ネズミ・マウス

L’année 2020 sera sous le signe de la souris et on les voit apparaître un peu partout dans les rues de Tokyo, ici à Marunouchi. Le long de la Naka-dori qui devient piétonne le week-end et qui est illuminé le soir pendant les fêtes, on peut voir en ce moment des statues sur le thème du rugby. Elles ont dû être mises en place sur quelques bancs de la rue pendant la coupe du monde de rugby. On peut y voir des symboles culturels japonais comme un ninja ou un lutteur de sumo. Je choisis de prendre en photo le personnage de Chiko Chan que l’on regarde à la télévision en famille tous les samedi matin sur NHK, tout en prenant le petit déjeuner. Sur les murs de l’escalier montant au quai de la ligne Yamanote à la gare de Yurakuchō, je suis surpris de retrouver une illustration de Shohei Ōtomo, montrant un personnage féminin cyborg habillé d’un kimono. Il s’agit d’une illustration publicitaire pour la Sony PlayStation.

La fin de l’année approchant très vite, l’envie me reprend comme tous les ans de faire le point sur la fréquentation du site. Pendant cette année 2019, au moment où j’écris ces lignes, j’ai publié 137 billets, ce qui est un peu plus que l’année dernière avec 126 billets publiés (95 billets pour l’année 2017). Il faut croire que l’inspiration ne tarit pas malgré les années. Je continue à prendre des photographies tous les week-ends sans vraiment me lasser, ce qui nourrit sans cesse mon envie de créer de nouveaux articles pour les montrer. L’envie d’écrire sur les musiques je j’aime est aussi souvent le point de départ des textes. J’essaie en général de trouver un point en commun entre la musique dont je vais parler et les photographies que je vais montrer dans un même billet. C’est la raison pour laquelle je continue à mélanger les deux. Je pense aussi que c’est ce mélange des genres qui maintient une certaine singularité de Made in Tokyo, même si la logique n’est pas évidente au premier coup d’oeil. C’est certainement une raison pour laquelle Made in Tokyo ne trouve pas un large public. Il y a eu 16330 visites sur l’année 2019 (soit environ 45 visites par jour), ce qui est en baisse assez significative par rapport à l’année 2018 avec 19410 visites (53 visites par jour), prenant en compte que l’année 2018 avait connu un rebond par rapport à l’année précédente (17841 visites en 2017). L’augmentation du nombre de billets en 2019, bien qu’elle ne soit volontaire, n’a pas influé sur la fréquentation du site. Par contre, le nombre de commentaires sur les billets est en augmentation constante avec 62 commentaires (excluant les miens) en 2019 contre 55 en 2018 (et 46 en 2017). C’est une note positive sur ces statistiques. Ceci étant dit, je ne me base pas uniquement sur ces statistiques pour continuer ce site, sinon il y a longtemps que j’aurais arrêté. Les réseaux sociaux vont très certainement continuer à grignoter du terrain sur les formats plus classiques du blog comme celui-ci, et je ne m’attends pas à une augmentation du nombre de visiteurs. Je me réconforte toujours en me disant que ça me permet d’être plus personnel dans mes textes, même si je m’impose volontairement beaucoup de limitations. Je cherche aussi volontairement à maintenir une certaine distance avec le brouhaha des réseaux sociaux.

Images extraites des vidéos sur YouTube des morceaux 1999 et Romance ロマンス du groupe Hitsuji Bungaku 羊文学 sortis respectivement en décembre 2018 et en juillet 2019.

