once upon the street (2)

Continuons tranquillement avec le noir et blanc appliqué sur les rues de Tokyo. Je l’applique également sur le bleu et le blanc du ciel et des nuages, ainsi que sur mon iPhone transformé en iPod sur la première photographie du billet. J’amène toujours ma musique avec moi en toute circonstance, et il est extrêmement rare que je n’amène pas mon iPod dans mes déplacements. L’autocollant, acheté dans la petite boutique spécialisée B-side Label sur Cat Street à Harajuku, avec une fille jouant de la guitare accompagnée d’un petit chat noir, correspond assez bien au rock japonais que j’écoute souvent. Je n’ai pas beaucoup hésité dans le choix de cet autocollant pour couvrir le dos de mon iPod. Le béton de la deuxième photographie est celui du Collezione à Omotesando par Tadao Ando. Les bambous de la troisième photographie sont plantés le long du musée de Nezu par Kengo Kuma. Sur les affiches publicitaires des abris bus, Haruna Kawaguchi (川口 春奈) montre parfois son visage à la demande d’une marque de cosmétique dont elle doit certainement être l’ambassadrice. Je l’avais déjà prise en photo en couleur alors il fallait bien que je la prenne aussi en photo en noir et blanc, ici près de Sangubashi, sauf que la mise au point est plutôt dirigée vers les deux vieilles dames qui marchent au fond. Le mur délabré de la photographie suivante affichait autrefois une illustration géante de visages de clowns inquiétants. J’en montrais une photo dans mon premier photobook dans la série The Young Face. Il n’en reste désormais que des morceaux illisibles car le mur n’a jamais été vraiment nettoyé ou repeint. Et les nuages noirs chargés de pluie (雨雲), je les vois depuis mon balcon juste avant de prendre la route à pieds pour une autre destination urbaine.

Les magasins Disk Union passent toujours en fond sonore des albums plus ou moins récents, mais en général plutôt anciens. Je n’y prête pas souvent attention, mais ce jour là dans le magasin Disk Union de Shinjuku, le son d’une guitare menaçante accompagnée d’une voix féminine à la fois posée et puissante a tout de suite attiré mon attention. L’ambiance rock me plait beaucoup et vient soudainement interrompre mes recherches de disques dans le magasin. Je ne reconnais pas cette voix, mais j’utilise immédiatement l’application Shazam sur mon iPhone pour savoir qui chante sur ce morceau. Il en ressort le titre Nureta Yurikago (濡れた揺籠) de la compositrice et interprète Cocco (こっこ) sur un album intitulé Kamui Uta (カムイウタ) de 1998. Je connais le nom de cette artiste originaire d’Okinawa depuis de nombreuses années, mais je n’avais jamais prêté attention ni même écouté sa musique. Ce morceau que j’écoute avec une attention certaine au deuxième étage du Disk Union de Shinjuku ne correspond pas à l’image à priori et non renseignée que j’avais de cette artiste. Le morceau qui suit sur cet album et que le magasin passe maintenant en fond sonore est beaucoup moins tendu et m’intéresse moins musicalement. Je vois le CD de Kamui Uta dans l’étagère classée à Ko (こ), juste à côté des albums de GO!GO!7188 que j’étais venu acheter cette fois-ci. J’hésite quelques instants en me disant que je devrais écouter un peu sur YouTube avant d’acheter un album. Je n’achèterais finalement pas cet album et l’idée me sortit de tête pendant plusieurs semaines.

