la vie est un long canal tranquille

Après notre visite du grand sanctuaire Katori Jingū, l’étape suivante de notre journée dominicale est de parcourir la petite ville de Sawara (佐原市) située à seulement quelques kilomètres du sanctuaire, dans la même préfecture de Chiba. Sawara conserve des rues et des bâtiments traditionnels le long d’un canal. Cette petite ville développée autour du sanctuaire Katori Jingū était autrefois un port, devenue un centre de commerce important pendant la période Heian. Les rues sont conservées mais il n’y a plus de commerce sur le canal depuis bien longtemps. La petite ville que nous traversons en voiture puis à pieds est extrêmement tranquille. Il y a peu de monde dans les rues pour une journée de week-end et ça nous surprend. On peut parcourir le canal en barque, ce que nous faisons juste avant la fermeture vers 16h30. C’était une bonne idée de faire ce parcours en barque à cette heure tardive. Le soleil n’est pas aussi agressif qu’en milieu de journée, ce qui permet d’enlever la toiture de la barque et nous faire apprécier d’autant plus le paysage pendant notre petite promenade. On se sent bien au bord de l’eau, tellement bien que Zoa a la bonne idée de s’allonger sur le dos sur le tatami de la barque pendant une partie du voyage. J’aurais également aimé le faire moi-même pendant quelques instants, mais je me suis retenu. C’est le privilège de l’insouciance adolescente que j’aimerais parfois retrouver. Nous sommes heureusement les seuls à avoir embarqué pour ce dernier départ de la journée donc s’allonger ne dérange de toute façon personne. La promenade sur le canal dure une bonne demi-heure aller et retour. Le groupe de personnes d’un certain âge ayant passé la journée à naviguer sur le canal avec des touristes finit leur journée de travail au moment où nous terminons notre promenade. On les voit se regrouper pour discuter tranquillement sur la barque restante, que nous venons juste de quitter. En voyant cette scène, je me dis que la vie de cette petite ville doit ressembler à celle d’un long canal tranquille. La réalité doit être autre. Le retour sur Tokyo se déroule étonnamment sans encombres, alors que je m’étais préparé mentalement à quelques heures d’embouteillage et de ralentissements. J’ai beaucoup de mal, encore maintenant, à prévoir les flux routiers de cette ville.

floating across the blue sky alone

L’envie m’est soudainement venue de parcourir à pieds le bord de la rivière Tamagawa, pas vraiment pour une longue marche mais plutôt pour saisir pendant quelques instants dans mes bronches la fine brise rafraîchissante qui court le long de la rivière. Je suis parti de la station de Futago-Tamagawa pour marcher dans un premier temps dans les quartiers résidentiels près de la rivière. Au passage, j’aperçois une étrange maison, celle de la première photographie, dont l’entrée n’est accessible qu’à l’étage par un escalier de métal. Cette entrée est couverte comme s’il s’agissait d’une protection contre les éléments extérieurs. On me fait même remarquer sur Instagram que cette entrée ressemble un peu à celle d’un avion, accessible depuis le tarmac. Je ne connais pas la raison exacte de l’emplacement de cette entrée et de son apparente couverture protectrice, mais j’imagine qu’elle est liée à la crainte éventuelle d’un débordement de la rivière Tamagawa. La route parmi les maisons de la zone résidentielle me ramène assez vite vers le bord de la rivière. Certaines maisons au bord de la rivière aménagent leurs petits jardins pour leur donner un petit air de vacances.

Pour le chemin du retour, je passe au plus près de la rivière en marchant au dessus des digues de terre aménagées pour les piétons et les cyclistes. À cet endroit, en contrebas, les terres près de la rivière sont occupés par divers terrains de sport. Alors que je me rapproche déjà de la station, je longe l’auto-école Koyama Driving School qui me rappelle des souvenirs. J’aime bien revoir cette école car j’y ai passé mes deux permis moto (le 400cc et le gros cubes). Au début des années 2000, j’y prenais des cours de conduite tous les week-ends et je me souviens encore très bien descendre la longue route 246 jusqu’à Futago-Tamagawa en scooter, puis en Honda CB400 (après avoir obtenu le permis 400cc) pour aller à l’école. La moto me manque un peu quand j’y repense, surtout quand l’été approche. Je m’étais décidé à passer le permis moto après un voyage à Kota Kinabalu sur l’île de Borneo, en voyant une fille à moto tracer sa route le long de la côte sous la chaleur estivale. J’ai encore cette image clairement en tête. Mais la conduite à moto peut être parfois beaucoup moins agréable lorsqu’il pleut pendant des journées entières, comme ça avait été le cas lors d’un voyage à Hokkaido à moto en Août 2002. La pluie incessante ne nous avait pas empêché d’apprécier les paysages d’Hokkaido mais on était quand même content de trouver un peu de chaleur dans les riders’ houses où nous passions la nuit.

