le temple fleuri de Shiofune Kannon

Le tout début de la Golden Week était particulièrement pluvieux. Nous n’avons pourtant pas été découragés et avons pris la route en direction de la ville d’Ōme (青梅市), à l’Ouest de Tokyo. Nous sommes toujours sur le territoire de Tokyo mais très loin du centre ville, à plus d’une heure en voiture par l’autoroute Chuo. Je voulais absolument voir cette année le temple Shiofune Kannon (塩船観音寺) car je savais qu’il était très fleuri en cette période de l’année. Cet site bouddhiste dont les fondations remontent à 1,300 ans prend la forme d’un bassin couvert dans sa totalité par des milliers d’azalées. La période de floraison s’étend du milieu du mois d’Avril jusqu’au début du mois de Mai. Cette année, la floraison devait être précoce car nous sommes arrivés un peu tard et le pic de floraison était malheureusement déjà passé. Les fleurs étaient tout de même nombreuses. Nous avons débuté notre visite du temple sous une pluie fine qui s’est accentuée au fur et à mesure que l’on gravissait la colline où se trouve une grande statue de Kannon surplombant le bassin. Cette pluie apportait tout de même un certain charme mystique à ce lieu étonnant. Nous avons eu le temps de collecter le sceau goshuin du temple avant que la pluie devienne plus dense. Il faudra y revenir l’année prochaine, un peu plus tôt peut-être dans la deuxième moitié du mois d’Avril. Suite à notre visite de Shiofune Kannon, nous allons manger des soba pour le déjeuner dans un restaurant datant d’une centaine d’années installé au pied du Mont Mitake. Tamagawaya (玉川屋) se situe dans le quartier de Mitakehoncho, près de la station de train de Mitake. Il est en activité depuis l’an 4 de l’ère Taisho. Il y a donc 106 ans. Il n’est pas tout à fait perdu dans les montagnes car il se trouve au bord de la route Ōme-kaidō, mais un peu en amont et de ce fait, on ne l’aperçoit pas depuis la route. Les soba étaient très bons et le tororo qui les accompagnait avait un petit goût rustique. J’ai pris quelques photos de l’intérieur que je montre sur mon compte Instagram.

près du rocher de Tateishi

Ma deuxième requête pour la Golden Week, outre la visite du ryokan de Tokyo Jihen à Yorii, était d’aller au bord de mer. J’avais cette envie presque irrésistible de voir l’océan. On peut bien sûr le voir depuis la baie de Tokyo, mais j’avais besoin d’un espace ouvert vaste devant moi. On hésitait entre le bord de mer de Chiba et celui de Miura, de l’autre côté de la baie en traversant un brin de mer. On se décide pour la péninsule de Miura et on s’arrêtera quelques heures près du rocher de Tateishi. C’est un endroit que nous connaissons déjà pour l’avoir visiter en 2006. On peut marcher sur les rochers à la recherche de coquillages tout autour du rock géant de Tateishi. L’arbre posé sur une petite colline de terre fait aussi figure de symbole du lieu, au même titre que le rocher géant. Je me souviens d’une photo prise en 2006 d’une dame se tenant debout seule au pied de cet arbre. Je ne retrouve pas cette même ambiance de solitude cette fois-ci. En cette journée du 3 Mai, le ciel clair pousse le sourire des enfants et de leurs parents. J’observe ce petit monde pendant que Zoa joue aux équilibristes sur les rochers en pianotant sur son iPhone et que Mari regarde au loin au pied de l’arbre avant de nous rejoindre. Nous conduirons ensuite un peu plus loin jusqu’à la station de Misakiguchi, au terminus de la la ligne de train Keikyu. Zoa voulait rentrer en train et on sait qu’il prendra beaucoup moins de temps que nous pour rentrer. On sent que le retour en voiture sera long si l’on prend l’autoroute Yoko-Yoko (Yokohama-Yokosuka) donc on fait des détours vers Hayama pour poursuivre vers Kamakura et Ōfuna, avant de prendre les voies rapides et autoroutes Yokohama Shindō et Daisan Keihin. Ce sont des lieux que nous connaissons très bien et on ressent le besoin régulier d’y revenir. Peut-être pourrais je vivre au bord de mer à Hayama. Il nous faudra quand même trois heures de route pour rentrer. Et le lendemain, on reprenais la route pour Yorii.

