Je n’avais pas poursuivi cette série des petits moments d’architecture depuis longtemps. L’épisode 9 date de l’année dernière et j’ai démarré cette série en Janvier 2008. Je parle la plupart du temps d’architecture sur les billets de ce blog, donc ça ne semble pas vraiment nécessaire de le préciser dans le titre du billet. Je me permets tout de même de reprendre cette série avec un dixième épisode, tout simplement parce que les quelques photos ci-dessus ont été prises le même jour à seulement quelques dizaines de minutes d’intervalle alors que je roulais à vélo à toute vitesse (mais en faisant attention). Cette découverte en peu de temps, plus ou moins par hasard, de ces bâtiments remarquables m’a donné l’impression de voir un concentré d’architecture et j’ai voulu retranscrire cette impression dans ce billet. Le but de ma balade à vélo dans Tokyo était tout d’abord d’aller voir le grand stade olympique que l’on peut désormais approcher de près. J’y reviendrais un peu plus longuement dans deux prochains billets. Mon autre but était de retourner dans le quartier de Sugachō où se trouve l’escalier rouge du film d’animation Your Name. Mais cette fois-ci, je voulais plutôt aller voir les bureaux de l’atelier d’architecture Bow-Wow. House & Atelier Bow-Wow est encastré entre d’autres maisons et immeubles. On a du mal à l’apercevoir car seules deux allées étroites y donnent accès. On ne devine pas non plus depuis l’extérieur, l’espace ouvert composant l’intérieur. Ce petit immeuble date de 2005 et il correspond à l’année où j’ai commencé à m’intéresser à l’architecture tokyoïte. De l’atelier Bow-Wow, je retiens le petit livre jaune Made in Tokyo, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. Le titre de ce livre n’a rien à voir avec le nom de ce blog, car je l’ai nommé quelques années auparavant sans avoir connaissance de ce livre de l’Atelier Bow-Wow. Les deux photographies suivantes montrent une résidence aperçue par hasard dans les rues de Sendagaya. Je l’a connaissais pour l’avoir aperçu récemment en photo sur le site designboom. Cette forme non conventionnelle dans les étages se devine depuis la rue. Cette résidence de béton aux étages légèrement désaxés s’appelle ibis sendagaya et a été conçue par KOMPAS. Les deux dernières photographies nous montrent finalement un superbe bâtiment de béton nommé ARCA par Atsushi Kitagawara, dont j’ai déjà montré plusieurs œuvres architecturales. Ce bâtiment datant de 2009 comprend des espaces de bureaux. Les ouvertures de tailles diverses et aléatoires accrochent tout de suite le regard du passant. Certaines ouvertures sont élégamment accentuées par des matériaux métalliques. En apercevant ARCA depuis le bas d’une pente près du grand stade olympique, je ne peux m’empêcher de faire quelques efforts supplémentaires pour aller le prendre en photo, alors que je suis déjà en retard et qu’il me faut maintenant rentrer à vélo à toute vitesse (mais en faisant attention).
Mois : octobre 2021
from the railways to a strange house
On démarre par un train longeant une partie du parc Inokashira. C’est un parc que je connais bien mais que nous n’avons pas parcouru depuis longtemps. A chaque fois que je marche dans ce parc, je pense à l’histoire de Kei car c’est près de là qu’elle vit. Je la cherche toujours des yeux mais je sais très bien que je ne la trouverais pas. Ou alors il faudrait un hasard qui serait, comment dire, surnaturel. Marcher dans ce parc me rappelle plutôt qu’il faut que je continue cette histoire dont les épisodes existants sont regroupés sur la page Du songe à la lumière. A vrai dire, je ne force pas l’écriture car le moment venu se fait sentir de lui-même, parfois à des mois d’intervalles. La sensation que j’éprouve en écrivant ces textes de fiction est difficile à décrire. Il y a un mélange de concentration, d’abstraction des choses autour de moi et d’une certaine satisfaction du simple fait de construire une histoire qui ne se limite pas aux faits réels que j’ai pu déjà vivre. Mais ces moments où l’inspiration se manifeste ne se commandent malheureusement pas et sont donc précieux.