J’y repense soudainement car le souvenir un peu flou du morceau Nureta Yurikago refait surface, et il me prend l’envie d’en savoir un peu plus sur cette artiste. J’adore lire les fiches Wikipedia et celle de Cocco m’apprend avec beaucoup de surprise qu’elle a joué le rôle principal du film intitulé KOTOKO du réalisateur Shinya Tsukamoto (塚本晋也) sorti en 2012. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de Shinya Tsukamoto pour certains de ses films, complètement décalés et même cinglés et dérangeants, en particulier Tetsuo: The Iron Man (鉄男), son premier film sorti en 1989 et Tokyo Fist, film de 1995. Shinya Tsukamoto est également acteur et joua un second rôle dans Ichi The Killer (殺し屋1), film de Takashi Miike (三池崇史) datant de 2001 dont j’ai déjà parlé. Tous ces films ont une violence à la limite du surréalisme. Je n’ai pourtant pas résisté à l’idée de voir KOTOKO sur Amazon Prime, et ce fut un choc (comme à chaque fois pour les films de Tsukamoto). Cocco y joue une mère célibataire atteinte d’une maladie mentale qui lui fait parfois voir les gens en double en s’imaginant qu’on lui veut du mal à elle et à son petit garçon. Ces crises de folie passagères lui font perdre le sens de la réalité et elle en vient à se mutiler pour se prouver qu’elle est bien vivante. Son instabilité mentale fait qu’on la sépare de son garçon qui sera confié à sa sœur vivant loin à Okinawa. Kotoko aime chanter, et ce sont les seuls moments de réconfort qu’elle éprouve en dehors des quelques visites qu’elle fait à Okinawa pour voir son garçon. Tanaka, un écrivain joué par Shinya Tsukamoto, entend son chant dans le bus l’amenant à l’aéroport, ce qui provoque en lui une addiction. Kotoko le repousse mais il s’acharne. Une relation destructrice en naîtra. La violence du film est dure mais n’est pas absente d’une certaine forme d’humour (il faut être réceptif quand même). Le jeu d’actrice de Cocco est fabuleux, complètement convaincante dans son rôle au point où on arrive à toucher du doigt son trouble et à comprendre son cheminement mental. Je suis resté accroché au film jusqu’à la scène finale particulièrement touchante. Voir ce film m’a fait complètement changer d’à priori sur cette compositrice et interprète, également actrice donc.

Et je suis donc parti ce samedi en fin de matinée au Disk Union de Shinjuku pour acheter deux de ses albums: Kamui Uta (カムイウタ) et Rapunzel (ラプンツェル), après avoir écouté quelques morceaux sur YouTube tout en marchant. Les cris soudains de Cocco au milieu de Kemono Michi (けもの道), le premier morceau de l’album Rapunzel sorti en 2000, et sur Ratai (裸体), le huitième morceau de Kamui Uta font tout d’un coup écho au premières minutes du film KOTOKO. J’ai lu que le réalisateur Shinya Tsukamoto était inspiré par les morceaux et les paroles écrites par Cocco, Satoko Makishi (真喜志智子) de son vrai nom, et qu’il avait dans l’idée de tourner un film avec elle depuis longtemps.

Les morceaux de Cocco sur ces deux albums n’ont pas pour moi de sensibilité mélancolique et j’ai bizarrement un peu de mal à les situer dans mon échelle émotionnelle d’appréciation car sa voix d’inspiration pop rock est assez différente des chanteuses que j’apprécie habituellement. Et c’est en fait cela qui m’intéresse énormément dans la musique de Cocco, car sa sensibilité reste pour moi assez mystérieuse. Il y a une densité émotionnelle forte dans ses morceaux, parfois viscérale que j’étais loin de soupçonner. Il y a un grand nombre de morceaux à l’approche rock qui ont forcément ma préférence car ils sont très bien construit musicalement et riches et guitares mais aussi des moments de pauses beaucoup plus calmes ressemblant parfois à des comptines. En fait, il y a deux types de morceaux, certains rock portant des guitares assez agressives et se terminant parfois sur une cacophonie sonore, et d’autres beaucoup plus pop qui me ramènent directement aux ambiances de la J-Pop du début des années 2000. Je ressens une certaine nostalgie en écoutant ces morceaux là en particulier. Le morceau Tsuyoku Hakanai Monotachi (強く儚い者たち) est un bon exemple de ce type de morceaux, un brin passé mais très attachant car son chant et la mélodie sont très accrocheurs. Les guitares très présentes reprenant aussitôt après, comme sur Anata he no Tsuki (あなたへの月) donnent un ensemble qui peut paraître parfois assez hétérogène. La chanson presque enfantine My Dear Pig par exemple contraste complètement avec le menaçant morceau Ratai (裸体) qui est un de mes préférés de l’album Kamui Uta avec Kemono Michi sur Rapunzel. Mais il y a de nombreux morceaux très prenants comme ces deux là. Cocco chante principalement en japonais sur ces deux albums mais il y a quelques morceaux chantés en anglais avec un accent parfait, Rose Letter par exemple. Je ne connais pas la raison pour laquelle elle parle aussi bien anglais, mais je sais au moins qu’elle est partie plus tard, après ces premiers albums, vivre en Angleterre dans la deuxième partie des années 2000. Bref, je me trouve soudainement accaparé par ces deux albums. J’aime beaucoup découvrir des nouvelles musiques dans le froid de l’hiver. Ça me réchauffe le cœur, en quelque sorte.

