quelques journées d’été (5)

Notre destination suivante était Nihondaira (日本平), un plateau situé à 308m de hauteur au-dessus du port de Shimizu dans la préfecture de Shizuoka. Nous avions voulu visiter cet endroit il y a quelques années après notre passage à Miho no Matsubara mais le temps nous avait manqué. Nous nous rattrapons cette fois-ci en prenant un peu plus notre temps. Nihondaira compte parmi les plus beaux paysages du Japon notamment pour sa vue dégagée sur le Mont Fuji et sur la péninsule d’Izu. Le Mont Fuji faisait malheureusement des siennes comme souvent car il était, la plupart du temps, caché par d’intenses nuages. Il s’est quand même montré le soir lorsque le soleil se couchait doucement. Mais quel spectacle tout de même, surtout depuis les jardins impeccablement entretenus du Nihondaira Hotel. Le design des jardins a été conçu par Hiko Mitani. Deux lignes de rochers viennent créer une voie sur le gazon parfaitement coupé. Les grandes baies vitrées de l’hôtel conçu par Nikken Sekkei permettent d’apprécier ce paysage, mais nous préférons tout de même nous asseoir dehors sur un des rochers donnant une vue d’ensemble sur le jardin et sur le Mont Fuji au loin. J’aurais voulu que ces moments s’éternisent. Mais le soleil continue sa descente en laissant des couleurs rougeâtres qui disparaîtront à leur tour un peu plus tard. Alors que la nuit devient noire, un feu d’artifice est lancé depuis le fond du jardin, pour fêter les dix années d’existence de l’hôtel. Le Nihondaira Hotel existe depuis plus de 50 ans mais il a été entièrement reconstruit en 2012. Je montre d’autres photos de l’hôtel, des jardins avec sculptures, du Mont Fuji et des feux d’artifice sur mon compte Instagram.

祭りがない間に

Je continue tranquillement mais plus intensément ces deux derniers jours, comme vous l’aurez peut-être remarqué, l’alternance entre les photographies prises pendant quelques journées d’été en dehors de Tokyo et d’autres journées du même été dans le centre de Tokyo. Dans l’ordre de bas en haut: la façade arrière grillagée avec des formes de fleurs du Department Store PARCO d’Ueno, un graffiti bleu montrant un animal ressemblant à une pieuvre sur une avenue de Meguro mais on en trouve des similaires dans d’autres quartiers, la tour Octagon avec des yeux noirs de créatures maritimes par l’architecte Shin Takamatsu, une grande fresque intitulée Art in The Park par l’artiste Shun Sudo autour du Ginza Sony Park (銀座ソニーパーク), des constructions d’immeubles au niveau de la sortie Sud de la gare de Shibuya et les formes blanches réminiscentes de l’ancienne gare de Shibuya situées sur la grande passerelle reliant la gare à la tour Shibuya Stream que l’on peut traverser comme un coup de vent. Ces photographies ne sont pas prises lors des mêmes journées. Ce sont des photographies que je n’ai pas pu intégrer dans d’autres séries déjà publiées pour des raisons qui peuvent être, même pour moi, assez floues. Le choix des photographies que je retiendrais dans une série relève souvent d’un ressenti qui n’a pas toujours d’explications très logiques.

Suite à un concours de circonstances, je me retrouve avec un billet en main pour aller voir l’entrainement de l’équipe de football masculine du Paris Saint Germain au stade Chichibu no Miya à Kita Aoyama. Je ne suis pas particulièrement fanatique de football ni du PSG en particulier, mais j’étais tout à fait partant pour aller voir les stars Kylian Mbappé, Lionel Messi et Neymar toucher le ballon sous la chaleur tokyoïte. Le PSG était en fait pendant quelques journées du mois de Juillet en tournée japonaise pour disputer trois matches contre des équipes japonaises dont les Urawa Reds de Saitama, une équipe de Kawasaki et une autre d’Osaka. La photo ci-dessus est prise avant le début de l’entrainement et on constate que le stade est plein. Je n’ai malheureusement pas de photos montrant les joueurs stars car mon zoom ne permettait pas de bien saisir les joueurs. Le fan club japonais du PSG était également présent dans les tribunes. J’étais d’abord surpris d’apprendre l’existence d’un fan club au Japon mais pourquoi pas après tout, on trouve bien à Tokyo plusieurs magasins vendant des t-shirts et autres vêtements aux couleurs du club. Le moment le plus intéressant pour moi, néophyte que je suis, était de constater la vitesse de course de Mbappé. Je n’ai pas beaucoup vu Messi sur le terrain, peut-être parce qu’il s’entraînait plutôt de l’autre côté des tribunes où je me trouvais, mais j’ai vu Neymar particulièrement actif. Le moment le plus amusant était à la toute fin quand quelques enfants tentaient chacun à leur tour une échappée sur le terrain pour faire signer leur maillot par un des joueurs, avant de se faire gentiment rattraper par les personnes de la sécurité. Tout ceci était bon enfant et particulièrement rare, à mon avis, au Japon. Mais parfois, les passions sont plus fortes que tout et j’imagine bien les pères de ces enfants les pousser gentiment à enfreindre les règles pour courir à toute vitesse sur le terrain pour une signature. Je les ai envié pendant quelques instants, car rien que le fait de courir sur ce terrain doit être un plaisir en soit.

