like a train wreck

Faire renouveler mon permis de conduire était l’occasion de marcher, sur le chemin du retour, depuis Samezu en traversant Ōsaki à des endroits que je connais pas. Le canal de la première photographie se trouve à Samezu tandis que les trains de la lignes Yamanote endormis dans leur zone de garage se trouvent près de la station d’Ōimachi. Si j’ai bien compté, on doit pouvoir y stationner 24 trains. Ils rentrent sur la boucle Yamanote au niveau de la station d’Ōsaki. Je marche pendant tout un moment le long d’une petite rue envahie d’un côté par la végétation. Il n’est pas rare à Tokyo de voir ce genre de rues un peu perdues où la végétation déborde et serait en passe d’envahir la rue. Je m’auto-référence une fois de plus mais ça me rappelle une vieille série de 2007 appelée Over Green City. La végétation disparaît ensuite alors qu’on approche de la gare d’Ōsaki, pour laisser place à la complexité des câbles, des pylônes et des routes qui s’enchevêtrent. J’aime aussi cette densité urbaine qui peut paraître tout à fait repoussante. Je ne l’ai pas pris en photo, mais j’étais amusé de voir des photos de grand format d’animaux marins affichées à l’intérieur du tunnel de la dernière photographie, comme pour égayer un peu ce paysage froid.

La densité urbaine que je montre sur ces photos ci-dessus me font penser à celle musicale du morceau Naked (赤裸裸) de Reol, sorti le 18 Mai 2022. Les sons de guitares se chevauchent et s’entrechoquent pour donner une densité extrême, mais sur laquelle la voix de Reol arrive assez facilement à se dégager. Je reviens sur Reol car j’aime beaucoup certains de ses morceaux et la passion qu’elle y met, sans compromis. Et écouter des morceaux comme celui-ci fait beaucoup de bien de temps en temps (ceci dit, je l’écoute très régulièrement, avec d’autres). Voir Reol avec un mégaphone dans cette vidéo me rappelle forcément Sheena Ringo, bien que le style de sa musique soit très différent. Ma curiosité me pousse à regarder une interview de Reol par Ayase (de Yoasobi) sur la chaîne Wow Music que je mentionne très souvent et que j’aime beaucoup car elle m’aide à mieux comprendre les sources d’inspiration des artistes que j’apprécie. Dans cette émission, Ayase choisit ses invités et Reol est en fait une de ses amies, ce qui rend leur conversation très naturelle et agréable à voir et écouter. Il y a toujours une question portant sur les influences musicales. Reol mentionne pour cette question que le morceau Shuraba (修羅場) de Tokyo Jihen dans sa version single orientée electro est un morceau qui a été important pour elle dans sa construction future en tant qu’artiste. Elle avait 12 ans quand ce morceau est sorti en single (en 2005) et elle l’a découvert à travers un drama historique intitulé Ōoku: Hana no Ran, car Shuraba en était le thème. En regardant rapidement quelques interviews, Reol mentionne en fait régulièrement Sheena Ringo comme source d’influence car elle l’écoutait depuis le collège, avec d’autres artistes comme YUKI de Judy and Mary. Sur le site Natalie.mu dans une interview avec Hidefumi Kenmochi (de Wednesday Campanella), elle dit que quand elle était au collège, elle aimait les chansons de Sheena Ringo et les écoutait souvent (私、中学生のときに椎名林檎さんの曲が好きでよく聴いてたんです…). Sur Realsound.jp, elle indique qu’elle a grandi en écoutant la musique de Sheena Ringo (私は椎名林檎さんを聴いて育ってきて…). なるほどね. Pourquoi ne suis-je pas vraiment étonné?

enrobages urbains éphémères

Les illustrations et photographies posées sur les barricades blanches détourant et enrobant le chantier d’un immeuble en construction derrière le building Hikarie à Shibuya ne sont déjà plus là. Je n’ai pas pris cette photo il y a longtemps et l’immeuble en question est loin d’être construit mais Tokyo a déjà changé à cet endroit. Une trace reste au moins ici à défaut de rester dans ma mémoire. De ces deux photographies, j’aime surtout la première car elle pourrait apparaître dans un portfolio de vues relativement abstraites de paysages urbains vides de monde. Je suis très souvent attiré par ce genre de vues, ennuyeuses il faut bien le dire, mais qui peuvent donner l’impression d’être artistiques sans vraiment l’être. Mais chaque photographie n’a de toute façon de valeur artistique que par les yeux de la personne qui le décide mais pas par le bon vouloir du photographe. Je pense à cela en constatant ce que peuvent faire les applications d’intelligence artificielle de création d’images, comme DALL•E 2, capable de créer des photographies réalistes à partir d’une simple phrase descriptive passée en ligne de commande. C’est à la fois fascinant et effrayant.

