my daydream dream

Je n’avais pas créer ce genre de structures architecturales survolant Tokyo ou d’autres lieux depuis plus d’un an. L’envie me revient soudainement alors que je parcours des photographies de buildings prises il y a plusieurs mois. J’identifie un potentiel de megastructure sur deux ou trois photographies et il n’en faut pas plus pour relancer la machine créative qui fera émerger ces formes bizarres dans le ciel souvent agité, aux dessus des villes et des océans. J’adore jouer avec les images de bâtiments pour faire naître des symétries et créer de nouvelles formes énigmatiques à force de superpositions d’images. L’ambiance y est souvent tourmentée mais je ne vois pas de représentation hostile dans ces formes malgré leur apparente froideur et dureté. Tout comme mes représentations graphiques de buildings et de nature sur la série Urbano-végétal, je conçois cette série de megastructures comme une tentative de s’extraire du paysage urbain, comme si ces éléments flottant dans les airs avaient été arrachés de leur environnement urbain initial. C’est en quelque sorte une manière poétique de représenter le remplacement continuel qui s’opère dans l’urbanisme tokyoïte. Les buildings ne sont plus condamnés à la destruction programmée et se voient accorder une opportunité de s’évader vers d’autres horizons.

Ces dernières semaines, le magazine musical en ligne Pitchfork passe en revue tous les dimanches un album plus ancien qui n’avait jusqu’à présent jamais été couvert sur le site. Ce dimanche, c’était le fameux MTV Unplugged in New York de Nirvana, album en version live acoustique devenu culte, car enregistré quelques mois seulement avant la mort de Kurt Cobain en 1993. Lire cette critique tant d’années après avoir écouté cet album pour la dernière fois, me donne envie de me replonger un peu dans cette période et univers musical. L’envie me prend de réécouter Vs de Pearl Jam, notamment pour la voix d’Eddie Vedder, complétant tellement bien l’efficacité des guitares. Cet album de Pearl Jam est également sorti en 1993. À cette période, Smashing Pumpkins sortait le monumental Siamese Dream, mais c’est plutôt leur premier album Gish, sorti en 1991, que j’ai envie de réécouter ces derniers jours. Le titre de ce billet m’est directement inspiré par le dernier morceau de Gish interprété par D’Arcy. Dernière l’efficacité et la puissance de ce rock là, j’apprécie la réécoute de ces albums pour ces voix, celle de Kurt Cobain, celle d’Eddie Vedder et celle de Billy Corgan. Il n’y a pourtant pas de liens forts entre ces groupes, car ces trois là ne s’appréciaient pas beaucoup malgré une certaine proximité musicale (et géographique pour Nirvana et Pearl Jam). Quelques années seulement après, en Août 1995, un autre groupe culte du rock alternatif prenait naissance de l’autre côté du Pacifique, au Japon. Il s’agit du groupe désormais mythique Number Girl. Ils partageront les mêmes influences que les grands frères américains, notamment Pixies ou Sonic Youth, et c’est une des raisons pour lesquelles leur son m’a plus rapidement, même si je les ai découvert plus tardivement en étant au Japon. L’annonce de la reformation du groupe me donne envie de réécouter toute leur discographie, en commençant par leur dernier album datant de 2002, NUM-HEAVYMETALLIC. Ils se reforment pour des concerts mais je ne sais pas s’ils vont se remettre à l’écriture. J’espère grandement qu’on pourra retrouver la voix de Shutoku Mukai et la guitare de Hisako Tabuchi (entre autres) sur un nouvel album original.

walking in a spiral: side C

Je marche parfois dans le quartier de Udagawachō à Shibuya pour vérifier si les graphismes muraux ont changé. Le superbe dessin de requin se confondant avec un avion de chasse, sur le premier billet de cette série (side A) était nouveau. Du moins, je ne l’avais pas vu à cet endroit auparavant. La grande fresque cachée à l’arrière des buildings avec, entre autres, des représentations de cochons au format cartoon, n’a par contre pas changé. Les graphismes de rues sont en général éphémères, mais cette grande fresque murale reste inchangée depuis longtemps. Je jette toujours un œil rapide dans l’escalier intérieur du vieux building où se trouve le dessin du requin-avion de chasse. Les murs de la cage d’escalier sont entièrement recouverts d’illustrations, notamment des étranges personnages extraterrestres aux couleurs verdâtres. Il s’agit de l’entrée d’un bar avec programmation musicale, au sous-sol, au nom de JUMP Life is Game.