J’aime énormément et par dessus tout les découvertes musicales inattendues. Je connais la compositrice et interprète Reol depuis un petit moment et j’ai plusieurs fois essayé d’écouter ses morceaux sans y trouver une accroche. Je tente une nouvelle fois ma chance avec son nouveau morceau sorti il y a 10 jours, Aogeya Tōtoshi (煽げや尊し) et son énergie me surprend tout de suite beaucoup. Ce morceau est une excellente surprise notamment le refrain très accrocheur par sa manière de chanter très marquée. Ce morceau est comme un matsuri et ce sont certainement les danses qui accompagnent la vidéo prise en grande partie dans un bain sento de Chiba qui me font penser ça. Il y a également les « Sore Sore » qui agrémentent par moment les paroles, une référence au Mikoshi et au Hyakki Yagyō (百鬼夜行) et une certaine intonation occasionnelle de voix de Reol me rappelant cette ambiance de matsuri. Le morceau a déjà largement dépassé le million de vues sur YouTube et ça ne m’étonne pas du tout tant l’énergie positive qui s’en dégage est communicative. Du coup, je m’en vais écouter quelques uns de ses morceaux récents, ce qui tombe très bien car je suis plutôt en ce moment dans une période musicale un peu éloignée du rock alternatif. Et mentionner le Hyakki Yagyō me rappelle qu’il faut que j’aille voir l’exposition de Shigeru Mizuki à Roppongi Hills avant qu’elle ne se termine le 4 Septembre 2022.

quelques journées d’été (4)

Un téléphérique nous amène en haut du Mont Kinka pour visiter le château de Gifu. Cette montagne s’appelait auparavant Inabayama et le château était donc autrefois celui d’Inabayama mais Oda Nobunaga décida de changer son nom, ainsi que la ville où il se trouve, en Gifu. Ce nom serait inspiré par le nom d’une montagne chinoise, Qishan (岐山), qui aurait été le point de départ de l’unification d’une grande partie de la Chine ancienne. On voit le parallèle qu’Oda Nobunaga voulut donner avec l’unification du Japon déchiré par les guerres continuelles de la période Sengoku. Ce château idéalement placé sur la plus haute montagne des alentours (à 329m de hauteur) lui donne une importance stratégique. Suite à la prise de ce château, Oda Nobunaga y installa son commandement pendant les neuf années où il œuvra à l’unification du Japon. La construction initiale du château remonte à l’année 1201, par la famille Nikaido pendant la période Kamakura, mais le château que l’on peut visiter maintenant est beaucoup plus récent car il date de 1956. La construction actuelle de ciment n’a par conséquent rien d’historique ou d’authentique comme peut l’être le château d’Inuyama. Il n’empêche que le point de vue depuis le dernier étage du donjon est tout particulièrement impressionnant. Il donne une vue imprenable sur les anciennes provinces de Mino (actuellement la préfecture de Gifu) et d’Owari (actuellement Aichi) dont Oda Nobunaga est originaire. On imagine très bien que les hommes d’Oda Nobunaga pouvaient voir de très loin les attaques ennemies. Ça doit être une des vues les plus impressionnantes que j’ai pu voir jusqu’à maintenant depuis un château japonais. Les étages à l’intérieur du château servent de musée montrant notamment des images de la grande résidence d’Oda Nobunaga dont je parlais dans le billet précédent et insistant sur le fait qu’il rendit volontairement ces lieux plus impressionnants qu’ils n’étaient au moment de son arrivée pour donner une impression de puissance. On nous évoque également assez longuement la visite d’un missionnaire jésuite portugais, Luis Frois, qui aurait été particulièrement impressionné par les lieux et aurait contribué à diffuser cette image de puissance. Oda Nobunaga agissait d’ailleurs habillement en ce sens. Le chemin qui mène vers le château depuis le téléphérique demande une dizaine de minutes de marche, mais la chaleur rend tout mouvement plus difficile qu’à la normale. Il souffle heureusement un petit vent frais tout en haut de la montagne Kinka et c’est particulièrement agréable. Au début de l’après-midi, nous reprenons ensuite la route vers la préfecture de Shizuoka qui est la troisième étape de nos petites vacances.

Shibaura no Kenban

L’objectif de ma visite mentionnée dans mon billet d’hier était de visiter un ancien grand bâtiment de bois rénové pour devenir le Minato City Center for Traditional Culture à Shibaura. Le bâtiment original a été construit en 1936 et servait de Kenban, c’est à dire de bureau d’affectation pour les geisha de ce quartier de Shibaura. A partir de 1945, après l’évacuation de ces professions artistiques de Shibaura pendant la seconde guerre mondiale, le bâtiment est devenu un logement pour les travailleurs du port tout proche. Il prendra le nom de Kyodo-Kaidan jusqu’à sa fermeture en 2000. Le bâtiment restera fermé pendant de nombreuses années jusqu’au début des travaux de rénovation en 2017. La rénovation prendra 3 ans pour s’achever en 2020 et devenir le centre culturel actuel. On trouve à l’intérieur une petite salle d’exposition dédiée au changements successifs du quartier de Shibaura gagné sur la mer. On peut également visiter la grande salle à l’étage qui doit servir pour des spectacles et autres représentations culturelles. Je montre quelques photos de l’intérieur sur mon compte Instagram. Une vidéo nous montre également le travail de rénovation du bâtiment. On apprend d’ailleurs qu’il a été déplacé de quelques mètres du site initial, sans démonter la structure.