Après avoir écouté l’album Heaven’s Kitchen de Bonnie Pink, j’ai eu l’envie irrésistible d’écouter d’autres albums au fur et à mesure que je les trouvais d’occasion en parcourant différents magasins Disk Union de Tokyo. Comme elle a sorti un grand nombre d’albums (12), je me suis concentré sur les premiers en commençant par son tout premier Blue Jam sorti en 1995, puis par le troisième album evil and flowers sorti en 1998. J’ai rapidement complété avec Let go sorti en 2000, Just a girl sorti ensuite en 2001, puis l’album de 2004, Even So dont je montrais la couverture dans un précédent billet. J’ai en fait commandé Even So sur Mercari car je ne le trouvais pas chez les disquaires Disk Union. De ses débuts en 1995 à cet album de mi-carrière Even So, son style musical a sensiblement varié. Les aspirations rock indé des débuts se sont transformés petit à petit en une approche beaucoup plus pop sur Even So. J’aime bien sûr beaucoup l’approche rock indé, mais l’album Even So est peut-être bien le meilleur que je connaisse pour l’instant. Elle a beaucoup d’aisance dans sa voix et la composition musicale de ses morceaux est particulièrement accrocheuse. J’aime d‘autant plus cet album que l’esprit d’ensemble est plutôt différent de ce que j’écoute en général. Il y a des morceaux plus forts que d’autres. J’adore par exemple le premier Private Laughter, le troisième New Dawn, les deux morceaux qui se suivent Mint et 1•2•3 puis le onzième morceau Jinsei Game (人生ゲーム).

J’écoute également beaucoup le troisième album evil and flowers (1998), qui a comme je le disais ci-dessus des sonorités plus rock indé. Cet album est plus sombre en comparaison des autres. Elle a écrit l’album seule dans la campagne suédoise, alors qu’elle était en recherche d’inspiration. Il faut noter que son producteur de l’époque est le suédois Tore Johansson, également producteur du groupe The Cardigans (souvenons-nous des morceaux Carnival sur l’album Life de 1995, de Lovefool sur l’album First Band on the Moon de 1996 et de My Favourite Game sur l’album Gran Turismo de 1998). L’album evil and flowers est excellent et les meilleurs morceaux à mon avis sont le deuxième Forget Me Not (la partie finale notamment), le onzième Only For Him (notamment les sonorités de guitare) et le septième Kingyo (金魚). Ce morceau Kingyo n’est pas un morceau sur lequel on accroche immédiatement et il demande plusieurs écoutes pour vraiment l’apprécier, mais c’est clairement un morceau clé de cet album. Parmi les 13 morceaux de l’album, c’est le seul dont le titre est écrit en kanji, et comme il s’agit du septième morceau, il prend une position centrale sur l’album. Les premier et dernier morceaux sont le même titre Evil and Flowers, le même que celui de l’album, mais dans des versions musicales différentes. Cette symétrie des premier et dernier titres similaires autour d’un seul morceau écrit en kanji m’interpelle forcément, car elle semble volontaire. La symétrie ne s’applique pas sur tous les morceaux comme Sheena Ringo pourra le faire à partir de son album Shōso Strip de 2000. Mais comme je sais que Sheena Ringo avait conscience de la musique de Bonnie Pink, je me demande maintenant si elle n’aurait pas trouvé là un brin d’inspiration. Je n’ai cependant jamais lu ou entendu d’explication sur cette attirance de Sheena Ringo pour la symétrie, donc il s’agit d’une pure supposition de ma part.