between the skies

Le ciel nuageux prend parfois le dessus sur le paysage urbain. Sur cette série photographique, je mélange volontairement ces nuages avec les fils électriques qui tanguent au dessus des petites rues. Il serait bien dommage que ces fils électriques disparaissent complètement du paysage, car ils font part intégrante de l’environment urbain. Au milieu de ces câbles qui font des noeuds, une petite maison aux lignes obliques conçue par l’Atelier Tekuto. J’adore cette maison de béton et ses grandes baies vitrées qui reflètent le ciel se trouvant autour sur les autres photographies. Cette position centrale entre les ciels est volontaire, comme s’il s’agissait d’un centre ouvrant une porte sur un autre monde intérieur. Ces lignes électriques me rappellent aussi l’association que j’en avais fait avec des kanji il y à longtemps. Les traits des kanji se mélangeaient avec les fils électriques et semblaient flotter dans les airs.

Les ciels nuageux des photographies ci-dessus me rappellent celui, certes plus cosmique, de la couverture du dernier album de Minakekke intitulé Memorabilia. Le titre de cet album reprend celui du huitième morceau déjà sorti en single et dont j’avais déjà parlé. Ce single était déjà très bon, mais pas aussi sublime que l’album dans son intégralité et en particulier les cinq premiers morceaux. Minakekke fait évoluer légèrement son style depuis le EP Oblivion mais ses envolées de voix maintiennent un esprit similaire empreint de mélancolie. Je réécoute d’ailleurs cet EP Oblivion en écrivant ces lignes, ce qui me fait dire que Minakekke est vraiment une artiste malheureusement trop méconnue. Comme le morceau Luminous sur le EP Oblivion, le morceau Butterfly sur Memorabilia nous fait tout de suite rentrer dans cet album aux atmosphères sombres. On ressent son chant comme une complainte, mais sans résignation tant elle mène ses morceaux sans temps morts. On ressent une passion qui transparait dans sa voix jusqu’à la faire trembler par moment (sur un morceau comme Bones). L’émotion qui s’en dégage est pour sûr très forte. Musicalement, c’est aussi très dense, avec des ambiances parfois proches du gothique de The Cure. Et je me mets maintenant à réécouter le chef d’oeuvre qu’est Disintegration.

special in you

Je réutilise ces derniers temps mon objectif fixe de 40mm qui me ramène au plus près des choses, par rapport à mon objectif zoom habituel que j’utilise principalement en grand angle. Cet objectif m’amène à prendre des photographies différentes bien que cette différence ne soit pas non plus fondamentale. C’est plus difficile de faire des photos d’ensemble d’architecture à moins de beaucoup s’éloigner pour avoir assez de recul, donc je me concentre plutôt sur le détail des formes. Cet objectif me pousse donc vers l’abstraction, et c’est assez rafraîchissant de parcourir les rues connues de Shibuya avec ce nouvel œil. Cet objectif me rapproche aussi des murs et j’aime beaucoup prendre en photo les graffitis et autocollants, parfois cachés derrière un panneau de signalisation, parfois condensés sur la petite surface latérale d’un distributeur automatique de boissons, parfois maîtrisés à l’intérieur d’une vitrine de magasin. Je reconnais parfois sur ces stickers des personnages connus ou des visages qui se répètent. Parmi cette foule immobile, je reconnais le visage d’Utaha de Wednesday Campanella sur un des écrans vidéo posés devant le grand magasin PARCO. Je tourne souvent autour de ce grand magasin pour ensuite aller en direction du vendeur de disques Disk Union, mais je rentre rarement à l’intérieur. Il y a pourtant une galerie d’art que je ne connais pas encore. Nous allons beaucoup moins souvent voir des expositions en ce moment et ça commence à me manquer un peu.