L’exposition L’Arc de Triomphe, Wrapped de Christo et Jeanne-Claude se déroule en ce moment et jusqu’au 12 Février 2013 dans la galerie 21_21 DESIGN SIGHT plantée dans les jardins de Tokyo Mid-Town. De nombreuses photographies, maquettes, dessins et vidéos montrent la genèse du projet dès 1961 et la mise en place de cette œuvre artistique auto-financée hors du commun que les Parisiens ont pu apprécier l’année dernière en Septembre 2021 pour 16 jours sur l’Arc de Triomphe. Pendant cette période, le monument était enrobé de 25,000m2 d’un tissu de polypropylene recyclable bleu et argent maintenu par 3,000m de cordes rouges. Christo est mort l’année d’avant et n’a donc pas pu voir la réalisation de son œuvre. J’ai souvent (toujours) été impressionné par les œuvres de Christo et Jeanne-Claude mais je n’ai jamais fait l’expérience de les voir. L’exposition est très complète et le lieu où elle se déroule, la galerie 21_21 Design Sight conçue par Tadao Ando est à chaque un bonheur à visiter. Je ne peux m’empêcher de prendre l’intérieur en photo. Le béton apparent va très bien avec l’abstraction de certains photos grand format des œuvres de Christo et Jeanne-Claude. Je montre quelques autres photos sur mon compte Instagram, notamment une reconstitution d’une partie de l’enrobage de l’Arc. L’exposition revient également avec quelques photos seulement sur d’autres projets, comme l’enrobage du Pont-Neuf en 1985 ou le réseau de quais flottants sur le lac Iseo en Italie en 2016.

bienvenue sur l’île des rêves

L’île des rêves est la traduction littérale de Yumei no Shima (夢の島), une île artificielle construite sur la baie de Tokyo et située dans l’arrondissement de Kotō. En 1938, il était envisagé d’y construire le nouvel aéroport de Tokyo mais les travaux ont été retardés par la seconde guerre mondiale et les plans tombèrent finalement à l’eau (à priori celle de la baie) car on préféra finalement agrandir l’aéroport d’Haneda. Une plage y est ouverte en 1947 qui donnera ce nom idyllique (mais exagéré) d’île des rêves, mais fermera quelques années plus tard. Les rêves seront donc de courte durée car cette île devint ensuite un dépôt à ordures. On y trouve depuis 1988 un grand parc accessible depuis la station de Shin-Kiba. Je suis venu jusqu’à Shin-Kiba pour voir un autre bâtiment intéressant dont je parlerais certainement un peu plus tard, mais aussi pour voir les dômes du jardin botanique. Ces jardins étaient apparemment fermés ces dernières années en raison de la crise sanitaire, mais ils étaient bien ouvert à mon passage. Je préfère cependant faire le tour des dômes pour admirer leur taille et leurs courbes parfaites. Un grand espace du parc devant les dômes était utilisé l’année dernière pour les compétitions de tir à l’arc des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Je le montre sur la première photographie du billet. On y trouve également un gymnase, des stades, un port de plaisance, et un musée abritant le bateau Daigo Fukuryū Maru (第五福龍丸) restauré en 1976. Ce bateau était un thonier japonais contaminé par les retombées radioactives d’un essai nucléaire américain à la bombe H dans l’atoll Bikini des îles Marshall le 1er Mars 1954. Cette malheureuse histoire fît scandale à l’époque car le bateau de pêche se trouvait en dehors de la zone interdite et l’équipage fut contaminé par les retombées nucléaires constituées de fines poussières blanchâtres que les pêcheurs appelèrent cendres de mort (死の灰). Daigo Fukuryū Maru se trouve à l’intérieur d’un étrange bâtiment fait de plaques de métal arrondies ressemblant à la coque d’un bateau. La noirceur du bâtiment, qui reflète très certainement la noirceur de l’événement que le musée relate, vient contraster avec l’ambiance bucolique du reste du parc. Peu de personnes s’y promènent en plein été, on peut le comprendre vues les grandes chaleurs. Revenir ensuite vers la station de Shin-kiba m’oblige à passer sous des autoroutes surélevées qui rappelle la densité de l’infrastructure tokyoïte. J’y reviendrais peut-être dans un prochain billet sur cette infrastructure tokyoïte, j’y reviens en fait souvent.

