a day with s (4)

Après la visite du Grand Bouddha, on hésite quelques instants sur notre prochaine étape. Je me souviens d’un chemin dans la forêt qui nous amènerait jusqu’au sanctuaire de Zeniarai Benten. Ce chemin démarre par un escalier étroit derrière l’enceinte du temple où se trouve le Grand Bouddha, près d’un tunnel. On arrive au pied de l’escalier sous une pluie fine qui ne durera pas et un panneau « Danger » nous indique qu’il est fortement déconseillé de s’aventurer sur ce chemin. J’imagine que le typhon numéro 15 (encore lui) a également fait des dégâts dans cette forêt, peut être des coulées de terre ou des arbres arrachés empêchant le passage. Après une petite hésitation, nous rebroussons chemin vers des routes plus sûres qui nous amèneront juste à côté, au temple Hasedera. Il est connu pour ses hortensias quand c’est la saison. Depuis la station Enoden, sur la rue qui nous amène vers le Grand Bouddha, on remarque tout de suite la lampe rouge de l’entrée du temple. Elle attire le regard. Le pin à l’oblique frôlant la porte est magnifique, très bien entretenu comme les jardins à l’intérieur. J’avais un peu oublié à quoi ressemble ce temple, car nous n’y sommes pas allés depuis des années, mais il vaut le décor.

La fin de notre long parcours nous amène ensuite vers le centre de Kamakura, après avoir repris le train Enoden depuis la station Hase. Nous ne manquons pas d’aller au grand sanctuaire de Tsurugaoka Hachimangu où Mari et moi nous sommes mariés il y a bien longtemps. Il y avait justement un mariage au moment de notre passage, et il avait lieu, comme pour nous, au centre de la place principale. La cérémonie se déroule devant les regards des amis et de la famille, mais également des passants et touristes (comme nous, cette fois-ci). En y repensant, c’est tout de même une situation très particulière. Mon cousin S est surpris par les couleurs de la partie haute du sanctuaire. Les lumières de fin de journée accentuent d’ailleurs les contrastes. J’ai hâte que Tsurugaoka Hachimangu entre dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Bien que la demande ait déjà été faite plusieurs fois dans le passé, il n’a pas encore été sélectionné. C’est un peu comme le prix Nobel de littérature pour Haruki Murakami, on l’attend tous les ans, mais il n’arrive jamais. Dans l’enceinte du sanctuaire, le Museum of Modern Art, Kamakura renaît sous le nom de Tsurugaoka Museum, Kamakura. Le bâtiment conçu en 1951 par l’architecte japonais Junzo Sakakura, disciple de Le Corbusier, est reconnu pour son architecture moderne. Le terrain où se trouve le musée, propriété du sanctuaire, était sous un bail qui se terminait il y a quelques années. Au moment de la remise du terrain au sanctuaire, j’ai eu quelques craintes qu’on le détruise, mais il a été en fait rénové avant sa nouvelle ouverture sous le nom Tsurugaoka Museum en Avril 2019. Nous n’avions malheureusement pas le temps de voir l’intérieur cette fois-ci, car il ne nous restait que 30 minutes avant la fermeture de notre dernière étape de la journée, le temple Engakuji. Nous y entrons 20 minutes avant la fermeture, mais on n’est pas chassé de l’intérieur après la fermeture. Il y a très peu de monde à l’intérieur à cette heure-ci. Certaines parties du temple sont malheureusement fermées, mais on apprécie tout simplement marcher à l’intérieur de l’enceinte du temple. J’aime beaucoup cet endroit et je l’ai déjà beaucoup visité. La fin d’après-midi avant la fermeture est un moment particulier, car on peut avoir l’impression d’être seul dans ce grand temple. Les jardiniers sont bien sûr là, cachés dans les fourrés, à nettoyer les jardins et tailler les arbres, mais on intègre ces mouvements discrets dans l’ambiance des lieux. C’était la dernière étape d’une journée bien remplie. Nous n’avons pas marché autant que pendant notre rencontre à Tokyo il y a plusieurs mois, mais nous avons discuté tout autant. Avant notre retour en train vers Tokyo, nous prenons un dernier dîner à la gare de Ofuna, avec la mère de Mari qui n’habite pas très loin de là.

how to repeat Tokyo endlessly (κ)