Je découvre à la radio le morceau 1999 du groupe Hitsuji Bungaku 羊文学 dont je n’avais jamais entendu parlé jusqu’à maintenant et j’aime beaucoup ce que j’entends pour son ambiance rock indé à tendance shoegaze. En fait, le son de ce morceau me rappelle un peu celui du groupe Kinoko Teikoku きのこ帝国 sur un album comme Eureka. Il y a une certaine nostalgie qui est transmise à travers ce morceau et j’y suis sensible, d’autant plus que cette année 1999 donnant le titre au morceau correspond à mon arrivée à Tokyo. L’autre morceau que j’écoute du groupe s’intitule Romance ロマンス sur le EP Kirameki きらめき sorti en juillet 2019. Ce morceau rock prend des accents plus pop et coloré comme la vidéo. J’aime beaucoup la voix de Moeka Shiotsuka 塩塚モエカ sur ce morceau en particulier, le rendant immédiatement très accrocheur. C’est une excellente découverte musicale en cette fin d’année. J’aurais découvert beaucoup de belles choses musicales cette année encore.

passage éclair à Sengakuji

Devant la station de métro de Sengakuji, une voiture noire de type américaine est arrêtée au feu rouge sur la voie tournant à droite en direction de Shinagawa. Nous sommes arrêté derrière en voiture, mais elle ne démarre pas quand le feu passe au vert. Je ne me précipite en général pas pour klaxonner car on ne sait jamais qui est au volant. Mais comme l’attente se faisait un peu longue, j’ai fini par donner un premier coup de klaxon qui ne provoqua pas de réaction. La voiture noire au croisement de Sengakuji ne bouge pas d’un centimètre malgré mon coup de klaxon. Je m’apprête à lancer un deuxième avertissement, mais une dame qui était sur le trottoir vient tapoter à la vitre gauche pour nous dire que le chauffeur de la voiture semble endormi au volant de sa voiture au beau milieu du carrefour. Klaxonner ou taper à sa vitre avec insistance n’y font rien car il ne se réveille pas. Un homme au bord de la route est au téléphone, j’imagine qu’il appelle la police pour qu’ils viennent sur les lieux. On contourne la Chrysler break noire en constatant en effet que l’homme, un étranger, a l’air profondément endormi. C’était une situation des plus étranges.

Image de l’attaque nocturne des 47 rōnin, par Utagawa Kuniyoshi (source: The Telegraph Uk).

J’étais venu à Sengakuji pour aller au temple bouddhiste du même nom en espérant assister au festival Gishisai, commémorant les 47 rōnin, qui avait lieu le jour d’avant, le samedi 14 décembre. Je pensais que le festival se déroulait sur le week-end entier, mais il n’avait en fait lieu que le samedi. La place intérieure du temple était entièrement vide à mon arrivée dimanche en début d’après-midi et je n’ai vu du festival que le poster. Ça ne m’a pas empêché d’apprécier les lieux au calme sous le soleil d’hiver. L’histoire des 47 samouraïs, devenus rōnin lorsqu’ils ont perdu leur chef, remonte à l’incident de Akō en 1701. A cette époque, le daimyo Naganori Asano, chef du fief de Akō dans l’ancienne province de Harima (actuellement au sud-ouest de la préfecture de Hyōgo), fut condamné par le shogun Tokugawa Tsunayoshi au suicide rituel, dit seppuku, après avoir blessé Yoshinaka Kira, le maitre des cérémonies de la maison du shogun. L’histoire raconte que le haut fonctionnaire Kira avait manqué de respect envers Asano au point où ce dernier perdit son sang froid en lui portant sa dague au visage. La condamnation à mort suivit cet acte. En conséquence, les 47 samouraïs devinrent orphelins et le domaine de Akō passa aux mains du shogun. Pensant que les samouraïs devenus rōnin essaieraient de venger leur ancien maitre, comme le dicte le code du bushido, Kira prit ses dispositions pour se protéger et surveiller ces 47 rōnin, en particulier leur chef appelé Ōishi Kuranosuke. Ōishi et ses compagnons d’armes mettront deux ans pour méticuleusement planifier leur attaque pour se venger de la mort de leur chef. Ils se savaient surveiller et se sont donc dispersés et convertis en commerçants ou en moines pour brouiller les pistes et endormir l’attention de Kira. Ils étaient bien conscients qu’en tuant la haut fonctionnaire Kira, ils seraient également contraints au seppuku. L’attaque eu lieu le 14 décembre 1702. Les 47 rōnin se retranchèrent ensuite au temple Sengakuji amenant avec eux la tête du haut fonctionnaire Kira pour la placer sur la tombe de leur ancien seigneur Asano. Ils seront plus tard contraints au seppuku et s’exécutèrent le 4 février 1703. Leurs tombes sont alignées au temple Sengakuji devant celle d’Asano. Ils étaient en fait 46 rōnin à s’exécuter ce jour là car le 47ème était parti, aussitôt après l’attaque, annoncer au fief de Akō que la vengeance avait été accomplie. Il sera enterré à sa mort auprès des 46 autres compagnons d’armes. C’est une histoire très connue de la culture populaire japonaise, emblématique du sens de l’honneur et de la loyauté des samouraïs. La page wikipedia sur le sujet est très complète.

