Je passe assez régulièrement devant cette vieille maison en bois prête à s’écrouler sur la rue Meiji entre Shibuyabashi et Tengenjibashi, au niveau de Hiroo. Elle est bancale mais habitée comme atteste le linge aux fenêtres. je suis souvent passé devant mais je n’ai jamais réussi à la prendre comme il faut, dans son intégralité. Le seul moyen d’en avoir une bonne vue est peut être le dessin, comme croqué par Pierre Alex sur son blog Tokyobsession. Je décide plutôt de la faire voler à travers une composition urbano-végétale pour l’image de libération. Elle était prédisposée car déjà entourée de pots de fleurs et plantes sur le pavé tout autour de la façade. Je ne sais pas combien de temps encore cette maison restera en vie, mais j’ai toujours un peu peur en passant devant, surtout qu’elle est adossée à une station service.
Au hasard d’une promenade en famille à Aoyama, nous tombons sur une exposition de photos de Daido Moriyama intitulée Hokkaido dans la petite galerie Rat Hole, en sous-sol d’un bâtiment commercial de béton. Cette série de photos date de l’été 1978. Moriyama resta 3 mois à Sapporo pour y photographier la ville et les paysages d’Hokkaido. On reconnaît tout de suite le style Moriyama dans les angles et le grain du noir et blanc. A l’occasion de cette exposition, un gros bouquin de 660 pages est tiré en version limité. Mais les photos de Moriyama s’apprécient imprimées en grand format sur les murs d’une exposition plutôt que sur le papier trop glacé à mon goût du bouquin.
Motif de fleurs se répétant sur un 3/4 de cylindre carrelé devant l’immeuble Shibuya CC Lemon Hall.
C’est intéressant de constater que l’idée de construire sur la baie de Tokyo est une vision récurrente. La baie de Tokyo est comme un espace vide qu’il faudrait absolument remplir. En 1960, Kenzo Tange présentait sa vision d’une extension de Tokyo en pleine croissance démographique sur la baie, le groupe Métabolistes présentait également des structures à croissance organiques sur la baie (cf billet sur les Métabolistes). Plus récemment dans les années 90, les grandes sociétés de construction japonaises reprennent cette idée avec des propositions urbaines gigantesques et là encore utopiques sur la baie: que ça soit des pyramides de 4000m posées sur la baie, des tours verticales en forme de cône à 2 kms de la côte ou autres structures futuristes aux hauteurs démesurées (cf billet sur les Visions d’un Tokyo vertical). Pour revenir au réel, 250 km² ont été gagnés sur les eaux de la baie pour y développer plusieurs îles artificielles avec notamment Odaiba, Ariake et une petite île que Tadao Ando voudrait transformer en forêt sur la mer (Umi No Mori), un espace non utilisé de 88 hectares sur un polder de la baie de Tokyo (cf billet Urbano-végétal (16 et 17), forêt sur la mer et villes imaginaires).
Imaginer des structures sur la baie est presqu’un genre à lui tout seul et Paul Maymont (1926-2007), architecte et urbaniste visionnaire français, propose également des plans d’urbanisme flottant pour la baie de Tokyo. Il consacre une grande partie de sa carrière à l’étude des villes du futur et découvre lors d’un séjour au Japon dans les années 1950 les possibilités de construire sur la mer. L’image ci-dessus est son projet de ville flottante sur la baie de Tokyo. La ville se compose de caissons qui forment des îlots faits de parcs suspendus coupés de canaux et de places d’eau. En dessous de la zone de flottaison, on y trouve usines, ateliers et autres centrales, tandis qu’au dessus se positionnent les habitations, immeubles, bureaux et services.
Pour revenir à des visions plus récentes et encore plus virtuelles provenant de la culture pop japonaise, je découvre grâce à un article de TokyoArtBeat une autre proposition urbaine sur la baie, Area 0 Tokyo, ou encore Tokyo Zero-ku. Tout comme Akira (cf billet Depuis l’immeuble tubulaire de Tange avec représentation de la baie habité), cette proposition de ville vient de la culture manga.
