Hitachi Station par Kazuyo Sejima

L’idée nous est soudainement venue d’aller à Hitachi, petite ville côtière située dans la partie Nord de la préfecture d’Ibaraki. Comme son nom le laisse fortement penser, le groupe industriel Hitachi connu mondialement pour ses produits électriques, a vu le jour ici en 1910. La maison mère du groupe ne se trouve plus actuellement à Hitachi, mais de nombreuses usines y sont implantées faisant de cette ville un grand centre industriel. L’objectif de notre visite à Hitachi n’était pas de faire le tour des usines mais d’aller voir la station de trains JR et accessoirement l’océan placé juste en face. J’avais en tête depuis longtemps d’aller voir la gare d’Hitachi, mais l’occasion d’aller aussi loin dans la préfecture d’Ibaraki ne s’était pas présentée jusqu’à maintenant. Il fallait en fait provoquer cette occasion car on n’avait a priori pas d’autres raisons d’aller dans cette ville aussi loin de Tokyo. La gare a été conçue par Kazuyo Sejima (妹島和世) qui est en fait originaire de cette ville et a ouvert ses portes en 2011, l’année du grand tremblement de terre du Tohoku. J’imagine que les effets du tsunami qui s’en suivit ont été visible jusqu’à Hitachi.

On retrouve dans la conception de la gare d’Hitachi les éléments caractéristiques de l’architecture de Kazuyo Sejima, à savoir les immenses baies vitrées qui composent la totalité des murs de l’édifice. Cela donne un grand espace (3,568㎡) ouvert sur l’extérieur. L’activité à l’intérieur de la gare est donc visible depuis l’extérieur. Je suis toujours assez sceptique quant à cette transparence pour des résidences privées car les propriétaires finissent toujours par laisser les rideaux fermés en permanence, mais la transparence fonctionne très bien pour un bâtiment ouvert au public. Elle en devient même fonctionnelle. De la ville jusqu’à l’océan, le terrain forme plusieurs strates. L’entrée de la station est située au niveau de la ville et est accessible directement sans escaliers ou escalators depuis la rue et les parkings à voitures, bus ou taxis. La station est posée sur des piliers une strate plus bas, ce qui fait qu’elle est surélevée dans sa totalité pour rester au niveau de la ville. L’entrée de la station donne accès un long couloir de verre desservant deux principaux embranchements de la station, un premier donnant accès à la billetterie et aux quais de la ligne de train Joban et un deuxième embranchement plus petit contenant un café. Le long couloir est perpendiculaire à l’océan. L’océan au loin se révèle alors qu’on avance petit à petit à l’intérieur. Je montre ce couloir sur la deuxième photographie et la vue finale sur l’océan sur la troisième photographie. Plusieurs bancs appelés Flower sont placés devant cette grande baie vitrée donnant une vue imprenable sur l’océan. On trouve ces bancs en forme de trèfles à trois feuilles à plusieurs endroits dans la station et à l’extérieur. Ils ont été dessinés en 2001 par SANAA (Kazuyo Sejima et son collègue Ryūe Nishizawa), initialement pour la bibliothèque pour enfants de la médiathèque de Sendai conçue par l’architecte Toyo Ito. Il faut savoir que Kazuyo Sejima a fait ses débuts d’architecte dans l’agence de Toyo Ito en 1981 avant de fonder sa propre agence quelques années plus tard en 1987, puis SANAA avec Ryūe Nishizawa en 1995. Ces bancs Flower sont utilisés dans d’autres créations architecturales de SANAA comme le Rolex Learning Center en Suisse ouvert en 2010. La marque Vitra développa d’ailleurs un modèle produit en petites quantités pour les besoins de divers projets mais je ne suis pas certain que ce banc soit actuellement disponible à la vente. Je montre également un modèle placé à l’extérieur sur la septième photographie du billet.

L’architecture de Kazuyo Sejima devient impressionnante et, je dirais même sublime, au niveau du café situé dans le deuxième embranchement de la gare d’Hitachi. L’emplacement des piliers blancs fait qu’une partie du bloc de verre et d’acier portant le café vient se détacher dans le vide. L’ensemble donne une impression de légèreté et est d’une grande élégance. L’espace dessous la station est complètement ouvert et accessible depuis la station par des escalators et ascenseur. On peut s’y asseoir et regarder l’océan. Cet espace donne également accès à un deuxième petit parking automobile. Un large escalier de métal permet de descendre de la strate où se trouve la station jusqu’à l’océan. L’escalier permet les vues d’ensemble que je montre de la station sur les sixième et huitième photographies. L’impression de légèreté de l’ensemble se fait particulièrement sentir depuis ce point de vue, renforcé par son emplacement au bord d’une élévation naturelle du terrain au dessus du niveau de la mer. Le grand escalier que nous empruntons permet de connecter la station avec les quelques habitations placées au niveau de la mer, mais sert également de chemin d’évacuation pour ces habitants là en cas de tsunami. Je me demande si les habitations étaient beaucoup plus nombreuses au niveau de l’océan avant le tremblement de terre et le tsunami de Mars 2011.

