglais ou japonais) nous aidant grandement à suivre l’intrigue, le japonais parlé ici est ancien et tout en distortion.
Le spectacle du jour est composé de 3 actes: « Ise Ondo Koi No Nataba », une histoire d’amour et de trahison entre un jeune apprenti du temple saint de Ise, à la recherche d’une épée sacrée, et une belle courtisane d’un établissement du quartier des plaisirs. La pièce mélange sens de l’honneur et du devoir sur fond de comédie. Un sens de la comédie ecore plus marqué dans un autre des actes: « Kyo Ningyo », l’histoire de l’artiste Hidari Jingoro, créateur du chat endormi sur une des arches des grandes portes de Nikko. Il donne vie à une de ses statues dans son plus grand étonnement. Ces deux actes étaient entrecoupés d’une danse « Cho No Michiyuki », représentant la danse mortuaire de Tsukekuni et Komaki réincarnés en papillons. La danse est éphémère mais laisse le temps aux deux amoureux de se remémorer leur première rencontre et leur amour mutuel.
Le spectacle était très attrayant et parfois poignant. Les habitués du Kabuki ajoutent un goût d’authenticité au spectacle en scandant les noms des principaux acteurs, comme des supporters, à certains moments clés. Il faut être spécialiste pour déterminer le moment adapté pour crier le nom des figures emblématiques du spectacle. Il faut également avoir le parlé adapté pour cet exercice, pour une bonne intégration au spectacle.
A la sortie du théâtre, pris dans le flot des sorties de la scéance d’après-midi et dans celui des entrées pour le spectacle du soir, un visage s’échappe le temps de quelques secondes avant de replonger dans le bain de foule. Après une accalmie, les dames en yukata se pressent devant les portes du théâtre pour prendre quelques photos souvenirs dans des poses que je m’imagine tirées du kabuki. Les yukata sont nombreux au Kabuki, les spectacteurs semblent prendre plaisir à se remettre en situation d’époque (mais sans oublier le téléphone portable) pour un spectacle qui se transmet intact de générations en générations.
Les photos étant interdites dans l’enceinte du théâtre, je me suis contenté de l’extérieur. Le personnel intérieur ne laisse apparemment aucun déclic passer. Tant pis.
Mais le spectacle ne s’arrête pas là pour moi, un rebondissement de type mécanique vient s’immiscer dans cette journée dominicale qui avait pourtant bien commencé. L’intensité électrique de la batterie de la moto est inversement proportionnelle à celle de mes nerfs, en clair, la moto est en panne, plus de batterie. C’est une scène que je connais bien pour l’avoir déjà joué plusieurs fois auparavant, sauf que cette fois-ci, j’en suis pleinement responsable.
Souvenons nous de mon arrivée à Kabuki-Za, je me gare en urgence pour ne pas perdre une seule minute et rejoindre la file d’attente des entrées. C’est là que le paramètre « étourdi » codé en dur dans mon scénario interne rentre en jeu (comme un peu près une fois par an), j’oublie les clés sur la moto. Je ne m’en rends compte seulement à la sortie du théâtre et, Japon oblige, la moto n’a pas bougé d’un poil. Merci mais soulagement de courte durée quand je réalise que le contact est enclenché et que le démarreur ne génère aucun démarrage de la machine. La batterie est sêche, je m’en tire les cheveux (juste un peu) pendant quelques minutes tout en réflêchissant à la meilleure solution. C’est tragique. Le dénouement typique de ce genre de situation se résume à un appel vers mon concessionnaire qui me dépannera le jour suivant moyennant des frais de déplacements astronomiques.
C’était sans compter la Carte JAF et son tout nouveau service dépannage moto. Cette carte initiallement souscrite par les parents de Mari nous permettra un dépannage sans frais et sur place. 30 minutes après appel et résumé du problème, le dépanneur était déjà là à plancher sur une solution. J’observe le théâtre des opérations attentivement, le garagiste semble bien s’y connaître, c’est rassurant. Il s’excuse de son retard dans les manipulations en cours pendant que je peine à contrôler ma joie. La moto ne dormira pas toute seule ce soir, offerte au premier brigand de passage.
C’est finalement une fin heureuse tout comme dans le premier acte du Kabuki d’aujourd’hui. Parfois c’est beau le Japon, quand on sait comment déclencher la machine.