Il s’agit d’un projet d’urbanisme virtuel, similaire à Meet-Me (que je ne connaissais pas) ou aux mondes virtuels de SecondLife, créé par le Studio 4°C de Koji Morimoto et initié par la société SBI Robo Corporation. Area Zero Tokyo est donc une ville virtuelle répartie en plusieurs zones, chacune des zones étant confiée à un artiste différent. Le site montre assez peu de choses pour l’instant de cet urbanisme virtuel mais je suis assez curieux de voir ce que cela peut donner, d’autant plus que j’aime beaucoup le style du studio sur TekkonKinkreet (béton armé). Je regarderais bien d’ailleurs ce film d’animation pour en observer les décors aperçus sur quelques images glanées sur Internet.
C’est vrai que les décors d’Amer Béton (le titre en France…) sont très marquants, métissages de l’unvers asiatique, de la Tokyo actuelle (j’imagine), et de fantasmes occidentaux (en effet même si TekkonKinkreet est adapté d’un manga, le réalisateur est Americain il me semble, et à mon avis, ses origines occidentales se font sentir dans un sens qu’il écarte certains aspects de sa culture américaine – que certains japonais auraient tendances à reproduire – du fait de son amour et de son respect pour la culture Japonaise et Orientale…
(un peu à votre « image », d’ailleurs, …n’est-ce pas?)
Ce qui est appréciable, aussi, c’est qu’au delà des thêmes récurrents et rébarbatifs (c’est mon avis) que sont le combat et le machineïsme, s’ajoutent des réflections sur la famille, l’abandon et l’adoption, l’isolement, les générations, et puis une métaphore sur le temps qui détruit les traditions, qui est à la fois mélancolique ; et un peu bidon.
Je viens ici rarement, mais depuis longtemps, et pour une fois que je comment, je vous félicite et je voudrais donner un avis extèrieur.
Je trouve que le blog tend de plus en plus vers une unité, observant et se « focalisant » toujours plus sur l’image, l’architecture et certaines cultures tokyoïtes et japonaises, avec élégance et goût, et (//mais?) toujours avec recul (éloignement..?\\).
Vous avez écartez au fur et à mesure beaucoup du « blog personne », narcissique peut-être ; pour suivre votre ligne de publication.
Alors dans un sens vous avez crée un « blog-concept », très intéressant, unique et attachant, et (bon, ça fait pas « cool » comme ça, mais) rigoureux! « Qui tend vers une forme du « parfait »… »
D’un autre sens, on peut dire que le blog tourne en rond (d’ailleurs, le design du blog n’a pas évolué) et que jamais vraiment vous ne vous impliquez (je sens toujours une retenue et un recul!)
Aurait-ce un rapport avec l’évolution de la situation de votre vie? :)
En tout cas, joies, bonheur, création pour 2009!
PS : On s’ennuierait si tout était parfait?
Tiens, elles donnent du caractère ces fautes de frappe et d’orthographe.
J’ai aussi une petite métaphore qui expliquerait le nombre si réduits de commentaire ; il se trouve qu’il est très dur psychologiquement de graffer sur un mur complètement blanc, et même un mur usé mais uni sait resté propre.
J’ai honte et je me sens vulnérable quend je vois un de mes graffs au milieu d’une grande étendue parfaite, après coup.
Par contre, deux, trois graffs en attirent des centaines d’autres il y aur
a toujours une place sur le mur le plus graffé de tous…
En effet, je me sens un peu ridicule quand je vous laisse, « whhaw, c’est beau, merci », donc je me suis sentit obligé d’écrire une grande fresque qui en imposerait un (tout petit) peu!
Voilà, cet endroit est un très beau mur blanc, sur un batîment qui impose un de ces respects! avec un crépit à la texture fine et délicate, et aux proportion géométriques ésthétiquement attirantes et attachantes!
Merci pour ce long et intéressant commentaire en 4 temps. J’apprécie les commentaires critiques de fond, surtout qu’ils sont assez rares.
Merci d’abord pour les compliments et les bémols qui sont plutôt bien vus. Je vais essayer de commenter.
Pour le recul et l’éloignement, il est vrai que je limite ma mise en scène personnelle et ne suis pas expansif sur ma vie privée même si elle est abordée en tâche de fond mais rarement en photo. Je réfléchis toujours à deux fois avant de mettre une photo personnelle car je pense en effet que ce n’est plus tellement le sujet sur ce blog (et ça n’a jamais vraiment été). Peut être à tord. J’ai quand même cette envie, car en ce moment et depuis la naissance de mon fils, je fais beaucoup plus de photos « personnelles ». A réfléchir, mais en même temps beaucoup de blogs ont je pense cette distance avec la vie privée.