Nous avons déjeuné dans le café, appelé Sea Birds Café, placé en face de l’océan. Il faut arriver un peu en avance car l’endroit est assez prisé. La météo était changeante mais nous avons échappé à la pluie lors de notre passage. C’est agréable de manger et de boire un café tout en regardant l’océan. Il faut juste faire abstraction de l’autoroute de béton placée les pieds dans l’eau au bord de l’océan. Cette voie rapide ne suit pas toute la côte mais passe juste devant la station avant de rentrer un peu plus tard dans les terres. On l’empruntera quand même volontairement sur le chemin du retour vers Tokyo pour admirer l’océan d’un côté et la station de l’autre. L’intérieur du café est vraiment très agréable car très lumineux. J’imagine qu’il peut être par contre difficile de rester longtemps à l’intérieur lors d’une journée fortement ensoleillée. On pourrait facilement s’endormir à l’intérieur si les fauteuils étaient plus confortables et le permettaient. J’étais d’ailleurs surpris de ne pas voir à l’intérieur du café les fameuses chaises de SANAA en forme d’oreilles de lapin. Nous reprendrons ensuite la route en essayant de passer au plus près de l’océan pour éviter les nombreuses usines Hitachi. Le bord de mer est en grande partie protégé par des murs de béton. On distingue difficilement les plages en roulant depuis la route longeant la côte. La pluie commence de toute façon à tomber et il faut donc penser au retour. Quelques autres photos de la gare d’Hitachi sont visibles sur mon compte Instagram.

三峰❷

Continuons notre visite du sanctuaire de Mitsumine (三峯神社) situé dans les montagnes de Chichibu (秩父) à l’Ouest de la préfecture de Saitama. Il doit son nom à son emplacement parmi trois montagnes: Shiroiwayama (白岩山), Myōhōgatake (妙法ヶ岳) et Kumotoriyama (雲取山). Cette dernière montagne a un nom assez poétique, la montagne qui prend les nuages, et a la particularité d’être à l’intersection de trois préfectures, celle de Saitama, celle de Yamanashi et Tokyo. Du haut de ses 2017m, il s’agit d’ailleurs de la plus haute montagne de Tokyo, séparant la zone montagneuse d’Oku-Tama et celle d’Oku-Chichibu où nous nous trouvons. Le préfixe « Oku » signifie que ce sont des zones reculées et par conséquent plus difficilement accessibles. Une des particularités de ce sanctuaire est sa triple porte Torii située à l’entrée. Je la montrais sur le billet précédent. Les chiens Komainu qu’on a l’habitude de voir en statue à l’entrée des sanctuaires sont ici remplacés par des loups de montagne. Les loups vivant autrefois dans les montagnes de Chichibu sont vénérés dans ce sanctuaire comme des dieux qui protègent contre les voleurs et les malheurs. On dit que le sanctuaire fut fondé sous le règne du douzième empereur du Japon, l’Empereur Keikō (景行天皇), qui aurait donné ce nom de Mitsumine. L’Empereur Keikō a règné de l’an 71 à l’an 130. Les divinités principales vénérées dans ce sanctuaire sont les dieux fondateurs du Japon, Izanagi no Mikoto et Izanami no Mikoto. Le sanctuaire fut reconstruit en 1533 et il a été restauré récemment en 2004. On remarque tout de suite la grande richesse des sculptures très détaillées et aux couleurs vives qui me rappellent ce qu’on pourrait voir au sanctuaire Tōshōgu (東照宮) de Nikko. On trouve ces sculptures sur la plupart des bâtiments du sanctuaire, comme sur la magnifique porte Zuishinmon (随身門) que je montre sur la cinquième photographie de ce billet et sur le billet précédent, ou sur le hall principal de culte (拝殿) que je montre sur les quatre premières photographies de ce billet. La disposition de la grande porte Zuishinmon est particulière car elle se trouve en contrebas par rapport à l’allée de pierre qui nous amène vers le sanctuaire après avoir traversé le Torii à trois portes. Il faut d’abord descendre un escalier nous amenant devant la porte Zuishinmon, pour ensuite remonter par un chemin bordé d’arbres jusqu’au bâtiment principal du sanctuaire. Juste à côté du hall principal, on trouve une série de petits autels dédiés à d’autres sanctuaires situés dans tout le Japon. Je reconnais entre autres celui d’Ise Jingū et celui du Tōshōgu de Nikko. Cette succession d’autels montre à mon avis l’importance de ce lieu. On revient ensuite sur nos pas au niveau de la grande porte Zuishinmon. Un escalier placé en face nous amène en quelques marches au sommet de la montagne. La vue que je montre sur les sixième et septième photographies est magnifique et donne une bonne idée de l’isolement de ce sanctuaire perdu dans les forêts de montagnes. Le chemin du retour sur les routes sinueuses semble plus court qu’à l’allée. Nous traversons une nouvelle fois le barrage en circulation alternée, mais prenons quelques minutes pour nous arrêter. La route sera ensuite longue jusqu’à Tokyo, mais heureusement sans embouteillages.

