Le titre du billet 世界はモノクロだった, le monde était monochrome, me donne envie de revenir au noir et blanc pour cette petite série de photographies prises à Yokohama pendant une journée de congé. Nous n’allons pas très souvent à Yokohama, mais nous avions quelque chose à y faire ce jour là (je retranscris en français une manière de parler très usitée et pratique en japonais pour dire qu’on est occupé à faire quelque chose sans avoir à préciser de quoi il s’agit exactement). J’ai quelques heures disponibles pour me promener seul à Yokohama pendant que Mari est occupé et que Zoa est parti en voyage de classe. À Yokohama, je voulais d’abord voir le terminal maritime Osanbashi, mais j’y reviendrai dans un autre billet. Je marche le long de l’océan dans le quartier de Shinko où se trouve les grands hangars de briques rouges. Il fait doux mais le vent souffle en bord de mer. J’aime le vent fort quand il vient de l’océan. Il y a beaucoup d’écoliers dans ce quartier, ils doivent également être là pour un voyage scolaire. C’est la période en ce moment me dit Mari. Je n’utilise plus beaucoup le noir et blanc pour mes photographies, mais j’ai tout de même commencé une pellicule argentique monochrome il y a plusieurs semaines. J’aime bien revenir de temps à l’argentique noir et blanc, histoire de se souvenir qu’autrefois le monde était monochrome.
S’il y a au moins un point positif à la revue de Sandokushi sur Sputnik Music, c’est le fait que son auteur, dans un aparté hors-sujet, m’a rappelé d’aller écouter la musique d’Etsuko Yakushimaru やくしまるえつこ. Le titre du billet est extrait des paroles du morceau AfterSchoolDi (E) Stra (U) Ction (放課後ディストラクション) sur le EP du même nom de Etsuko Yakushimaru. J’aime beaucoup ce morceau et sa vidéo assez minimaliste construite de dessins manga presque statiques. La vidéo se déroule en mode VR360, c’est à dire qu’on peut se promener autour des images. Je ne suis à priori pas spécialement amateur de ce style de voix assez aiguë de type idole. Je préfère les voix plus affirmées, mais cette voix et cette manière de chanter dans ce morceau s’accordent bien avec les touches électroniques et les motifs de guitares plutôt minimalistes. Le morceau donne l’impression d’avoir des contours flous et cela donne le sentiment d’être au bord d’un rêve. Le rythme du morceau est très fluide et accrocheur, ce qui donne envie d’y revenir sans cesse.
Sur le EP de trois titres, il y a un morceau intitulé Hitotsuhan (ひとつ半), un et demi. Le ton est beaucoup plus grave et sombre. C’est une ambiance complètement différente du premier morceau du EP et du deuxième qui est en fait un remix du premier morceau. Yakushimaru y raconte une histoire. Elle ne chante pas mais raconte son histoire calmement et doucement en pesant ses mots. Ces paroles sont posées sur un morceau instrumental minimaliste de guitares, qui se fait à peine entendre au début mais devient petit à petit omniprésent. La musique prend de plus en plus de place au fur et à mesure que l’histoire se déroule. Pendant qu’elle raconte son histoire, on surprend de temps en temps des soupirs presque inaudibles. Il y a beaucoup de mystères entourant ces paroles et cette musique, dont la fin en crescendo me donne toujours froid dans le dos.
Etsuko Yakushimaru nous raconte l’histoire d’un homme montant dans un taxi déjà occupé par une jeune femme, le soir. Bien que surpris car ne reconnaissant pas le visage de cette femme, il laisse le taxi démarrer et ils se retrouvent tous les deux dans ce taxi. Il se demande s’il connaît cette jeune personne. Après un peu d’hésitation, elle lui rappelle d’une voix faible qu’ils se sont déjà vus dans un restaurant de udon où elle travaillait dans la préfecture de Shimane, alors qu’il s’y était rendu pour un voyage d’affaire. L’homme reste dans l’incompréhension devant les propos de la jeune femme, car les souvenirs de cette jeune femme ne lui reviennent pas. Il se souvient par contre avoir été à Shimane pour son travail l’année dernière. La jeune femme prononce ensuite soudainement les mots « un et demi ». L’homme ne comprend pas ce que cela veut dire, pense qu’elle lui donne l’heure, 1hr et demi, alors qu’il n’est pas encore minuit. Elle lui demande ensuite s’il n’a pas remarqué… A ce moment là, la suite du dialogue devient plus difficile à suivre, envahi par le crescendo musical de guitares. L’homme descendra ensuite du taxi précipitamment sans comprendre ce qu’a voulu réellement lui dire la jeune femme. L’histoire se termine à ce moment là en laissant plein de mystères. L’intensité y est vraiment très forte, accentuée par l’ambiance musicale pleine de sons étranges et par la manière de racontée très sensible d’Etsuko Yakushimaru. Je ne connais pas le sens exact de cette histoire, mais on peut deviner que le « un et demi » pourrait correspondre à l’age d’un enfant, qu’elle aurait eu avec cet homme après une histoire d’un soir à Shimane. On imagine qu’elle attendait patiemment dans ce taxi à la sortie du bureau, pour revoir cet homme et essayer de lui dévoiler l’existence de cet enfant. Il semble qu’elle ne réussira pas dans cette tentative. La tension musicale du final du morceau donne le sentiment d’un envahissement de désespoir. Ce morceau est très touchant.