J’écoute ensuite le premier album de Bonnie Pink, Blue Jam, sorti en 1995, également dans des ambiances rock indé et blues rock. Il est plus court car il ne contient que 8 morceaux. Il fait quand même 41 minutes car certains morceaux comme le septième Maze of Love fait plus de 7 mins. Il y a beaucoup de très bons morceaux sur cet album, notamment le premier Scarecrow (que Sheena passait dans son émission radio Etsuraku Patrol en 1998, comme je le mentionnais plus tôt), le plus léger Candy Futatsu no Sanpo (キャンデイ2つの散歩), le beaucoup plus sombre Senaka (背中) et Freak, qui est très certainement le meilleur morceau de l’album. L’ambiance musicale mélange différents sons. Un bruit sourd démarre le morceau accompagné ensuite d’une guitare faisant des sursauts et de scratches entre autres bruits variés. Comme sur tous les morceaux de Bonnie Pink, sa voix ne déçoit jamais, à la fois forte et nuancée.

J’écoute également l’album de 2000, Let Go, que je trouve dans l’ensemble moins accrocheur et prenant que ceux que j’ai mentionné jusqu’à maintenant, certainement parce qu’on y trouve une majorité de balades. Il y a tout de même beaucoup de très bons morceaux comme les deux premiers Sleeping Child et Fish, le onzième Rumblefish ou encore le deuxième morceau You Are Blue, so Am I. L’ensemble se tient très bien dans la continuité, sans que les morceaux se détachent vraiment les uns des autres, surtout au le milieu de l’album. Certains morceaux m’attirent plus que d’autres comme par exemple celui intitulé Tears for Leo car j’aime bien les vagues que Bonnie met dans sa voix. Cet album met en fait un peu plus de temps à se révéler et on y revient facilement même s’il n’a pas une empreinte aussi forte que les autres albums. Quant à l’album Just a Girl, je le trouve à priori en deçà des autres albums que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant. Je dis « à priori » car je ne l’ai pas encore beaucoup écouté pour le moment et mes impressions initiales peuvent changer.

parcourir les chemins ombragés de Katori Jingū

La semaine avant le pic de chaleur, nous avons eu la bonne idée d’aller faire un petit tour dans la préfecture voisine de Chiba pour une visite du sanctuaire Katori Jingū (香取神宮). Nous avions déjà visité le grand sanctuaire Kashima Jingū (鹿島神宮), qui se trouve à proximité (à environ 17kms de distance). Tout comme Kashima Jingū, Katori Jingū fait partie du groupe de sanctuaires appelé chokusaisha, recevant la visite régulière d’un envoyé spécial de l’Empereur lors de festivités importantes, tout comme Meiji Jingū (明治神宮). On ne connaît pas la date exacte de la fondation du sanctuaire mais on parle de l’an 643 av. J.C. On sait par contre que la grande porte appelée Rōmon (sur les première et cinquième photographies) ainsi que le bâtiment principal du sanctuaire, le Honden (sur les quatrième, sixième et septième photographies) datent de l’an 1700. Le Honden suivait d’ailleurs la pratique appelée Sengū (式年遷宮) qui consistait à détruire et reconstruire ce bâtiment sacré tous les vingt ans. Alors que cette pratique est toujours en place pour le sanctuaire d’Ise Jingū, elle a été suspendue pour le sanctuaire Katori Jingū à l’époque de Sengoku. L’enceinte du sanctuaire est vaste et boisée. L’approche est délimitée par des rangées de lanternes de pierre et est presqu’entièrement recouverte d’arbres. Cette forêt n’est pas aussi grandiose que celle de Kashima Jingū qui a quelque chose de magique, mais on apprécie beaucoup parcourir ses chemins ombragés. A la sortie du sanctuaire, près du parking, un groupe de motos était stationné devant un café restaurant. J’ai d’abord cru à un groupe de bōsōzoku car certaines des motos étaient un peu trafiqués et elles étaient plutôt bruyantes à leur entrée sur le parking, mais en fait non. Il s’agissait d’un groupe de filles. Mais quand on regarde d’un peu plus près, on remarquera les plaques d’immatriculation un peu trop mises à l’horizontale, comme pour éviter les contrôles en cas de vitesse excessive.