songs about Tokyo, the sun & something missing

Mon passage récent à Asakusa était en premier lieu pour aller voir un bâtiment aux formes étranges conçu par Akihisa Hirata. Je parle de temps en temps ici de cet architecte car j’aime beaucoup son architecture toujours très imaginative. Souvenons-nous de Tree-ness House et d’Overlap House déjà montrées sur ce blog. Cet immeuble s’appelle Sauna Reset Pint, et doit donc contenir, comme son nom l’indique, un sauna. Il s’agissait auparavant d’un hôtel à capsules de la série 9hours. Il est idéalement placé à proximité du temple Sensōji mais je pense que l’hôtel a dû avoir du mal à survivre au manque de touristes étrangers amateurs d’Asakusa. La disposition d’apparence aléatoire des blocs composant ce bâtiment est très intrigante mais j’aime surtout ce long escalier faisant des zigzags sur la façade. J’y vois même quelque chose de ludique comme dans un jeu vidéo. Il pourrait très bien y avoir un gorille énervé tout en haut de l’escalier balançant des barils d’essence qui dévaleraient la pente de manière saccadée. Le héros de ce jeu vidéo, un italien moustachu par exemple, aurait pour objectif de gravir cet escalier tout en évitant les barils, pour espérer une place dans la sauna. Je pense que je tiens là une idée qui pourrait avoir beaucoup de succès. Mais je divague un peu.

Je me promène un peu plus dans les rues autour de ce bâtiment avant de pénétrer à l’intérieur de l’enceinte du temple Sensōji, ce qui donnera les photographies d’un billet précédent. J’avais oublié ces petites rues étroites et encombrées. En écrivant ces quelques lignes presqu’inutiles, l’envie me vient d’y retourner plus tard pour explorer un peu plus ces endroits là. Un étang appelé Hyotan se trouvait autrefois devant l’actuel parc d’attraction Hanayashiki et à côté de l’immense centre de pari de courses hippiques Wins de la Japan Racing Association (JRA). Le centre de pari est situé entre le bâtiment conçu par Akihisa Hirata et la rue commerçante couverte Hisago que je montre sur la sixième photographie. En 1890, une grande tour de 12 étages appelée Ryounkaku fut construite près de l’étang Hyotan et on dit que son image s’y reflétait. La tour n’existe plus maintenant car elle a souffert du grand tremblement de terre de 1923 et l’étang a disparu en 1951. L’espace de l’étang était la propriété du temple Sensōji qui a décidé de le vider pour en vendre les terres. Cette vente était destinée à couvrir les coûts de reconstruction du temple suite aux dégâts causés par les bombardements et les feux causés par la seconde guerre mondiale. Le site internet de la rue commerçante nous explique avec beaucoup de détails l’histoire de ce quartier en incluant une image d’époque nous permettant de visualiser un peu mieux cet ancien quartier d’Asakusa désormais disparu, notamment l’étang Hyotan et la tour Ryounkaku. J’aimerais parfois qu’une des nombreuses transformations de Tokyo rétablisse les paysages urbains de l’époque.

