Ces photographies prises sur le campus de Hongō de l’Université de Tokyo datent d’il y a plusieurs semaines. Je m’y étais rendu pour aller voir le bâtiment que je montre sur la dernière photographie, le Daiwa Ubiquitous Computing Research Building, conçu par Kengo Kuma. Depuis la station de métro, je pensais pouvoir entrer facilement sur le campus par la porte la plus proche de ce building, la porte Kasuga, mais elle était malheureusement fermée. Je décide de faire le tour du campus en remontant d’abord la rue Kasuga, pour trouver une porte ouverte au public, mais sans succès. Je finis par me résigner en pensant que le campus est complètement fermé au public en cette période de pandémie. Alors que je marche un peu plus en avant, les limites entre la ville et le campus se font plus floues et je me retrouve sans crier gare devant l’emblématique Yasuda Auditorium que je montre sur la première photographie. Cette immeuble, comme quelques autres sur le campus, a été conçu par l’architecte Yoshikazu Uchida. J’avais parlé de cet architecte dans un billet évoquant Nishi Shinjuku qui m’avait d’ailleurs donné l’envie, en l’écrivant, d’aller faire un tour sur le campus de l’Université de Tokyo. Il faut dire que ce campus est une très belle promenade architecturale. Près de l’auditorium, le Faculty of Engineering Bldg.2 m’impressionne beaucoup car on y voit un bâtiment récent posé sur le bâtiment historique. Je ne connais pas sa structure mais il semble porté, du moins en partie, par des piliers obliques. Je le montre sur les deuxième et troisième photographies. Je ne suis cependant pas très confortable de marcher dans les rues du campus car j’ai l’impression d’y être entré par une porte de derrière. Il y a en fait d’autres personnes qui marchent sur le campus, même si elles ne sont pas très nombreuses. Certaines se prennent en photo dans une des allées principales très ombragée. Sur mon chemin, je longe le Fukutake Hall, un long bâtiment de béton aux formes simples conçu par Tadao Ando, et j’approche finalement de l’ancienne porte rouge Akamon. La porte ouverte au public se trouve en fait là, mais je l’approche en sens inverse car je suis déjà entré. Le garde m’explique gentiment qu’il faut remplir un papier avec le lieu de visite dans le campus. Je mentionne l’étang Sanshirō, en souvenir du roman de Natsume Sōseki, que j’ai lu il y a bien longtemps. Mais avant de me rendre vers l’étang, je bifurque pour aller voir la bâtiment de Kengo Kuma. On se perd sur le campus comme dans un labyrinthe car j’ai le sentiment que certains bâtiments plus récents ont été construits sur les espaces laissés disponibles. J’arrive finalement devant le Daiwa Ubiquitous Computing Research Building, mais deux gardes au fond s’approchent de moi pour connaître ma destination. A la mention de l’étang Sanshirō, un des gardes m’indique que ce n’est pas ici l’endroit et qu’il faut éviter de se promener dans le campus en cette période de pandémie. Je n’ai finalement pas pu prendre beaucoup de photos du building que j’étais venu voir, mais le campus en lui-même vaut vraiment le détour, en espérant pouvoir y revenir un peu plus tard.
Mois : décembre 2021
une multitude de points lumineux
Cette fin d’année est arrivée tellement vite que j’ai du mal à réaliser que nous sommes déjà le matin de Noël. On n’a même pas eu le temps d’aller voir et photographier les feuilles colorées d’automne, ni aller faire le tour des décorations de rues pour les fêtes, ni même commencer à préparer les cartes de nouvel an. Les petites vacances de fin d’année commencent maintenant et même si j’ai l’intention de rattraper mon retard sur les photographies que je n’ai pas encore montré, les textes que je n’ai pas encore écrit et les billets que je n’ai pas encore publié, je sais pertinemment que le courage va me manquer.
