Nous marchons dans les airs. La nuit venue, c’est permis. On nous croit rendu loin mais nous flottons tout près en frôlant les êtres. Les musiques de fin d’été nous attirent autour de la foule qui vient se réunir le soir. On ne soupçonne pas notre présence si ce n’est des signes, un courant frais dans le cou, un vertige soudain. Nous remplissons pourtant les pensées de temps en temps le soir venu, quand le rythme de la vie se calme et que l’esprit se laisse aller aux divagations. Quand les attaches terrestres font une pause brève, une réunion s’opère. Nous reviendrons peut être demain, mais ça ne dépend pas de nous. Rien ne se commande ni ne se prévoit.
J’écoute l’album éponyme de Slowdive depuis quelques semaines, et je ne me lasse pas de le ré-écouter sans cesse, notamment pendant mes promenades photographiques en ville dans les rues de Tokyo. Ce groupe de shoegaze était actif dans les années 90 et s’est reformé récemment pour quelques concerts et pour cet album éponyme. Plus de 20 ans après les trois premiers albums du groupe, on retrouve cette même atmosphère et c’est très enthousiasmant. J’aime tout particulièrement les morceaux où les voix de Neil Halstead et de Rachel Goswell se complètent. L’esprit shoegazing est toujours présent sans prendre trop de rides. Les moments dans le morceau « Don’t know why » où la voix de Rachel se noie progressivement et disparait sous le flot musical des guitares me donnent toujours des frissons de satisfaction musicale. Si l’album Souvlaki, sorti en 1993, reste très certainement le meilleur album de Slowdive (la beauté pénétrante d’un morceau comme Dagger), ce nouvel album s’en approche par sa qualité.
Les quelques photographies ci-dessus où corps et décors se mélangent sont en quelque sorte mon équivalent photographique aux morceaux de Slowdive quand les voix se fondent et se mélangent aux sons des guitares.
Dans un autre style, électronique cette fois, j’écoute aussi beaucoup Aphex Twin ces derniers temps et cette musique électronique très rythmée, parfois joueuse et parfois sombre, m’accompagne aussi souvent dans mes parcours urbains. Il y a plus de 15 ans, je découvrais Aphex Twin à travers l’album Richard D. James, sorti en 1997. Cet album m’avait laissé à l’époque un avis assez mitigé. Certains morceaux comme « Cornish Acid » sont sublimes et mystérieux, mais d’autres morceaux sont beaucoup plus légers à mon goût, voire pop sur les bords, et un peu anecdotiques. Je n’avais pas cherché à creuser plus en avant la musique de Aphex Twin à l’époque. Les hasards d’un article sur Pitchfork sur les meilleurs albums de IDM (Intelligent Dance Music), me ramène vers cette musique. IDM est une dénomination très décriée regroupant une catégorie de musique électronique compliquée faite pour l’écoute au casque plutôt que sur les dance floor. Le label Warp en est spécialiste. Ce style me plait intrinsèquement. Comme pour la musique d’Autechre, les morceaux de Aphex Twin que j’ai pu découvrir récemment sur trois albums: le plus ancien Selected Ambient Works 85-92 et les plus récents Syro et Cheetah EP, semblent se faufiler dans les méandres les plus profondes du cerveau, comme si cette musique pointue venait réveiller des sens encore inconnues. On n’est pas loin d’un effet d’addiction, comme à l’époque de mon écoute exclusive et probablement excessive de la musique d’Autechre. Mais alors qu’Autechre devient de plus en plus obscure et inaccessible, Aphex Twin reste très abordable car les mélodies sont bien présentes de manière beaucoup plus immédiate et souvent entêtantes. Mais l’esprit joueur qui brouille les pistes n’a pas disparu des derniers albums de Aphex Twin. Parmi la multitude des sonorités électroniques de Syro, se cache par exemple un morceau totalement au piano dans le calme d’un jardin le soir. Ce piano me rappelle d’ailleurs celui de Grouper sur le superbe album Ruins. Ces trois albums de Aphex Twin sont ancrés dans une même continuité de son et ces sons minutieux sont un véritable plaisir à l’écoute.