La semaine dernière, j’ai eu le plaisir de rencontrer pour la première fois Nicolas qui intervient souvent dans les commentaires de ce blog et influence par la même occasion le contenu de certains billets, notamment sur les sujets musicaux. On se connaît par commentaires interposés depuis quelques années et c’est particulièrement intéressant de se voir en vrai car j’avais l’impression qu’on se connaissais déjà bien. On s’est bien sûr retrouvé dans un des magasins Disc Union de Shinjuku pour ensuite aller prendre des cafés un peu plus loin et marcher jusqu’à Yoyogi tout en admirant un peu d’architecture. Notre discussion non-stop couvrait bien entendu la musique japonaise, mais pas seulement. J’en retiens notamment qu’il faudra bientôt que je me mettes à écouter Petrolz, le groupe d’Ukigumo. Et au passage, c’était l’occasion d’évoquer la nouvelle que Sheena Ringo a écrit et composé un morceau pour Ado intitulé Yukue Shirezu (行方知れず) ou Missing en anglais. Ce nouveau morceau a été annoncé le 18 août en même temps que la bande annonce du film dont il est le thème musical, mais ne sortira malheureusement que le 14 Octobre 2022. On peut entendre un court extrait prometteur pendant la bande annonce de ce film intitulé Karada Sagashi (カラダ探し). Le titre du film qu’on pourrait traduire par « rechercher les corps », ou quelque chose dans le genre, annonce tout de suite la couleur. Il s’agit a priori d’un film d’épouvante se déroulant principalement dans une école. Kanna Hashimoto (橋本環奈) étant l’actrice principale, on peut présager que l’ambiance ne sera pas aussi terrible que la bande-annonce le laisse présager. Je ne pense pas faire un détour au cinéma pour aller le voir mais je serais quand même très curieux d’y jeter un œil quand il sera disponible sur les plateformes de streaming. On sait depuis une émission de Music Station qu’Ado a un profond respect et est influencée musicalement par Sheena Ringo. Elle a mis récemment repris Tsumi to Batsu (罪と罰). Pendant cette même émission, Sheena était présente et indiquait que ses enfants aimaient beaucoup Ado et chantaient même souvent son single Usseewa (うっせぇわ). Ce n’est donc pas très étonnant que Sheena Ringo accepte cette offre d’Ado d’écrire un morceau pour elle. On sent également que Sheena Ringo a cette envie de nouer des liens avec les plus jeunes générations qui ont été assez souvent influencées par elle. Ça ne m’étonne plus beaucoup maintenant d’entendre des jeunes artistes mentionner Sheena Ringo comme une influence ou du moins comme une artiste qu’ils ou elles écoutaient avant leurs débuts. Dernièrement, Utaha de Wednesday Campanella mentionnait qu’elle écoutait beaucoup Sheena Ringo, influencée par les goûts musicaux de sa mère. Sur le message accompagnant le nouveau morceau Yukue Shirezu, Ado exprime bien entendu sa joie et reconnaissance mais indique également qu’elle a beaucoup appris des conseils donnés par Sheena notamment sur la manière de chanter. Elle indique que c’était une expérience précieuse car elle a découvert d’autres manières de chanter. Dans son message, Sheena indique que si une artiste comme Ado avait existé à l’époque de ses débuts, elle aurait préféré écrire des morceaux et la laisser chanter, plutôt que de chanter elle-même. Il y a certainement de l’exagération dans ces propos car on sait que Sheena peut être parfois excessive dans ses formules de politesse. Toujours est-il que je suis maintenant très intrigué par ce nouveau morceau collaboratif, qui apparaîtra bien un jour ou l’autre dans un hypothétique volume 3 de la série d’albums Reimport. Je me demande si Ado aura appris de Sheena Ringo à nuancer son chant, sa voix le permettant sans aucuns doutes. Et sur l’illustration accompagnant le morceau, on reconnaît bien sûr Sheena Ringo à gauche et Ado, enfin, on ne connaît toujours pas le visage d’Ado car elle reste invisible aux caméras et aux appareils photo (だって写真になっちゃえば、あたしが古くなるじゃない、Don’t you Θink?).

