Un hélicoptère survole Akasaka sous un ciel nuageux. Une vieille dame traverse le pont suspendu de Daikanyama avant la pluie qui guette. C’est le même ciel mais à des lieux et jours différents. J’ai envie de regarder et photographier le ciel en ce moment. Peut être par ce que, pour un mois de juillet, il n’est pas bleu uni mais plutôt agité par la pluie et les nuages. Les nuages sont très photogéniques.
Je me suis procuré dernièrement en librairie un exemplaire de Northern de Daido Moriyama. C’est le premier de ma petite collection. A vrai dire, ça fait un moment que j’aime les photographies de Moriyama, mais j’étais d’une certaine façon intimidé par sa vaste bibliographie. Pour un premier livre, par quoi commencer? Je voulais commencer par des photos de Moriyama au Japon mais on se perd dans la multitude. Commencer par Shinjuku peut être avec son mini-pavet 新宿+? Je me suis en fait dirigé vers des photos que j’avais vu en exposition. Ca aurait pu être Hawaii que j’avais vu avec MP, mais j’ai préféré Hokkaido. J’avais découvert début 2009 l’exposition Hokkaido de Moriyama dans la petite galerie de Daikanayama Rathole Gallery. J’avais été impressionné à l’époque pour les photos imprimées pour l’exposition, mais beaucoup moins par le gros bouquin intitulé Hokkaido reprenant toutes les photos prises dans cette région en 1978 alors qu’il y passait 3 mois. Northern reprend une partie des photos de Hokkaido dans un format plus petit et horizontal, assez rare car Moriyama est plutôt adepte du format vertical (je le suis assez la dessus). Je n’ai qu’un maigre souvenir des photos que j’ai découverte à l’exposition Hokkaido, donc je les (re)découvre ici avec un regard neuf. Le rendu mate des photos pleine page est très bon et laisse dégager toute la force des photos noir et blanc, très sombres et à fort grain, comme on a l’habitude de le voir chez Moriyama.
Dans Northern, Moriyama retranscrit son voyage en photos, nombreuses sont les scènes de trains, quelques unes en bateau. On le suit dans les rues de villes provinciales laissées à l’écart du miracle économique japonais. Le paysage est sombre et parfois enfumé. Il nous montre les habitants affairés dans leur vie quotidienne. Ils ne remarquent pas le photographe, invisible. Les photos sont chargées d’émotions mais rares sont celles qui transmettent un sentiment de joie. Il s’écarte également à l’extérieur des villes où les surfaces s’enneigent (les photos où la neige tombe sont surprenantes), vers les ports parfois, puis reprend la route ou le train. Il n’y a pratiquement pas de photos d’intérieur. Elles sont plutôt dans le mouvement, un mouvement lent. Pour quelques autres photos du livre, vous pouvez consulter le site A japanese Book. Et comme Moriyama produit sans compter, il y a déjà un deuxième tôme de Northern, Northern 2, cette fois-ci en format vertical. Peut être pour continuer ma collection.
Il n’y a pas de lien particulier, mais je me suis mis à écouter ce morceau de Animal Collective, No more runnin que je ne connaissais pas jusqu’à présent. J’ai trouvé que son rythme lent et lancinant, un petit côté bucolique également, allait bien avec le livre Northern. Du coup, j’écoute ce morceau à chaque fois que je feuillette le livre et je ne parviens plus à dissocier le livre du morceau.
C’est vrai que la première photo fait immédiatement penser à Moryama et son hélico (qui était peut-être un Sikorsky H-21). Je trouve le Hokkaido lourd et très beau, un vagabondage dans les périphéries urbaines de l’ile. Avec bien sur une présence humaine, souvent timide. J’aime ces grands formats, on a l’impression de tomber dedans.
Et le résultat n’est pas aussi sombre (baroque) que ceux de ses collègues de Provoke, pour des sujets semblables. Sur la même ile il y a le livre-photo ‘Kumogakure Onsen-Yuki de Murakami Masakazu, un poil plus fort car plus engagé physiquement dans les vapeurs terrestres. J’ai l’impression que bon nombre de photos de ‘Erotica’ de D.M. viennent aussi des mêmes paysages, et de la même période. Après 1980, et à mon avis,ses livres-photos sont moins intéressants.
Merci Mazeuil pour ton avis éclairé. Je retiens la recommandation: 雲隠れ温泉行き. Je vais jeter un coup d’oeil en librairie s’il est toujours disponible.
Pour Provoke, avant d’acheter ce bouquin de Moriyama, j’avais regardé la réédition de For a Language to Come de Takuma NAKAHIRA, mais même si j’aurais tant voulu aimer ce bouquin, j’ai eu un peu de mal à apprécier, trop sombre, trop hors focus pour y trouver une accroche.