C’est la fin de l’été et on entre tranquillement dans le mois de septembre. A ce moment chaque année, les matsuri de quartier envahissent les rues de Tokyo et d’ailleurs. Celui que nous allons voir ce dimanche est un peu différent car il s’agit du matsuri de l’école des Beaux Arts de Tokyo (Geidai), où Mari a étudié quand elle était plus jeune. Nous allons tous les ans à cette fête de l’école appelée Geisai qui se déroule sur trois jours du vendredi au dimanche. Nous y faisons toujours une visite rapide car il nous faut ensuite aller faire un tour au matsuri du sanctuaire Hikawa qui se déroule la plupart des années le même week-end. Ce n’est pas le cas cette année car le matsuri de Hikawa se déroule une semaine après celui de l’école des Beaux Arts. Cela ne nous a pas vraiment donné plus temps car un grand typhon, le numéro 15, arrivait tout droit sur Tokyo le jour de notre visite. On attendait d’abord ce typhon en début d’après-midi, mais il n’arrivera finalement que tard le soir. Une bourrasque de vent et de pluie nous a quand même surpris pendant notre visite, alors que nous étions à l’extérieur. La masse de visiteurs s’est à ce moment regroupée à l’intérieur des immeubles de béton de l’école. Nous en profitons comme tous les ans pour passer en revue les œuvres étudiantes du département de peinture à l’huile et de nihonga. J’y trouve toujours des belles choses inspirantes, mais aussi beaucoup d’œuvres naissantes qui se cherchent et qui n’ont pas encore grand intérêt. En plus des peintures sur les murs, j’aime observer discrètement et sans photographies les jeunes artistes eux-mêmes. Dans une salle blanche, un jeune homme aux cheveux bouclés blonds couvert d’un manteau en mouton tout aussi bouclé semble être hypnotisé par son œuvre. Dans un couloir du même étage, une jeune fille gothique a une étrange coiffure dont la mèche, coincée sous un bonnet, dépasse pour lui couvrir presque tout le visage. On se demande comment elle peut voir devant elle, mais elle a l’air de maîtriser ses mouvements. On voit parfois dans les couloirs de l’école des personnages singuliers. Le but de notre visite en ce dimanche matin, avant que le typhon ne vienne frapper le centre de Tokyo, était de voir les quatre chars mikoshi créés par les étudiants à l’occasion de ce matsuri. Ils sont en général inspirés de personnages imaginaires ou d’animaux mythiques, qu’on a parfois du mal à reconnaître. Un des chars est disposé à l’intérieur de l’école tandis que les autres sont mis en exposition près de la gare de Ueno, comme l’année dernière. Nous ne les avons jamais vu en mouvement car la parade avait lieu le vendredi. Alors que nous sortons de l’école pour regagner le parc de Ueno, nous tombons sur un autre mikoshi qui retourne prématurément, avant le typhon, vers l’intérieur de l’école. C’est un cheval couvert de fleurs géantes, très bien exécuté. Nous verrons malheureusement pas les deux autres mikoshi. A ce moment là, l’arrivée du typhon ne montrait aucun signe, à part des grandes montagnes de nuages. Depuis le huitième étage du building du département de peinture, la vue sur l’enceinte très verdoyante de l’école, avec la tour Tokyo Sky Tree en fond de tableau, est d’ailleurs vraiment superbe. Nous regagnons ensuite l’appartement en milieu d’après-midi, allons ensuite à la piscine car le typhon se fait attendre. Alors que je pensais qu’il frapperait de plein fouet Tokyo dans la soirée du dimanche, l’oeil du typhon sera en fait au dessus de Tokyo à 3h du matin. Les vents seront forts jusqu’au matin vers 6h. De nombreuses lignes de trains sont fermées jusqu’à 8h ou plus pour effectuer des vérifications. Le métro n’est par contre pas vraiment affecté. En me levant tôt, je n’ai pas de problème de transport. Ce n’est pas le cas pour tous. J’ai le sentiment que l’intensité des typhons touchant le Japon augmente d’années en années. Le lendemain, après que le ciel se dégage enfin, le thermomètre affiche 36 degrés, des températures inhabituellement hautes pour un mois de septembre.