Le recul dont tu parles est peut être par rapport à l’actualité du Japon que j’aborde assez rarement. C’est assez volontaire et contrairement à d’autres blogs, je n’ai pas tellement cette envie de donner mon avis sur des sujets d’actualité ou sur ma situation d’étranger par rapport à la société japonaise. Je ne me sens pas très à l’aise dans cet exercice car je veux éviter cette tendance à généraliser sur toute une population à partir d’une expérience personnelle. Je garde en fait ces réflexions en dehors du blog. D’une manière générale, je préfère à travers le blog parler de ce qui me plaît plutôt que de ce qui me déplaît. Ca rentre peut être dans le cadre du concept, mais j’aime assez que mes billets et photos n’aient pas de référence directe au présent. Enfin, il n’y a bien entendu pas de règles très précises dans tout ça et il me viendra peut être l’envie de changer.
J’ai aussi un peu le sentiment de tourner en rond depuis en fait la publication de mon photobook. Je l’avais écrit ailleurs dans un autre billet ou commentaire, mais terminer ce bouquin est un peu comme si il fallait que je trouve de nouveaux sujets de photos et de nouveaux types de compositions graphiques. Il se trouve que j’ai beaucoup moins le temps qu’avant (depuis la naissance du petit) de réfléchir à tout ça, mais toujours cette motivation de créer des choses et de les montrer sur internet. Je me sens un peu en phase de transition tout en me disant qu’après tout pourquoi changer de style. Le fait de voir ce que font les photographes sur flickr par exemple m’a posé quelques questions: changer de style, passer à l’argentique, revenir à la photo pure… Et puis, le blog a plus de 5 ans donc forcément on finit par ce répéter. Mais c’est quand même un vrai dilemme de persévérer ou pas dans son style et sa marque de fabrique (un peu comme si Porsche changeait complètement sa ligne de carrosserie). Pour le design du blog, j’ai eu maintes fois envie de le modifier mais même maintenant j’en suis très satisfait (peut être pour l’aspect marque de fabrique) et parce que remettre les mains dans le CSS c’est drôlement galère.
Merci pour cette métaphore sur les commentaires qui me plaît beaucoup. Moi même, je ne suis pas un fou du commentaire sur les autres blogs. A vrai dire, je n’en fais pas une maladie de recevoir beaucoup de commentaires ou non, même si parfois on se pose un peu des questions quand il y a pas de commentaires depuis quelques jours. Il faut dire que je reçois pas mal de commentaires par email directement mais qui sont le plus souvent doublés de questions précises (plutôt d’architecture). Je regarde plutôt les stats du blog pour voir si les visiteurs sont toujours là.
Bref… le concept de blog-concept me plaît assez :-) et en fait, le billet du haut dans sa composition esthétique est pratiquement un concept :-)
Merci pour la réponse!
A propos du recul, je ne voulais pas parler du fait que vous gardiez pour vous votre vie personelle, qui est privée et intime (bien que je ressens très bien la fierté et le bonheur d’être père ; du moins je l’éspère :)
je voulais commentez votre tendance à décrire très, très objectivement! Plutôt qu’un « L’ambiance y est très agréable mais les cuisiniers devraient se poser des questions! », vous allez émettre un « Ces bols bleus abritent une nourriture ésthétique, et les ombres qui se cachent derrières ces grands tabourets de bar nous plongent dans des univers nocturnes poétiques » (Certes je ne suis pas très fair-play, j’éxagère « un peu »).
