Que se passe t’il quand les images s’entrechoquent, lorsqu’un ciel bleu tokyoïte se laisse soudainement submerger par des flots de brumes nuageuses et par des textures sombres ressemblant à des cicatrices. Pourquoi ce besoin régulier de déconstruire le paysage urbain pour y ajouter une densité supplémentaire comme si elle était vraiment nécessaire. Tokyo est un espace difforme sans unité apparente dont les trésors se cachent derrière le bruit urbain. Même si on essaie d’éteindre les lumières de la ville pour révéler toute sa noirceur, elles finissent toujours par nous échapper. Ces lumières fuyantes révèlent les nervures des immeubles et les silhouettes de ses habitants. Elles nous poussent à nous concentrer sur ce qui fait la beauté de cette ville derrière la densité du bruit ambiant.
Après une période pop estivale, je reviens vers des sons beaucoup plus underground avec deux EPs au son rock indé pour l’un et électronique tendance witch house pour le deuxième. Le point commun entre ces deux EPs est le lien de certains membres avec le groupe post-punk Ms. Machine dont je parle tres régulièrement sur ce blog. Je découvre d’abord le morceau Insane du groupe Som4li (ソマリ) qui me plait tout de suite beaucoup. Som4li est en fait un groupe formé de membres d’autres groupes toujours en activité et évoluant dans les mêmes cercles, que ce soit ceux des concerts ou des labels. Il se compose de Rio Shimamoto qui est guitariste d’un groupe appelé Strip Joint, MAKO et RISAKO qui sont respectivement guitariste et bassiste de Ms. Machine et SHV du groupe KLONNS. Le son rock indé du EP Escapism de quatre titres sorti le 31 Août 2022 que j’écoute en ce moment est brut. Mais cette musique est pourtant très mélodique et rythmée. J’aime beaucoup le fait que les morceaux soient souvent chantés à plusieurs voix, avec des chœurs, ce qui contraste habillement avec la noirceur générale du son de cet EP. Le dernier morceau du EP intitulé Mei (メイ) doit être le plus facile d’approche et le morceau qui frôle le plus avec un son pop-rock. Le EP ne fait que 10 minutes et est malheureusement un peu court car on aimerait découvrir plus de morceaux de ce super-groupe très prometteur.
Dans la foulée du EP de Som4li, je découvre le EP D1$4PP34R1NG de 1797071. Derrière ce nom de code bien mystérieux, on retrouve MAKO du groupe Ms. Machine, également membre du groupe Som4li comme je l’indiquais ci-dessus. Elle vient de sortir cet EP aux sons électroniques sombres et industriels le 2 Septembre 2022 sur le label Discipline Production. 1797071 officie souvent comme DJ lors de concerts organisés par Discipline. Outre la composition des morceaux principalement centrés sur la guitare pour Ms. Machine, celle électronique sur cet EP, MAKO illustre également les pochettes de ce EP et celui de Som4li. Elle a donc de multiples talents. J’adore tout simplement l’ambiance électronique sombre de cet EP que le texte d’introduction sur Bandcamp (par SHV de Som4li) indique comme étant apparentée à la witch house née des profondeurs de l’internet des années 2010. Cette musique aux sons agressifs n’a rien de reposant et n’est certainement pas pour toutes les oreilles mais elle possède une puissance certaine. J’ai immédiatement accroché au troisième morceau ka 4 ko sen qui est mis en avant sur la page Bandcamp du EP. Ce morceau me rappelle un peu les ambiances sonores que j’aimais tant de Crystal Castles. J’aime beaucoup les distorsions sonores et les changements de tons allant vers les aigus. Le son est brut, souvent teinté d’une agressivité sonore, mais superbe en même temps. Les morceaux qui suivent sont d’une beauté mystérieuse, notamment phantom, car on y ressent une grande mélancolie. J’aime beaucoup la dimension plus intime de ce morceau, qui donne une profondeur supplémentaire à cet EP. Le EP commence superbement avec le morceau †riple a, mélangeant la beauté de nappes sonores rêveuses et les sons de basse crachotante martelant cette beauté apparente. Dès ce premier morceau, on sait que l’écoute sera exigeante, mais comme toute écoute exigeante, elle apporte beaucoup de satisfaction. On reconnaît d’ailleurs certains des sons électroniques de cet EP dans la musique de Ms. Machine. Ah, quel plaisir de trouver ce genre de sons sans compromis. Et les photographies de ce billet me sont bien entendus directement inspirées par ces deux EPs.
Merci pour la poésie de ce billet !
Merci Nicolas !!