Je ne voulais pas manquer l’émission KanJam (関ジャム) du dimanche 21 Août car elle prenait pour thème 15 chansons sur Tokyo choisies par des musiciens professionnels (プロが選ぶ »東京ソング »15曲). J’ai bien l’impression que l’émission s’est inspirée de mon billet récent donnant une playlist de morceaux prenant pour titre Tokyo, mais ça ne doit être qu’une impression. La coïncidence était du moins intéressante d’autant plus que Chiaki Satō (佐藤千亜妃) et Junji Ishiwatari (いしわたり淳治) faisaient partie des invités. Chiaki Satō était la chanteuse et guitariste du groupe Kinoko Teikoku (きのこ帝国) qui s’est séparé en 2019, mais elle continue une carrière solo. Junji Ishiwatari était le guitariste du groupe Supercar ayant lui aussi cessé ses activités, mais plus tôt en 2005. Il est désormais parolier et producteur de musique. J’avais fait la découverte de ces deux groupes au même moment et en avait d’ailleurs parlé dans un même billet. Parmi les trois musiciens invités à l’émission, il y avait également Ryuta Shibuya (渋谷龍太) du groupe Super Beaver que je connais par contre beaucoup moins. Les trois invités étaient amenés à choisir cinq morceaux évoquant Tokyo (donc 15 au total). Le thème du Jōkyō (上京), l’arrivée vers la capitale, est bien entendu évoquée dans l’émission car Chiaki Satō vient de la préfecture d’Iwate et Junji Ishiwatari d’Aomori. Ryuta Shibuya est par contre originaire de Tokyo, de Kabukichō à Shinjuku pour être précis, ce qui peut paraître étonnant. Il évoque même que le fait d’être de Tokyo et de ne pas avoir eu à se séparer des siens pour monter vers la capitale était vécu comme un complexe pour lui, en tant qu’artiste. Je pense que c’est lié à une certaine idée que la création, pour être forte, doit être conditionnée par une forme de souffrance, celle de la séparation. Dans sa liste de cinq morceaux évoquant Tokyo, Chiaki Satō mentionne en premier Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) de Sheena Ringo, choix sur lequel s’accordent également Junji Ishiwatari et Ryuta Shibuya. Le choix n’est pas étonnant vu que Chiaki Satō est fan de Sheena Ringo comme on l’évoquait dans les commentaires d’un précédent billet. Le second choix de Chiaki Satō est le Tokyo de Quruli, morceau que j’avais inclus dans ma playlist. Junji Ishiwatari choisit lui le morceau Tokyo de sa voisine Chiaki Satō. Ces premiers morceaux me satisfont tout à fait car ils correspondent à des morceaux que j’aime beaucoup. Pour les autres morceaux cités, Chiaki Satō reste dans le rock indépendant en mentionnant des morceaux intitulés Tokyo par Paionia (パイオニア) et Plenty. Je ne connais qu’un seul morceau du groupe Plenty intitulé Boku no Tame ni Utau Uta (ボクのために歌う吟) qui est sur le même mini-album Haikei. Minasama (拝啓。皆さま), et si Chiaki recommande ces deux groupes, ça serait lui faire un affront de ne pas aller y jeter une oreille. Dans sa liste, Junji Ishiwatari mentionne aussi Stay Tune de Suchmos, seul morceau du groupe que j’écoute souvent, et Tokyo ha Yoru no 7h (東京は夜の7時) de Pizzicato Five (ピチカート・ファイヴ). Je ne suis pas fan du style Shibuya-Kei mais j’écoute régulièrement ce morceau car le petit dialogue au début me fait toujours sourire. Après que Maki Nomiya (野宮真貴) annonce le titre du morceau qui signifie « 7h du soir à Tokyo », Yasuharu Konishi (小西康陽) lui demande d’un air taquin quelle heure il est à Osaka. La petite pause de réflexion et le rire de Maki Nomiya avant de répondre qu’il est également 7h du soir à Osaka m’amuse toujours. De ce même morceau, je préfère quand même la version interprétée par Ukigumo. Mais j’avais en fait déjà parlé de tout cela quelque part dans mon long billet sur le concert Ringo Expo‘18. Les autres morceaux évoqués pendant l’émission, notamment ceux de Ryuta Shibuya m’étaient beaucoup moins familier. Cette émission KanJam n’est pas toujours intéressante mais celle-ci m’a beaucoup passionné.

J’écoute toujours beaucoup AAAMYYY en ce moment, notamment le EP Maborosi Weekend que je découvre petit à petit, morceau par morceau, pour faire durer le plaisir, mais je fais une petite pause pour a子 car elle vient juste de sortir un nouveau morceau intitulé Sun (太陽). Je plonge toujours les deux oreilles les premières lorsqu’elle sort un nouveau morceau car je n’ai jamais été déçu par ses compositions. Ces derniers morceaux surpassaient à chaque fois les précédents. Ce n’est pas forcément le cas sur ce dernier morceau mais je l’aime tout de même beaucoup. Le rythme de la boucle électronique qui ponctue à plusieurs moments le morceau est vraiment accrocheuse. Il y a un peu de pop dans ce morceau et c’est une direction que je ressens dans ses compositions. Sa voix étant résolument indé, je trouve que des ingrédients un peu plus pop lui vont très bien. La petite surprise est d’entendre le violon de Neko Saito (斎藤ネコ) accompagné le groupe habituel de a子. Ce qui m’étonne quand même un peu, c’est que la présence de ce violon reste très subtile. Je pensais qu’il y aurait un grand solo de violon déstructuré comme Neko Saito sait si bien le faire lors des concerts de Sheena Ringo, mais non. Sa présence en deviendrait même anecdotique, ce qui est un peu dommage. Mais une fois encore et j’en avais déjà parlé avant, on sait que a子 apprécie beaucoup Sheena Ringo donc la présence de Neko Saito ne m’étonne pas tant que cela.