Mes nouvelles découvertes musicales sont plus lentes en ce moment mais j’en parlerais certainement un peu plus dans des prochains billets. Je suis en tout cas fortement impressionné par le nouveau morceau de Noah intitulé gemini – mysterious lot qui sortira sur son nouvel album Noire à la fin du mois d’Août. La voix parlée de Noah dans une langue qui n’est pas compréhensible clairement se mélange à une boucle électronique entêtante et à des nappes vaporeuses. Cette musique a quelque chose de magique et invite à l’introspection. L’idée d’y mettre un beat continuel et quelques autres rythmiques est particulièrement brillante. On aimerait que le morceau ne s’arrête jamais. Il pourrait en fait continuer sans cesse car il n’y a pas de refrain ou de moments différenciés à l’intérieur, seulement une longue trame qui se répète. Je suis Noah depuis quelques temps et j’aime beaucoup la direction qu’elle poursuit depuis son EP Étoile dont j’avais déjà parlé ici.

Même si je n’en parle pas systématiquement, je continue à mettre à jour la playlist musicale sur YouTube avec une sélection de morceaux que j’apprécie, liste qui commence à être particulièrement longue d’ailleurs. Et puisqu’on parle des liens situés en haut de ce blog, j’ai remis celui de l’Enquête pour les visiteurs de Made in Tokyo. Je l’avais enlevé suite à un spam et je referais certainement de même si ça se reproduit. Pour ceux et celles qui visitent et apprécient ce blog, je vous invite grandement à répondre aux quelques questions qui me permettront d’un peu mieux connaître mes visiteurs habitués ou occasionnels.

quelques journées d’été (3)

L’étape suivante et finale de notre première journée était la ville de Gifu, dans la préfecture du même nom, située à seulement une quarantaine de minutes en voiture d’Inuyama. Nous passerons la nuit dans un ryokan au bord du fleuve Nagara et à quelques mètres du Mont Kinka en haut duquel se trouve le château de Gifu. Nous le visiterons le lendemain matin. Tout comme à Inuyama, on pratique sur le fleuve Nagara la pêche au cormoran, appelée Ukai (鵜飼), qui est une pêche traditionnelle ancestrale ayant lieu presque toutes les nuits. Cette pêche est pratiquée depuis 1 300 ans sans interruption, du 11 Mai au 15 Octobre. Les touristes peuvent assister à cette pêche, de nombreuses barques sont prévues à cet effet, mais les heures de départ ne correspondaient malheureusement pas à celles de notre repas du soir. Nous en profitons plutôt pour marcher le long de l’ancienne rue Kawaramachi. Chaque maison de cette rue est ornée d’une lampe représentant une image de cette pêche Ukai. Je ne sais pas si elles sont accrochées en permanence aux portes des maisons ou s’il s’agit de la période actuelle proche du Obon qui le demande. Le lendemain matin, nous embarquons dans une visite guidée des abords du château où on trouve les vestiges de la luxueuse résidence du seigneur de guerre unificateur du Japon, Oda Nobunaga. Il ne reste rien de cette résidence mais des images nous donnent une idée générale de son apparence extérieure. On nous apprend qu’un petit étang se trouvait également sur ce site et que l’eau de l’ancienne cascade suinte toujours à travers les roches. Un projet dans les quelques années qui viennent est de reconstituer cet étang. Il n’y a malheureusement pas de projet pour reconstruire la résidence d’Oda Nobunaga, ce qui est dommage vu l’importance historique du personnage. Cette visite guidée est assez particulière. Il n’y a en fait pas grand chose à voir car il s’agit de ruines dont il ne reste que peu de choses, seulement des morceaux de murs de pierre, des monticules de terre ou des renfoncements dans le sol indiquant l’emplacement d’anciens bâtiments, ou des cascades d’eau qui ne coulent presque plus. Mari fait la remarque que cette visite ressemble à l’émission de la NHK, Bura Tamori (ブラタモリ) qui s’attarde souvent sur la géologie des terrains ou à d’autres aspects que toute personne lambda ne remarquerait certainement pas. Le guide nous entend en souriant car Tamori est en fait bien venu ici pour cette émission et avait même été particulièrement intéressé par les roches de l’ancienne cascade qui formera dans quelques années la reconstitution de l’étang. Je montre cette roche sur la sixième photographie du billet. Notre visite se termine au pied du téléphérique qui nous invite à une visite du château sous les chaleurs estivales infernales approchant les 39 degrés.