Nous continuons également la collecte des sceaux goshuin. Celui de Katori Jingū est malheureusement un peu classique, dans l’esprit de celui de Meiji Jingū que j’avais volontairement choisi pour conclure mon premier goshuinchō (le jaune à gauche). J’avais trouvé ce goshuinchō au sanctuaire de Koami (小網神社) à Nihonbashi. Mon nouveau carnet goshuinchō (le noir à droite) vient du sanctuaire Togakushi (戸隠神社), situé dans les montagnes enneigées de Nagano, que nous avions visité pendant les petites vacances de printemps. Il contient déjà quelques goshuin comme celui du temple Zenkōji (善光寺). Je m’étais d’ailleurs demandé quel goshuin je pourrais accolé sur la page en face de celui de Zenkōji. Je ne me voyais pas y mettre celui d’un petit sanctuaire quelconque d’une banlieue tokyoïte. Finalement, le temple fleuri de Shiofune Kannon (塩船観音寺) près de la ville d’Ōme a pris cette place. Nous avons un rythme beaucoup moins soutenu qu’au début pour collecter ces fameux sceaux goshuin de sanctuaires et temples, mais nous emmenons très souvent le carnet avec nous. J’aime surtout quand ils sont écrits sur place plutôt que préparés à l’avance sur une feuille à part, qu’il faut ensuite coller sur le carnet, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Ceux de Zenkōji et de Togakushi, tout comme celui de Katori Jingū, ont été écrits directement sur le carnet. Sur les deux photos ci-dessus, je montre d’abord mes deux carnets goshuinchō, puis les goshuin des temples Zenkōji à Nagano et de Shiofune Kannon à Ōme.

戦う 逃げ出したい 本当は

La chaleur estival qui approche les 40 degrés sur Tokyo est quasiment insupportable. Marcher dehors en pleine journée ressemble à une bataille (戦う) contre les éléments. On préférait s’échapper (逃げ出したい) dans des endroits plus frais mais on prend sur soi. Cette chaleur m’oblige en tout cas à abréger mes marches urbaines et, par conséquent, à moins prendre de photos en ce moment. Celles ci-dessus datent de la semaine dernière. Alors que je vais en général jusqu’à Shimokitazawa à pieds, j’ai préféré m’y rendre cette fois-ci en train depuis la gare de Shibuya pour revenir ensuite à pieds alors que le soleil commençait tranquillement à se coucher. On le remarque à la couleur de la lumière de certaines des photographies de ce billet. J’aime beaucoup cette ambiance de fin de journée. La vue sur la dernière photographie de ce billet a été un choc. Sur ce petit bout de mur grisâtre d’un pont ferroviaire près du magasin de disques Tower Records et près du parc Miyashita, on avait le plaisir d’apercevoir une mosaïque du petit robot Astro (Atom en japonais) d’Osamu Tezuka par l’artiste de rue français Invader. La mosaïque a été enlevée la semaine dernière sans aucune explication. Je ne pense pas qu’elle ait été volée, mais plutôt enlevée, car la zone de mur du pont où elle se trouvait a été repeinte. C’est extrêmement regrettable car cette mosaïque faisait partie du décor urbain de Shibuya. Elle était même devenue emblématique, à mon avis. C’est bien dommage car ce genre de symboles construisent l’histoire urbaine du lieu et les supprimer vient en quelque sorte effacer une petite partie de cette histoire. Ce qui m’étonne d’autant plus est que les graffitis assez grossiers dessinées sur le mur blanc juste à côté ont été laissés intacts. On en avait discuté dans les commentaires d’un billet précédent et j’étais pourtant persuadé que cette mosaïque ne disparaitrait pas (comme quoi…). J’espère qu’elle n’a été enlevée que temporairement pour repeindre le mur, mais j’ai beaucoup de doutes qu’il s’agisse seulement d’un simple nettoyage. On verra bien, mais Tokyo n’a de toute façon pas l’habitude de laisser vivre les choses trop longtemps. Le renouvellement perpétuel assure sa jeunesse éternelle comme un sérum de jouvence, que ça nous plaise ou pas. Elle se détruit pour se reconstruire sans cesse (東京破壊).