Pendant ma visite des dômes de Yumei no Shima, j’étais partagé entre écouter le silence quasi religieux du parc vide de monde ou la musique quasi religieuse de Jeff Buckley sur son unique album Grace. J’ai partagé mon temps entre les deux. Je reviens régulièrement sur cet album mais je ne l’avais pas écouté depuis longtemps. À chaque écoute, je me dis que le morceau titre de l’album, Grace, est un des plus beaux morceaux de musique qui existent, mais je m’attarde cette fois-ci sur un autre morceau, tout aussi prenant, le cinquième de l’album intitulé So Real, placé juste avant son Hallelujah. Et à chaque écoute, je me dis qu’il est parti trop tôt: « I’m not afraid to go but it goes so slow » nous dit-il sur le morceau Grace.

Mais la musique que j’écoute en ce moment est très différente car je suis dans une phase electro-pop qui s’accorde bien à la période estivale. Le concert du groupe Zuttomayo, abréviation de Zutto Mayonaka de ii no ni (ずっと真夜中でいいのに。), que j’ai vu en streaming sur YouTube lors de l’édition 2022 du festival Fuji Rock m’avait tellement intéressé que je me suis mis à rechercher dans la discographie du groupe des morceaux qui m’intéressent. J’ai beaucoup apprécié l’univers très particulier du groupe lors de ce concert et j’ai pris par la même occasion un peu plus conscience de la personnalité artistique du groupe. J’avais jusqu’à maintenant l’image d’un groupe ressemblant à Yoasobi mais dans une version plus rapide. Il y a un peu de cela car les deux groupes sont de la mouvance Vocaloid, mais l’énergie intense que peuvent prendre parfois les morceaux de Zuttomayo m’intéresse beaucoup plus que ce que compose Yoasobi. En écoutant par-ci par-là sur YouTube les morceaux de Zuttomayo, tous ne m’intéressent pas, mais je découvre tout de même certains morceaux que j’aime vraiment beaucoup sur les deux albums du groupe. Sur le premier album Hisohiso Banashi (潜潜話) sorti en Octobre 2019, il y a Kansaete Kuyashiiwa (勘冴えて悔しいわ) que j’écoute en fait déjà depuis quelque temps, puis Humanoid (ヒューマノイド) et Byōshin wo kamu (秒針を噛む). La suite extrêmement rapide de sons électroniques sur Humanoid me fait penser au math-rock mais en version electro. Sur le deuxième album Gusare (ぐされ) sorti en Février 2021, j’aime beaucoup Study me (お勉強しといてよ) et MILABO. En les écoutant maintenant, je me rends compte qu’on me les avait déjà recommandé dans les commentaires d’un billet précédent mais je n’avais à cette époque pas complètement accroché. Comme quoi, apprécier certaines musiques dépend beaucoup de la situation psychologique dans laquelle on se trouve. Et j’en conclus par conséquent que mes conseils musicaux continuels sur ce blog ne peuvent que rarement trouver un écho auprès de mon auditoire. C’est la même chose en fait pour moi mais les conseils que je peux lire des autres font parfois mouche. J’y reviendrais très certainement dans un prochain billet. Pour revenir à Zuttomayo, je suis en fait surpris par la qualité musicale de l’ensemble et par la densité instrumentale qu’on y trouve, notamment sur ces deux morceaux du deuxième album. C’est exactement ce que j’avais apprécié dans le concert du Fuji Rock. Il y a également le mélange de fragilité et de force dans la voix d’ACAね (ACA-Ne). Je ressens une passion certaine dans le ton de voix qu’elle emploie régulièrement dans son chant. ACAね écrit les paroles et les musiques de la plupart des morceaux. Comme je le mentionnais, elle me montre pas son visage comme les autres membres du groupe d’ailleurs. Mais il n’est pas très difficile de le découvrir sur internet. Je n’ai pas l’impression qu’elle se protège autant qu’Ado par exemple. Le groupe utilise en fait une identité visuelle changeante faite de personnages animés comme celui ci-dessus tiré de la vidéo du morceau Kansaete Kuyashiiwa (勘冴えて悔しいわ). Un illustrateur et animateur appelé sakiyama dessine cette identité visuelle mais d’autres illustrateurs interviennent également sur d’autres vidéos comme Waboku sur Byōshin wo kamu (秒針を噛む) ou MILABO. Sur le morceau Study me (お勉強しといてよ), l’illustration et l’animation sont assurés par Hanabushi (はなぶし) et Yotsube (ヨツベ). J’ai souvent associé le personnage de cette vidéo aux yeux un peu endormis à l’interprète ACAね, mais elle ne lui ressemble en fait pas trop.