Ce jour là, je fais un long tour du parc Inokashira avec Zoa comme à chaque fois. C’est devenu une routine que j’aime beaucoup car c’est un de ces moments où on est que tous les deux. Je me retiens cette fois-ci de lui rappeler les jeux qu’on faisait ici tous les deux quand il était plus petit. Ces moments paraissent bien loin, alors qu’ils se sont passés il y a seulement quelques années. On sait bien que la ligne du temps n’est pas linéaire. Elle fait parfois des courbes et s’attarde, ou fonce en ligne droite et regarder en arrière ne nous montre qu’un souvenir minuscule. Nous ne sommes pas les seuls à retourner aujourd’hui dans ce parc. Les quelques saltimbanques et stands ambulants ont refait leur apparition. Les barques et les pédalos semblent tous occupés. Je les regarde toujours avec la curiosité du ‘photographe’ mais il ne nous est jamais venu à l’idée de monter sur l’un d’entre eux. A une des extrémités du parc, nous bifurquons souvent vers les zones résidentielles pour allonger un peu notre marche. On essaie de choisir des rues différentes à chaque fois mais on finit toujours par rejoindre la voix ferrée de la ligne Inokashira. Une petite rue nous amène devant une étrange maison dont la base est de forme ovale. Elle est entourée d’un seul mur continu sans ouvertures. La forme ovale est découpée en biseau au niveau du toit pour laisser entrer la lumière à l’intérieur de l’espace. Elle est plantée dans un terrain de graviers ressemblant à une mer. L’escalier entourant une partie du mur s’enfonce dans ce terrain de graviers ce qui donne l’impression de voir cette maison émerger de la surface de l’eau. Une vieille Saab turbo rougeâtre est garée à la hâte devant la maison. Les herbes poussant autour de la voiture nous laisse penser qu’elle a été abandonnée ici. C’est n’est certainement pas le cas, mais il s’agit en tout cas d’une bien étrange maison qui contraste avec le reste des habitations du quartier.
On the Cherry Blossom par Sampei Junichi
On the cherry blossom par l’architecte japonais Sampei Junichi (三幣順一) de l’atelier A.L.X. (ARCHITECT LABEL Xain) est une maison individuelle que je cherchais depuis très longtemps. Je l’avais dans ma liste d’architecture à voir depuis au moins l’année 2013. Je l’ai recherché pendant des années sur Google Map avec les quelques indications que j’avais pu trouver sur le site web de l’architecte, mais sans succès. Je savais seulement qu’elle se trouvait dans le vaste arrondissement de Itabashi dans le Nord de Tokyo, qu’elle était proche d’un petit parc avec des cerisiers (d’où le nom du bâtiment) et qu’il y avait un cimetière assez proche. J’ai eu beau rechercher les espaces ressemblant à des parcs sur Google Map ou explorer les listes de temples bouddhistes pour y trouver un cimetière, la chance n’a pas joué en ma faveur. Enfin, cette recherche m’avait quand même permis de trouver par hasard la maison Penguin House par l’Atelier Tekuto dans le même arrondissement. Le texte de ce billet sur Penguin House mentionnait d’ailleurs cette recherche désespérée. Ce n’était pas la première fois que je jetais une bouteille à la mer à travers un billet, car j’avais également mentionné cette quête impossible sur un billet de 2019. Nicolas B, lecteur régulier de ce blog, a eu l’excellente idée de partir à la recherche de cette maison suite à mon billet sur Penguin House. Il l’a trouvé assez rapidement sur Google Map, ce qui m’épate encore maintenant, et a eu la gentillesse de m’indiquer son adresse. Je le remercie grandement encore une fois. Je le dis à chaque fois, les adresses des maisons individuelles ne sont pas mentionnées sur internet car ce sont bien entendu des propriétés privées. Lorsqu’une maison individuelle devient un peu trop connue, Moriyama House en est un bon exemple, les propriétaires sont obligés d’ajouter des panneaux d’avertissement rappelant qu’il n’est pas autorisé de pénétrer dans les zones privées. Moriyama House est par contre relativement facile d’accès car elle proche du centre de Tokyo, par rapport à la maison On the cherry blossom qui est beaucoup plus excentrée.