Daikan 1

Je ne vois pas beaucoup d’intérêt dans Instagram sauf quand il me fait découvrir des nouveaux lieux, des nouvelles architectures intéressantes à Tokyo ou des expositions à aller explorer. Après une exposition à Hong Kong et Melbourne, l’artiste Shohei Ōtomo annonce sur Instagram une exposition soudaine au Tsutaya T-site de Daikanyama. Je me précipite donc le lendemain, un samedi matin, pour aller voir de mes propres yeux ses illustrations à l’encre, notamment Heisei Mary, dont il nous montrait dernièrement les étapes de création sur son compte Instagram. Les posters de l’oeuvre étaient malheureusement déjà en rupture de stock, mais je ne pense pas que Mari m’aurait de toute façon autorisé à l’afficher dans le salon ou au dessus de l’ordinateur. Cette figure féminine est intéressante car elle est tatouée de divers dessins représentant des images de la culture populaire japonaise et américaine. On reconnaît les personnages de Street Fighter, Dragon Ball, Death Note, Godzilla, Sailor Moon, Evangelion ou encore Kitty Chan et Pokémon du côté japonais. Du côté américain, Dark Vador se dresse à côté du Joker, de personnages de Matrix, de Harry Potter et du Pirate des Caraïbes, à côté des tours du World Trade Center en feu. Les ambiances sont mélangées car la reine des neiges côtoie la princesse Peach de l’univers Nintendo, Nausicaa de Hayao Miyazaki et les petites fleurs colorées de Takashi Murakami. Une colombe blanche, signe de paix au milieu de ces cohabitations improbables, surplombe une explosion nucléaire semblable à celle que l’on voit dans Akira de Katsuhiro Ōtomo, le père de Shohei. Il y a beaucoup de talent dans cette famille. L’exposition est malheureusement assez limitée car on ne peut y voir que quelques œuvres, notamment les figures détournées de policiers et le spectre dont je parlais déjà dans un billet précédent. J’aurais aimé en voir plus et pouvoir acheter un art book de ses œuvres, mais il n’existe pas encore. Shohei Ōtomo reste pour moi un artiste à suivre de près.

Je reprends ensuite la route dans les rues de Daikanyama en gardant un œil sur l’occupation végétale au sol et l’occupation graphique sur les murs. Cette fois-ci, deux stickers m’intriguent sur un poteau électrique, notamment un étrange casque de couleur rose inspiré de Neon Genesis Evangelion. Un lien mentionné sur le sticker pointe vers le compte Instagram d’un artiste tatoueur taïwanais appelé Che-Wei. Alors que Shohei Ōtomo dessine des tatouages de personnages du monde de l’animation sur le corps imaginaire de Heisei Mary, Che-Wei tatoue des personnages assez similaires dérivés du manga sur des personnes réelles et nous montre les résultats sur son compte Instagram. Les couleurs sont très vives et le rendu de certains tatouages est assez impressionnant. Je suis très loin d’être spécialiste ou d’avoir un quelconque intérêt pour le tatouage, mais ceux-ci m’ont l’air d’être très évolués. Après je me pose quand même toujours la question des regrets éventuels, à posteriori, d’avoir gravé un pikachu sur le bras pour toute la vie, même si celui-ci est extrêmement bien exécuté.