Tokyo Hakai (東京破壊) est le titre du deuxième album d’Aya Gloomy sorti il y a déjà un an, le 28 Avril 2021. Je connaissais déjà à peu près la moitié des morceaux de l’album pour les avoir écouté au fur et à mesure en single au moment de leur sortie (Start Again et Micro Creature) ou pour en avoir sélectionné quelques uns sur iTunes. Mais je n’avais bizarrement pas complété l’album en me procurant tous les morceaux. Ma pratique consistant à écouter les morceaux au compte-goutte me fait parfois oublier d’écouter un album en entier, si d’autres musiques viennent me distraire au même moment. Le dernier single intitulé Iro Iro d’Aya Gloomy, dont j’ai parlé récemment, me rappelle de manière soudaine et irrésistible vers cet album. J’aurais eu tord de ne pas m’y plonger une nouvelle fois dans sa totalité. Le monde d’Aya Gloomy est très particulier et unique car très personnel. En fait, j’adore sa manière de chanter et les sons électroniques qu’elle emploie sur ses morceaux. L’album s’intitule Tokyo Hakai qui veut dire Tokyo destruction et démarre avec un premier morceau intitulé 2020 (二〇二〇) qui répète ce titre d’album. Aya fait référence aux Jeux Olympiques de Tokyo en utilisant des extraits sonores de la conférence de presse pendant laquelle Tokyo a été sélectionné. C’est un thème récurrent car son premier album Riku no Kotō (陸の孤島) avait déjà un morceau intitulé 2020 / Tokyo Destruction. Celui-ci reprenait des sons similaires à ceux qu’on peut entendre sur la bande originale du film d’animation Akira. J’aimais beaucoup Riku no Kotō mais Tokyo Hakai est clairement plus abouti. L’ambiance pleine d’étrangeté est toujours très présente, car Aya nous rappelle qu’elle a pour aspiration de vivre dans l’espace mais reste malheureusement une forme vivante comme les autres coincée sur terre (私は宇宙に行くこともできない、地球にいる一つの生命体). On peut toujours lui souhaiter qu’elle arrive un jour à rejoindre les mondes intergalactiques mais on serait tout de même perdant si on n’était plus en mesure d’écouter ses nouveaux albums. Il y a fort à parier qu’elle reste accrochée sur terre pour quelque temps encore. L’ensemble de l’album est excellent et s’écoute préférablement dans son intégralité (ce que j’aurais dû faire depuis le début), mais les morceaux que j’aime par dessus tout en ce moment sont le cinquième morceau intitulé The Fight (dont je tire d’ailleurs le titre de ce billet) et le dixième Turn ☺︎ff. Je ne sais pas si je vais convaincre certains visiteurs d’écouter cet album, mais j’aurais au moins essayer.

霧になるなる東京

Les plantes grimpantes du parc Miyashita sur la première photographie poursuivent leur ascension pour former un toit au dessus du parc le long des tiges métalliques. On est encore loin du compte et ses plantes ne permettent pas encore de rafraîchir la jeunesse se regroupant dessous pendant ces journées chaudes du début de l’été. Je me dirige vers le quartier résidentiel de Shōtō pour le traverser jusqu’à l’avenue Yamate avec dans l’idée de revoir une petite tour en coin de rue que je pensais être grise argentée. Je la retrouve sur la troisième photographie mais elle est désormais peinte en blanc. Le petit immeuble de la cinquième photo a été construit très récemment. La première fois que j’ai vu ce bâtiment, il était encore en construction et la forme en angle d’une des ouvertures m’a tout de suite rappelé l’église de béton à Hiroo conçue par Tadao Ando. Il s’agit en effet d’un bâtiment de Tadao Ando pour la petite agence publicitaire Sima Creative House. Les photographies suivantes partent en direction de Minami Aoyama pour saisir la jeunesse qui s’affichent sur les vitrages de la boutique agnès b puis vers Omotesando avec la devanture cartoonesque de la boutique Comme des garçons. Et pour ce qui est du chat dessiné sur un mur de briques le long d’un parking, je n’ai plus de souvenirs très précis d’où je l’ai aperçu.

