On pourrait croire volontiers en l’absence de graffiti à Tokyo, mais il n’en est rien. On en trouve un peu partout à Shibuya et j’aime les prendre régulièrement en photographie. À vrai dire, à Tokyo, les graffeurs s’attaquent rarement aux murs et devantures de bâtiments récents ou bien entretenus, mais semblent plutôt s’attaquer aux surfaces des vieux immeubles, comme si c’était plus « acceptable ». De la même manière, un premier graffiti ou autocollant posé sur un mur ou un boîtier électrique rend l’ajout d’autres graffitis ou autocollants « possible » car d’autres l’ont déjà fait. Les autocollants se retrouvent donc agglutinés sur des petites surfaces bien délimitées. C’est ce que je montre sur les deux premières photographies de l’article, les autocollants se chevauchent et se superposent sur une une plaque blanchâtre de petite taille, tandis que le mur portant cette plaque reste inaltérée. Cette petite plaque blanchâtre devient même une petite œuvre d’art urbain. En regardant les quelques photographies de graffitis montrées régulièrement sur Made in Tokyo, on pourrait même avoir l’impression que Tokyo est remplie de ce genre de dessins et graphismes de rues, mais il n’en est rien non plus. Il est relativement facile par une phrase ou quelques photographies de donner une vue définitive sur Tokyo, alors que cette ville n’a rien de binaire. Cette réflexion me revient en tête en voyant les très nombreuses photos circulant ces derniers mois sur Internet nous montrant un soit disant Tokyo aux airs de Blade Runner, en ajoutant tout simplement un filtre bleuté sur les photographies. Ca semble un peu léger pour représenter l’univers de Blade Runner. D’ailleurs, en me promenant à Meguro la semaine dernière, j’ai eu beaucoup de mal à m’imaginer dans l’univers de Blade Runner. J’aurais certainement du me rendre dans certains quartiers de Shinjuku un jour de pluie. Ceci étant dit, je pense aussi contribuer à donner une vue altérée et biaisée de cette ville et c’est même souvent volontaire.
Image de couverture du premier LP de Aya Gloomy intitulé Riku no Kotō 陸の孤島. Quelques morceaux à écouter sur Soundcloud et Youtube, notamment Shizuka ni kieru 静かに消える et Tomedonaku afure とめどなくあふれ.
Encore une très belle découverte musicale, Aya Gloomy avec son premier album Riku no Kotō 陸の孤島. L’album est sorti il y’a un peu plus d’un mois en Avril 2018. Je l’écoute et réécoute très souvent ces derniers jours, tant j’adore cette musique électronique assez minimaliste, laissant beaucoup de place à la voix particulière de Aya Gloomy. J’aime beaucoup cette voix et cette façon de chanter en séparant clairement les mots, comme sur le morceau Shizuka ni Kieru 静かに消える (disparaître en silence), ou d’une manière très désinvolte et même distordante sur certains morceaux. La musique devient parfois répétitive et inquiétante comme sur le superbe 2020 / Tokyo destruction, peut être une référence au Neo Tokyo de Akira « about to explode » (comme disait l’affiche du film d’animation). Le morceau est entrecoupé de sons sourds de percussions et de sons de clochettes rappelant la musique de Geinoh Yamashirogumi, donc la référence à Akira semblerait plus que probable. Le morceau suivant Tomedonaku afueru とめどなくあふれ est tout aussi étrange et superbe. La voix se force tandis que la musique semble aller au ralenti en menaçant de stopper à tout moment. Les deux derniers morceaux Drive et I sink sont un peu différents car moins minimalistes dans le son et plus chargées et distordus. C’est encore une fois une musique décalée, alternative et très personnelle, qui me plait beaucoup et me laisse dire qu’il y a beaucoup de choses intéressantes à découvrir sur la scène musicale japonaise en dehors du mainstream.
Aya Gloomy, en fait Aya Yanase, est un personnage assez mystérieux aux cheveux d’un rouge éclatant (ou bleu dernièrement à en croire les photographies sur son Instagram). Quelques vidéos sur YouTube pour la chaîne musicale du câble Space Shower TV nous montre Aya Gloomy dans des scènettes pleines de second degré. Elle nous parle de soit disant voyages dans l’espace, joue les artistes blasées auprès d’une journaliste et d’une fan, prétend avoir gagné 10 milliards de yens avec les ventes de son premier album et utilise un synthétiseur qui distord l’espace. Il y a tout un univers autre de la musique de Aya Gloomy. S’il fallait faire un parallèle outre-pacifique, je rapprocherais cette musique à celle de Grimes, plutôt sur les premiers albums comme Halfaxa. Tiens, je vais réécouter Grimes, en attendant que Claire Boucher sorte son nouvel album tant attendu.
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