Je n’avais vu jusqu’à maintenant qu’un seul film de Shinya Tsukamoto, Tokyo Fist. Le film était sorti en 1995 mais je ne l’ai vu que bien après, il y a 16 ans en DVD. Ce film m’avait laissé une forte impression, mais ce n’était pour sûr pas un film facile d’approche. Je me décide maintenant à regarder un autre film de Tsukamoto, grâce aux hasards des recherches Netflix. J’étais assez surpris d’y trouver un des ses premiers films, Tetsuo: The iron man (鉄男), sorti en 1989. Tetsuo est un film à part qui ne ressemble à aucun autre, singulier et décalé. Le film en noir et blanc nous raconte l’histoire d’un salary man qui voit soudainement grandir en lui des morceaux de métal. La raison reste inexpliquée et le scénario n’est pas d’une compréhension immédiate, mais on comprend tout de même une relation psychique avec un autre homme, fétichiste du métal (si on veut bien imaginer ce que ça peut bien vouloir dire) qui le poursuit inlassablement, au fur et à mesure que le salary man développe sa transformation progressive et irrémédiable en homme-machine. Le film est conceptuel et expérimental, et n’est clairement pas adressé à un large public. L’ambiance s’apparente aux films de style cyberpunk, mais sans les effets spéciaux numériques actuels, car tous les effets spéciaux sont mis en images de manière artisanale. La manière de filmer les scènes rapides dans les rues de banlieue tokyoïte en une succession d’images coupées et séquencées, ajoutent à l’étrangeté générale de cet objet cinématographique. Le film n’est pas facile, il faut accepter une violence certaine des images, mais je suis resté scotché à l’écran pendant les 67 minutes du film. Je pense que, comme pour Tokyo Fist, Tsukamoto traite dans Tetsuo le sujet de l’aliénation humaine face à la sur-urbanisation. En pensant au titre du film, je ne peux m’empêcher de repenser au Tetsuo du manga Akira de Ōtomo sorti quelques années auparavant en 1982. De la même manière, les personnages perdent leur forme humaine et se transforment en monstre d’une manière grotesque. La différence est que le Tetsuo de Akira prenait des formes organiques tandis que le salary man du film Tetsuo voit des pièces métalliques sortir de son corps. Quoiqu’on en pense, le film ne laisse pas indifférent et je dirais même qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre, à la fois inquiétant, effrayant et choquant, mais complètement passionnant à regarder.

