Il y a des périodes où l’envie de casser les images prend le dessus, de les noircir pour en faire disparaître le sens et la représentation. J’ai eu maintes fois l’envie de montrer sur un billet de Made in Tokyo des photographies complètement noires. Pas de simples rectangles noirs créés de toute pièce mais des photographies de rues complètement noircies pour donner une matière homogène noire. J’arrive ici, comme à chaque fois que je travaille les images, à retenir le cri, mais c’est un combat perpétuel. Il en reste trois images de rue en interférence.
Photographie du groupe Kinoko Teikoku tirée du site internet du groupe à l’occasion de la sortie de leur nouvel album. La photographie est prise sur le pont reliant Namikibashi à Daikanyama, près de la sortie Sud de la station de Shibuya.
J’écoute maintenant l’album Eureka ユーリカ de Kinoko Teikoku きのこ帝国 sorti en 2013. Certains des morceaux, ceux que je préfère, sont parlés plutôt que chantés, sur le bruit des guitares qui finit parfois par prendre le dessus, comme sur le premier morceau de l’album Yotaka 夜鷹. Mais les guitares sont parfois claires et étincelantes, ce qui fait un joli contraste avec la voix volontairement monocorde de la chanteuse (également actrice apparemment) Chiaki Satō 佐藤 千亜妃. Le troisième morceau Haru to Shura 春と修羅 (tiens, le même titre que l’album de Haru Nemuri) est certainement mon préféré, pour la phrase qui envoie tout balader なんかぜんぶめんどくせえ (qu’on pourrait traduire par: tout est chiant). Ce titre Haru to Shura renvoie en fait à une collection d’un poète japonais nommé Kenji Miyazawa et Shura pourrait se traduire par « bataille incessante », qui correspond à la brutalité certaine des paroles de cette chanson évoquant un certain printemps 2009 pendant lequel la chanteuse évoque le dégoût d’une personne qu’elle aurait envie de dégommer avec une batte de baseball. On n’en saura pas plus et on espère que ces paroles de chanson ne sont que fiction. Le Shura dont parle le poète Miyazawa dans ses œuvres fait référence à des divinités bouddhistes appelées Asura, qui sont en combat perpétuel. Quelques morceaux de l’album, comme le quatrième morceau Kokudou Slope 国道スロープ ont un son très rock indé 90s ce qui n’est pas pour me déplaire, mais d’autres prennent une ambiance beaucoup plus particulière, comme le morceau reprenant le titre de l’album, qui est assez fascinant et me rappelle un peu un ancien morceau de Radiohead à l’époque où ils ne fonctionnaient qu’avec guitares et batterie. L’album m’intéresse moins par contre quand il part sur des tendances pop rock dans la deuxième partie de l’album avec les deux morceaux Fuukasuru Kyoushitsu 風化する教室 et Another World. Ils ne sont pas désagréables à l’écoute mais amenuisent un peu la force de l’ensemble de l’album. Je préfère les deux morceaux qui terminent l’album, Musician ミュージシャン, beaucoup plus sombre jusqu’à un final en décrochage, et Ashita ha subete ga owaru toshite 明日にはすべてが終わるとして qui termine l’album. Ce morceau m’évoque le plaisir des derniers instants avant que tout se termine, c’est le sens du titre du morceau.
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