Une énorme structure métallique a fait subitement son apparition au dessus de la rue séparant le parc Miyashita. La structure, par sa grandeur, ressemble à une porte ouvrant l’accès depuis l’avenue Meiji vers le centre bouillonnant de Shibuya. Il s’agit en fait d’un passage pédestre qui semble être construit sur plusieurs étages. C’est un des éléments du re-développement du parc Miyashita démarré en 2017 et qui devrait s’achever en Août 2019. Ce parc avait la particularité d’être aérien depuis sa construction en 1966, c’est à dire que c’était un parc construit à l’étage au dessus d’un parking couvert. C’est un parc étroit et tout en longueur, placé le long de la ligne de train Yamanote. Il avait été complètement repensé par l’Atelier Bow Wow, il y a quelques années, pour le transformer en espace d’activités sportives, avec notamment un terrain de skateboard et un mur d’escalade. Ça n’avait pas suffit à mon avis à rendre l’endroit accueillant et agréable. Il est actuellement complètement détruit et en court de reconstruction. Un hôtel a été placé à un des bouts du parc, en direction de Harajuku. Les dessins du nouveau parc sont assez prometteurs, avec beaucoup de verdure. Il semble maintenir son élévation et les zones sportives pour skateboard, futsal et escalade. Des fines arches avec des plantes sont également prévues, si on en croît les dessins du projet.

Je repasse ensuite devant le Sankyo New Headquarter Building par l’architecte Tadasu Oe (Plantec), située au niveau de la sortie Sud de la gare de Shibuya. Je l’ai pris plusieurs fois en photo et je passe régulièrement devant. Le design est très original, ressemblant à un bloc surélevé mis en cage dans une structure métallique. Je marche souvent dans ce quartier en ce moment pendant que Zoa est à son cours de danse. En l’attendant, j’ai environ une heure et demi à moi pour parcourir les environs, que je finis d’ailleurs par un peu trop bien connaître. Parce qu’ils sont relativement rares dans une semaine, j’apprécie ces quelques moments solitaires, à marcher avec un objectif en tête et en écoutant la musique du moment. J’écoute cette fois-ci quelques morceaux piochés par-ci par là, sans forcément écouter l’album entier. C’est le cas du morceau Traumerei (トロイメライ) de YUKI sur son dernier album forme. J’aime beaucoup ce morceau et surtout sa voix et sa manière de chanter. Ce que j’aime particulièrement dans sa manière de chanter, c’est que sa voix est une peu particulière et a tendance à devenir un peu poussive dans les refrains mais juste ce qu’il faut. Je n’aime en général qu’un ou deux morceaux de ses albums, les trois premiers morceaux Chime, Traumerei et Yatara to Synchronicity (やたらとシンクロニシティ) sur forme, ou par exemple Joy et surtout Daredemo Lonely (誰でもロンリー) sur les albums précédents de 2005 et 2014 respectivement. J’ai tout de même envie de chercher d’autres morceaux qui m’intéressent. Je ne connais pas trop les morceaux du groupe Judy and Mary où elle chantait auparavant, mais le style m’attire moins à priori. Dans un genre un peu différent, j’écoute aussi beaucoup le morceau Romance par Hina Ota 太田ひな sur son album Between the sheets. Je n’ai pas écouté le reste de l’album mais ce morceau en particulier est vraiment magnifique.