Je continue avec un autre film difficile (décidément), mais dans un tout autre style que Tetsuo même s’il y a un point commun, la présence de Shinya Tsukamoto mais en tant qu’acteur. En fait, je voulais voir un film de Takashi Miike et je me suis mis à chercher ce qui était disponible sur Netflix. Je tombe sur Ichi The Killer (殺し屋1) sorti en 2001. Il s’agit d’un film de yakuza ultra-violent, et même parfois difficile à regarder mais pas de la même manière que The Forest of Love de Sion Sono, dont je parlais auparavant, car la violence ici n’est pas psychologique mais visuelle. Takashi Miike sait s’arrêter avant que la scène devienne insoutenable. Le personnage principal est un chef de gang appelé Kakihara du clan Anjo, excellemment joué par Tadanobu Asano, à la recherche de son patron qui a mystérieusement et soudainement disparu avec la caisse. On soupçonne d’abord un kidnapping par le clan rival, mais il s’avère qu’un mystérieux tueur appelé Ichi est derrière tout cela. On découvre assez vite que Ichi est un être faible psychologiquement, manipulé par un homme de l’ombre aux apparences inoffensives pour éliminer les membres des syndicats du crime en les montant les uns contre les autres. Le film s’en sort grâce à son humour pince-sans-rire, surtout celui de Kakihara, personnage sadomasochiste aux tenues exubérantes, aux cheveux teints en blond et au visage balafré. Le film ‘pince’ fort tout de même, jusqu’à la torture parfois. L’acteur fétiche de Kitano, Susumu Terajima, jouant le yakuza Suzuki doit en savoir quelque chose. Là encore, le film n’est pas pour les âmes sensibles et était même controversé à sa sortie pour ses scènes de violence souvent grotesques. Mais le scénario est habile et le jeu des acteurs très bons, dans l’excès et l’irréalisme par moment car rappelons que le film est tiré d’un manga (de Hideo Yamamoto). Je ne suis pas particulièrement amateur de films violents, mais j’aime les films de genre qui ne laissent pas indifférent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce film montrant des yakuza avec toutes leurs attitudes excessives, ne laisse pas indifférent. En regardant le film, je me suis même dit que c’est le genre de films qui doit plaire à Quentin Tarantino. Les scènes du film se passent dans leur totalité dans le quartier chaud de Kabukichō et derrière Nishi Shinjuku, car on aperçoit souvent le bâtiment de la mairie au loin. Nishi Shinjuku me rappelle le roman déjanté de Ryu Murakami, Les Bébés de la Consigne Automatique. Takashi Miike a d’ailleurs déjà réalisé un film d’après un roman de Ryu Murakami, Audition. Je lis dans une interview de Miike sur le site consacré au cinéma japonais Midnight Eye qu’un projet pour adapter Les Bébés de la Consigne Automatique avait été lancé mais abandonné faute de financement. Peut-être que ce projet pourrait prendre un jour vie grâce à Netflix, quand on voit comment cette plateforme devient un dernier recours pour développer certains films pour lesquels les producteurs classiques restent frileux (l’excellent Irishman de Martin Scorsese par exemple). Midnight Eye est un site de référence sur le cinéma japonais mais est malheureusement devenu inactif, même si on peut toujours consulter les archives. On y trouve de nombreuses critiques de films et des interviews. Les critiques couvrent d’ailleurs beaucoup de films non conventionnels, dont ceux de Takashi Miike, mais Ichi The Killer n’y est bizarrement pas revu. Ce film me donne d’ailleurs envie de revoir les films de Hong Kong de John Woo, ceux avant sa carrière américaine comme The Killer et Hard Boiled avec son acteur fétiche Chow-Yun Fat ou encore Bullet in The Head avec Tony Leung. Et quand je pense à Tony Leung, me revient l’envie de revoir Chungking Express de Wong Kar-Wai, puis Fallen Angels du même réalisateur. Il faut que je me refasse un cycle sur le cinéma de Hong Kong des années 90.