Il m’a fallu à peu près une heure pour m’y rendre. Elle est perdue dans une zone résidentielle sans fin qui ressemble à beaucoup d’autres dans Tokyo. Cette zone résidentielle n’a, à première vue, pas de qualité particulière. Après une quinzaine de minutes de marche depuis la station la plus proche, je trouve le cimetière et le temple bouddhiste qui m’étaient donnés comme indication et je trouve finalement On the cherry blossom placée juste devant un petit jardin public. Comme à chaque fois que je pars à la recherche de maisons de ce style, à l’architecture remarquable, une tension nerveuse monte petit à petit en moi, un mélange d’excitation et un certain stress. Le stress serait de constater que la maison a disparu, a été démolie, ce qui n’est pas particulièrement rare à Tokyo (on démolit bien des maisons de SANAA, comme M House). On the cherry blossom est relativement récente, elle a été construite en Avril 2008. Il y avait donc peu de chance qu’elle ne soit plus là. L’autre stress est que les propriétaires soient dehors devant leur maison, rendant la prise de photos difficile (c’était le cas pour Sky House, souvenez-vous). Rien de tout cela heureusement. On the cherry blossom était bien là devant moi. Plantée profondément dans le sol comme un arbre, elle ne risquait pas de bouger. Cette similitude avec une forme végétale, comme celle d’un arbre, m’avait déjà frappé lorsque je l’avais vu pour la première fois en photo dans des magazines, mais cet effet est beaucoup plus fort lorsqu’on voit la maison devant soi. Cette forme en arbre répond en quelque sorte aux deux cerisiers qui sont placés juste devant la maison dans le jardin public. L’espace principal de la maison au dernier étage est même légèrement excentré par rapport à la base pour être orienté vers ces deux cerisiers qui doivent donner une vue idéale lorsqu’ils sont en fleurs. On peut voir ces deux cerisiers sur la dernière et l’avant-dernière photographie du billet.
La base très étroite de la maison impressionne tout de suite, mais on se pose vraiment la question de l’équilibre de l’ensemble lorsqu’on la regarde sous certains angles, comme par exemple sur la sixième photographie du billet. On the cherry blossom se compose de trois étages et d’un sous-sol pour une surface habitable totale de 85.32m2. On peut voir les plans détaillés de la maison sur le site Designboom. Sa structure est en acier renforcé. La maison donne volontairement peu d’ouvertures sur l’extérieur dans les premiers étages. Le rez-de-chaussée très étroit ne contient que l’entrée, une petite pièce et un escalier en colimaçon donnant accès à tous les étages de la maison. L’espace habitable s’accroit graduellement en montant dans les étages. Le premier étage regroupe les chambres, une chambre d’enfant et une chambre principale, un espace d’étude et des toilettes. Il y a peu ou pas d’ouvertures à cet étage là et je n’ai malheureusement vu aucune photo nous montrant cette partie intérieure. Le léger décalage en hauteur entre les pièces de cet étage, que l’on distingue depuis l’extérieur, renforce à mon avis cette impression d’être en face d’un arbre avec plusieurs branches. Le dernier étage est l’espace à vivre avec le salon et la salle à manger, une cuisine, une salle de bain entre autre. Cet espace en haut de la maison est le plus vaste et donne une vue panoramique sur les cerisiers du parc grâce à une large baie vitrée. J’imagine qu’il doit être agréable de prendre son petit déjeuner le matin, à la fin Mars – début Avril, en admirant les cerisiers en fleurs. Je verrais même, dans la forme graduelle de cette structure, une sensation de s’élever au dessus des choses terrestres, une élévation spirituelle en quelque sorte pour nous faire voir de ce monde que la beauté délicate des fleurs de cerisier. Mais je m’égare sans doute un peu. Ceci étant dit, on doit finir par s’habituer à cette vue. Depuis l’extérieur, on pouvait apercevoir que diverses choses étaient entassées devant la baie vitrée, ce qui doit certainement obstruer un peu cette impression de vue panoramique.
L’autre surprise en voyant cette maison était sa couleur légèrement jaunie. Je l’avais vu de couleur très blanche sur les photos de magazines ou sur les photos de Kouichi Torimura sur le site de l’architecte. Je m’attendais à un blanc très sali par les écoulements d’eau de pluie, mais il n’en était rien. Nicolas B, en regardant les images sur Google Street View, me fait remarquer qu’elle a du être repeinte de cette couleur un peu jaunie plusieurs années après sa construction. A vrai dire cette colorisation est assez légère et je trouve que dans son ensemble, la maison est très bien entretenue et n’a pas beaucoup perdue de sa superbe et de son impact visuel initial. Je pensais que voir On the cherry blossom serait un aboutissement dans mes recherches architecturales dans Tokyo, mais je me rends compte qu’il me reste encore beaucoup d’autres maisons remarquables à découvrir dans les recoins cachés de Tokyo. J’apprécie en tout cas énormément qu’on me donne des pistes, c’est une preuve pour moi que le temps que je passe sur ce blog à parler à ma manière d’architecture n’est pas perdu et que mes billets intéressent quelques personnes.