Je connaissais l’existence de versions démo de certains premiers morceaux de Sheena Ringo pour les avoir découvert par hasard sur YouTube, mais je n’ai découvert que récemment, il y a quelques mois en fait, qu’une chaine Youtube les regroupait tous par cassette. Il existe en tout cinq cassettes de démo (des demo tapes) dont deux remontant à ses années lycées, une datant d’avant ses débuts et deux autres de l’époque de son premier album Muzai Moratorium. On y trouve de nombreux morceaux qui apparaîtront sur ses deux premiers albums Muzai Moratorium et Shosō Strip, mais également d’autres qui seront ensuite des B-sides et un assez grand nombre de morceaux jamais sortis en CDs et qui m’étaient par conséquent inconnus. La qualité musicale des premières versions est souvent très primaire, genre machine à karaoke, mais on reconnaît tout de suite sa voix si particulière et unique qui pouvait déjà nous faire ressentir tout le potentiel de chaque morceau. Les morceaux sont parfois incomplets et en version très différente de ce qu’on connaîtra ensuite en version finale sur les albums. Ces démo tapes s’écoutent certes comme des curiosités qui intéresseront avant tout les fans (les OTK quoi) et elles m’intéressent donc énormément. Par exemple, la deuxième cassette datant de l’époque où elle était au lycée contient la toute première version de Marunouchi Sadistic (on retrouve également une version assez similaire sur la cinquième cassette). Cette version initiale s’appelait A New Way To Fly et elle a été enregistrée alors que Sheena était en homestay à Londres. Les paroles entièrement en anglais sont complètement différentes de la version Marunouchi Sadistic que l’on connait sur Muzai Moratorium. Cette version intitulée A New Way To Fly est en fait composée d’un patchwork de couplets de trois morceaux du groupe américain d’inspiration grunge Stone Temple Pilots (STP). Les trois morceaux en question sont Tumble In The Rough, Seven Caged Tigers et Adhesive, provenant tous les trois de l’album Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop sorti en 1996. De STP, je ne connais que leur deuxième album Purple sorti en 1994 et je n’avais pas poussé plus en avant à l’époque de mon adolescence la découverte de ce groupe, bien que j’écoutais beaucoup de rock alternatif américain. Découvrir que Sheena Ringo s’inspirait de cet album avant ses débuts me pousse maintenant à le découvrir et il s’avère être excellent, car il me ramène vers ce style de guitare et de voix assez typique du son grunge, bien que STP part volontiers vers d’autres sonorités, par moments plus mélodiques. Marunouchi Sadistic retrouvera des paroles en anglais pour la version du concert Ringo Expo 08, que l’on trouve également en morceau bonus sur Sanmon Gossip sorti en 2009. Les paroles en anglais sur Marunouchi Sadistic (Expo Ver.) ne reprennent pas les paroles des trois morceaux de STP, mais il y reste une allusion avec les paroles « way to fly » / « way to die » dans le dernier couplet ainsi qu’une référence directe au mouvement grunge en mentionnant Nirvana et Kurt Cobain.

Marunouchi Sadistic n’est pas le seul morceau présent sur les cassettes de démo ayant un titre différent de celui qui sera finalement retenu sur les albums. Les premières versions de Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・) de l’album Muzai Moratorium s’appellent par exemple Headphone (ヘッドフォン). Le morceau B-side 17 s’appelle d’abord Now I’m Seventeen, le morceau intitulé Don’t you think?correspond à Gips (ギブス), Daijōbu (大丈夫) au morceau Kyogenshō (虚言症), le morceau B-side Remote (リモコン) sera plus tard renommé Remote Controller (リモートコントローラー). On trouve sur ces cassettes démo des morceaux que Sheena Ringo donnera ensuite à d’autres, notamment le morceau intitulé Shampoo (シャンプー) pour Rie Tomosaka sur son album Murasaki. (むらさき。). Le cas du morceau intitulé Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) sur ces cassettes de démo est intéressant. D’après le titre, on pourrait penser qu’il s’agit de la reprise de Cindy Lauper qui sera plus tard présent en B-side du single Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), mais il s’agit en fait d’une première version du morceau Private (プライベイト) que Sheena donnera à Ryoko Hirosue. Sur les démos, il y a quelques morceaux comme l’inédit LAY DOWN et Rinne Highlight (輪廻ハイライト) qui reprennent des extraits de paroles de morceaux de la compositrice et interprète américaine Susanna Hoffs, connue pour être la co-fondatrice du groupe pop rock californien The Bangles, populaire dans les années 80 (Eternal Flame, Walk like an Egyptian, Manic Monday sont quelques uns de leurs gros succès). Après The Bangles, Susanna Hoffs a démarré une carrière solo avec un premier album intitulé When You’re a Boy en 1991. Les paroles du morceau LAY DOWN sont en partie tirées du morceau My side of the Bed de cet album. Le morceau Rinne Highlight (輪廻ハイライト), qu’on trouvera ensuite en B-side du single Honnō (本能), comprend certaines paroles du morceau No Kind of Love de Susanna Hoffs sur ce même album. Le point intéressant est que sur ce même album When You’re a Boy de 1991, Susanna Hoffs reprend le morceau Unconditional Love de Cindy Lauper (datant de 1989) mais en modifiant certaines paroles dans un des couplets. En B-side du single Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), Sheena Ringo reprend en fait la version de Susanna Hoffs plutôt que celle de Cindy Lauper. En regardant les crédits du single, on voit en effet mentionné que la version contient des nouvelles paroles expressément écrites par Susanna Hoffs. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais entendu parlé de cette compositrice / interprète bien que je connaissais The Bangles. Il semble que Sheena Ringo l’appréciait pour reprendre plusieurs de ses paroles. Leurs styles musicaux sont pourtant très différent et l’interprétation pleine de passion faite par Sheena Ringo de Unconditional Love est bien supérieure à mon avis à celle plus posée de Susanna Hoffs. En regardant par curiosité certaines vidéos de The Bangles, he le demande d’ailleurs si Sheena n’a pas été influencé par Susanna Hoffs pour ses tenues de scène, notamment sur Senkō Xstacy. L’autre morceau inspiré de paroles de Susanna Hoffs, Rinne Highlight (輪廻ハイライト), est chanté en anglais sur ces cassettes démo et sur la version finale du single Honnō, mais en regardant maintenant les crédits sur le livret du CD de Honnō, je me rends compte que les paroles sont écrites dans un japonais approximatif qui vient en fait imiter les sonorités des mots anglais (on appelle ça le Sora Mimi). On voit une fois de plus que Sheena aime s’amuser avec les mots et j’ai parfois l’impression que ces découvertes inattendues et mystères sont sans fin.

