Après 13 ans, nous revenons enfin sur l’île d’Okinawa. Nous nous étions promis d’y revenir très vite après notre voyage en 2005, mais nous avons malheureusement laissé passer les années sans s’en rendre vraiment compte. Nous avons des amis à Okinawa qui tiennent un restaurant de spécialités d’Okinawa près du château de Shuri. Deux émissions de télévision récentes sur la NHK et sur Fuji TV montraient d’ailleurs le restaurant le temps de quelques scènes. Sur la NHK, il s’agissait d’une émission de découverte culturelle, comme on en voit assez souvent sur tous les recoins du Japon. L’émission faisait étape dans le restaurant et notre ami, le « master » du restaurant, présentait quelques spécialités sous les exclamations d’étonnement. C’est vrai que la nourriture d’Okinawa est extrêmement différente de ce que l’on peut trouver dans le reste du Japon. Nous nous y sommes habitués car nos amis nous envoie tous les ans quelques plats préparés pour le nouvel an, ainsi que des mangues un peu plus tard dans l’année. J’aime vraiment beaucoup les spécialités d’Okinawa, surtout dans le restaurant de nos amis, qui maintient comme une tradition les recettes sans les altérer. Nous passerons une des soirées de notre voyage dans le restaurant. Le repas très copieux est accompagné de l’alcool de l’île de plusieurs dizaines d’années d’âge, l’awamori. Pendant que nous mangeons, le master discute avec nous mais aussi avec les autres clients, c’est son occupation principale. A côté de notre table, un poster de Miwa signé par la chanteuse nous apprend qu’elle est venue manger ici récemment en septembre lors de l’étape finale de sa tournée de concerts dans tout le Japon. La conversation abordera le dialecte d’Okinawa, ce qui passionnera Zoa. Le master lui offrira un petit livre d’explication de la langue d’Okinawa accompagné d’un CD sur lequel il prête sa voix. La conversation aborde inévitablement l’occupation de certaines zones de l’île par l’armée américaine, sujet continuel de tension sur l’île. Un sujet de contentieux en ce moment entre le nouveau gouverneur d’Okinawa et le gouvernement central est le déplacement de la base de Futenma vers une zone moins dense en population dans le Nord de l’île à Henoko. Le gouverneur d’Okinawa ainsi qu’une grande partie de la population voudraient voir ces bases américaines installées en dehors d’Okinawa. J’ai également du mal à comprendre qu’une telle situation soit maintenue plus de 70 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale. Me reviennent en tête les émissions sur France Culture de Laure Adler, Hors-Champs, interviewant l’écrivain Kenzaburō Oe et le photographe Hiroshi Sugimoto. Le sujet de l’occupation américaine à Okinawa était un thème récurrent de ces interviews. Traverser Okinawa en voiture de location nous rappelle cette réalité. A certains endroits de l’île, sur la route qui nous amène vers le Nord de l’île, nous étions entourés de bases américaines.
La deuxième émission de télévision dans laquelle apparaît le restaurant est un documentaire diffusé sur Fuji TV, nous montrant Okinawa à travers les yeux de Nanohana Sakamoto, 15 ans, originaire de la préfecture de Ishikawa. Elle logea pendant plus d’un an dans la maison de nos amis qui l’accueillaient. Le documentaire nous explique son histoire, sa décision de s’éloigner momentanément de son école à Ishikawa pour des raisons de harcèlement scolaire, son départ pour Okinawa et sa découverte de l’ile à travers la rencontre de ses habitants. Tous lui parlent de la présence américaine, et abordent en particulier les nombreux incidents ayant eu lieu ces dernières années, notamment le crash d’un avion-hélicoptère Ospray, la chute aléatoire sur l’ile de morceaux mécaniques de ces avions et, encore une fois, la construction de cette nouvelle base à Henoko. On peut facilement oublier cette situation compliquée lorsque l’on visite Okinawa et son littoral magnifique. Une réalité plus complexe se cache derrière ces paysages paradisiaques.
Et Dieu sait que cette île est dotée de lieux superbes, comme, en photographies ci-dessus, la plage de Tinnu avec son rocher en forme de cœur. Cette plage se trouve quelque part sur la petite île de Kouri, rattachée à l’ile principale par un très long pont. Cette île n’est pas très loin du grand aquarium Churaumi, qui’il ne faut surtout pas manquer de visiter. La première photo du billet est celle que je préfère. C’est ce genre de paysage qui me revenait en tête en écoutant certains morceaux de l’album Kyokutou Ian Shouka de Jun Togawa, comme je le mentionnais dans le billet précédent. En marchant sur ce chemin, d’autres images me viennent également en tête, des souvenirs d’une autre côte sauvage à plus de 10,000kms de là. Quelque part en Vendée, pendant mon enfance, ces chemins mélangeant herbes folles et sable étaient comme des passages secrets vers l’océan.