quelques journées d’été (6)

Il s’agit de la dernière étape de ces quelques journées de vacances d’été. Nous passons la matinée sur le plateau de Nihondaira à l’observatoire Nihondaira Yume Terrasse (日本平夢テラス) conçu en 2018 par Kengo Kuma. On doit normalement avoir une très belle vue sur le Mont Fuji depuis cet observatoire mais il était à notre passage complètement caché par d’épaisses nappes de nuages. On nous dira que la meilleure période pour le voir est en hiver, de Janvier à Mars. On se dit qu’on reviendra un jour pendant cette période. Le bâtiment est en tout cas intéressant mais on a quand même du mal à ignorer l’antenne géante placée en plein milieu. Une passerelle reliée à l’observatoire en fait d’ailleurs le tour, mais était-ce vraiment nécessaire? On peut marcher depuis le Nihondaira Hotel jusqu’à l’observatoire. Le trajet à pieds prend une bonne dizaine de minutes. En chemin, nous remarquons un étrange passage noir dans la végétation. Mari me dit tout de suite que ça ressemble à un passage de l’univers de Ghibli. Elle faisait référence à Totoro, mais je ne pense pas qu’il habite sur cette montagne (ou peut-être un cousin éloigné). J’hésite un peu à y rentrer pour voir si c’est un raccourci, mais je me ravise rapidement ayant peur de tomber encore une fois dans un monde parallèle. En pensant au chemin du retour, on n’avait de toute façon pas beaucoup de temps pour chercher un raccourci qu’on ne trouvera de toute façon certainement jamais. Nous reprenons ensuite la route vers le port de Numazu. Nous avons pris l’habitude de passer par Numazu sur le chemin du retour, notamment pour le déjeuner. Le retour vers Tokyo sur l’autoroute Tomei était beaucoup plus pénible car une pluie forte tombait sans cesse et un accident nous a bloqué pendant environ une heure. Il faut toujours compter avec les embouteillages sur cette autoroute. De toute façon, ma playlist musicale m’aide à ne plus compter le temps qui passe et le reste de l’équipage tombe doucement sous le sommeil.

Uniqlo Park par Sou Fujimoto

Le Uniqlo Park (ユニクロパーク) se trouve dans l’arrondissement de Kanazawa à Yokohama, en bordure du grand espace commercial Mitsui Outlet Park Yokohama Bayside. Ce magasin regroupant en fait les marques Uniqlo et GU aurait pu être d’une conception et d’une apparence tout à fait classique mais l’architecte Sou Fujimoto (藤本壮介) proposa de le transformer en parc pour enfants. Je pense qu’il doit partir du principe qu’il faut bien occuper les enfants pendant que les parents font leurs achats vestimentaires. Le bâtiment entièrement de couleur blanche voit son plafond découpé à l’oblique. On peut y accéder par un grand espace ouvert donnant sur un port de plaisance. Ce toit de building construit à l’oblique se compose de plusieurs étages plateformes séparés par des escaliers, des toboggans et divers parois obliques destinées à être grimpées. Tout en haut du building, on trouve des jeux de cordes permettant aux enfants de grimper encore un peu plus haut. Les entrées à l’intérieur du magasin à chaque niveau se composent de blocs aux vitrages verdâtres. Ils sont très élégants tout comme l’ensemble de cet immeuble – espace de jeux. J’aurais bien essayé tous ces toboggans et cordages d’alpiniste amateur mais je n’étais malheureusement pas en tenue adaptée. C’est bien dommage car ça aurait été l’occasion sur ce blog de faire un article du type « J’ai testé pour vous » pour « valider » (ou pas) cet espace de jeux architectural. Ça sera certainement pour une prochaine fois. L’espace dégagé qui se crée sur ce plan à l’oblique est très agréable car la vue est également dégagée, donnant sur un brin de mer de la baie Negishi où sont amarrés quelques yachts qui n’ont pas l’air de souvent sortir en mer.