Mais pour l’instant et pour changer de style en allégeant un peu l’ambiance, je regarde le film River’s Edge (リバーズ・エッジ) d’un réalisateur originaire de Kumamoto que je ne connaissais pas, Isao Yukisada. Le film, également disponible sur Netflix, est également basé sur un manga du même nom de Kyoko Okazaki. Je ne connaissais pas non plus les deux acteurs principaux à savoir Fumi Nikaidō jouant le rôle de Haruna Wakakusa et Ryō Yoshizawa dans le rôle de Ichiro Yamada. Ils sont tous les deux lycéens dans une banlieue quelconque près d’une rivière, dans la deuxième moitié des années 90, cette période où on n’avait pas encore de téléphone portable et de smartphone. J’ai d’ailleurs tendance à penser que les films sont plus intéressants sans smartphone, car ces objets ont souvent le pouvoir de simplifier les intrigues, en supprimant la possibilité du hasard et les situations de personnages seuls livrés à eux même. L’histoire de River’s Edge est en fait assez noire et certaines scènes sont assez crues. Les personnages sont des lycéens un peu paumés, à la recherche de repères dans leur vie. On ne peut pas dire que le film se base sur une histoire forte ou un scénario compliqué. L’interêt du film tient plus dans le jeu des acteurs et actrices, essayant de faire la part des choses entre amour et amitié. Les rapports entre les personnages sont d’ailleurs volontairement ambigus. On ressent l’amour non déclaré, qui n’est peut être qu’un très fort lien d’amitié, entre Wakakusa et Yamada, mais on apprend très vite que c’est une situation compliquée car Yamada est homosexuel et qu’il subit les harcèlements répétés et les coups d’une bande de garçons menés par le copain de Wakakusa, un grand garçon assez beau gosse aux cheveux longs appelé Kannonzaki. A ce trio, vient s’ajouter une autre lycéenne appelée Kozue Yoshizawa, modèle aux cheveux courts, poussée par ses parents dans cette voie mais qui ne croit pas en elle. Les liens qui relient Yoshizawa à Wakakusa jouent aussi beaucoup sur l’ambiguïté. Les histoires personnelles de ces lycéens et lycéennes se relient au bord de la rivière autour d’un secret macabre, mais je n’en dirais pas plus. Le film est interrompu par des interviews des personnages dans le film, comme s’il s’agissait d’interrogatoires menés par un conseiller psychologique. Ces scènes restent indépendantes du reste de l’histoire et on se demande quelle est la finalité de cet aparté. Au final, le film fonctionne grace à ses personnages et on finit par s’accrocher à cette histoire dont on ne sait pas trop où elle nous mène.

RAY in the morning

Tous les ans à la même période de fin décembre, je me rends au sanctuaire Ana-Hachimangu près de l’université de Waseda pour y acheter des talismans qui nous protégeront pendant toute la nouvelle année. C’est une sorte de tradition dans la famille d’y aller tous les ans et depuis plusieurs années, je me porte volontaire pour aller les acheter le premier jour où ils sont disponibles au sanctuaire. Comme beaucoup d’autres personnes comme moi, je m’y rends même dès l’ouverture à 5h du matin, ce qui veut dire un réveil à 3h du matin environ pour prendre le premier train JR à 4h30 environ. J’arrive sur les lieux du sanctuaire un peu après 5h du matin et il y a déjà foule dans la file d’attente qui s’étend dans une des rues entourant l’enceinte de Ana-hachimangu. En fait, je suis arrivé en retard de quelques dizaines de minutes par rapport à l’heure d’ouverture et la foule s’était déjà pas mal regroupée sur le trottoir. Il me semble qu’il y a plus de monde que l’année dernière à la même heure car nous sommes un dimanche et la météo annonce de la pluie au milieu de la journée. Il faudra attendre environ 2h30 dans la nuit et le froid avant de pouvoir approcher un des comptoirs du sanctuaire pour acheter les talismans pour une partie de la famille. Je m’étais bien couvert pour éviter le rhume qui pouvait facilement me gagner vu que l’on fait du surplace dans cette file d’attente. En fait, j’aime bien cette expérience tous les ans qui devient un rituel, d’autant plus qu’un sanctuaire n’est pas l’endroit le plus désagréable pour attendre. Je vois même cela comme un exercice pour vérifier que je suis toujours capable d’attendre calmement sans rien faire, à part écouter de la musique à l’iPod. Cela deviendrait presqu’une expérience revivifiante de tester sa patience pendant des heures, mais je ne serais quand même pas prêt à renouveler cette expérience tous les mois. Après avoir récupéré les fameux talismans, je fais un petit tour en photographies du sanctuaire. Comme pour un matsuri, les vendeurs de toutes sortes de choses, souvent à manger, sont bien présents dès tôt le matin. En redescendant les escaliers du sanctuaire alors que le soleil s’est déjà levé, je constate que la foule n’a pas diminué et qu’elle s’est en fait intensifiée. La police a même fermé une des routes autour du sanctuaire pour créer des files d’attente plus larges. C’est la première fois que je vois autant de monde et la police appelée en renfort pour réguler le flux de personnes. Ça ne s’applique bien sûr pas à tous, mais les japonais n’ont en général pas peur d’attendre longtemps et ça m’a toujours intrigué voire impressionné. Je quitte les lieux vers 8h30 du matin et c’est comme si une nouvelle journée commençait avec les rayons de soleil du matin.