三峰❶

Départ assez tôt le matin pour les montagnes de Chichibu (秩父) à l’Ouest de la préfecture de Saitama. Ce n’est pas la première fois que nous allons à Chichibu et nous y sommes même allés récemment, au mois de Mai de cette année. Notre destination était la petite ville de Yorii. Nous avions déjeuné dans le restaurant et ryokan Kyōtei (京亭) qui avait été utilisé pour la vidéo du morceau Ryokushu (緑酒) de Tokyo Jihen (souvenez-vous). Nous repassons à Yorii car la ville se trouve à la sortie de l’autoroute depuis Tokyo et à l’entrée de Chichibu. Il faut à peu près deux heures de route jusqu’à Yorii, sans embouteillages cette fois-ci car nous sommes partis en semaine. Nous suivons vaguement la rivière Arakawa qui creuse la vallée de Chichibu jusqu’à la petite ville touristique de Nagatoro. Nous n’avions pas mis les pieds à Nagatoro depuis Septembre 2004. Mari et moi étions à cette époque jeunes mariés. Nous avons gardé des bons souvenirs d’une glace pilée kakigori (かき氷) que nous avions apprécié à ce moment là pendant les chaleurs de la fin de l’été. Un des buts de notre visite à Chibibu était de retrouver les délices de cette glace pilée avant de monter dans les hauteurs de Chichibu. Nous allons cette fois-ci dans un café particulièrement renommé se nommant Asami Reizō Kanazaki Honten (阿左美冷蔵金崎本店). L’établissement a été fondé en 1890. On nous dit qu’il faut en général des heures d’attente mais nous avons la chance de ne pas avoir à attendre du tout. La chance nous sourit parfois. La pluie torrentielle qui s’est abattue sur la région de Tokyo dans la matinée a dû dissuader les éventuels touristes de faire le déplacement jusqu’à Nagatoro. Après de multiples simulations et calculs, nous avions fait le pari que la pluie s’arrêterait dans la matinée à Chichibu et nous avons eu raison. Je montre des photos de ces glaces kakigori sur mon compte Instagram. Elles ressemblent à des petites montagnes enneigées sur lesquelles on vient déverser un sirop fruité ou du macha. Le café est installé dans une ancienne maison de bois et mélange toutes sortes d’objets, parfois artistiques, à l’intérieur. Une photo posée sur une table nous indique que Tamori est passé par ici (peut être pour son émission Bura Tamori sur NHK). On se sent bien dans cette ambiance hétéroclite mais le problème est que l’on doit se dépêcher de déguster la glace pilée avant qu’elle ne fonde et on la finit par conséquent assez rapidement. Le kakigori ne nous laisse malheureusement pas prendre notre temps et je serais volontiers resté un peu plus longtemps dans ce café. Mais la route nous attend. Nous reprenons la voiture pour une heure de routes sinueuses nous faisant grimper sur les sommets de Chichibu. J’ai connu pire comme route sinueuse de montagne mais le problème ici est que la route se fait étroite à certains endroits et ça peut être délicat lorsque l’on croise une autre voiture. Commence alors une bataille de vitesse pour voir qui pourra passer en premier sur la portion étroite de route. Je plaisante bien entendu car les conducteurs, dont je fais partie, sont tout à fait courtois et prudents. Ma navigation quasiment parfaite dans ces routes de montagne n’a malheureusement pas empêché Zoa d’être malade en voiture. Fut une époque où nous parcourions ce genre de petites routes de montagne à moto, et c’était une toute autre histoire. Notre destination finale est le sanctuaire de Mitsumine (三峯神社). Il est complètement perdu dans les montagnes, mais ce sanctuaire est reconnu comme un “power spot”. Nous voulions y allé depuis plusieurs années. D’autres photographies suivront dans un deuxième billet.