Nous sommes quand même allé voir quelques décorations pour les fêtes, notamment celles sur l’avenue Omotesando sur les deux dernières photographies, décor qui a d’ailleurs servi pour mes compositions photographiques d’un billet précédent intitulé light waves. On voit également des décorations de fin d’année sur les autres photographies, quoique je suis moins sûr pour la troisième photo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, devant l’affiche du grand magasin Lumine que j’aime souvent prendre en photo avec la foule en premier plan (et cette fille dans un joli kimono prenant des airs festifs) et devant des décorations aux formes et couleurs de Tokyo Jihen sur le Department Store Flags, où se trouve le Tower Records, près de la gare de Shinjuku. Les autres photographies sont prises dans l’arrondissement de Shibuya à des moments divers. J’aime surtout le bonsaï occupé par le père Noël et ses amis. Ce qui me donne l’occasion de souhaiter de joyeuses fêtes de fin d’année aux visiteurs de Made in Tokyo.
今すぐ笑って
Les visiteurs les plus attentifs remarqueront peut-être les légers changements dans le traitement de l’image sur les photographies ci-dessus prises à Shibuya. Comme sur une série précédente prise à Ginza, je joue cette fois-ci un peu plus sur les niveaux de vibrance et de saturation des couleurs, en essayant de neutraliser l’effet de l’un sur l’autre. L’apparence très sombre des rebords bétonnés de la rivière de Shibuya à l’approche du building Stream n’est pourtant pas vraiment accentuée par le traitement de l’image. Je ne me souvenais pas que le béton était aussi sombre. Ces formes fuyantes s’accordent bien avec celles de la photographie suivante montrant les lignes de la voix ferrée nouvellement recouverte et la passerelle reliant le building Shibuya Scramble Square lié à la gare de Shibuya au building Hikarie de l’autre côté de l’avenue Meiji. Au grand carrefour de Shibuya, les grands écrans digitaux se multiplient. Celui légèrement incurvé au dessus d’un vieux building, qui diffuse régulièrement des publicités pour Yakult, est un des plus impressionnants car il montre souvent des visages en gros plan. Sur cette photographie, MISIA nous regarde de loin avec un air grave. On préfère quand même la voir sourire même de manière forcée. Ce visage m’inspire le titre du billet. En réalité, ce titre m’est également vaguement inspiré par la phrase 無理やり笑って お願い笑って (Forces toi à rire, s’il te plaît, ries) extraite des paroles d’un morceau du groupe rock japonais Quruli.
Après avoir écouté deux albums de Quruli (くるり), Zukan (図鑑) et Team Rock, sortis respectivement en Janvier 2000 et en Février 2001, j’avais bien l’intention de continuer mon écoute de la musique du groupe. Je continue donc avec l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en Avril 1999. C’est clairement un album que j’aurais aimé découvrir à mon arrivée à Tokyo en Février de cette même année 1999. J’y repense soudainement maintenant en écoutant une des émissions Etsuraku Patrol de Sheena Ringo de l’année 1999. Dans une des rubriques de son émission, elle mentionne cet album de Quruli en nous disant qu’elle l’aime tellement que Quruli vient même remplacer Blankey Jet City dans ses obsessions musicales actuelles. Il faut dire qu’elle expliquait juste avant dans cette même émission qu’elle essayait de mettre une halte à son obsession, jusqu’à la rendre malade, de Kenichi Asai et Blankey Jet City. Quruli semblait être un remède. Dans l’émission, elle n’explique pas vraiment clairement les raisons pour lesquelles elle aime tant cet album et dit même aux auditeurs que ce serait plus simple et rapide qu’ils écoutent eux-mêmes l’album pour se faire une idée. Elle passe pourtant à l’antenne deux morceaux, Kasa (傘) qui est le morceau le plus expérimental de l’album (et dont est tiré mon titre de billet) et le single Tokyo (東京) sorti l’année d’avant en 1998 mais intégré dans cet album Sayonara Stranger. Elle nous dit même qu’elle pleure à chaque fois qu’elle écoute ce morceau Tokyo, à un moment particulier vers la fin quand Shigeru Kishida chante でもすごくつらくなるんだろうな (mais ça va devenir extrêmement pénible). Quruli étant originaire de Kyoto et le titre de ce morceau étant Tokyo, je pense que les paroles écrites par Kishida abordent sa “montée” vers Tokyo (上京) pour y vivre, en laissant derrière lui une petite amie qu’il oubliera petit à petit, dont le souvenir réapparaîtra soudainement après quelques verres, mais avec qui il finira par avoir du mal à parler lorsqu’il l’appellera au téléphone. Je pense que ces paroles de Kishida parlaient à Sheena à cette époque car elle était pareillement “montée” vers Tokyo depuis sa ville de Fukuoka en laissant son petit ami de l’époque. Tokyo est certainement un des plus beaux morceaux de l’album mais ce n’est pas le seul.