Sur ces cassettes démo, on trouve bien sûr de nombreux morceaux qu’on trouvera ensuite avec les mêmes titres sur les deux premiers albums de Sheena Ringo, et c’est intéressant d’entendre les évolutions au fur et à mesure des morceaux. Les musiques sont bien sûr loin d’être les versions finales riches en guitares et peuvent sonner parfois un peu kitsch car elles sont souvent une idée initiale qui semble être avant tout destinée à accompagner son chant. En tout cas, dès les années lycées, Sheena a déjà cette voix si particulière et on se rend compte tout de suite de son potentiel. Il y a également des curiosités amusantes comme cette courte reprise live de la musique de la publicité Hitachi, Kono Ki Nan no Ki (この木なんの木), qu’on l’on peut entendre toutes les semaines dans l’émission du Samedi soir sur TBS Sekai Fushigi Hakken (世界ふしぎ発見!). Sheena chante le morceau assez calmement au début mais le rythme s’accélère forcément pour dérailler à la fin. Il y a également quelques reprises comme le morceau Today Tomorrow Sometime Never du groupe Echobelly, tiré de l’album Everyone’s got one sorti en 1994. Mais il y a surtout de nombreux morceaux inédits que je n’avais jamais entendu et qui ne sont à priori jamais sorti officiellement. Certains ont beaucoup de potentiel comme par exemple le morceau Shiroi e to Guitar (白い絵とギター) que je voudrais bien qu’elle reprenne un jour ou l’autre. Ce n’est pas impossible car un morceau comme Kudamono no Heya (果物の部屋) qu’elle a écrit au lycée sera intégré beaucoup plus tard à l’album Hi Izuru Tokoro sous le titre Shizuka naru Gyakushu (静かなる逆襲) dans une version forcément beaucoup plus sophistiquée et puissante. Parmi les morceaux inconnus, celui intitulé Kaigun Politician (海軍ポリティシャン) interprété en live a attiré ma curiosité car Sheena y cite à répétition le nom d’un homme politique japonais nommé Yasuhiro Nakasone. Les paroles répètent en refrain Nakasone moto sōri Kaigun Politician (中曽根元総理海軍ポリティシャン), c’est à dire l’ancien Premier Ministre Nakasone politicien de la marine. Le sens de tout cela est plutôt flou et je doute qu’il y ait un message politique derrière ce court morceau. Il est en tout cas vrai que Nakasone était Premier Ministre de 1982 à 1987 et qu’il était lieutenant-commander dans la Marine impériale pendant la deuxième guerre mondiale. Ce n’est pas la première fois qu’elle cite le nom d’un homme politique dans les paroles d’un morceau à ses débuts. Le nom d’un homme politique coréen était également cité mais bippé sur un morceau joué par Hatsuiku Status (発育ステータス) sur la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) en 2000. La troisième cassette de démo contient de nombreux morceaux inédits pris en live avec un esprit punk rock et dont les titres ne sont pas vraiment précisés. Ces quelques morceaux représentent bien la boule d’énergie qu’elle devait être à l’époque. Le morceau Juwaki no naka (受話器のなか) apparaît plusieurs fois sur les cassettes, dont une version proche d’une version finale, mais reste à ma connaissance inédit. Il y a là encore un potentiel non exploité qu’on aimerait entendre plus tard sur un futur album. C’est également le cas d’un autre morceau intitulé Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして). Bref les découvertes sont nombreuses et je ne vais pas toutes les citer car ces cassettes comprennent en tout 72 morceaux. Mais je citerais quand même pour terminer qu’on y trouve également la première version du morceau Gamble (ギャンブル) qu’on trouvera sur le EP SR/ZCS mais surtout en version sublimée sur Heisei Fūzoku (平成風俗). Quand on compare ces deux versions par exemple, on mesure bien sûr toute la différence.