AAAsakusaMainlYYY

Le rouge domine dans les rues d’Asakusa (浅草) que je n’ai pas visité depuis longtemps. Les touristes dans la petite rue piétonne commerçante Nakamise (仲見世通り) ne sont pas aussi nombreux qu’avant la crise sanitaire. Lorsque je sors mon appareil photo et prends des photos à Asakusa aux abords de la grande lampe de la porte Kaminarimon (雷門) ou du temple Sensōji (浅草寺), je me demande toujours si on me prend pour un touriste fraîchement débarqué à Tokyo et faisant la découverte des merveilles de cette ville. Et que doit faire un touriste en visite pour la première fois à Asakusa ? Prendre en photo les temples aux couleurs vives et les jeunes filles en yukata. Je suis en ce sens un éternel touriste dans cette ville. Mes pas m’amènent ensuite péniblement (en raison de la chaleur) jusqu’à la station d’Okachimachi (御徒町) en passant par le sanctuaire Shitaya que je ne connaissais pas. Une porte rouge démesurée par rapport à la taille du sanctuaire y est plantée au niveau de la rue. Sa taille est optimisée pour utiliser tout l’espace disponible en ne laissant que quelques petits centimètres de distance avec les deux immeubles autour. Ou ce sont peut-être les immeubles qui ont été construits après la grande porte rouge. J’apprendrais plus tard que ce sanctuaire a été initialement fondé en l’an 730 à l’intérieur de l’actuel parc d’Ueno, mais il a été ensuite déplacé à cet endroit en 1703. Les bâtiments actuels sont plus récents et datent de 1934, ils avaient été détruits par le grand tremblement de terre de Tokyo. Je voulais ensuite passer un peu de temps à parcourir les rues d’Okachimachi mais la chaleur m’a poussé vers la fraîcheur des trains me ramenant à la maison.

Depuis que j’ai lu le billet de mahl sur son blog qui évoquait AAAMYYY, j’ėcoute également beaucoup cette compositrice et interprète originaire de Nagano. En plus de sa carrière solo, elle est connue pour être membre du groupe à tendance rock psychédélique appelé Temparay que je ne connais pas beaucoup. Le vrai nom d’AAAMYYY est Honami Furuhara, mais elle se fait appeler Amy, peut-être est-ce suite à sa vie au Canada pendant quelques années lorsqu’elle avait 20 ans et était à l’Université. Je me suis d’abord mis à écouter son dernier EP sorti le 8 Juillet 2022 intitulé Echo Chamber. J’ai tout de suite aimé sa manière souvent non-conventionnelle de composer et de chanter, et sa voix un peu voilée. J’ai eu très vite envie de découvrir son album sorti en 2021, Annihilation, tellement j’avais aimé le EP. Je suis ensuite passé sur son album précédent Body sorti en 2019 et écouté quelques morceaux sélectionnés des EPs Maborosi Weekend et Etcetra sortis tous les deux en 2018. Je concours tout à fait avec les commentaires que mahl faisait sur son billet au sujet de la musique de AAAMYYY, et sur les commentaires que l’on fait tous les deux sur ce précédent billet 祭りがない間に. Je me trouve maintenant à écouter tous ses albums et EPs à la suite ou dans le désordre, et la musique d’AAAMYYY occupe une grande partie de mon temps disponible d’écoute musicale en ce moment. Ce qui est assez intéressant, c’est que je ne lasse pas vraiment donc je continue l’écoute. On sent l’évolution entre les premiers EPs et son dernier, car les compositions électroniques se font de plus en plus évoluées et prennent plus d’ampleur musicalement et vocalement. Mais AAAMYYY est capable de créer un morceau tout à fait prenant avec une composition plutôt minimaliste. On revient toujours pour sa voix et sa manière de chanter, ainsi que pour ce sens certain à créer des accords légèrement non conventionnels qui nous accrochent et pourraient même devenir légèrement obsédant.