L’ensemble de l’album est résolument rock avec une forte influence, dans le son des guitares, du rock alternatif américain du début des années 1990, celui qui a bercé une bonne partie de mon adolescence. Par exemple, sur le morceau Sayonara Stranger, qui donne son titre à l’album, une des sonorités de guitare me rappelle celle pleine d’écho qu’on peut trouver sur un morceau du premier album Gish des Smashing Pumpkins. Il n’y a par contre aucune ressemblance avec la musique des Smashing Pumpkins en tant que telle, car la voix de Kishida est beaucoup moins typée et forte que celle de Billy Corgan. Il y a une relative simplicité dans les paroles des morceaux, accentuées par la prononciation très distincte de Kishida, qui leur donnent une approche poétique. Il y a beaucoup de morceaux qui accrochent immédiatement par leur énergie rock comme le deuxième morceau Niji (虹) ou le suivant Old Timer (オールドタイマー). Sur ce dernier morceau, la manière de chanter plus agressive de Kishida me rappelle un peu celle Mukai Shutoku sur les morceaux de Number Girl. Le refrain se distingue ensuite assez vite du style de Number Girl, mais on remarque sur ce premier album majeur de Quruli, différentes influences rock. Sur des commentaires que j’ai pu lire au sujet de cet album, certains lui reprochaient un manque d’originalité. Moi, je trouve qu’il présage bien des albums qui vont suivre en mélangeant des passages plus folk, d’autres plus expérimentaux avec une atmosphère rock rapidement accrocheuse. Cet album est proche de l’ambiance rock que j’aimais tant avant mon arrivée à Tokyo et c’est par conséquent l’album que j’écoute le plus souvent parmi les trois que je connais de Quruli et celui vers lequel j’ai envie de revenir régulièrement. Au final, je ne regrette pas d’avoir écouté les conseils de Sheena sur son émission et son avis influence certainement un peu mon appréciation. La sortie de cette album l’année de ma « montée » personnelle vers Tokyo et le fait que j’ai le même âge que Kishida doivent également jouer sur le lien que je tisse avec cet album. J’aurais aimé le découvrir cette année là, plutôt que 22 ans plus tard.
Dans ses recommandations musicales, Sheena Ringo diffuse également dans son émission Etsuraku Patrol, des morceaux de Radiohead et de Beck. De Radiohead, elle nous dit beaucoup aimé le morceau Creep qu’elle a d’ailleurs déjà repris sur scène en concert (Kyoei Buranko 虚栄ブランコ le 30 Novembre 1999), mais elle diffuse plutôt un autre morceau, Anyone can play guitar, également sur le premier album du groupe, Pablo Honey, sorti en 1993. Elle évoque aussi l’album Odelay de Beck, en diffusant dans l’émission le morceau Where it’s at. Elle décrit Odelay comme étant l’album avec un gros chien poilu sautant sur la pochette. C’est vrai que ce chien était tout à fait remarquable et représente bien toute la bizarrerie de la musique de Beck de cette époque. Je me suis remis à écouter Beck. Je connaissais depuis de nombreuses années son album Mellow Gold, avec le single immanquable Loser, mais j’avais fait beaucoup plus récemment (il y a quelques années) une fixation sur sa musique en écoutant presque tous ses albums les uns après les autres. Mellow Gold et Odelay sont certainement les meilleurs albums de Beck, mais j’apprécie également énormément l’album Sea Change sorti en 2002 qui marquait un tournant folk dans sa carrière. Le folk a toujours été présent dans la musique de Beck mais trituré par des samples, tandis que sur Sea Change, l’approche est beaucoup plus apaisée et contemplative. J’avais trouvé dans cet album un compagnon idéal à mes promenades urbaines. Je me souviens d’ailleurs très bien des lieux près de Shinagawa que je parcourais dans le froid en écoutant cette musique. Le morceau Round the Bend reste par exemple gravé dans ma mémoire comme étant associé à ces lieux. J’hésiterais même à l’écouter dans d’autres circonstances pour éviter d’altérer ce souvenir. Mais je l’écoute quand même récemment dans la voiture, jusqu’à ce que Mari me conseille de changer de disques car je risquerais de m’endormir au volant. Le morceau Round the Bend passait justement à ce moment. J’étais très loin de m’endormir au volant, mais c’est vrai que cette musique est tellement apaisée qu’elle pourrait nous accompagner jusqu’au sommeil (Il ne s’agit pas là d’une critique). Beck cite la rupture avec sa compagne comme étant l’influence principale de cet album et il en ressort une plénitude réparatrice plutôt qu’une agressivité vaine.
