Le grand tremblement de terre du Tōhoku a eu lieu il y a 10 ans aujourd’hui. Pendant qu’on regarde l’émission musicale à la télévision Ongaku no Hi 3.11 (音楽の日3.11) qui est diffusée une fois par an depuis la catastrophe, des souvenirs de cette journée me reviennent. Je me souviens avoir écrit quelques semaines après ces événements et avoir mis cinq ans pour publier ce billet que je relis ce soir pour me souvenir.
Je marche moins ces dernières semaines car je préfère me déplacer à vélo. Le vélo me permet d’aller un peu plus loin que mes promenades habituelles aux endroits que je finis par avoir épuisés en terme photographique, bien que ça ne soit jamais vraiment le cas. Le vélo me permet aussi de reprendre contact avec les sons de la rue car je ne mets bien entendu pas les écouteurs en roulant. J’utilise toujours mon fixie (vélo à une seule vitesse) et je ne le regrette pas pour le contrôle qu’il apporte. J’en ai tellement pris l’habitude que je ne sais pas si je reviendrais un jour vers un vélo à changement de vitesses. Je roule cette fois-ci vers le quartier de Yoyogi Uehara, de l’autre côté du parc par rapport à la gare de Harajuku. Je cherche volontairement les petites rues étroites et je suis plutôt servi dans ce quartier lorsque je tombe par hasard sur la ruelle très étroite de la dernière photographie ci-dessus qui longe la voie ferrée. Elle passe derrière les immeubles et nous laisse croiser les trains de temps en temps. On croirait un de ces espaces oubliés par l’urbanisme et qui existent seulement pour les habitués du quartier. On trouve régulièrement ce genre d’espaces pour piétons dans Tokyo. Il s’agit parfois d’espaces conservés en l’état après qu’une petite ligne de train ait été enlevée ou des zones autrefois empruntées par un cours d’eau. Juste à côté du nouveau building Felice Yoyogikoen par Takamatsu Corporation au design incisif avec des formes de flèches pointant vers le ciel, on trouve une indication de rivière. Un petit tunnel passant sous l’avenue Yamanote indique la présence d’une rivière qui passait autrefois dans le quartier pour rejoindre la rivière Udagawa puis la rivière de Shibuya. Cette rivière appelée Kōhonegawa (河骨川) est désormais enfouie depuis 1964. Elle a inspiré une chanson très connue appelée Haru no Ogawa (春の小川) et c’est ce nom qui est inscrit sur le petit tunnel dessous l’avenue sur la deuxième photographie de ce billet. Toujours dans le même quartier, en roulant à vélo, mes yeux s’arrêtent soudainement sur une affiche qui m’est familière. Je reconnais l’affiche du film Violent Cop de Takeshi Kitano, ou en japonais Sono otoko, kyōbō ni tsuki (その男、凶暴につき). Il s’agit de son premier film sorti en 1989. Je me souviens l’avoir vu il y a longtemps, je pense que c’était avant que je vienne habiter à Tokyo. L’envie me vient de le revoir. Hanabi et Sonatine restent mes films préférés de Kitano, mais j’aime aussi beaucoup celui-ci. L’ambiance est similaire car Kitano joue toujours un personnage d’apparence froide et peu bavard, mais avec quelques pointes d’humour passagères qu’on remarque à peine. Il joue ici le rôle d’un inspecteur de police aux méthodes qui nous ferait plutôt penser à celles d’un yakuza. Comme toujours, son personnage est difficile à cerner et le film se déroule lentement. Cette lenteur n’a pour moi rien de gênant et c’est même au contraire un des points d’interêt du film. Cette affiche se trouvait sur la devanture d’une boutique de vêtements vintage appelée Hōkago no Omoide (放課後の思い出). Je lui suis reconnaissant de m’avoir donné l’envie de revoir ce film. Tout près du grand parc de Yoyogi, je retrouve les fameuses toilettes publiques conçues par Shigeru Ban. Comme je le mentionnais auparavant, ces toilettes sont composées de verre transparent devenant opaque lorsqu’on ferme la porte des toilettes. Le système n’est malheureusement déjà plus actif car les vitrages sont désormais opaques en permanence. Je pense que ce système a été mal compris par les usagers et a suscité beaucoup d’inquiétudes. C’est un bon exemple de design très intéressant mais raté. Pour les avoir utilisé, je trouve que la serrure de la porte n’était pas assez mise en évidence, petite et mal placée. C’est bien dommage car ce genre de mésaventures freinera certainement d’autres tentatives d’apporter des innovations dans l’espace public.
Pour terminer en musique, je reviens vers celle d’Ano (あの) que j’avais déjà évoqué il y a plusieurs mois. J’avais beaucoup aimé son premier single Delete, en solo car elle a désormais quitté son groupe d’idoles alternatives. Les deux nouveaux morceaux Peek-a-boo et Sweetside Suicide sont très différents l’un de l’autre. Le premier est plutôt orienté vers des sons électroniques abrasifs tandis que le deuxième est plutôt orienté rock alternatif. Il faut être en mesure d’accepter la voix particulière d’Ano mais c’est justement ce décalage entre sa voix d’idole un peu décalée et les sonorités plutôt agressives de la composition musicale qui rend ces morceaux intéressants. Ano est un personnage très bizarre et je ne doute pas de son authenticité, ce qui fait que ces morceaux fonctionnent très bien. Il y a pour moi quelque chose de très japonais dans cette approche musicale, ce qui en deviendrait même conceptuel sans pourtant évacuer toute forme d’émotions à l’écoute de cette musique. La partition rock sur Sweetside Suicide est très réussie. Les paroles chantées par Ano, tout comme la vidéo réalisée par Kyotaro Hayashi, qui a également réalisée la vidéo de Kinmokusei (金木犀) de AiNA The End, ont un côté anxiogène certain. YouTube donne d’ailleurs un avertissement avant qu’on puisse regarder la vidéo. J’entends régulièrement le terme menhera (メンヘラ) évoqué pour des artistes telles que Ano. Menhera est le diminutif de Mental Health et se réfère à des personnes atteintes ou susceptibles de souffrir d’une difficulté mentale, mais ce terme est très imprécis et ambiguë. En musique, je pense plutôt qu’il fait référence à des artistes évoquant dans leurs chansons les difficultés de vivre une vie normale. Je n’aime de toute façon pas beaucoup ce terme très caricatural. En repensant à la vidéo et à son réalisateur, je suis un peu plus attentif ces derniers temps aux réalisateurs de vidéos musicales, depuis une discussion sur un billet précédent. Je n’ai jamais vraiment regardé qui étaient les réalisateurs des vidéos des morceaux que j’aime, mais les commentaires de ce billet m’ont donné l’idée de regarder d’un peu plus près de ce côté là, car des liens stylistiques peuvent se faire. Le fait que des groupes ou artistes différents choisissent un même réalisateur de vidéo peut indiquer une aspiration artistique similaire, et me permettre de faire de nouvelles découvertes musicales. Dans les commentaires de ce billet, on évoquait également le groupe Millenium Parade de Daiki Tsuneta, dont je parlerais certainement un peu plus tard comme je suis en cours de découverte de leur premier album.
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