Musicalement parlant, outre les morceaux Matsuri de Fujii Kaze, Plateau de Sakanaction et la nouvelle version de Shiseikatsu de Tokyo Jihen que je mentionnais dans mon billet précédent, j’écoute également beaucoup d’autres belles choses, dont les quatre morceaux ci-dessous. Pour revenir à Wednesday Campanella que j’évoquais un peu plus haut, je suis très attentif à leurs nouvelles sorties de singles depuis l’arrivée d’Utaha dans le groupe. J’aime beaucoup le dernier en date s’intitulant Orihime (織姫). Cette nouvelle formation de Wednesday Campanella fait un sans-faute pour le moment, car chaque nouveau morceau est très accrocheur et révèle un peu plus le chant d’Utaha. Côté arrangement musicaux, le style ne diverge pas beaucoup du Wednesday Campanella de l’époque de KOM_I. La manière de chanter d’Utaha prend par contre, petit à petit, des distances avec celui de KOM_I et c’est une bonne chose. Ce morceau Orihime sera le premier du futur album de 8 titres intitulé Neon qui sortira le 25 Mai 2022. On connaît déjà la moitié des autres morceaux de cet album, à savoir les morceaux Edison, Maneki Neko, Alice et Buckingham.

Dans ma playlist actuelle, j’inclus également un nouveau morceau d’Utada Hikaru en duo avec un certain Warren Hue, que je ne connaissais pas. Warren Hue est un rappeur d’origine indonésienne, ayant déjà collaboré avec d’autres artistes japonais comme le groupe Atarashii Gakko que je mentionnais il y a quelques temps pour un morceau appelé Freaks. Ce nouveau morceau d’Utada Hikaru est sorti à la suite du festival californien de Coachella qui s’est déroulé sur deux week-ends les 15-17 et 22-24 Avril. Le festival était retransmis en live gratuitement sur trois canaux YouTube et j’ai regardé plusieurs concerts dont celui intitulé 88rising Heads in The Clouds Forever. 88rising est une agence musicale américaine mettant en avant des artistes en provenance d’Asie ou américains d’origine asiatique. Je ne pense pas qu’Utada Hikaru soit affiliée à cette agence mais elle faisait partie du set sur l’impressionnante scène principale du festival. Elle n’a chanté que pendant une petite dizaine de minutes un medley de plusieurs morceaux plus ou moins récents. Le set contenait bien entendu Face your Fears car ce morceau est connu mondialement grâce au jeu vidéo Kingdom Hearts, mais également à ma grande surprise son premier single Automatic. Sur scène, on sentait qu’elle avait un certain trac, ce qui peut se comprendre devant une foule pareille qui pour beaucoup devait l’entendre pour la première fois. Ses appels au public étaient par conséquent un peu timides et j’ai trouvé sa prestation assez moyenne dans l’ensemble, moins bonne que ce que j’avais pu voir sur Netflix pour son concert Laughter in the Dark de 2018. Utada Hikaru n’était pas la seule artiste japonaise présente à Coachella, car Kyary Pamyu Pamyu s’y produisait également sur une scène plus petite. La popularité de KPP à l’étranger m’impressionnera toujours. Pour revenir à ce nouveau morceau s’intitulant simplement T sorti dans la foulée de Coachella, j’aime beaucoup son ambiance lente auquel j’associe dans ma tête en l’écoutant des images rêvées d’une soirée estivale californienne. Ce morceau chanté en anglais par Utada et Warren Hue à quelque chose de paisible et d’apaisant.

Zombie-Chang va également bientôt sortir un nouvel album le 11 Mai 2022. Il s’intitulera Stress de Stress. Je ne suis pas avec beaucoup d’attention le parcours musical de Meirin de Zombie-Chang mais je trouve régulièrement dans sa discographie des morceaux intéressants qui me plaisent beaucoup. C’est le cas du single Granny Square déjà sorti en Novembre 2021, mais qui sera présent sur son nouvel album. Comme souvent chez Zombie-Chang, les morceaux qu’elle écrit ont beaucoup d’humour. Elle s’est lancée depuis quelques temps dans le tricot de vêtements qu’elle porte ensuite, et les paroles de Granny Square reprend le vocabulaire de ce domaine, par exemple « double crochet », mélangées à des sons électroniques imprévisibles. J’ai eu envie de réécouter la musique de Zombie-Chang après être tombé par hasard sur un InstaLive de Meirin nous présentant la version limitée très surprenante de son dernier album (elle a beaucoup d’humour, c’est sûr).