J’écoute aussi de nouveau l’album Guero, sorti à la suite de Sea Change mais 3 années plus tard en 2005. Guero reprend un style plus proche de celui d’Odelay sans pour autant être aussi percutant. En réécoutant cet album, je remarque maintenant le morceau Hell Yes, qui était un des singles de l’album. Il y a une voix féminine accompagnant Beck que je crois d’abord être japonaise. Cette voix parle en anglais sans accent particulier mais avec un petit air juvénile et prononce ensuite les mots d’approbation japonais « Hai » qui sonnent vraiment japonais dans le ton et la manière d’aspirer les « h ». Il fallait donc que je fasse des recherches pour savoir qu’elle était cette voix japonaise. A ma grande surprise, il s’agit en fait de la voix de l’actrice américaine Christina Ricci, qui a connu la célébrité mondiale suite à son rôle dans le film The Addams Family en 1991. Il s’avère en fait que mon intuition n’était pas tout à fait incorrecte car Beck a d’abord cherché une voix de fille japonaise pour l’accompagner sur ce morceau. Alors qu’il était en tournée au Japon, Beck s’était mis en tête de trouver une voix de serveuse (les paroles disent des choses comme « please enjoy ») en allant dans divers restaurants japonais, mais sans trouver une voix qui lui convenait. Christina Ricci prit finalement ce rôle et est créditée en tant que “Kurisuti-na” pour garder à peu près des consonances japonaises. Mais, il faut noter que Beck a bien collaboré avec une voix japonaise quelques albums plus tard. C’était une collaboration improbable avec Daoko sur le morceau Up All Night. On ne trouve pas la version avec Daoko sur l’album Colors de 2017, mais en single séparé. Elle a également interprété ce morceau sur scène avec Beck lors du festival Summer Sonic de 2018.
Et en écoutant Beck, je pense maintenant aux Beastie Boys. Le style est différent mais Beck et les Beastie Boys partagent l’utilisation intensive des samples et des mélanges musicaux hétéroclites. Ils ont cette même folie créative et je trouve que certains sons se rejoignent, bien que les tonalités des voix soient très différentes. En fait, je me remets à écouter l’album Hello Nasty des Beastie Boys, sorti en 1998, car je découvre une reprise du morceau Intergalactic de cet album par le groupe de filles Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) dont j’ai parlé récemment. Atarashii Gakko! pousse le mimétisme jusqu’à reprendre le même uniforme que les trois Beastie Boys. Les scènes sont également tournées dans des lieux similaires, comme devant la mairie de Tokyo à Nishi-Shinjuku. J’avais acheté l’album Hello Nasty au moment de sa sortie, peu de temps avant de venir à Tokyo, mais je ne me souviens pas l’avoir autant apprécié que maintenant. Je pense que j’avais eu à l’époque la déception que la version du morceau de Body Movin présente sur l’album était différente de celle du single mixée par Fatboy Slim. Il s’avère que je préfère maintenant la version originale sur l’album. Hello Nasty, dans son ensemble, est percutant. L’urgence et la puissance de leurs voix et l’humour omniprésent qui se dégage de l’album me plait beaucoup. Je n’écoute pas beaucoup de hip-hop, mais j’ai l’impression que le son des Beastie Boys venait à l’époque casser les codes du genre. Je ne me souvenais plus que l’album contenait autant de titres (22) et qu’il était aussi varié. Le quinzième morceau intitulé I Don’t Know semble par exemple avoir été inscrit sur la playlist par erreur. Il vient en quelque sorte apporter une petite bouffée d’air dans l’album, comme une petite promenade en campagne Upstate (si on associe le hip-hop des Beastie Boys à l’univers urbain new-yorkais). Ce morceau assez court est d’ailleurs accompagné par Miho Hatori (羽鳥 美保) du groupe rock alternatif new-yorkais Cibo Matto. Cibo Matto Comme les Beastie Boys ne sont plus actuellement en activité (depuis la mort d’Adam « MCA » Yauch d’un cancer en 2012). Miho Hatori compose toujours et j’aimais d’ailleurs beaucoup son morceau Tokyo Story sur son album sorti au début de l’année Between Isekai and Slice of Life 〜異世界と日常の間に〜.