Des figures Animales fantastiques ont pris d’assaut visuellement le carrefour de la rue Kotto et de l’avenue Aoyama (ou route 246). J’ai vu trois grandes affiches noires à des coins de rue, parfois un peu cachées, mais je ne montre que deux d’entre elles en photographies ici. Il s’agit d’une campagne publicitaire pour la marque de vêtements à tendance sportive Y-3, collaboration de Yohji Yamamoto avec Adidas. Cet étrange chat féroce à trois yeux, imaginé par Yohji Yamamoto, serait né d’une combinaison d’éléments culturels japonais et maoris, pour les maillots de l’équipe de rugby des All Blacks néo-zélandais. Ce chat représente le concept maori du kaitiaki, le gardien assurant le respect de l’environnement, et l’image japonaise du Fuku Neko, le chat portant chance. Cette figure de chat mythique est utilisée sur les maillots d’entrainement de l’équipe des All Blacks. Un peu plus loin vers le quartier de Hiroo, je découvre un nouveau bâtiment à la structure intéressante, posé sur un bloc excentré d’un côté et sur quatre pilotis fins de l’autre. Je me demande comment se fait l’équilibre de l’ensemble. La grande façade de verre est très élégante mais je soupçonne que les propriétaires n’ouvriront que très rarement les grands rideaux. Avoir de grandes ouvertures vers l’extérieur est très attirant, mais ce petit immeuble attire les regards depuis la rue, surtout quand la nuit tombe et que le grand espace intérieur fait d’un haut plafond est complètement éclairé. Je repasse ensuite au centre de Shibuya alors que l’on peut maintenant entrer à l’intérieur du nouvel immeuble, toujours en construction, Shibuya Scramble Square. On peut seulement le traverser aux bas niveaux. Ce ‘neo Shibuya’ de concrétisera en grande partie l’année prochaine, mais le changement de Shibuya continuera.

Je me suis procuré Anima de Thom Yorke dès sa sortie sur iTunes mais je n’en avais pas encore parlé ici. Ce ne sont pas les occasions qui manquaient mais cet album n’est pour moi, pas écoutable à tout moment. Je l’avais même acheté dès les premières heures où il était disponible sur iTunes, mais je ne l’avais pas écouté tout de suite. Je l’ai laissé reposé dans mon iPod pendant quelques jours avant la première écoute. Je savais déjà, rien qu’en voyant la pochette, que j’aimerais cet album, qu’il serait profond et inventif, mais aussi exigeant. Pour résumer mon sentiment, c’est un album sublimement déprimant. C’est beau et minutieux, construit avec précision avec une multitude de sons qui se chevauchent sans faux pas. Chaque morceau est extrêmement élégant et profondément intime. C’est sublime de bout en bout mais il faut être dans les bonnes dispositions pour l’apprécier pleinement. J’ai écouté Anima quelques fois à sa sortie et j’ai fait une longue pause jusqu’à maintenant où je me mets à le réécouter et à le redécouvrir un peu plus en profondeur. Anima est très électronique mais pourrait très bien se présenter comme un album de Radiohead. Le ton de voix de Thom Yorke est tellement marqué et reconnaissable que je ne peux que difficilement faire la distinction entre ses albums solo et ceux au sein de Radiohead. Toujours est-il que je connais très peu d’artistes capables d’évoquer une telle intensité et profondeur émotionnelle à travers seulement quelques phrases et quelques notes fussent elles électroniques. En ce sens, cet album ne déçoit pas.

a day with s (3)

Je retrouve mon cousin S pour une nouvelle journée d’excursion. Son tour en Asie l’a ramené vers le Japon et Tokyo. Comme il a déjà vu beaucoup de choses sur Tokyo, certaines que nous avons vu ensemble la dernière fois, nous décidons d’aller du côté de Kamakura qu’il ne connaît pas encore. Ça tombe très bien car je connais très bien Kamakura et ses alentours sur la côte de Shonan. Nous ne nous éloignerons pas des trajets et visites classiques car il y a, à Kamakura, des lieux qu’il ne faut de toute façon pas manquer. Le typhon numéro 17 qui passe au loin sur la mer du Japon nous menace de pluie pour cette journée de dimanche, mais nous avons de la chance car les gouttes nous ont évité, à part pendant une courte période lors de notre visite du Grand Bouddha. D’ailleurs, de toutes les visites que j’ai pu faire du Daibutsu, j’ai toujours souvenir d’averses en général assez courtes. Le Grand Bouddha doit attirer la pluie. C’est d’ailleurs ce que j’ai pensé de mon cousin sans lui dire. Il doit attirer la pluie car la dernière fois que nous nous sommes vus à Tokyo, la journée était pluvieuse. C’est le concept du Ame Otoko ou Ame Onna (homme ou femme qui attire la pluie) par opposition au Hare Otoko ou Hare Onna (homme ou femme qui attire le beau temps). Comme il n’a finalement pas vraiment plu de la journée, mon cousin S doit être neutre, comme je le suis également vis à vis des éléments naturels. La mère de Mari est par contre clairement Hare Onna (femme qui attire le beau temps), et c’est assez pratique pour certaines occasions importantes comme le match de rugby que nous avons vu le jour d’avant, le samedi. La météo annonçait clairement de la pluie pendant le match. Comme la mère de Mari nous accompagnait, je n’ai pas eu beaucoup d’inquietude. Et il n’y a finalement pas eu de pluie la journée de samedi. La même démonstration s’était d’ailleurs produite le jour de notre mariage il y a quinze ans. On retrouve d’ailleurs cette idée du contrôle possible de la pluie dans le dernier film d’animation de Makoto Shinkai, Tenki no Ko (天気の子 ou Weathering With You dans son titre en anglais). L’histoire est différente mais l’esprit du film est dans la lignée du film précédent de Makoto Shinkai, Kimi no Na (君の名は。), qu’on ne présente plus tant il a été populaire dans le monde entier. Le niveau de détails et le réalisme du décor urbain est comme toujours à couper le souffle. J’ai beaucoup aimé ce film vu au cinéma quelques jours après sa sortie.

