Ce n’est pas la première fois que nous allons au village de Hinohara, la seule et unique bourgade à l’appellation de village dans la préfecture de Tokyo. Nous sommes bien sûr bien loin du centre ville de Tokyo, à 1h20 environ en voiture. L’autoroute Chuo nous y amène. Il faut sortir un peu après Hachioji au niveau de la petite ville de Akiruno. Le père de Mari est enterré dans un grand cimetière près de la ville de Fussa, donc nous nous y rendons régulièrement, au moins une fois tous les trois mois. Nous en profitons souvent pour faire un petit détour vers Hinohara, se trouvant un peu plus dans les montagnes découpées par quelques petites rivières. Autant les villes de Akiruno et de Fussa n’ont pas beaucoup d’interêt, autant j’aime beaucoup aller à Hinohara. Hinohara est réputé pour ses cascades se déversant dans la rivière de Akigawa. Il y a une douzaine de cascades réputées, mais nous ne connaissons que celle de Hossawa, certainement la plus connue de toutes. Quand on entre à l’intérieur du village par la route unique qui le désert, on tombe sur un vendeur de Tofu appelé Chitoseya. Ils préparent et vendent également des donuts qui sont à se rouler par terre. En fait, on prétexte d’aller à Hinohara pour aller voir les cascades, mais en fait, on fait le déplacement pour les donuts de Chitoseya. J’exagère à peine.
L’entrée du chemin pédestre menant à la cascade de Hossawa se trouve à quelques mètres seulement du magasin Chitoseya. Le chemin longe en hauteur la mince rivière. Il est assez étroit mais très bien aménagé. On arrive au pied de la cascade en une petite vingtaine de minutes, en escaladant gentiment quelques rochers sur les derniers mètres. L’endroit est très reposant, d’autant plus qu’il n’y a pas grand monde en cette saison. La dernière fois que nous sommes venus ici, c’était en Novembre 2017. C’était à la fin de la saison des feuilles rouges d’automne, donc un nombre de visiteurs plus important qu’aujourd’hui. On apprécie le silence, le bruit de la rivière. Je pense soudainement au nouveau roman de Haruki Murakami, le Meurtre du Commandeur, dont je viens seulement de commencer la lecture des toutes premières pages. Une partie de l’histoire semble se passer en montagne et inconsciemment, je me mets à réfléchir à cet endroit dans l’ambiance « murakamienne ». La solitude des personnages de Murakami trouve écho dans ces lieux vides de monde, dans ces lieux propices aux réflexions intérieures. Ma réflexion intérieure, à moi, ne durera que quelques minutes. Parfois, j’aimerais avoir un peu plus de temps pour être dans la lune, rêvasser dans le vide ou presque, réfléchir dans le but unique de réfléchir, mais ce n’est pas le bon moment.
En redescendant de la cascade, nous repassons devant la maison verdâtre. C’est une petite boutique de souvenirs, se faisant appeler bureau de poste. Je ne suis pas certain qu’un véritable bureau de poste se trouvait ici autrefois. Un vieil homme est au guichet mais les clients étant peu nombreux, il a préféré aller à l’extérieur sur le chemin pour couper du bois à la hache. Je ne sais pour quelle raison nous engageons la conversation et par quel chemin nous en arrivons à parler d’activité sportive. Zoa lui dit qu’il aime courir et qu’il fait partie du club de course à l’école. Le vieil homme lui dit d’une manière assez catégorique qu’il faut qu’il s’efforce à courir plus vite que son père, que c’est le sens de l’évolution, que sinon l’homme redeviendrait singe. Ces considérations darwiniennes m’étonnent sur le moment. Je me dis que Zoa n’a pas grand mal à dépasser son père à la course. Le soir, de retour à Tokyo, nous allons nager tous les deux à la piscine du quartier comme tous les week-ends. On fait en général plusieurs séries d’allers et retours à la brasse dans la piscine de 25 mètres de long pour un total d’environ 1200 mètres. Zoa nage toujours devant et je le suis sans trop de difficultés. Ce soir là, j’ai pour la première fois un peu de mal à le suivre. Ça doit être la fatigue de la route qui me ralentit, mais je repense également aux paroles du vieil homme de la cabane de bois. Je me dis que Zoa a également dû y penser alors que nous nagions. Je ne lui poserais pas la question sur le chemin du retour de la piscine dans la nuit noire.
« Ce soir là, j’ai pour la première fois un peu de mal à le suivre. Ça doit être la fatigue de la route qui me ralentit, mais je repense également aux paroles du vieil homme de la cabane de bois. Je me dis que Zoa a également dû y penser alors que nous nagions. Je ne lui poserais pas la question sur le chemin du retour de la piscine dans la nuit noire. » EXCELLENT, J’AIME VRAIMENT BEAUCOUP CE PASSAGE !
Merci Daniel !!!