Le quatrième et dernier morceau de cette petite playlist est d’une artiste Hip-hop appelée Ame to Kanmuri (あめとかんむり) que je ne connaissais pas du tout. Le morceau s’intitulant Lie Night est présent sur son unique album Nou sorti en Décembre 2018. Je ne sais plus par quelle magie d’internet je ne le découvre que maintenant, mais j’aime vraiment beaucoup sa voix très marquée. On croirait même qu’elle force volontairement le trait mais ça fonctionne très bien sur ce morceau mélangé avec des sons électroniques. Je reviens un peu plus vers le hip-hop ces derniers temps en continuant également la découverte du dernier album d’Awich avec le très bon morceau Link Up (feat. KEIJU, ¥ellow Bucks), certes moins puissant que le morceau titre de l’album, Queendom, que j’avais évoqué auparavant. J’ai encore beaucoup d’autres morceaux et albums à évoquer dans des prochains billets. Alors que je me concentrais ces dernières semaines sur l’écriture de mes billets sur notre voyage à Nagano et sur les cerisiers en fleurs, j’ai pris un peu de retard pour présenter ici la musique que j’aime.

le jour du sake vert à Kyōtei

Le ryokan et restaurant Kyōtei (京亭) que je montre en photographies ci-dessus est situé dans la petite ville de Yorii dans la préfecture de Saitama et a été utilisé comme lieu de tournage de la vidéo du morceau Ryokushu (緑酒) de Tokyo Jihen, sortie le 13 Mai 2021, quelques jours avant l’album Music (音楽). La beauté de cette vidéo réalisée comme d’habitude par Yuichi Kodama m’avait tout de suite interpelée au point où j’avais tout de suite recherché sur internet quelle était cette vieille demeure servant de lieu de retrouvailles pour les membres de Tokyo Jihen. Le single Ryokushu a eu beaucoup de succès et est un des morceaux emblématiques de l’album Music et de Tokyo Jihen, non seulement pour la qualité du morceau en lui-même mais aussi, je pense, grâce à cette vidéo (cette vidéo est de très loin la préférée du fan club Ringohan) . Aux yeux des fans, voir le groupe se retrouver dans une ambiance joviale marque réellement la réformation du groupe après 8 longues années d’inactivité. Cette vidéo a par conséquent une signification particulière qui m’a depuis le début donné envie d’y aller. Il m’a fallu un peu de temps pour me décider mais cette Golden Week semblait être le bon moment. Nous n’avions pas dans l’idée d’y passer une nuit mais plutôt d’y déjeuner. Je téléphone d’abord quelques jours avant notre visite pour réserver une table, en pensant que ça devait être déjà pleinement réservé depuis longtemps en cette période de vacances, sachant que le ryokan se trouve dans une zone plutôt touristique à proximité de Nagatoro dans la région montagneuse de Chichibu. Par une chance inespérée, une table restée libre nous attendait. Réservation faite pour 12h30, nous voilà partis le Mercredi 4 Mai vers 9h30 du matin.