light waves
Les illuminations de fin d’année sont de retour sur l’avenue Omotesando. Elles avaient été supprimées l’année dernière et on les retrouve maintenant. Elles sont simples mais ce sont certainement les plus belles de Tokyo. Je les préfère aux lumières froides de Roppongi Hills ou de Tokyo Mid-Town. Ce genre d’illuminations ne rend pas très bien en photo, du moins je n’arrive pas à obtenir en photo l’effet qu’on peut avoir en les voyant réellement. Je me décide donc pour le mouvement pour retransmettre une idée de flots de lumières. Ces images retransmettent une sorte d’incandescence électrique qui correspond assez bien à l’image de couverture de la musique qui va suivre. L’année se termine bientôt et il me reste encore beaucoup de photographies de 2021 a montrer ici. Comme c’était le cas l’année dernière, je ne pense pas pouvoir toutes les montrer avant la fin de l’année.
J’écoute vraiment souvent le nouveau morceau de a子 (A-ko) intitulé Drip (どろり), sans m’en lasser une seconde depuis dix jours. Il est sorti le 8 Décembre. Il doit s’agir du morceau que je préfère et il y a pourtant beaucoup de morceaux que j’adore de a子, notamment son avant-dernier single Somewhere. Sur Drip, Il y a un dosage parfait entre une certaine mélancolie et une mélodie pop dans le refrain qui s’accorde parfaitement avec sa voix. J’aime aussi beaucoup la partie solo de guitare pleine d’écho qui intervient dans la dernière partie du morceau. J’aime avant tout l’émotion délicate qui se dégage de cette musique mais en même le morceau est très accrocheur. Il y a un équilibre qui est à mon avis difficile à obtenir mais a子 y parvient très bien sur certains morceaux comme celui-ci. Sa musique, que j’écoute depuis son très bel EP Misty Existence (潜在的MISTY), mériterait d’être beaucoup plus reconnue. Elle sort ses nouveaux morceaux au compte-goutte ces derniers temps et je profite de l’addiction que me procure actuellement Drip pour écouter d’autres morceaux que je ne connais pas encore ou que je connais moins de l’artiste. Il y a notamment le morceau bye sorti au début de l’année, le 4 Janvier, et que j’ai eu tord de manquer lors de sa sortie.
À propos de a子, je le savais déjà car j’en avais déjà parlé dans un billet précédent mais je me rends compte qu’elle adore Sheena Ringo et Tokyo Jihen. On ne voit par contre pas d’influence particulière dans ses compositions musicales ou dans sa voix qui est d’un style très différent de celle de Sheena, je dirais même à l’opposé. Elle poste souvent des Like sur son compte Twitter concernant SR/TJ et en parle même à plusieurs reprises en interview sur le site de revue musicale Mikiki, affilié à Tower Records. Quand on lui demande de citer les dix morceaux qui ont construit sa personnalité (私を作った10曲), elle cite Honnō (本能) de Sheena Ringo et Genjitsu wo Warau (現実を嗤う) de Tokyo Jihen (mais également un morceau de Sakanaction et de Flying Lotus). Je note ci-dessous ce que a子 nous dit à propos de Honnō dans cet article de Mikiki:
椎名林檎と言えばこの曲を真っ先に思い浮かべる方が多いのでは無いでしょうか。
もちろん私もその1人で、サウンド、歌詞、ビジュアル、どこを取っても素晴らしいの一言に尽きます。いつか同じように凄い楽曲を作ることが私の夢です。Lorsqu’on évoque Sheena Ringo, beaucoup de personnes pensent d’abord à cette chanson (Honnō). Je suis, bien sûr, également une de ces personnes. Le son, les paroles, le visuel, où que vous regardiez, tout est merveilleux. Mon rêve est d’écrire un jour une chanson qui soit pareillement incroyable.
