Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps d’aller à la recherche d’architecture tokyoïte. Je découvre bien entendu beaucoup d’architecture intéressante au hasard de mes promenades du week-end, mais dans le cas présent, j’avais fait le déplacement exprès pour aller voir une maison emblématique conçue par l’architecte Kazuyo Sejima, du groupe SANAA. Il s’agit, comme le titre du billet l’indique, de House in a plum grove, construite de 2001 à 2003 dans la banlieue résidentielle de Setagaya. Cette maison est faite d’un bloc blanc de plan trapézoïdal, installé au coin d’une rue étroite sur une surface réduite d’un peu plus de 90 m2 sur laquelle se trouvent des pruniers. Le couple avec enfant, commanditaire de la maison, était à la recherche d’une maison qui serait avant tout un refuge pour l’esprit, en restant d’une grande simplicité, sans être tape-à-l’œil. L’endroit devait aussi permettre d’admirer la floraison des quelques pruniers du jardin une fois la saison venue.
L’image en haut à gauche est extraite de la vidéo « House in a Plum Grove » par Lynette Neo. Une maquette de la maison est recomposée sous nos yeux étage par étage, pour donner une meilleure idée de l’agencement intérieur. Les deux plans en bas à droite viennent du site Archiscapes, tandis que les trois photos intérieures à l’époque de sa création proviennent d’un autre article de blog.
La maison est perdue dans une zone résidentielle tranquille à une dizaine de minutes de la station la plus proche. Je trouve assez facilement car j’avais l’adresse. La maison apparaît à un coin de rue et le blanc immaculé me tape tout de suite à l’oeil. On remarque tout de suite que ce n’est pas une habitation comme les autres. La petite maison blanche, malgré quelques grandes baies vitrées, semble être un bloc hermétique. La porte d’entrée est tellement intégrée dans la façade lisse de la maison qu’on a du mal à déceler sa présence. Les fenêtres toutes carrés aux emplacements semblant aléatoires ne donnent pas d’indications claires sur la disposition intérieure des pièces. La maison est en fait composée de 17 pièces sur les 77.68m2 de surface au sol et sur trois étages intérieurs. Une partie du troisième étage est ouvert sur l’extérieur faisant office de terrasse et de pièce pour prendre le thé. Les pièces sont de tailles et de hauteurs de plafonds très diverses, placées autour d’un escalier en colimaçon au centre de la maison. Les murs du bloc blanc immaculé sont faits de panneaux de feuilles d’acier de quelques centimètres seulement, assez fines pour maximiser l’espace habitable. Les murs intérieurs entre deux pièces sont découpées sans fenêtres, ce qui donne une vue permanente sur les autres pièces et laisse passer l’air dans les espaces. Les pièces ne sont pas complètement fermées les unes par rapport aux autres et permettent une certaine transparence au sein de la famille vivant à l’intérieur de la maison. L’espace est en même temps assez peu exposé à l’extérieur car les ouvertures sont assez peu nombreuses.
On reconnaît des similitudes dans les formes et l’esthétique de House in a plum grove avec d’autres œuvres architecturales de Ryue Nishizawa, son associé au sein du groupe SANAA, notamment Moriyama House construite pendant la même période. Bien que pour Moriyama House, la maison soit éclatée en de multiples blocs placées dans le jardin, chaque unité habitable suit cette même esthétique du bloc blanc lisse et propre avec ouvertures fusionnant parfaitement avec les pans de murs et à l’emplacement imprévisible. Par rapport aux images que j’avais pu voir de House in a plum grove dans les magazines d’architecture, la végétation autour de la maison a bien poussé, ce qui amoindrit un peu l’impact du blanc de la structure. Ceci étant dit, le passage des années n’a pas vraiment attaqué les surfaces qui restent blanches et propres. Il faut juste faire abstraction de ces affreuses affiches d’élection jaunes et rouges posées sur un des murs. Un détail intéressant est la végétation placée sur le toit, donnant l’impression que tout le troisième étage est ouvert sur l’extérieur.
Après cette découverte de House in a plum grove à Setagaya, je reprends la route vers Shibuya en me rappelant d’une autre maison conçue par SANAA dans le quartier de Shōtō, quartier résidentiel au bord de Shibuya. Je pars donc à la recherche de M House. L’adresse que j’avais noté quelque part dans les notes de mon iPhone doit me permettre de la retrouver facilement. En chemin, je découvre, ou ré-découvre plutôt, des bâtiments intéressants et même une maison aux allures de forteresse très intriguante. J’y reviendrais dans un prochain billet. Mais, je tourne et vire dans le quartier sans trouver de traces de M House. Je recherche quelques photographies sur Internet pour me remettre en tête la forme exacte du bâtiment, au cas où je serais passé devant sans le remarquer. Je me rends assez vite compte que M House à été rasée, complètement détruite. En comparant avec des photographies vues sur Internet, je reconnais les maisons alentours, mais le terrain que je vois devant moi, celui de la photographie ci-dessus, est vide. J’ai un peu de mal à réaliser qu’un bâtiment relativement récent (datant de 1996/1997) dessiné par des architectes récompensés du prix Pritzker, puisse disparaître aussi rapidement. L’architecture à Tokyo reste avant tout éphémère.
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