walking in a spiral: side B

La musique de l’album The Trip de Gimgigam, sorti le 15 février sur le label japonais Local Visions, vient accompagner les éclats vifs de lumière dans la nuit, représentés sur les photographies ci-dessus composant le second épisode de cette série qui me fait marcher en spirale dans Tokyo. Je ressens dans cette musique la même sensation d’éblouissement lumineux que j’entrevois dans ces photographies de rues. Sous certains attraits, cet album de Gimgigam s’approche d’une version actualisée et modernisée de la musique city pop des années 80. The Trip fait intervenir une bonne dose de musique électronique assez enjouée, avec parfois des interventions de saxophone, des bruitages d’oiseaux ou des ensembles de bruits qui ressemblent à une jungle. Cet album est un ensemble musical particulier assez éloigné de ce que j’écoute d’habitude. Une bonne partie de l’album fait intervenir des voix extérieures de différents styles, toutes assez typées et originales dans leur manière de chanter, Yoko.T par exemple sur le deuxième morceau Orange. Je suis en fait arrivé sur cet album, disponible sur Bandcamp, par le morceau Horizon chanté par Takara Araki, que je suis sur Twitter depuis la découverte il y a quelques mois de son premier EP Paranoïa. J’aime beaucoup ce morceau et cette façon mouvante et inhabituelle de chanter. Le morceau prend vraiment son envol quand le rythme décolle au milieu du morceau. Le titre suivant Daydream prend des traits plus légers et ensoleillés mais là encore la voix invitée, celle de Yosoji est belle et typée. La dernière partie de l’album est plus instrumentale et un peu trop excessive dans l’instrumentation sur certains morceaux pour mon goût. J’ai un peu de mal avec les afflux électroniques du morceau Dancin’ par exemple. Mais le décalage entre ce ton musical sur-coloré et triomphant et les quelques paroles mentionnant une hypothétique disparition de la race humaine, est intéressant, comme si on devait par cette musique ignorer un événement tragique futur par un excès d’optimisme. Si on exclut le dernier morceau qui est une version remix, très bonne d’ailleurs, du quatrième morceau Daydream, l’album The Trip se conclut sur le morceau électronique instrumental Soiree, qui fait écho au premier titre de l’album, instrumental également, intitulé Matinee, en français dans le texte mais sans les accents (peut être par erreur d’ailleurs). J’aime beaucoup ce dernier morceau, qui est un des meilleurs de l’album pour sa dynamique très accrocheuse et le hachage musical qui intervient par moment sur les samples de voix.

walking in a spiral: side A

Je construis souvent des séries de photographies en trois épisodes. Celui-ci est le premier épisode de cette petite série. Ces derniers temps, j’ai du mal à écrire dans le vide, alors je m’abstiens jusqu’à ce que l’inspiration d’écriture me revienne. Heureusement, l’inspiration photographique ne se tarit par encore complètement même si je passe mon temps à marcher en spirale dans la ville. Le titre de ces trois billets est inspiré d’un morceau de Liz Harris sur l’album After its own death / Walking in a spiral towards the house de son nouveau projet Nivhek. On n’est pas très loin de ses créations musicales sous le nom Grouper, avec la même noirceur et beauté imparable, mais la musique de Nivhek prend un accent un peu plus expérimental. J’écoute beaucoup cet album composé de seulement quatre morceaux allant de 8 à 20 minutes pour une durée totale d’une heure. Cette musique s’accommode bien du noir et blanc, comme souvent sur les pochettes des albums de Liz Harris, mais j’ai volontairement envie d’associer sur ce billet cette musique aux couleurs de la ville, pour le contraste. Cet album de Nivhek joue d’ailleurs sur les contrastes, car chaque morceau est découpé en petite scènes musicales alternant des voix atmosphériques et indéchiffrables aux Intrusions de sons lourds et sourds en répétition de type drone. Dans la musique de Liz Harris, on apprécie le son entre les cordes, comme si chaque note et chaque moment de silence étaient minutieusement soupesés. De Grouper, je garde toujours en tête le sublime album Ruins sorti en 2014 et j’y reviens régulièrement. L’album de Nivhek atteint cette même qualité musicale bien qu’il fasse plusieurs écoutes pour l’apprécier pleinement.