Dans une autre interview sur ce même site musical Mikiki, a子 nous parle de ses influences musicales, tout d’abord internationales. Elle évoque ensuite la musique de Sheena Ringo et l’approche qu’elle en a eu:
――その他に影響を受けたアーティストはいますか?
「日本人だと、椎名林檎さんがものすごく好きで……。実は、林檎さんの楽曲は上京するまでしっかり聴いたことなかったんですよ。ずっと存在は知っていて、〈あ、素晴らしい方がいらっしゃる〉みたいな。恐れ多いのですが、昔から目の端のほうで存在を捉えてはいたのですが、私の第六感が〈いまは聴くのをやめたほうがいいよ〉と言っていて。〈いま聴いたら自分のやりたかったこと全部完璧にしていらっしゃる椎名林檎さんと自分を比べて絶望して、音楽を辞めちゃうのでは〉と少し思っていまして。
でも、上京してから〈でもやっぱり聴きたい〉という思いに負けて、圧倒的なオーラを放っていらっしゃる林檎さんを聴いちゃいましたね。それで、椎名さんが出されているアルバムとかライブDVDとかを片っ端から聴いたり観たりしまして。もうまんまと沼に落ちまして、いまでは大好きなアーティストです」– Y a-t-il d’autres artistes qui vous ont influencé ?
Pour ce qui est des artistes japonais, j’aime beaucoup Sheena Ringo… En fait, je n’écoutais pas attentivement la musique de Ringo-san avant de venir à Tokyo. Je connais par contre sa musique depuis longtemps, en me disant « Ah, il existe cette personne exceptionnelle ». Par crainte et dans une manière un peu rapide de voir les choses, mon sixième sens me disait « Tu devrais arrêter d’écouter sa musique. Si tu n’arrêtes pas d’écouter maintenant, tu vas irrémédiablement comparer ce que tu veux faire avec tout ce que Sheena Ringo a déjà fait parfaitement, et ça va te décourager à continuer la musique ». Mais après être venu à Tokyo, j’ai succombé à l’envie d’écouter sa musique, et j’ai fini par écouter Ringo-san à l’aura écrasante. J’ai ainsi écouté et regardé tous les albums et les DVDs Live que Ringo-san a sorti. Je ne peux maintenant plus m’en passer et c’est une artiste que j’adore.
Elle continue ensuite avec une remarque que j’avais déjà lu sur son Twitter et que j’avais déjà mentionné dans un billet précédent et une anecdote traduisant bien sa fascination pour l’artiste.
――では、椎名林檎さんはいまのa子さんにとって、心の支えと言っていいくらいに大切なアーティストでしょうか?
「そうなんですよ。自分は音楽をやっていて、〈しんどいな〉と思うときも多いんですよ。それでも東京事変とか椎名林檎さんを聴けば、全部治ります(笑)。
余談ですが、うちのバンドのドラムが『Mステ』にサポートとして出演したんですよ。そのときに椎名林檎さんがいらっしゃって、会釈したらしんですよ。もううらやましくて、憎くて憎くて(笑)。すごくないですか? 会釈されたということは、認知されたということですよ? もうすごすぎて、彼から椎名さんの残り香をすごいもらいました」– Donc, peut on dire que Sheena Ringo est une artiste si importante pour vous qu’elle vous donne la force de continuer?
C’est tout à fait vrai. J’écris et joue de la musique et je pense très souvent que c’est difficile et douloureux. Et pourtant, si j’écoute Tokyo Jihen ou Sheena Ringo, toutes ses douleurs se guérissent (rires). En aparté, le batteur de mon groupe est passé en support dans l’émission « Music Station ». Sheena Ringo était également présente à l’émission à ce moment-là et lui a apparemment fait un hochet de tête. J’étais tellement jalouse que je l’ai détesté sur le moment (rires). Mais n’est ce pas incroyable? Le fait de recevoir un hochet de tête veut dire qu’on a été reconnu, n’est ce pas? C’était tellement incroyable que j’ai même ressenti de lui les restes de l’odeur de Sheena Ringo.