Images extraites des vidéos sur YouTube des morceaux Butterfly Effect (バタフライエフェクト) et Meteor du groupe RAY sur leur EP Blue sorti le 31 Octobre 2019.

Les recommandations de YouTube fonctionnent assez bien car elles me font souvent découvrir de belles choses musicales. Cette fois-ci, ce sont deux morceaux de shoegazing du groupe japonais RAY, intitulés Butterfly Effect (バタフライエフェクト) et Meteor sur le EP Blue. RAY est en fait un groupe d’idoles alternatives accompagnées de musiciens différents sur chaque morceau. Ces morceaux et ce groupe continuent un peu plus à brouiller les pistes, car cette musique rock noyée dans les guitares avec un brin de nostalgie ne correspond pas du tout à l’image classique de la musique d’idoles japonaises qu’on a l’habitude d’entendre dans les médias japonais. Avec des groupes comme BiSH proche du rock alternatif et NECRONOMIDOL proche du métal, je savais déjà cela mais ça fait plaisir de découvrir d’autres ambiances, notamment celles atmosphériques du shoegaze. Le morceau Butterfly Effect est écrit par Azusa Suga (aka 夏bot) du groupe For Tracy Hyde. L’ambiance musicale est d’ailleurs très proche de ce qu’on peut entendre sur leur dernier album New Young City, sorti un peu plus tôt cette année. La vidéo du morceau pleine d’effets de lumière colorés façon vintage est également dans le style de For Tracy Hyde. C’est un très bon morceau, j’aime beaucoup cette ambiance, mais j’ai une petite préférence pour le morceau Meteor, qui est lui une association avec un certain Elliott Frazier du groupe shoegaze américain d’Austin Ringo Deathstarr. J’adore l’atmosphère du morceau lorsque démarre le magma de guitares duquel les voix de RAY se détachent à peine. C’est du shoegaze classique mais poignant, plus sombre et atmosphérique que Butterfly Effect. En fait, le contraste entre ces deux morceaux est assez fort lorsque l’on compare leurs vidéos, entre le flou comme un rêve sur Butterfly Effect et l’extrême netteté de la vidéo de Meteor. Cette dernière vidéo fonctionne comme un guide de Tokyo où on suit les pas d’une des membres du groupe, Kai Marino 甲斐莉乃. Les mouvements rapides de caméra et cette netteté de l’image presque surréaliste finissent par donner le vertige. La caméra bouge vite, ralentit et revient parfois en arrière dans différents quartiers de Tokyo la nuit, à Shinjuku, Shibuya, Ueno ou encore Asakusa. Et on se dit que la musique shoegaze va si bien au teint de cette ville.

