L’autoroute Metropolitan Expressway Route No.2 Meguro Line borde le grand parc de l’Institute For Nature Study à Meguro, qui contient dans son enceinte le Teien Art Museum. Le parc ressemble plutôt à une forêt laissée à elle-même, sauf pour la surface entourant le musée Teien qui est par contre très bien entretenue. Le parc-forêt est ouvert au public et permet de s’échapper des bruits de la ville pourtant proche. L’autoroute No.2 qui borde le parc se situe à l’étage, bordée elle-même de plaques de métal blanches tracées d’une ligne bleue interrompue. On s’engouffre souvent, au moins deux fois par week-end, dans le tunnel passant sous l’autoroute et bordant également le parc-forêt. À chaque passage, on renforce un peu plus la frontière entre l’espace urbain et le naturel envahissant de la forêt qui voudrait certainement reprendre ses droits. Si aucune voiture ne passait ici pendant de nombreuses années, la nature reprendrait pour sûr le dessus et viendrait envahir petit à petit cette autoroute et ce tunnel jusqu’à ce qu’ils deviennent inutilisables. J’imagine les racines de la forêt pousser petit à petit les remparts de l’autoroute, créer des fissures pour y laisser s’échapper d’autres racines qui viendraient faire éclater les parois de béton et l’asphalte des routes. Une barrière naturelle se créerait au milieu du tunnel et viendrait s’étendre vers les entrées et sorties à la recherche de la lumière. Cette autoroute et ce tunnel ne seraient bientôt qu’un lointain souvenir. On mettrait une petite plaque explicative à l’entrée des ruines du tunnel pour ne pas oublier l’urbanisme passé de ces lieux.
Au hasard d’une marche urbaine, je découvre la maison Tsuchiura conçue en 1935 par l’architecte Kameki Tsuchiura, disciple de l’architecte américain Frank Lloyd Wright. Une petite plaque explicative devant l’entrée de la maison nous explique qu’il s’agit d’une propriété culturelle tangible. Cette maison est donc un lieu protégé et elle est également référencée par la branche japonaise de l’association Docomomo qui liste les créations d’architecture moderne qu’on se doit de protéger pour leur importance culturelle. Cette maison est une des premières maisons d’architecture moderne construite au Japon. Tsuchiura l’a construite pour lui-même et son épouse. Elle se compose de deux étages avec deux chambres et un bureau à l’étage et la partie salle à manger, cuisine et salon au rez-de-chaussée. La salle de bain est au sous-sol. Cette maison, avec une structure en bois et des revêtements entièrement peints de couleur blanche, a une apparence extérieure simple. Mais l’espace ouvert à l’intérieur pour la partie salon avec une grande baie vitrée donnant sur le jardin est beaucoup plus intéressant. Un escalier intérieur nous amène à un demi-étage qui donne ensuite, dans une progression fluide, accès aux chambres au deuxième étage avec des ouvertures donnant sur l’espace ouvert du salon. Ce design intérieur et cette composition de l’espace en séquences étaient une nouveauté au Japon à cette époque. Le mobilier intérieur choisi par l’architecte était aussi d’inspiration moderniste. On le note également dans le design de la rampe d’escalier. Les quelques photographies en noir et blanc ci-dessus donnent une bonne idée de cet agencement intérieur. On peut également voir quelques photos plus récentes de l’intérieur sur le site du magazine Domus. La maison était en vente en 2016 mais a trouvé preneur. Elle se situe dans l’arrondissement de Shinagawa, mais elle est assez proche de Yebisu Garden Place. Située dans un quartier résidentiel de Kamiosaki derrière une grande résidence construite récemment, elle n’est pas facile à trouver. Je ne la cherchais pas mais mon intuition m’y a amené.
Je reviens ensuite vers Yebisu Garden Place en passant devant la grande place couverte d’un gigantesque arche d’acier et de verre. Ça faisait plusieurs mois que je n’étais pas passé ici. Je ne m’attarde en général pas à prendre le château français du restaurant Robuchon en photo car je l’ai déjà pris et montré maintes fois sur ce blog. Mais cette fois-ci, la lumière qui éclairait le château a attiré mon regard photographique. Sous cette perpective, il vient se cadrer parfaitement sous l’arche de verre. La démesure de l’endroit, dont la construction fut achevée en 1994 après l’éclatement de la bulle économique, m’étonne encore maintenant, notamment en hiver lorsque le gigantesque chandelier Baccarat est de sortie sur la place.
