Cela fait cinq ans que le grand tremblement de terre de force 9 a frappé le Nord Est du Japon. Les deux photographies ci-dessus ont été prises peu de temps après le tremblement de terre et je les associe dans ma mémoire à ces événements. Ci-dessous un texte que j’ai écrit trois semaines après les événements de Mars 2011, alors que j’avais envie d’écrire, sans jamais l’avoir publié.
Le 11 Mars 2011, je travaillais normalement au 15ème étage lorsqu’un tremblement banal commença. Comme toujours, on se regarde les uns les autres en attendant que le balancement se calme, sauf que cette fois-ci, les tremblements étaient longs et montaient en intensité. Les réflexes sont de se saisir d’un casque et de s’accroupir près du bureau, prêt à se mettre à l’abri dessous. Cela fait des années qu’on nous parle d’un grand tremblement de terre à Tokyo, mais je n’ai jamais eu l’impression pendant ces quelques longues minutes que c’était celui là ou que l’immeuble de 35 étages où nous étions allait faillir. Les portes claquaient pourtant, les tiroirs s’ouvraient. On était balancé et nous pouvions à peine tenir debout. C’était de très loin le tremblement de terre le plus fort que j’ai pu sentir en treize années au Japon. Après quelques minutes, le pic des tremblements passe et j’ai le reflexe d’appeller Mari à ce moment là, avant que la foule se rue sur les téléphones portables pour prendre des nouvelles des proches. Mari et Zoa étaient à Roppongi Hills, au troisième étage dans un restaurant. Les lumières se sont éteintes donc ils sont sortis tous les deux. Les gens descendaient de la tour le visage pâle. Certains réagissaient assez mal, ce qui a contribué à stresser Mari, tandis que Zoa lui était comme si de rien n’était. Ils se sont ensuite déplacés vers le parc Arisagawa, loin des immeubles. Dans ces cas là, il est bon de s’éloigner des tours et des possibles chutes d’objets et de verre.
Quelques minutes après le séisme, nous descendons tous de la tour par les escaliers, les ascenseurs sont bien entendus hors service. Tout le monde se rejoind en bas en essayant d’appeller en vain. On parle en attendant, des fissures sur les parois des escaliers de la tour, on se demande si c’est sûr de remonter. Mais il n’y a pas beaucoup de crainte de ce côté là. Alors que l’on décide de remonter, une réplique assez forte nous décide à rester encore un peu à l’extérieur. Dehors, on voit assez clairement les immeubles bouger les uns par rapport aux autres, c’est assez impressionant.
Mari et Zoa sont toujours à Arisagawa. En début de soirée, je finis tôt pour les rejoindre et rentrer à pied à la maison. On préfère éviter le métro et les lignes ne fonctionnent pas de toute façon. En passant au supermarché, on fait le plein d’eau qu’on se fera livrer en soirée. C’était une très bonne idée car les magasins seront pris d’assaut quelques jours après. En arrivant à la maison, le gaz s’était coupé automatiquement. Quand les tremblements dépassent une magnitude 5, un dispositif de coupure automatique se déclenche. En regardant les news, on comprend l’amplitude du séisme au large de la préfecture de Miyagi, de force 8.9 transformé en M9 et les dégats du tsunami qui suivit. C’est une situation qui parait incroyable, voir une vague de plus de 10 mêtres avancée sans rien pour l’arrêter sur les terres. Toutes les chaines de télévision ne montrent bien entendu que ces évènements dramatiques. On ne peut s’empêcher de regarder même si on veut éviter de trop montrer ces images à Zoa. On comprendra plus tard qu’il se souvient assez bien des évènements, sans l’aspect dramatique du Nord du Japon bien entendu. Ca parait irréel pour un pays comme le Japon préparé à ce type de catastrophe. Certainement très bien préparé pour un séisme, mais un tsunami est une force encore plus brutale difficile à contenir. Notre frayeur à Tokyo cet après midi de Mars parait bien ridicule par rapport à ce qui s’abat sur le Nord Est du Japon.
Le week-end qui suit commence en regardant par intermintence les news à la télévision qui continuent à montrer de nouvelles images des dégats avec un conteur de disparus qui augmente tous les jours. On comprend que beaucoup de personnes ont disparus, avalés par l’océan et qu’il faudra des jours et des jours pour dresser un bilan. L’accès sur les lieux est rendu très difficile par les débris de maisons, les carcasses de voitures. C’est un drôle de mélange. On ne voit pas de corps, je ne sais pas si la télévision les efface ou évite des images chocs inutiles ou s’il s’agit de la vérité. Petit à petit, on nous donne plus de détails sur les situations des villes côtières dévastées. On parle de villages de plus de dix milles habitants disparus, on voit des images prises au téléphone portable alors que la vague approche et que les gens sur la route hésitent encore à s’enfuir. On nous raconte aussi quelques histoires de survivants, accrochés au poteaux électriques, ils ont réussi à échapper à la mer. Et pendant ce temps, le conteur monte toujours alors que l’on voit les secours s’organiser et les survivants gagnés les abris pubics.
Le dimanche, une nouvelle peur nous envahit. Après le séisme et le tsunami, une troisième catastrophe s’enchaine, les centrales nucléaires, celles de Tokai, Fukushima et Onagawa. Elles sont toutes proche de la côte et ont été affectés par le séisme et tsunami. Les situations de Tokai et Onagawa se confirment assez rapidement comme stable ou en passe de l’être, mais le cas Fukushima sera un calvaire. Quatre réacteurs de Fukushima-1 monopolisent presque toutes les attentions de l’après séisme…