C’est plutôt amusant de lire ce genre de remarques. J’ai personnellement du mal à mettre des artistes à des niveaux différents car, pour moi, un seul morceau exceptionnel peut valoir tous les albums. a子 est une jeune artiste et n’en est bien sûr qu’au début de sa carrière, ce qui explique certainement cette fascination. Dans un début de reconnaissance, elle notait sur son Twitter que Vaundy avait joué un de ses morceaux dans une playlist de radio. Moi qui adore dresser des liens entre des artistes que j’apprécie, je suis très satisfait de ces découvertes et c’est la raison pour laquelle je les mentionne ci-dessus.
銀ぶら
La foule des jours normaux est de retour dans les rues de Ginza fermées en partie pour les voitures le dimanche. Je me mélange à cette foule en zigzaguant entre des buildings que je connais bien sans pour autant être un grand spécialiste de Ginza. Je cherche en fait des buildings que je ne connais pas, mais le temps qui m’est imparti est trop court pour explorer des rues que je connais moins. Je reste donc dans le centre en entrant à l’intérieur du grand magasin Ginza6 conçu par l’architecte Yoshio Taniguchi. On doit le design intérieur du complexe au français Gwenael Nicolas. L’intérieur est riche et raffiné, agrémenté d’oeuvres d’art comme ce cerf blanc debout sur des nuages réalisé par le sculpteur Kōhei Nawa. On trouve une librairie Tsutaya dans les derniers étages du grand magasin. j’aime y passer lorsque je suis à Ginza car elle comprend également une petite galerie ouverte montrant des créations artistiques pop. Les livres vendus dans cette librairie ne sont pas forcément différents de ce qu’on peut trouver au Tsutaya de Daikanyama, mais les sélections mises en avant couvrent souvent des sujets artistiques. Je marche également en direction de la station de Shimbashi afin de revoir la petite tour Shizuoka Press and Broadcasting Center in Tokyo construite en 1967. Elle est apparemment en cours de rénovation, recouverte d’un filet grillagé. En passant, j’aperçois diverses choses comme cette carte de visite d’un club de Ginza peut être volontairement oubliée sur le trottoir pour ne pas laisser de traces.
De la même manière qu’en Juin cette année à la sortie de leur dernier album Music et dans des proportions similaires, Tokyo Jihen fait quelques sorties dans les médias ces derniers jours, que ça soit à la télévision, à la radio, dans des magazines musicaux ou sur YouTube. Je fais de mon mieux pour suivre tout cela. Je n’avais au départ pas l’intention d’acheter le double All Time Best Album Sōgō (総合) couplé au Blu-ray Prime Time contenant toutes les vidéos du groupe, mais j’ai changé d’avis après avoir écouté une des émissions radio. Il s’avère que les anciens morceaux de Tokyo Jihen ont reçu une révision, un nouveau mix par l’ingénieur du son en chef Uni. Écouter quelques anciens morceaux à la radio sous ce nouveau mix m’a donné envie d’acheter le Best Album. Les morceaux ne sont bien entendu pas fondamentalement différents mais les techniques de mixages actuelles semblent avoir permis de mettre certains sons en valeur. Il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour réserver cette compilation sur le site d’Universal Store. On y trouvera également les deux nouveaux morceaux Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩) et Genzai to Fukuin (原罪と福), dont je parlais auparavant et que l’on connaît désormais. Il sort donc le 22 Décembre et ça sera mon cadeau de Noël. J’opte donc pour la version du Best Album Sōgō qui contient également le Blu-ray de toutes les vidéos de Tokyo Jihen et une mystérieuse cassette audio avec des remixes, mais je ne suis pas allé jusqu’à commander la version contenant le lecteur analogique de cassettes audio.