Les trois photos accompagnant ce billet sont tirées du numéro de Mars 1999 du magazine Ongaku to Hito (音楽と人). Elles ont été prises dans la station de Nakano Shimbashi.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux que l’on trouve sur ces cassettes de démo:

Demo Tape 1 (高校時代 ~ High School days)
1. Marvelous Days
2. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
3. Shiroi e to Guitar (白い絵とギター)
4. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Toki ha Bōsō suru (時は暴走する)
6. Now I’m Seventeen [17]
7. Sanso wo Kudasai (酸素をください)
8. How Are You
9. Jesus Loves Me [morceau incomplet, hymne chrétien]
10. Daijōbu (大丈夫) [Kyogenshō (虚言症)]
11. Aozora (青空)
12. Don’t you think?[Gips (ギブス)]
13. GIRL
14. LOVE plus PEACE
15. Denaosu kara (出直すから)
16. Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして) [morceau incomplet]
17. Juwaki no naka (受話器のなか) [morceau incomplet]

Demo Tape 2 (高校時代 ~ High School days)
1. Rinne Highlight (輪廻ハイライト) [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
2. Onaji Yoru (同じ夜)
3. Kudamono no Heya (果物の部屋)
4. Tsuki ni Make Inu (月に負け犬)
5. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王)
6. Σ
7. Kōfukuron (幸福論)
8. Identity (アイデンティティ)
9. LAY DOWN [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
10. A New Way To Fly [Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック). Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Stone Temple Pilots]
11. Shampoo (シャンプー)
12. Sakana (サカナ)
13. Remote (リモコン) [Remote Controller (リモートコントローラー)]
14. Yami ni Furu Ame (闇に降る雨)
15. Before You Walk Out My Life [morceau incomplet, reprise du morceau de Monica sur l’album Miss Thang (1995)]

Demo Tape 3 (デビュー前音源20曲 ~ 20 songs before Debut)
1. 17
2. Marvelous Days
3. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
4. (Unknown) [1] TAKE IT!
5. Juwaki no naka (受話器のなか)
6. (Unknown) [2] SOMEDAY
7. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
8. Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして)
9. Kaigun Politician (海軍ポリティシャン)
10. Today Tomorrow Sometime Never [reprise du morceau d’Echobelly de l’album Everyone’s got one (1994)]
11. Kono Ki Nan no Ki (この木なんの木) [Musique de publicité pour Hitachi]
12. Daijōbu (大丈夫) [Kyogenshō (虚言症)]
13. Toki ga Bōsō suru (時が暴走する)
14. Denaosu kara (出直すから)
15. Shiroi e to Guitar (白い絵とギター) [LIVE]
16. How are You
17. (Unknown) [3] Jesus (ジーザス)
18. Morphine (モルヒネ) [LIVE]
19. Don’t you think [Gips (ギブス)]
20. Aozora (青空)

Demo Tape 4
1. Negative (ネガティブ) [reprise du morceau Hari no Nai Tokei (針のない時計) de Terasaka Tomohiro (寺坂トモヒロ)]
2. Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) [Private (プライベイト)]

Demo Tape 5 (無罪エトセトラ ~ Muzai et cetera)
1. Tadashii machi (正しい街)
2. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王)
3. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
4. Sid to Hakuchūmu (シドと白昼夢)
5. Honnō (本能) [morceau incomplet]
6. Orgel (オルゴール)
7. Suberdai (すべりだい) [Pre-mastered]
8. Gamble (ギャンブル)
9. Remote (リモコン) [Remote Controller (リモートコントローラー)] [morceau incomplet]
10. LAY DOWN [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
11. Keikoku (警告) [Pre-mastered]
12. Onaji Yoru (同じ夜)
13. Kōfukuron (幸福論) [Pre-mastered]
14. A New Way To Fly [Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック). Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Stone Temple Pilots]
15. Identity (アイデンティティ)
16. Kudamono no Heya (果物の部屋)
17. Rinne Highlight (輪廻ハイライト) [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
18. Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) [Private (プライベイト)] [morceau incomplet]