Après, je ne peux pas porter de jugement de valeur, je trouve sumplement que vos descriptions se déposent sur la réalité, sans vraiment se confronter aux perturbations…
Pourquoi pas un « Le gigantisme utopique de ces aménagement urbains pour la megalopole tokyoïte fait se poser des questions quant au fantasmes puérils de certains théoriciens de l’urbanisme et de l’architecture! Pourquoi ne pas chercher dans la simplicité, en respect avec l’environnement ambiant? »
A propos de design du blog, je ne peux rien dire. CSS reste pour moi uniquement une formation musicale féminine, avec une moustache d’ailleurs, que vous le premier m’avez fait découvrir! :)
Je profitais un peu de tes questions pour mentionner d’autres sujets dont j’avais envie de parler l’air de rien :-)
Je vois un peu mieux la question, et ça mérite réflexion. Il a certainement un mélange de respect pour des idées ou des choses qui me fascinent, de désir de ne parler que des sujets qui me plaisent qui font que j’aborde les choses sur leurs aspects positifs. Mais à réfléchir quand même :-)
Oui, CSS est un groupe brésilien (si je me souviens bien) mais aussi les feuilles de style pour une page web, qui sont très utiles mais à la fois extrêmement galère à manipuler.
Merci d’avoir pris le temps de ces longs commentaires :-)
J’ai entrevu quelques lignes et je me permets de laisser un petit mot : Tekkon Kinkreet est le meilleur film que j’ai jamais vu ! Il a changé ma vie *__* il ne faut pas le manquer !
Bonjour,
Etudiant en architecture et actuellement étudiant au Shibaura Institute of Technology pour mener mon mémoire, j’ai fait connaissance de votre blog quelques années auparavant avant mon projet d’étudier ici. Contrairement à l’avis précédent je trouve que le blog est une expérience personnelle, et qu’elle doit laisser libre court à ses intentions, influences du moment… et je trouve votre approche sur chaque article,photo pertinente, dernièrement j’ai revu avec attentions vos photos du Sky Building 3 de Youji Watanabe, auquel je m’intéresse dans le cadre d’une analyse comparative dans mes recherches. En effet je m’intéresse à la conservation du patrimoine architectural moderne japonais et des procédures mises en place pour tenter de les protéger.
Pour revenir au but premier de mon commentaire sur l’extension de Tokyo sur la baie, c’est en effet un thème récurrent et obsessionnels même aujourd’hui chez les urbanistes et architectes japonais. Au sein de mon université j’ai pu, dans le cadre de recherche par équipes de 6 personnes travailler sur un tel projet d’extension, encadre par le professeur Hajime Yatsuka, étudiant de Tange, Otani puis travaillé à l’agence Isozaki. Il y a eu une parution de TEN plus One, Metabolism 210, 50 years after, dans lequel il a regroupé un ensemble de travaux d’étudiants, et d’articles soutenant la possibilité de mettre en ouvre une tel projet. Jusqu’en 2010, il poursuivra ce projet donnant lieu je pense à une exposition, parutions pour les 50 années du mouvement moderne japonais.
Enfin je recommande vraiment à tous ceux animés par cette même passion du Tokyo architectural comme F.Gautron de se rendre place et photographier, analyser ces bâtiments menacés de destructions, les prochains en dates seront malheureusement le Nagakin hotel de Kurokawa (l’actualité du mois de décembre dernier, le projet de conservation ayant échoué) et le Sky Building 3,qui va bientôt disparaitre lui aussi.
Avez vous travaillé sur quelques projets vidéos? je pense que votre travail photo pourrai vous menez sur quelques réalisations intéressantes.
Bonjour,
Je profite de cette cohue écrite pour exprimer mon propre plaisir à visiter ponctuellement ce site.
Au départ arrivé par hasard depuis une recherche sur les structures utopiques, j’en suis venu à découvrir (un peu) des bouts de ville qui (grâce à la ville ou au photographe, sans doute le regard de l’un sur l’autre) me donnent envie d’aller me balader sinon à Tokyo même, du moins dans les méandres urbaines.
Je me permets donc de faufiler quelques lignes sans réel message sinon celui; ‘chouette, chouette merci bien’
Pour rembrayer et glisser un mot sur le fil de la discussion; en tant qu’architecte, je suis spécialement touché par les images du bâti et par ces petites preuves de vies, graphes et formes de l’espace.
Je dirais, à propos des commentaires dits ‘trop objectifs’, que le recul permet à mon sens de regarder plus tard sans effet de mode et de garder une honnêteté sans regret de ce qu’on écrit.
En poussant ma prétention un peu plus loin, peut-être que la démonstration personnelle se trouve déjà bien assez concentrée dans les photos justement; se livrer sur pellicule.