Le numéro de Janvier 2022 du magazine musical Rockin’on Japan met Tokyo Jihen en couverture et inclut une série de photos du groupe en tenues hivernales prêts pour le ski ou pour le réveillon au chaud les pieds sous le kotatsu. On voit plutôt le groupe extrêmement sérieux sur scène ou lors des émissions télévisées, et ça me plait bien de les voir s’amuser en photo sur ce magazine. Ça faisait apparemment neuf ans et neuf mois que Tokyo Jihen n’avait pas fait la couverture de Rockin’on. C’était le numéro d’Avril 2012 intitulé Adieu Tokyo Jihen (さらば、東京事変) couvrant la dernière tournée Domestic Bon Voyage de 2012 avant la séparation du groupe. J’écoute aussi en différé sur Radiko les quelques émissions radio où Sheena Ringo est invitée, accompagnée parfois par Toshiki Hata comme sur Tokio Hot 100 sur J-Wave. Sheena ne cache pas le fait que l’idée de cette compilation est d’abord celle de la maison de disques Universal qui a également sélectionné les morceaux présents. C’est amusant de l’entendre dire qu’elle se plaignait à la maison de disques sur la sélection qu’ils ont fait privilégiant les singles plutôt que les morceaux fétiches des fans. On voit donc qu’elle a influencé la sélection finale car des morceaux comme UruUruUruu (うるうるうるう) se trouve dans la playlist finale du best album. Elle commente également dans les émissions que réécouter les morceaux remixés les a tous fait rire, ce qui surprenait à chaque l’interviewer radio. Le rire des membres portent sur le fait que certains sons semblent plus audibles qu’initialement prévu, ce qui réveilla des anciennes discussions des membres du groupe lors de la construction des morceaux. On croît comprendre que certains morceaux se sont construits dans le douleur car chacun était pointilleux sur le son qu’il voulait transmettre. Ceci ne m’étonne pas beaucoup mais je ne pense pas avoir une cette confirmation auparavant. Enfin, ce genre de discussions semblent être typiques de musiciens perfectionnistes. Un commentaire rigolo de Sheena sur le nouveau morceau Hotoke Dake Toho est que Kameda s’est rendu compte bien après avoir commencé à jouer le morceau lors des répétitions que ce titre était un palindrome. La manière de Sheena d’expliquer qu’elle est parfois incomprise était assez amusant.
Tokyo Jihen est déjà passé dans deux émissions télévisées dont Music Station le 3 Décembre pour jouer le nouveau morceau Hotoke Dake Toho. Les tenues du groupe en kimono avant la représentation étaient assez hallucinantes mais c’est vraiment dommage qu’ils n’aient pas gardé ces tenues sur scène pour jouer le nouveau morceau. Ils sont revenus sur la scène de Music Station habillés de manière plus « classique ». On sait que ce morceau composé par Sheena Ringo est assez difficile à interpréter et je trouve qu’Ukigumo n’était pas au meilleur de sa forme, côté voix. J’ai même l’impression que ça a fait sourire Izawa juste à côté. Sheena rattrapait le coup tant bien que mal, mais je n’ai pas trouvé cette interprétation mémorable. Les prestations sur l’émission FNS du 8 Décembre des morceaux Himitsu (秘密) et Genzai to Fukuin (原罪と福), qu’on a découvert ce soir là étaient beaucoup plus réussis et intéressantes. Sur Genzai to Fukuin (原罪と福), Tokyo Jihen étaient entièrement habillés de rouge dans une ambiance chrétienne qui alterne avec celle bouddhiste de Hotoke Dake Toho. Sur Tokio Hot 100 sur J-Wave, Sheena indiquait qu’elle était intéressée par les religions. Sur cette tenue rouge, Sheena porte des grands ailes qui nous font penser que celles de ces débuts sur Kōfukuron (幸福論) ont bien grandi.
Devant l’entrée de l’immeuble Flags de Shinjuku dans lequel on trouve le magasin Tower Records, un petit sapin métallique est installé avec des néons reprenant le logo et les lettrages de Tokyo Jihen. Je n’ai pas pu m’empêcher d’aller y jeter un coup d’oeil. Il y a vraiment un lien particulier entre Sheena Ringo / Tokyo Jihen et cet immeuble contenant Tower Records. Le groupe est d’ailleurs en photo sur la nouvelle affiche “No Music No Life” habillé en noir et blanc comme des médecins. La dernière apparition de Tokyo Jihen sur cette campagne d’affichage de Tower Records date de 2010, il y a donc pratiquement 12 ans. Et pendant ce temps là sur les émissions YouTube Hanakin Night Beyond, Seiji Kameda mange des anguilles unagi après un onsen, Ichiyō Izawa mélange exercices de musculation et gateaux japonais et Toshiki Hata cuisine au bord d’une rivière. Sheena les accompagne souvent et présente à chaque fois faussement sérieusement, toujours dans une tenue différente. Dans ces petites séances YouTube, on en apprend un peu plus sur le groupe et sur les interactions entre les membres. ce sont ces petits moments que je préfère.