Mois : septembre 2019
how to repeat Tokyo endlessly (ε)
Je garde toujours un œil curieux sur les motifs urbains à Shibuya, que ça soit les stickers amoncelés sur des coins de murs ou les imageries promotionnelles qui envahissent l’espace. Je ne sens personnellement pas submergé par ces images et je les recherche au contraire, surtout quand elles sont détournées comme ce Sonic désœuvré qui aurait perdu la forme physique suite au manque de missions à accomplir. Je ne suis pas sûr que l’image de Pikachu sur une machine de distribution automatique de boissons soit détournée et elle a même l’air officielle, mais le détournement se fait après quand on y ajoute des traits pour brouiller la visibilité. J’aime surtout ces panneaux de protection de travaux dessinés de scènes urbaines. Une image montre une rue avec les fameux poteaux et fils électriques que l’on enterre jamais. Les ombres de vrais fils électriques viennent se superposer sur les images des panneaux et cela apporte une autre dimension artistique à ces dessins éphémères presqu’anodins. Les poteaux électriques dans les rues sont devenus tellement emblématiques de la complexité, intéressante pour l’oeil du photographe, de l’urbanisme tokyoïte qu’il serait vraiment dommage de les supprimer. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait une intention forte de toute façon, car j’ai pu constater que la construction de nouvelles résidences ne s’accompagnait à priori pas de l’enterrement des fils électriques qui les entourent. La priorité est plutôt à la mise en place d’espaces verts, même sur les toits. On ne peut qu’apprécier cette introduction de verdure dans l’environnement urbain.
Je garde toujours une oreille curieuse sur la musique que crée Meirin sous le nom d’artiste Zombie-Chang, car on y trouve très souvent des brins de folie contagieuse. J’en parle régulièrement sur ses pages. Tous ses morceaux ne me plaisent pas forcément mais ils sont toujours plein d’originalité et c’est à chaque fois un plaisir de la voir évoluer sur les vidéos de ses nouveaux morceaux. Sur Gold Trance, elle joue l’attitude d’une jeune branchée à Shibuya mais qui se serait acoquinée avec des gens peu fréquentables. Ces vieux messieurs de la pègre ont l’air plus vrai que nature, tout droit sortis d’un film de Scorsese mais en version japonaise. Zombie-Chang n’a pas l’air de trop s’en inquiéter et les fait même danser une chorégraphie ridicule à contre emploi. La vidéo est très drôle et même meilleure que le morceau en lui-même. J’aime surtout les expressions forcées du visage de Meirin qui sur-jouent volontairement les scènes de la vidéo dans une autodérision certaine. Mais cette musique électronique accompagnée de la voix inhabituelle de Zombie-Chang est très addictive et décalée. On a envie d’y revenir souvent et dans la foulée, je réécoute un morceau un peu plus ancien We should Kiss, plus construit mais tout aussi fou et décalé, surtout quand il se fait interrompre par des sons de passage à niveau pour trains.
「分からない」でも「感じる」
Je reviens vers ces images d’océan prises à Inamuragasaki sur la côte du Shonan car ce moment passé là bas, que je décrivais dans un billet précédent, m’a laissé une forte impression. Je joue par contre sur les contrastes et le noir et blanc sur ces images fabriquées. Je mélange maintenant volontairement les roches avec les flots pour essayer de créer des images fortes. Je ne prétends pas réussir à le faire, mais la noirceur des images mélangée à la complexité de ces formes imbriquées les unes avec les autres me laissent une impression d’un lieu surnaturel ou même lunaire. Ces images composites m’amènent à ressentir plutôt qu’à comprendre.