Pour revenir à notre visite de Kamakura, nous avons en fait commencé notre journée par une visite de l’île d’Enoshima. Le monorail suspendu nous a transporté à grande vitesse de la station de Ofuna jusqu’au terminus de Enoshima. Pendant ce trajet de quelques dizaines de minutes, nous parlons de montagnes russes et de la sensation de vertige que l’on partage tous les deux mais de manière un peu différente. Le monorail se frayant un chemin à toute vitesse dans les montagnes de Kamakurayama ressemble à un serpent ou à un petit train de montagnes russes, bousculant le passager à chaque montée et descente. En arrivant à la gare de Enoshima, je me rends compte qu’elle a été entièrement modernisée. Ça doit être l’approche des Jeux Olympiques car une épreuve, celle de voile, se déroule à Enoshima. On ne retrouve pas la foule des week-ends sur l’île et c’est une très bonne chose, car il est sinon difficile de circuler sans se bousculer dans les rues étroites d’Enoshima. Nous passons d’abord devant le sanctuaire principal tout en haut de l’allée en pente. Au niveau du sanctuaire, on a eu belle vue sur le bord de mer et le pont routier donnant accès à l’île. Quelque chose semble différent car la vue est plus dégagée que d’habitude. Un des grands arbres a été coupé, peut être en raison du dernier typhon numéro 15 ayant frappé la région du Kanto, en particulier Kanagawa (où se trouvent Enoshima et Kamakura), Chiba et Tokyo. Nous traversons l’île jusqu’à la côte rocheuse de l’autre côté. La marée semble un peu plus haute que d’habitude car l’accès aux rochers est interdit. Un homme monte la garde et surveille un pêcheur posé sur un des rochers. Peut être a t’il un permis ou peut être va t’il se faire sérieusement disputer lorsqu’il remettra les pieds sur les zones autorisés à tous. Les galeries souterraines que nous avions déjà visité sont fermées le jour de notre passage. Encore un des dégâts du typhon peut être. Nous déjeunerons au milieu de l’île, sur la terrasse du restaurant que je préfère, celui où l’on peut manger des pâtes ou pizza aux petits poissons Shirasu. La température est idéale sur cette terrasse et la vue sur l’océan est des plus reposantes. Un milan noir vole pourtant en cercle au dessus de nous. La terrasse étant recouverte, on ne craint pas grand chose mais ces oiseaux n’hésitent pas à piquer soudainement pour essayer de récupérer un peu de nourriture. Nous en avons fait la malheureuse expérience, il y a plusieurs années, lors d’un pique-nique. Après le déjeuner, nous prenons la ligne de train Enoden pour descendre à la station de Hase, proche du Grand Bouddha. Il était bien là, fidèle au poste dans sa position immuable. Je l’imagine toujours un peu plus grand qu’il ne l’est en fait, mais il reste tout de même impressionnant.

how to repeat Tokyo endlessly (ι)

Cette série répétant Tokyo indéfiniment a du mal à se terminer comme l’annonce déjà le titre mais je m’arrêterais peut être quand j’aurais épuisé toutes les lettres de l’alphabet grec. Il y aura certainement quelques pauses en cours de route. Les photographies ci-dessus datent déjà de plusieurs semaines, au point où j’en oublie un peu le contexte. Sur les deux premières dans Ginza, je me souviens que l’on recherchait des vieilles boutiques et restaurants pour un devoir d’école de Zoa. La première photographie montre une très ancienne boutique de dashi. Nous irons aussi taper à la porte de vieux restaurants à Ningyocho. A chaque visite, le fiston interview brièvement le responsable de la boutique et on prend une photo. Tout se fait très facilement car chacune des personnes des boutiques semble être très enclin à nous parler de son établissement, avec une certaine fierté. La photographie suivante est prise un peu avant à la mi-août. Nous sommes dans un restaurant et je suis assis juste en face de la tour Sky Tree. Les deux dernières photographies sont prises cette même journée dans le parc Kasai Rinkai au bord de la baie de Tokyo dans l’arrondissement d’Edogawa. Je connaissais ce parc de nom mais nous n’y étions jamais allés. Il est extrêmement vaste et donne une belle vue sur la baie, d’un point de vue que je ne connaissais pas. Un pont donne accès à une île artificielle, mais il n’y a malheureusement pas de plages de sable. On voit plutôt des apprentis pêcheurs au bord de l’eau.