Dans une interview passée de Liz Harris sur Pitchfork, je retiens quelques mots qui m’interpellent et que j’avais noté dans un coin de mon iPad. Elle y parle de sa relation à son œuvre musicale et à son public. A propos de la sortie d’un album: “I often picture releasing an album as trying to secretly sink a heavy object in a lake – find a quiet corner, gently slip it under the surface, watch the ripples for a moment, and steal away.” A propos de son audience: “I think I pretty genuinely forget they’re there most of the time. It’s nice if people like it. I’m not making it so people like it, though. »

Le long des rues de Kawagoe

En vingt ans de vie à Tokyo, je n’étais jamais allé à Kawagoe, petite ville de Saitama pourtant proche du centre de Tokyo. On peut s’y rendre en train bien sûr, mais nous y sommes allés en voiture en empruntant l’autoroute, depuis les méandres de la voie express intra-muros Shutoko de Tokyo jusqu’à l’entrée de Kawagoe. L’accès au centre de Kawagoe est assez pratique car on peut stationner sur un parking gratuit à 10 minutes et quelques du centre ville. On appelle Kawagoe la petite Edo (Koedo), car elle a conservé de cette période un certain nombre de maisons sur une rue rectiligne et quelques quartiers autour. Ces anciennes maisons aux toits massifs sont sombres d’apparence. On les appelle Kurazukuri. A part quelques maisons plus récentes par-ci par-là, apparaissant comme des anomalies dans le paysage, la quasi totalité de cette rue a conservé son aspect d’origine. C’est dommage que ce quartier de la ville ne soit pas piéton car la circulation des voitures et des bus sur la rue est assez dense. J’imagine que les rejets d’échappement des voitures ne doivent pas être très bon pour la conservation de ces anciennes maisons. Les vieux bâtiments sont toujours en activité et ont gardé pour la plupart leur caché d’époque. On y trouve des restaurants, des cafés, des pâtisseries japonaises, des magasins d‘ articles traditionnels, des antiquités, des vendeurs de couteaux japonais, ou des babioles plus touristiques. Les touristes sont d’ailleurs assez nombreux dans le quartier, malheureusement allais-je dire car on se bouscule un peu à certains endroits, comme à Kashiya Yokocho, le quartier des confiseurs et près de l’ancienne pendule Toki no Kane, le symbole de Kawagoe. On a assez vite fait le tour de la ville ancienne.

Tout en se demandant par quelle magie ce quartier de Kawagoe a pu rester aussi bien conservé, nous marchons ensuite vers le château de Kawagoe, enfin ce qu’il en reste. A l’emplacement de l’ancien château, on peut visiter le palais Honmaru Goten datant de 1848. Il s’agit de la plus ancienne construction de Kawagoe. Les origines du château du domaine féodal de Kawagoe remonte à l’année 1457, mais il a été largement étendu en 1639 par le seigneur féodal Nobutsuna Matsudaira, un des leaders du shogunat Tokugawa (cette affiliation aux Tokugawa explique certainement l’importance accordée à la conservation des lieux de cette ville au fur et à mesure des années). A l’époque de la restauration de Meiji qui voit le renversement du shogunat Tokugawa, Honmaru Goten fut détruit. On peut visiter aujourd’hui une partie de ce qui a été reconstruit en 1848 par Naritsune Matsudaira. C’est un vaste bâtiment aux décorations simples, avec quelques dessins sur des portes de cèdre et une multitude de portes coulissantes découpant l’espace de tatamis qui ressemble par endroits à un labyrinthe. Le jardin entourant le palais est vaste mais pas spécialement très travaillé. Pendant notre visite, deux chats jouaient à cache-cache dans le jardin. On les suit du regard pendant notre visite. Toutes les portes coulissantes donnant sur le jardin sont ouvertes. Comme on doit se déplacer sans chaussures sur le bois des couloirs du palais, on a un peu de mal à résister à la froideur des lieux sous nos pieds.Nous ne rentrons pas trop tard par peur des bouchons sur l’autoroute du retour, sachant qu’il s’agissait d’un week-end de trois jours. Il nous aura fallu un peu moins d’une heure pour regagner le centre de Tokyo.