Un trajet normal depuis le centre de Tokyo jusqu’à ce coin reculé de Saitama par l’autoroute Kan-Etsu (関越道) prend normalement de 1h30 à 2h. En partant assez tôt, on pensait pouvoir se promener au bord de la rivière Arakawa près du ryokan avant d’aller déjeuner. C’était sans compter les aléas de la Golden Week, qui est, d’autant plus, « normale » cette année, c’est à dire sans état d’urgence incitant les gens à rester chez eux. Il nous aura fallu trois heures de route pour arriver jusqu’à Yorii, en changeant de stratégie en cours de route, alternant autoroute encombrée et routes nationales tout aussi encombrées. Depuis quelques mois, voire plus d’un an, j’ai développé une capacité d’attente et de prise sur soi que je n’avais pas auparavant. Je suis maintenant en mesure d’attendre au milieu d’une file de voitures qui n’avancent pas avec le sourire. Contrairement à ce que pensait Mari, je n’ai pas volontairement passé en boucle en voiture l’album Music sur lequel se trouve Ryokushu, car je ne voulais pas associer dans mon esprit la musique de cet album avec des embouteillages interminables. Mais la radio a pris le relai en le passant soudainement, ce qui m’a d’ailleurs surpris car le morceau sorti l’année dernière n’est plus tout à fait récent. L’animatrice radio se trompe d’ailleurs dans le titre en annonçant le morceau avec le nom « Midori no Sake » (緑酒, Sake vert) plutôt que Ryokushu, qui est en fait une autre manière de prononcer les mêmes kanji. Je comprends à ce moment là que c’était volontaire car nous sommes aujourd’hui, le 4 Mai, le jour du Vert (autrement dit, de la nature) ou « Midori no Hi », et que la station de radio que nous écoutons à ce moment là sélectionnait volontairement des morceaux ayant un lien avec la couleur verte. Je me dis que nous avons très bien choisi notre journée pour cette visite des lieux du tournage de Ryokushu. Nous arrivons sur place à 12h30 exactement, ce qui démontre de ma part une maitrise parfaite du timing. Je reconnais tout de suite l’entrée de ryokan que l’on voit dès le début de la vidéo. Une dame nous accueille et nous amène jusqu’à la pièce où nous mangerons.

Kyōtei était autrefois la demeure de Kōka Sassa (佐々紅華), compositeur japonais né en 1886 et mort en 1961. Il a composé de nombreuses chansons, écrit le scénario d’un opéra mais était à l’origine graphiste, diplômé du département de design industriel de l’école Tokyo Institute of Technology (le campus actuel se trouve près de la station d’Ōokayama à Tokyo). Comme il était mélomane depuis son plus jeune âge, il a également passé les examens de l’académie de musique de Tokyo (actuellement le département musique de l’université des Beaux Arts), mais n’a pas poursuivi cette voie. Son attrait constant pour la musique l’a pourtant poussé vers des travaux de design destinés au monde de la musique. Il a d’ailleurs dessiné un logo intéressant pour la compagnie de disques Nipponophone (日本蓄音器商会) fondée en 1910 (et sous le nom actuel Nippon Columbia), représentant un bouddha écoutant un gramophone, inspiré par le chien du label musical His Master’s Voice (HMV ou La Voix de son Maître, historiquement dans le groupe anglais EMI). En 1913, Kōka Sassa se lança dans l’écriture de comptines puis en 1917 écrit un opéra se produisant à Asakusa. Il a ainsi fondé l’opéra d’Asakusa. Il continuera ensuite à écrire des chansons au sein de Nippon Victor puis Nippon Columbia. En 1931, commence la construction de sa maison de style sukiya à Tamayodo dans la ville de Yorii, l’actuel ryokan Kyōtei. Il en dessine les plans et supervise la construction en vivant sur place dès l’année suivant le début des constructions. Il faudra en tout cinq années pour construire le bâtiment actuel. Il a vécu dans cette maison jusqu’à sa mort le 18 Janvier 1961. Après sa mort, sa petite fille, Yasue Sassa, devient propriétaire et convertit cette résidence en un ryokan. Des personnalités viendront y séjourner, comme par exemple l’auteur Shōtarō Ikenami (池波正太郎).