Je termine ma marche matinale en allant acheter du pain à la boulangerie Kobeya Kitchen du Department Store Atre de la gare d’Ebisu. Avec l’air sec de l’hiver, mes mains ont tendance à s’assécher ce qui crée parfois des cicatrices. J’avais déjà un pansement à une main mais un des doigts de mon autre main se met à saigner légèrement sans que je m’en rende compte, au moment où je m’apprêtais à payer mon pain. La jeune vendeuse de Kobeya l’avait apparemment remarqué et s’eclipse brièvement à l’arrière pour dénicher un petit pansement bleu qu’elle me propose ensuite gentiment. Je suis à la fois surpris et un peu gêné, d’autant plus qu’elle me demande de prendre mon temps pour l’appliquer sur mon doigt. C’était une charmante attention qu’on ne verrait certainement pas ailleurs. Ce genre de petite anecdote n’est à mon avis pas fréquente, ce qui m’a donné l’envie de l’écrire ici.
Difficile de passer à côté du nouveau single de Utada Hikaru, One Last Kiss, sorti récemment en parallèle au nouveau film d’animation de la série Evangelion, intitulé Evangelion: 3.0+1.0 Thrice Upon a Time. Ce morceau en est un des thèmes musicaux. En fait, on aurait tord de passer à côté de ce nouveau single tant il est bon. Je suis toujours épaté par la manière dont Hikki arrive à écrire des morceaux immédiatement accrocheurs qui ont en même temps une composition musicale intéressante, ce qui fait qu’on ne se lasse pas de les écouter même après de nombreuses écoutes. Il est le fruit d’une collaboration avec le producteur électronique AG Cook que je ne connaissais pas (car il s’est fait connaître pour ses collaborations avec Charli XCX que je n’ai jamais écouté). En fait, je suis plus familier du nom de son père Peter Cook, architecte anglais fondateur du groupe Archigram. Les pochettes du single reprennent les visages dessinés de personnages d’Evangelion, Shinji Hikari pour le CD et Rei Ayanami pour le vinyl. Les images de la vidéo du morceau ont été prises par Utada mais montées par Hideaki Anno, le réalisateur de ce nouveau film Evangelion. Je crois bien avoir vu tous les films et anime de la série Evangelion, il faudrait donc que j’aille voir celui-ci au cinéma.
Le morceau Uta (唄) de Sheena Ringo est une surprise car il est sorti l’année dernière en Janvier sans que je le remarque. Il s’agit en fait d’une reprise d’un morceau du groupe Buck-Tick pour un album tribute intitulé Parade III: Respective Tracks of Buck-Tick. Buck-Tick est groupe de la mouvance Visual Kei, formé en 1983 et toujours actif actuellement, ce qui est assez exceptionnel comme longévité. Le chanteur du groupe Atsushi Sakurai avait déjà participé à un morceau avec Sheena sur son dernier album Sandokushi. Il s’agissait du quatrième morceau Kakeochisha (駆け落ち者). J’aime beaucoup cette reprise du morceau Uta, même s’il n’est pas évident à la première écoute, tout comme le morceau original de Buck-Tick d’ailleurs. La composition à base de flûte nous ramène étonnamment à l’ambiance de l’album Hi Izuru Tokoro, mais la manière de chanter plus sombre de Sheena est plus proche de Sandokushi. On peut entrevoir ce morceau comme une curiosité mais il s’avère très intéressant après plusieurs écoutes. Je ne sais pas vraiment comment sont nés ces collaborations successives entre Atsushi Sakurai et Sheena Ringo, mais ça aiguise en tout cas ma curiosité pour la musique de Buck-Tick. Après avoir écouté quelques morceaux, je pense quand même avoir un peu de mal à m’y plonger. Je n’ai pas de mauvais à priori pour la mouvance musicale visual Kei voire gothique japonaise, car j’aime beaucoup LUNA SEA par exemple. Mais, je n’ai pour l’instant pas trouvé de morceaux du groupe qui m’ont inspiré.
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