Ces derniers jours, je suis troublé par ce morceau « Rest » de Charlotte Gainsbourg sur son futur album du même nom qui sortira en novembre 2017. Ces mots, cette voix sur la musique électronique en répétion et en suspension de Guy-Manuel de Homen-Christo (une moitié de Daft Punk) sont d’une beauté imparable. J’attends de pouvoir écouter le reste de l’album Rest, en espérant qu’il conservera cette ambiance.
Pour terminer avec la musique que j’écoute en ce moment et pour changer encore de style, j’apprécie beaucoup le nouveau morceau de Utada Hikaru Forevermore. Le prochain album après Fantôme qui était très bon, n’est pas encore prévu à ma connaissance. J’ai toujours gardé une oreille attentive aux morceaux de Utada Hikaru. Je trouve qu’elle est très inspirée ces dernières années et construit des morceaux avec beaucoup de variations dans la composition et dans la voix. On est très loin de ce que l’on peut entendre en général dans la pop japonaise, souvent peu inspirée et répétant les mêmes recettes sans beaucoup d’originalité avec pour but unique le succès commercial immédiat. Il y a beaucoup de succès commercial pour Utada Hikaru, mais elle semble tracer son chemin loin de cela (peut être la distance géographique car elle réside à Londres). Ma lucidité me dit que ça ne durera peut être pas.
Wow ! c’est vraiment très réussi. Les trois premières photos (la quatrième, bof) avec ton petit texte sont très efficaces. Tu tiens quelque chose je pense, c’est fort.
Tres beau texte a propos des photos !
Que je suis heureux de te voir mentionner Autechre, Aphex Twin, WARP et Utada ! J’ai un moment adulle Autechre ( la phenomenale claque ‘Draft 7.30’ ) beaucoup ecoute Aphex Twin, pleure encore aujourd’hui de ne pas avoir pu me rendre a la Warp20 Tokyo et pour me consoler passe chaque mois en revue la plupart des nouveautes du label Warp, vouant un culte a Flying Lotus et Clark.
A l’ecoute de chacun de ces artistes au gre de mes balades, les rues semblent changer de couleurs et de forme, les gens en disparaitre et les voitures voler …
Merci Daniel, je suis content de ton commentaire. Ce n’est pas facile de trouver une adéquation entre les mots et les images, mais je trouve aussi que ça fonctionne assez bien sur cette série. A continuer, si l’inspiration me vient…
mahl, Merci!
J’ai eu aussi une période obsessionnelle Autechre, en 2011, pendant laquelle j’écoutais chacun des albums et commentais tous les morceaux sur ce blog. J’écoute aussi beaucoup les artistes WARP comme Clark, l’album « You’re Dead! » de Flying Lotus, tout Boards of Canada, quelques albums de Oneohtrix Point Never… et maintenant Aphex Twin me passionne. Cette musique influence d’une certaine manière mes billets et photos sur ce blog.
Tiens, je vais réécouter Draft 7.30 (J’écoute assez régulièrement V-Proc, mais pas souvent l’album entier).
tu devrais continuer sur ce thème vraiment, photos NB floutées c’est super intéressant de visiter Tokyo en brouillant la vision et les idées, cela rajoute une poésie étonnante. Je demande une nouvelle série ! (lol)
Merci Daniel!
Je te dirais que j’aime aussi le noir et blanc, mais il faut que l’inspiration photographique et celle des mots coïncident, ce qui ne m’arrive pas très souvent. Le flou m’intéresse beaucoup aussi et je fais régulièrement quelques essais de prises de vue floues lors de mes promenades (j’ai toujours en tête les photographies floues d’architecture de Hiroshi Sugimoto dans son recueil appelé sobrement « Architecture »). Mais le résultat n’est pas souvent concluant, donc je ne montre pas souvent sur le blog. En tout cas, je suis content que tu puisses trouver une certaine poésie dans ces images ci-dessus. Je vais creuser le sujet!