Je suis rentré dans son univers musical par le morceau Ano Emi (あの笑み), ou Your Smile, qu’elle interprète avec l’ex-idole et également compositrice et interprète Ano (あの). Un point amusant est que le titre devait initialement être Ano AAAMYYY pour reprendre les noms des deux artistes, mais une erreur plutôt bienvenue a transformé ce titre de morceau en celui qu’on connaît actuellement. Depuis que j’écoute ce morceau, je me demande quelles peuvent être les liens entre ces deux artistes car leurs univers sont très différents. J’ai déjà parlé plusieurs fois de la musique aux accents rock parfois agressifs d’Ano qui contraste avec son apparente manière d’être. Elle a une voix très particulière et une personnalité également très particulière. On la voit très régulièrement à la télévision et ses réactions sont la plupart du temps déconcertantes. C’est pour sûr un personnage à part mais qui a une certaine aura, qu’il serait un peu difficile à expliquer. Il s’avère qu’Ano attire les autres musiciens. Je me souviens avoir commencé à écouter la musique de Towa Tei avec son morceau REM en collaboration avec Ano sur son album EMO sorti en 2017. On voyait aussi Ano en photo avec Mukai Shutoku lors d’un festival. Les rumeurs qui sont très certainement fondées prêtent (ou prêtaient) une relation entre Ano et Satoru Iguchi du groupe King Gnu. Ça m’avait d’abord paru plutôt improbable voyant la personnalité atypique d’Ano, mais il s’avère que Satoru Iguchi a une personnalité toute aussi particulière (le groupe n’imaginerait par exemple pas le laisser conduire). Je n’ai pas d’intérêt particulier sur ce genre de rumeurs mais quand elles permettent de comprendre des liens possibles entre des artistes, ça m’intéresse forcément un peu plus. Je crois entrevoir quelques liens entre Daiki Tsuneta du groupe King Gnu et AAAMYYY. Ils sont tous les deux originaires de la préfecture de Nagano et ont à peu près le même âge (31 ans pour AAAMYYY et 30 ans pour Daiki Tsuneta). AAAMYYY emploie Perimetron, le groupe de créatifs fondé par Daiki Tsuneta sur plusieurs de ses vidéos et a joué en concert au Ginza Sony Park au moment où King Gnu et Millenium Parade (l’autre collectif musical de Daiki Tsuneta) investissait les lieux. Il y a forcément des liens entre les deux, du moins leurs univers créatifs s’entrecroisent. Comme AAAMYYY mentionne dans une interview pour Ginza Mag qu’elle a rencontré Ano pour la première fois dans un izakaya avec un groupe d’amis, je parierais que cette première rencontre s’est faite grâce à ses liens avec les groupes tournant autour de Daiki Tsuneta (dont son compère Satoru Iguchi). Enfin, tout ceci n’est que pure supposition de ma part et je me trompe régulièrement, mais je ressens le besoin de noter tout cela ici. Dans cette interview jointe d’AAAMYYY et d’Ano pour Ginza Mag, AAAMYYY précise d’ailleurs qu’elle est fan depuis plusieurs années, de l’époque où Ano était idole dans le groupe ゆるめるモ! (You’ll melt more!). Le morceau Ano Emi (あの笑み) est très différent des autres morceaux que l’on connaît d’AAAMYYY et on ressent bien le fait qu’elle ait voulu correspondre à l’univers plus rock d’Ano. Petit détail amusant de l’interview, AAAMYYY propose à Ano de regarder la saison 4 de Strangers Things ensemble. AAAMYYY semble être amatrice de films de science-fiction, citant dans ses préférés: Interstellar, 2001 Space Odyssey et le film de Luc Besson Le Cinquième Élément. J’avais adoré ce film à sa sortie, d’autant plus que j’étais à cette époque dans une phase musicale trip-hop à beaucoup écouter Tricky qui jouait un petit rôle dans ce film, mais je trouve qu’il a bien mal vieilli. Autre détail amusant, Aya Gloomy (dont je parle régulièrement ici) mentionnait également Le Cinquième Élément comme un de ses films préférés dans une interview récente. Je ne nie pas par contre la force d’évocation du personnage aux cheveux oranges interprété par Milla Jovovich dans le film.

Mais je m’éloigne de mon sujet qui est la discographie d’AAAMYYY. J’aime la totalité des morceaux que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant, mais certains sont tout simplement sublimes comme Fiction, Takes Time et After Life de l’album Annihilation, Over My Dead Body (屍を越えてゆけ) sur Body, Maborosi sur Maborosi Weekend, Hail (雨) feat. (sic)boy sur Echo Chamber. Ça peut parfois tenir à des détails comme le rythme électronique apparemment bancal au début du morceau Maborosi ou la manière avec laquelle elle ne prononce pas Maboroshi mais Maborosi (sans le h). La vidéo de Over My Dead Body (屍を越えてゆけ) a été, je pense, tournée à Nagano car je crois reconnaître la grande allée naturelle du sanctuaire Togakuchi que nous n’avions pas pu voir lors de notre passage en Mars. On y retournera très certainement un de ces jours. La vidéo de Hail (雨) a par contre été tournée dans les forêts d’Hinode, à l’Ouest de Tokyo. Sur ce morceau comme sur de nombreux autres, AAAMYYY fait souvent intervenir des invités venant la plupart du temps du monde du hip-hop japonais. A vrai dire, je ne connais pas beaucoup tous ces invités, à part Ryohu sur le morceau Bluev. J’aime beaucoup sa manière exagérément marquée de rapper, qui s’accorde bien avec l’approche beaucoup plus mélodique de chanter d’AAAMYYY. Un morceau comme All by Myself sur l’album Body s’est vraiment développé pour moi après plusieurs écoutes, notamment pour l’intervention vocale très douce à mi-morceau de JIL. Le morceau est particulièrement beau quand leurs voix s’additionnent puis se dépareillent vers la fin. Il y a ces petits quelques choses très subtils dans la musique d’AAAMYYY et elle est pour sûr une artiste à suivre de près.