La vision se brouille devant soi alors on s’arrête quelques temps et on attend. On regarde dehors à travers les vitres de la voiture les passants qui se démènent sous la pluie. A l’intérieur de l’habitacle, on lance quelques morceaux de musique pour alléger l’attente. Au même moment, on sort l’iPad pour reprendre des écrits démarrés un peu plus tôt dans les wagons du métro. J’attends le petit qui devrait bientôt arriver. Bien que je n’ai pas de talent particulier pour l’écriture, je n’arrive pas à contenir l’envie inarrêtable d’écrire, en particulier écrire sur la musique que j’aime et qui provoque en moi des sensations fortes.
La chanteuse Accorinrin あっこりんりん du groupe punk de Kyoto Otoboke Beaver おとぼけビ~バ~ chantant le morceau Men’s Junan de l’album Dial Y wo Mawase! ダイヤルYを廻せ! me rappelle qu’il faut que je parle maintenant de cet album de YAPOOS ヤプーズ sorti en 1991. Je n’avais pas vraiment besoin d’entendre cette version chantée au karaoke pour me rappeler d’en parler ici car j’ai, de toute façon, l’intention de commenter les albums de Jun Togawa 戸川純 les uns après les autres. Sauf que d’écouter cette version par Accorinrin me rappelle toute la difficulté d’imiter la voix de Jun Togawa. Sur ce troisième album de YAPOOS, ce deuxième morceau intitulé Men’s Junan est emblématique du style développé par le groupe, toujours avec les mélanges extrêmes de voix et de chants, mais je trouve que ce constraste atteint un niveau d’harmonie et de fluidité intéressant sur ce morceau. La construction de ce morceau est également très intéressante par sa complexité. Le troisième morceau 3Tsu Kazoero 3つ数えろ est assez différent et me fait même penser très vaguement à un morceau de Janet Jackson sur son album Rythm Nation 1814 sorti en 1989. Je ne dirais pas que ce morceau ressemble à un morceau de l’album de Janet, mais un petit quelque chose dans le rythme m’y fait penser. C’est un style jamais entendu sur les autres albums de YAPOOS que l’on peut découvrir sur ce morceau. Dans l’ensemble, cet album est plus facile d’approche que les précédents, à l’image du premier morceau Anti-Ennui アンチ・アンニュイ, avec ses sons électroniques légers et étincelants dans la deuxième partie du morceau. C’est amusant de distinguer des similitudes entre la voix de Michelle Zauner de Japanese Breakfast et celle de Jun Togawa à certains moments précis du morceau. L’album a tout de même son lot de morceaux déconstruits musicalement comme le court quatrième morceau Kyojutsu Sho ni Yoreba 供述書によれば qui agit comme une petite tornade sonore, ou de morceaux atypiques comme le cinquième Yoru e 夜へ. Ce morceau démarre sur des sons orchestraux doux et on imagine tout de suite quel va être le déroulement total du morceau. Sauf que Jun Togawa déconstruit des balades sonores trop évidentes et change de rythme subitement. C’est encore là assez symptomatique de l’inconfort volontaire créé par ces morceaux. Cet inconfort se transmet le plus souvent par la voix, comme sur le superbe sixième morceau Hysteria ヒステリヤ qui me donne des frissons quand je l’écoute. L’album enchaîne ensuite des morceaux plus pop rock, dont le huitième morceau Fool Girl à la voix tremblotante et l’avant dernier Girugamesh ギルガメッシュ aux rythmes très accrocheurs. L’album dans l’ensemble est moins excentrique que le précédent et prend un tournant moins sombre (quoique), avant de s’engager vers d’autres horizons encore sur l’album suivant dadada ism sorti l’année suivante en 1992.