Le bâtiment semble être entièrement préservé en l’état avec seulement quelques aménagement récents, ce qui donne à ce ryokan beaucoup de charme. J’imagine que préserver un bâtiment de cette taille ne doit pas être aisé. Le rez-de-chaussée sert de salles de restaurant. Il n’y a qu’un seul menu, avec des variations, à base de poisson Ayu cuisiné de différentes manières. Le repas était excellent, d’autant plus que l’on déjeune en ayant une vue sur le jardin, en regardant la lumière du printemps traverser les jeunes feuilles d’érable momiji. Cette ambiance paisible est bien agréable comme si le temps s’arrêtait pour un après-midi. Sur le site web du ryokan, il est d’ailleurs écrit qu’il s’agit d’un espace pour oublier le temps (時間を忘れて過ごす空間). Au cours du repas, il fallait bien qu’on lance le sujet de cette vidéo de Tokyo Jihen avec les dames du personnel du ryokan pour voir si elles étaient disposées à en parler. Le fait de mentionner que j’étais fan de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen (Mari prend toujours un malin plaisir à dire que je suis même membre du fan club) leur apporta même un enthousiasme certain. On nous a donc très volontiers donné quelques détails. On nous dit que le tournage s’est déroulé en une seule journée, le dimanche 25 Avril 2021, avec une équipe de tournage très bien organisée de 60 personnes. La propriétaire du ryokan, qui vient nous servir pendant la deuxième partie du repas, nous explique qu’elle avait d’abord eu des réticences car elle ne voulait pas fermer le restaurant et le ryokan pour une journée entière, mais que la période de crise sanitaire qui a vu une accumulation soudaine d’annulations de réservation a finalement permis ce tournage. Elle nous indique de la main les différents endroits où le tournage a eu lieu: le bain utilisé par Ichiyō Izawa, qui a été refait depuis, le coin de jardin où Ukigumo nous dit qu’il aurait dû venir en train vers la fin de la vidéo et le deuxième étage où les scènes principales ont été tournées. La propriétaire nous indique qu’on pourra visité ce deuxième étage après le dessert et avant l’arrivée à 15h des clients qui y passeront la nuit. J’ai du mal à tenir en place lorsqu’elle nous indique qu’on pourra visiter librement le ryokan pendant presqu’une heure. Elle nous dit que de nombreux fans de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen sont déjà venus ici, parfois habillés du yukata du groupe. Certains sont venus de loin, de l’autre bout du pays, prenant l’avion pour l’occasion avec une petite valise pour se changer en arrivant. Je ne suis pas du tout étonné de cela car les fans de Sheena Ringo peuvent aller très loin. Comme signe distinctif, je me suis personnellement contenté d’un petit badge bleu de Tokyo Jihen accroché sur le col de la chemise. La propriétaire le regarde en constatant qu’il s’agit bien du motif de paon (孔雀) qu’elle a vu sur certains yukata de visiteurs. Ce ryokan deviendrait pratiquement un lieu de pèlerinage pour les fans. J’ai moi-même ressenti cette envie irrésistible de venir jusqu’ici malgré le long trajet aller-retour en voiture.

Après le dessert, nous montons donc à l’étage où je retrouve la salle principale en tatami dans laquelle Tokyo Jihen prenait leur repas de retrouvailles accompagné de beaucoup de sake. La vue depuis cette pièce est magnifique. On aperçoit le jardin japonais en contrebas et la rivière Arakawa un peu plus bas. Dans la vidéo, Toshiki Hata nourrissait les carpes koi dans le bassin de ce jardin japonais. Je ne résiste pas à l’envie de m’asseoir au coin des fenêtres prenant la pose de Seiji Kameda lorsqu’il boit un verre de sake en attendant que les autres membres du groupe arrivent, ou de m’assoir à la place de Sheena Ringo sur le tatami de la grande salle au deuxième étage. On avait bien entendu revu la vidéo avant de venir et j’essaie au mieux de prendre des photos des endroits que je reconnais. Il n’y avait bien sûr aucun tissu au design de Tokyo Jihen comme sur la vidéo, ni guitares Vox Phantom posées dans un coin. La météo était idéale pour se promener dans le jardin japonais et nous faisons durer notre plaisir jusqu’au bout. Je m’attendais à ce qu’un chat vienne nous dire bonjour, et c’était en effet le cas pendant le repas. Il est passé nous voir en miaulant et à vite disparu dans le jardin. C’est amusant car j’avais eu ce genre de signe (qui est bien entendu une coïncidence) lors de la visite du temple Kishimojin-dō à Zōshigaya utilisé comme lieu de tournage pour Kabukichō no Jōo. On a un peu de mal à partir mais il est déjà l’heure. Nous descendons ensuite au bord de la rivière. Le lieu s’appelle Tamayodo (玉淀). Une bonne partie de la vidéo de Ryokushu y a également été tournée. Je reconnais le grand rocher de l’autre côté de la rivière que l’on voit dans la vidéo. Il doit également y avoir un cerisier au bord de cette rivière mais je ne l’ai malheureusement pas vu. Avec toutes ces images en tête, il nous faudra bientôt reprendre la route, avec l’album Music comme fond sonore. Malgré mes appréhensions car nous avons quitté les lieux à l’heure de pointe des retours vers 17h, il nous a fallu que deux heures pour rentrer sur Tokyo. Il est en fait beaucoup plus rapide de venir en train car il y a une ligne directe reliant Ikebukuro et Yorii en 90 minutes. J’ai pris beaucoup de photos de cette journée et c’était un peu compliqué de faire une sélection. Je montre d’ailleurs quelques autres photos sur mon compte Instagram, ce qui m’a d’ailleurs forcé pour l’occasion à écrire une description un peu plus longue que d’habitude. J’ai tendance à être très bref sur Instagram alors que je dois avoir plus de visiteurs que sur ce blog.