Alors que je suis en train de lire le numéro spécial des Inrockuptibles sur The Cure (que Micka m’a gentiment offert avec d’autres numéros), me vient maintenant en tête d’écouter Siouxsie and The Banshees. J’y repense car Robert Smith a fait partie du groupe pendant une courte période en parallèle de The Cure. Visuellement parlant, il partage avec Siouxsie Sioux un certain intérêt pour les chevelures désorganisées, et ils seront tous deux sans vraiment le vouloir les initiateurs du mouvement gothique. Avec Siouxsie and The Banshees, je commence par l’album Juju de 1981 et je ne suis pas déçu. Je ne connaissais du groupe que le morceau Hong Kong Garden que j’aimais déjà beaucoup. Je ne sais pas pour quelle raison je m’étais arrêté là, je regrette maintenant de n’avoir pas écouté plus tôt tant cet album est puissant, comme une musique de combat. Dès le début de l’album, je retiens cette batterie qui bat comme un cœur en pleine course pour ne pas se faire dépasser par la voix puissante et sûre de Siouxsie Sioux. Dès le premier morceau Spellbound, elle impose avec son chant affirmé une dynamique imparable. La voix de Siouxsie est clairement un des éléments qui m’accroche le plus dans la musique du groupe, mais la qualité des guitares est également exceptionnelle. Je ne connais pas encore les autres albums du groupe, mais on dit que Juju est le plus sombre. C’est tout de même moins noir que Pornography de The Cure sorti l’année d’après en 1982. Un morceau comme Monitor me fait un peu penser aux morceaux de Jun Togawa et de Yapoos, pas forcément dans le registre de chant qui est un peu différent, mais dans l’engagement émotionnel qui se dégage de la voix de Siouxsie. On n’atteint pas les sommets émotionnels de Robert Smith quand il chante sur les morceaux The figurehead ou A Strange Day en particulier (sur Pornography toujours), mais la tension sur un morceau comme Night Shift est palpable. Mais on trouve cette tension sur tout l’album, comme si Siouxsie ne voulait rien lâcher.
how to repeat Tokyo endlessly (δ)
Une série de photographies peut parfois se passer de commentaires mais j’ai (presque) toujours envie d’écrire quelque chose. Je reprends, pour une série de billets commençant par celui-ci, le titrage ci-dessus qui fait suite à trois épisodes publiés il a un peu plus de deux ans. Les photographies de ce billet montrent des affichages organisés ou sauvages dans les rues de Shibuya, ainsi que des points de nature dans les espaces non-utilisés entre les bâtiments. On trouve typiquement le type d’espace vert de la quatrième photographie après la destruction d’une maison, avant qu’on y construise un nouvel édifice ou un parking (même minuscule). Je trouvais cette plante aux diverses ramifications assez particulière, assez pour m’y intéresser photographiquement. Dans les rues de Shibuya, circule en ce moment un long camion faisant la promotion du nouvel album de Taylor Swift. Je n’écouterais probablement jamais cet album, alors pourquoi m’y intéresser ici? Peut être pour les couleurs de cette affiche qui illuminent un peu les rues. Je suis surpris que Pitchfork parle autant de Taylor Swift pour la sortie de son nouvel album, en faisant même une rétrospective des albums précédents. Je me rends d’ailleurs compte qu’ils sont tous assez bien notés, ce qui m’étonne beaucoup. Pitchfork est il toujours une source fiable? À vrai dire, Pitchfork influence de moins en moins mes choix musicaux, mais j’aime toujours jeter un œil curieux sur leurs classements par genres musicaux, pour y trouver peut être de nouvelles pistes de découvertes musicales.
Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau KANJIRU (感じる) sur le EP du même nom sorti le 30 août 2019, par Aya Gloomy.
J’avais parlé de la compositrice interprète Aya Gloomy il y a un peu plus d’un an pour son premier album Riku no Kotō (陸の孤島). Elle vient de sortir le 30 août un nouvel EP intitulé KANJIRU (感じる) qui mélange toujours la pop électronique avec une bonne dose d’inventivité expérimentale. Par rapport au premier album, la musique se fait plus dense, moins minimaliste, bien qu’on reconnaisse tout de suite certains motifs musicaux qui lui sont propres. Il y a surtout cette voix et cette façon de chanter en japonais découpant bien les mots. Elle semble même chanter avec un accent étranger sur certains morceaux comme le troisième CLOUDED. Le deuxième morceau-titre KANJIRU est le single du EP et possède une vidéo où on la voit évoluer dans son quartier d’une banlieue de Tokyo que je ne reconnais pas, monter à l’arrière d’une moto pour rejoindre un snack karaoke avec une porte cachée à l’arrière donnant sur un autre monde de la nuit. La coupure dans le morceau sur la vidéo où le patron se met à chanter d’une voix distordue au karaoke, n’est pas dans le morceau original du EP (heureusement en fait), mais donne une bonne idée de l’excentricité du personnage aux multiples couleurs de cheveux. Le EP Kanjiru est je trouve dans la continuité de son premier album, elle y développe son univers dans un style unique et personnel qui mériterait un peu plus de reconnaissance.