from daido to the railways
Passage rapide dans le centre de Aoyama pour y apercevoir aux hasards des rues une affiche géante avec une photographie noir et blanc de Daido Moriyama. Il y aurait-il une exposition du photographe en ce moment? L’affiche donne quelques addresses et on comprend vite qu’il s’agit plutôt de boutiques d’une marque appelée Kolor que je ne connaissais pas. Cette appellation Kolor m’avait d’abord fait penser qu’il s’agissait d’une exposition de photographies couleurs de Moriyama. Il s’avère en fait qu’il a plutôt pris des photos pour la collection Automne/Hiver 2021 de cette marque pour un projet appelé 撮 qui veut dire photographier. On peut voir toutes les photographies sur le site web de la marque Kolor et j’imagine que ces photographies sont montrées dans les boutiques à Minami Aoyama, à Omotesando Hills, à Dover Street Market Ginza, au PARCO de Shibuya et de Shinsaibashi à Osaka. Je trouve les photos dans le plus pur style Moriyama très réussies dans l’ensemble, ceci étant dû en partie au physique plutôt atypique des deux modèles photographiés. Certaines photographies utilisent parfois un effet de superposition qui fonctionne bien je trouve. En continuant à marcher, je prends une nouvelle fois en photo des autocollants de rue. On trouve souvent un ou deux autocollants de la marque Supreme dans l’abondance de stickers amoncelés à certains endroits de la ville. C’est le cas sur le petit camion d’un vendeur ambulant sur la troisième photographie, si on y regarde de très près. Je ne suis pas spécialement amateur de la marque Supreme, mais j’avoue que ces trois planches de skateboard posées les unes à côté des autres ont tout de suite attiré mon regard. Je pense bien que personne aurait l’idée de faire du skateboard avec des planches pareilles et qu’elles doivent plutôt être destinées à être accrochées en décoration sur un mur dans un salon. Éventuellement, on pourrait l’utiliser comme support pour poser une guitare, comme le font très habilement certaines. En fait, si je devais accrocher une planche de skateboard dans le salon, ce que Mari ne me laisserait pas faire de toute façon, je préférerais celle décorée des points rouges de Kusama Yayoi, vendue au MoMA Store à l’intérieur du Loft de Shibuya. Les deux dernières photographies du billet nous font sortir du centre nerveux de Tokyo, en partant de la station Fukutoshin de Shibuya dessinée par Tadao Ando en direction des arrondissements périphériques au Nord à la frontière de Saitama. Ce que j’y découvrirais sera le sujet d’un prochain billet.
all the others stand still
Ces portraits d’inconnus sont actuellement affichés sur les palissades de protection métalliques entourant les vieux appartements de Kita-Aoyama voués à une destruction prochaine. Ces photographies ont été prises grâce à un dispositif de l’artiste français JR, connu pour son art de rue conçu à partir de collages de photographies en noir et blanc parfois géantes et agissant souvent en trompe-l’œil. Les portraits affichés ici font partie du projet d’art participatif Inside Out qui s’est développé dans le monde entier. A Tokyo, les photographies ont été prises près d’un bâtiment administratif de Shibuya pendant la période des Jeux Olympiques et se retrouvent maintenant affichées sur ces palissades. J’imagine que chacune des personnes dont on peut voir la photo a préalablement accepté une autorisation d’affichage de son visage. Je me suis moi-même posé la question de prendre ces affiches en photo et de les montrer ici, mais il s’agit de toute façon de photos montrées dans un espace public. Ce concept étant intéressant, je ne résiste pas à l’envie d’entre montrer quelques unes ici. J’y ai vu en photo au moins une personne que je crois reconnaitre. J’ai également aperçu d’autres portraits de personnes que je ne connaissais qu’à travers leurs comptes Instagram. Comme ils y avaient montré leurs portraits, je les ai reconnu une fois sur place (J’ai une très bonne mémoire visuelle). Utiliser les zones de constructions urbaines pour y montrer une expression artistique est devenu assez commun à Tokyo, et c’est une très bonne chose. A Shinjuku, on montrait des photographies de Daido Moriyama autour de la zone de construction d’une nouvelle grande tour de 48 étages de haut dans le quartier de Kabukichō, à l’emplacement de l’ancien théâtre Shinjuku Tokyu Milano. Le passant est en général le spectateur lorsqu’il regarde les photographies affichées sur ces palissades de zones de travaux, mais dans le cas du projet de JR à Kita-Aoyama, on a l’impression que c’est l’inverse qui se produit et qu’il s’agit plutôt du passant que est observé. Les palissades n’étaient pas complètement remplies d’affiches mais elles sont quand même très nombreuses. J’aime assez l’association entre ces affiches et les vieux appartements. C’est comme si on leur donnait un dernier souffle de vie avant une disparition prochaine.