La Coupe du Monde de Rugby vient de démarrer au Japon et nous sommes allés voir en famille le premier match de la France contre l’Argentine le samedi 21 septembre. Je suis très loin d’être un spécialiste du ballon oval, et je ne maîtrise pas toutes les subtilités des règles, mais je me laisse en général emporter par l’enthousiasme des grandes compétitions internationales. À vrai dire, nous avons vu à la télévision le premier match de la coupe entre le Japon, pays hôte donc, et la Russie, et c’était passionnant. Surtout quand les passes vers l’arrière s’enchainent in-extrémis ou qu’un des joueurs fait une échappée belle avec le ballon en surprenant tout le monde. Le match de la France contre l’Argentine se déroulait au stade de Tokyo. Quand on a acheté nos places l’année dernière, je pensais que le stade de Tokyo serait le nouveau stade olympique conçu par Kengo Kuma, mais il n’est pas encore terminé. Je pense que les polémiques autour des coûts du design original de Zaha Hadid et le changement d’architecte ont introduit des retards sur le planning de disponibilité du stade. La compétition à Tokyo se passe donc au stade Ajinomoto de Chōfu, sur les lignes de train Keio depuis Shibuya ou Shinjuku. C’est un peu loin du centre, mais on arrive au stade sans trop de soucis car il ouvre ses portes à 13h pour un coup d’envoi 16:15, assez de temps pour étaler les arrivées. Je suis amusé et je dirais même heureux de voir des supporters français déguisés et parfois même entièrement peints de couleur bleu. Le match démarre assez vite après notre arrivée dans les gradins. Le suspense a été présent pendant tout le match jusqu’au dernières secondes. La première mi-temps était très bonne pour les bleus mais la deuxième partie était beaucoup plus en deçà. L’équipe de France a quand même tenu bon face à l’Argentine (grâce à nos chants de supporters) et gagnera avec une petite avance de 23 points contre 21. Le retour sera plus difficile car la foule, plus de 44,000 personnes ce soir là, se dirige majoritairement vers la station de train la plus proche, celle de Tobitakyu. Nous tentons plutôt de marcher vers la station d’après, mais on pressent que la foule s’y agglutine également. Nous changeons alors complètement de stratégie en prenant le bus vers Musashi Sakai. Nous faisons en fait un pas de côté pour nous éloigner des lignes bondées. Nous avons eu la bonne idée de prendre ce bus au plus proche de la station de Nishi Chōfu, car il se remplira ensuite très vite au fur et à mesure des stations. Après une trentaine de minutes, nous arrivons à Musashi Sakai, a deux stations de Kichijoji. La suite du parcours s’est fait beaucoup plus tranquillement.

un matsuri près de Kamakura

J’ai assisté plusieurs fois à ce matsuri autour de Aoki, un sanctuaire placé sur une colline boisée près de Kamakura. Cette fois-ci, j’assiste au démarrage du matsuri en fin de matinée. Les principaux acteurs du quartier ainsi que quelques invités des quartiers proches se présentent brièvement devant le sanctuaire. Deux officiels font également un petit discours avant de démarrer la procession qui prendra toute la journée jusqu’au soir avant la pluie qu’on annonce. On distribue un peu de saké dans un gobelet en carton à tous les gens autour dont je fais parti, pour marquer le départ avec un kanpai. Tous les ans, le même meneur au crâne tondu emmène le sanctuaire portatif appelé mikoshi à travers les rues du quartier, en chantant inlassablement dans un haut-parleur pour maintenir l’ardeur des troupes. Je les suis sur plusieurs centaines de mètres en prenant des photographies tout en évitant de se faire emporter dans un mouvement brusque. Cette année, il y a quelques agents de sécurité avec un filin démarquant le parcours à suivre. J’ai tendance à prendre trop de photographies lors des matsuri, et je suis le seul avec un reflex, mais personne ne semble le remarquer. Le mikoshi va bon train et les porteurs sont enjoués. J’essaie de saisir des visages mais tout va très vite et les gardes de sécurité m’empêchent de me déplacer rapidement vers l’avant du cortège. Je les laisse finalement s’éloigner.