Pour la petite histoire, l’idée d’aller visiter le ryokan Kyōtei m’est revenu en tête après avoir vu la vidéo du morceau Matsuri (まつり) de Fujii Kaze (藤井風). Elle se déroule dans un parc qui a l’air magnifique appelé Rinkōkaku (臨江閣) près de Maebashi dans la préfecture de Gunma. Voir Kaze évoluer dans un des bâtiments traditionnels en bois du parc m’a en quelque sorte rappelé la vidéo de Ryokushu. Je pense que j’aime autant ce morceau Matsuri que je trouve Fujii Kaze agaçant. L’envie d’écouter ce morceau m’est aussi venu après avoir vu une interview de son producteur Yaffle par un autre producteur, Seiji Kameda, sur l’émission Wow Music que j’ai déjà évoqué plusieurs fois auparavant. J’ai également lu une très bonne interview en anglais de Yaffle par Patrick Saint Michel, sur le site de Billboard. Cette dernière interview contenait un lien vers la vidéo du morceau Matsuri de Fujii Kaze. Ce morceau a fait partie de ma playlist pour les trajets en voiture pendant cette Golden Week, tout comme l’excellent morceau intitulé Plateau (プラトー) de Sakanaction (サカナクション). Je ne suis pas sûr d’écouter leur album en entier mais la manière de chanter les couplets d’Ichirō Yamaguchi sur ce morceau me fascine complètement. Et le petit passage saccadé de guitare au milieu du morceau me rappelle ce que Kida pourrait jouer sur un morceau de Tricot.

Et pour revenir vers Tokyo Jihen, j’inclus également dans ma playlist la nouvelle version du morceau Shiseikatsu (私生活 新訳版) de leur troisième album Variety (娯楽 バラエティ) sorti en 2006. Les musiques de cette nouvelle version sont différentes de la version originale mais il ne s’agit pas non plus d’un remodelage complet du morceau. On peut légitimement se demander la raison de la sortie soudaine, le 1er Mai, de cette nouvelle version. Au moment de la sortie du Best Album Sōgō (総合), Tokyo Jihen avait en fait joué ce morceau le 24 Décembre dans l’émission Music Station Ultra Super Live 2021 (ウルトラスーパーライブ2021), d’où l’envie peut être de sortir cette version de manière officielle. Cette version retravaillée n’est pas meilleure que l’originale, mais je me surprends à beaucoup l’apprécier et l’écouter au milieu de ma playlist juste avant le morceau Matsuri de Fujii Kaze. Je prends en quelque sorte l’habitude de faire cohabiter Tokyo Jihen avec Fujii Kaze car on pourrait s’attendre à une collaboration si Sheena Ringo prend en compte les avis du fan club lors de la dernière enquête (j’en doute personnellement, mais je peux me tromper). L’illustration du single montrant la tour de Tokyo est empruntée au livre Tokyo Kenbutsu (東京見物) de feu Makoto Wada (和田誠). Je ne suis pas vraiment surpris que Sheena Ringo fasse ce choix. Makoto Wada était également le designer du packaging de Hi-lite, qui est (ou était) sa marque de cigarettes depuis toujours. J’en parlais rapidement dans un billet précédent au moment de la sortie du morceau Hotoke dake Toho (仏だけ徒歩) et de sa vidéo.