Images extraites de deux vidéos sur YouTube du groupe Black Boboi: les deux premières images proviennent de la vidéo du morceau Ogre et le deux suivantes du morceau Red Mind. La première image montre de gauche à droite Ermhoi, Julia Shortreed et Utena Kobayashi. Sur la deuxième photo, il s’agit du visage blanchâtre du danseur Yuta Takahashi (髙橋優太).
Utena Kobayashi dont je parlais dans un de mes précédents billets fait également partie d’une formation appelée Black Boboi. Deux autres artistes, Julia Shortreed et Ermhoi, complètent le trio de cette formation. Je n’en suis pas complètement certain mais je pense que le chant sur les morceaux de Black Boboi sont interprétés alternativement par les trois membres du trio, mais on a du mal à vraiment distinguer les voix les unes des autres. Le groupe chante en anglais, ce qui est peut être dû au fait que Julia et Ermhoi sont toutes les deux moitié japonaises. Ceux qui suivent très attentivement ce blog jusque dans ses recoins auront déjà vu mentionné le nom d’Ermhoi, car elle est une des voix remarquables du groupe Millenium Parade mené par Daiki Tsuneta. Elle chante sur plusieurs morceaux de leur album éponyme. C’est intéressant de voir des liens que je ne connaissais pas se créer entre des artistes et des groupes que j’apprécie. A croire qu’il y a un dénominateur commun qui les réunis mais que je n’arrive pas à bien pointer du doigt. La musique de Black Boboi est sombre et hantée. Je n’ai pour l’instant écouté que deux morceaux, Ogre sur leur premier EP de 6 titres intitulé Agate et Red Mind sur un EP de 2 titres sorti quelques mois après Agate en 2019. Cette musique est publiée sur le label indépendant BINDIVIDUAL (pour Binding Individuals) créé par Utena. L’écoute de ces deux morceaux se vit comme une expérience sensorielle, notamment grâce aux vidéos pleines de mystères qui accompagnent les morceaux. On y retrouve une ambiance mystique comme sur la musique solo d’Utena Kobayashi, mais les voix du groupe possèdent une clarté franche assez différente de l’univers plus vaporeux d’Utena en solo. Dans la vidéo du morceau Ogre, les trois membres de Black Boboi sont vêtues de toges blanches avec un maquillage également blanchâtre et une marque noire sur les lèvres. On croirait assister à une procession ou à un rite. Un homme seul danse dans ce même décor blanchâtre. Il est également légèrement maquillé de blanc avec des points noirs sous les yeux et des traits près des yeux. Il danse avec des mouvements lents, se tord parfois comme s’il souffrait ou était possédé. Le danseur se nomme Yuta Takahashi (髙橋優太) et il fait partie d’une troupe appelée Engeki-Jikkenshitsu ◎ Ban’yū Inryoku (演劇実験室◎万有引力). Le nom de cette troupe théâtrale est assez étrange car il signifie Laboratoire expérimental de théâtre – Gravitation universelle et le nom de son directeur, Julius Arnest Caesar, est tout aussi étrange. Son vrai nom est Takaaki Terahara (寺原孝明) et il est compositeur de musique de théâtres et de films japonais. Il s’est fait connaitre pour avoir composé les musiques du film d’animation adapté du shōjo manga Utena, la fillette révolutionnaire (少女革命ウテナ) créé par Chiho Saito (さいとうちほ). Je ne connais pas du tout ce manga mais je trouve amusant le lien certainement sans rapport entre le prénom du personnage du manga et le prénom certes inhabituel d’Utena Kobayashi. Mais je m’égare une fois de plus. revenons plutôt vers la musique de Black Boboi et le deuxième morceau que j’ai écouté et beaucoup apprécié, Red Mind. Le morceau en lui-même et sa vidéo sont plus sombres. On y retrouve également une chorégraphie atypique. On devine une souffrance dans les mouvements saccadés de l’homme marchant à l’intérieur d’un tunnel mal éclairé dans cette vidéo. Il ressemble d’abord à un zombie ou à un fantôme mais ces mouvements deviennent de plus en plus rapides, comme s’ils se libéraient au fur et à mesure du morceau sous les incantations verbales répétées des membres du groupe. En plus de la qualité de la partition musicale, ce sont ces voix qui se mélangent et ressemblent à un rite qui deviennent fascinantes écoute à écoute.