encadrements de ciel

Nous ne passons que très rapidement à Yurakucho et Ginza quelques jours avant Noël, mais je prends quand même le temps de prendre quelques photographies en passant dans les rues parmi la foule. La difficulté est de ne pas perdre Mari de vue lorsque je m’arrête quelques dizaines de secondes pour prendre une photographie, sans gêner les gens qui marchent derrière moi. Parfois il faut regarder le ciel pour trouver de nouvelles idées photos comme sur les deux photographies qui bordent ce billet aux Department Stores Hankyu et Lumine de Yurakucho. J’aime beaucoup ces passerelles en hauteur reliant deux buildings, qui contribuent à la complexité de l’urbanisme tokyoïte. Cela donne une idée de ville à plusieurs niveaux, comme on peut en voir dans certaines œuvres graphiques ou cinématographiques d’anticipation. Sur l’avant dernière photographie, je montre encore le building Ginza Place par Klein Dytham Architecture, car sa couleur blanche et son design le détachent franchement du reste du décor de Ginza et rend donc cet immeuble très photogénique. Je suis aussi toujours tenté de photographier le building de verre Tokyu Plaza, bien que nous n’y sommes jamais entrés. Au même croisement, la disparition du vieil immeuble Sony laisse maintenant une vue entière sur l’immeuble de la Maison Hermès par Renzo Piano, qui reste une des architectures iconiques du quartier.

Je ne sais pas si les visiteurs les plus assidus de Made in Tokyo ont remarqué, mais j’ai modifié la résolution de certaines photographies montrées sur les billets de ces dernières semaines. En fait, depuis que j’ai migré mon iMac sous le dernier macOS Catalina, les applications anciennes en 32bits ne fonctionnent plus. Le Photoshop que j’utilisais jusqu’à maintenant était une vieille version 32bits démodée mais qui répondait suffisamment à mes besoins. Elle ne fonctionne donc plus sur le nouvel OS. J’hésite encore à passer sur la dernière version de Photoshop car je n’aime pas trop le modèle de suscription Creative Cloud qui oblige à payer tous les mois (ou ans) sans quoi on ne peut plus utiliser l’application. Ce type de suscription contient toujours des fonctions qui ne me sont pas nécessaires comme un espace disque sur le cloud Adobe. Je l’ai tout de même essayé pendant les quelques semaines d’essai, mais je me suis aussi souvenu que j’avais acheté il y a plusieurs années une application similaire s’appelant Pixelmator, qui fonctionne en fait très bien et ressemble assez à Photoshop. J’utilise maintenant principalement cette dernière application. Il y avait quand même un souci qui me chagrinait depuis cette transition et qui me faisait même un peu hésiter à montrer de nouvelles photographies sur le web. Les photographies que je montrais en version web 72dpi et format de 1000px de largeur paraissaient légèrement floues et manquaient en définition et netteté. J’applique cette configuration en dpi et en pixels depuis de nombreuses années, mais je ne ressentais ce problème de résolution que depuis mon passage vers le macOS Catalina et ce nouveau software d’édition photographique. En fait, en ouvrant une même photographie de 1000px sur Pixelmator (même chose sur la dernière version de Photoshop) et sur le navigateur web Safari, j’ai vite constaté que la photographie apparaissait deux fois plus petite sur l’application photographique par rapport à la version web. La version web semblait donc être une version agrandie, zoomée en quelques sortes, d’où une perte certaine en netteté. J’ai d’abord pensé que les paramètres de compression n’étaient pas corrects quand je sauvegardais les photographies au format JPEG, mais quelques recherches internet m’ont fait comprendre que les nouvelles applications d’édition photographique fonctionnaient en haute définition pour s’adapter aux écrans Retina, ce qui n’était pas le cas de mon vieux Photoshop qui était conçu en basse résolution. Il reste d’ailleurs une option pour faire tourner les applications récentes en basse résolution mais ça serait dommage de revenir en arrière. Pour palier à ce problème, je sauvegarde désormais les photographies JPEG en 2000px de large (le double d’avant) mais les affichent ensuite qu’en 1000px de large sur mes pages web (pas de changement). Bien que les photographies soient un peu plus grosses en taille kb, la différence de définition est très notable, je trouve. Sans trop exagérer, je me sens revivre depuis cette découverte.

J’ai encore quelques billets à publier avant la fin de l’année, mais en attendant, je souhaite à tous les visiteurs de joyeuses fêtes.