En continuant à lire sa page Wikipedia, je découvre que le réalisateur Hirokazu Kore-Eda a réalisé un documentaire à son sujet en 2008 intitulé Daijōbu de Aru Yōni: Cocco Owaranai Tabi (大丈夫であるように – Cocco 終らない) que je ne trouve malheureusement pas sur Netflix ou Amazon Prime. Et cinq ans après KOTOKO, Cocco a joué dans un autre film intitulé A Bride for Rip Van Winkle (リップヴァンウィンクルの花嫁) réalisé en 2016 par un certain Shunji Iwai (岩井俊二) dont j’ai déjà parlé très récemment pour son film de 2001 All About Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて). En fait, en voyant les scènes de KOTOKO tournées à Okinawa, je me suis dis que je regardais beaucoup de films avec des scènes tournées là bas en ce moment (une partie clé de Lily Chiu-Chou est tourné à Okinawa). Je regarde maintenant sur Netflix ce film de 2016 de Shunji Iwai dans lequel Cocco joue un rôle secondaire important pour le déroulement de l’intrigue. Pendant presque trois heures, le film A Bride for Rip Van Winkle nous fait suivre la vie de Nanami Minagawa (interprétée par Haru Kuroki), jeune femme apathique, professeur d’école à mi-temps et adepte d’un réseau social qui lui fait rencontrer son futur mari. Elle a peu d’ami et pour son mariage, elle demande les services d’un personnage mystérieux également rencontré sur le même réseau social pour organiser la location d’invités qui joueront le rôle d’amis pour combler le déséquilibre avec le nombre d’invités de son futur mari. Cet homme mystérieux appelé Yukimasu Amuro (interprété par Go Ayano) est plein de resource et est toujours prêt à venir en aide à Nanami mais ses intentions sont troubles et on ne sait jamais s’il est bienveillant ou manipulateur. Le mariage de Nanami ne se passe malheureusement pas comme elle le voudrait. Elle se trouve ensuite embarquée à jouer elle même le rôle d’invités factices dans un mariage. Elle y rencontre le personnage fantasque Mashiro Satonaka (interprétée par Cocco), une actrice qui va changer sa vie. Le film se divise assez clairement en deux parties et Cocco n’intervient que dans la deuxième partie. Le film est assez long mais on se laisse entraîner dans cette histoire sans savoir où elle va nous amener. Le jeu de Go Ayano, d’Haru Kuroki et de Cocco est remarquable. J’aime particulièrement le personnage d’Amuro joué par Go Ayano, car il est maître de toutes situations et j’adore sa manière complètement convaincante de parler. Un petit détail que j’ai beaucoup aimé est la rencontre de Nanami et de Mashiro dans un bar karaoke de Kabukichō (ou quelque part ailleurs à Shinjuku). Le morceau que Nanami chante dans ce karaoke est Bokutachi no Shippai (ぼくたちの失敗) de Morita Dōji (森田童子) sur son deuxième album Mother Sky (マザー・スカイ) sorti en 1976. J’avais déjà parlé ici de Morita Dōji sur ce blog pour un album ultérieur intitulé Boy, mais j’ai aussi Mother Sky dans la discothèque personnelle de mon petit iPhone transformé en iPod.

once upon the street (1)

Je marche souvent sans destination très précise ces derniers week-ends mais en essayant de découvrir de nouvelles rues. Pour changer de point de vue et me soulager un peu les épaules, j’amène avec moi le petit et léger objectif pancake 40mm de Canon. Sa taille est vraiment idéale et relativement discrète. J’avais quand même une destination prévue ce jour là qui était de passer par Jingū Gaien pour vérifier si les deux rangées d’arbres ginkgos avaient bien jaunies comme prévu. C’était bien le cas mais les pointes des ginkgos commençaient déjà à se découvrir. La foule était présente et j’en extrais la première photographie d’un jeune couple (peut-être) qui m’a vu mais ne m’a heureusement pas poursuivi mécontent avec une tronçonneuse. Bon, je regarde un peu trop Chainsaw Man en ce moment. A propos de cet anime d’ailleurs, alors que le thème d’ouverture est à chaque fois le morceau Kick-Back de Yonezu Kenshi (avec la présence inattendue de Daiki Tsuneta dans la vidéo), le thème musical de fin change par contre pour chaque épisode. Chaque morceau est interprété par des artistes différents et ce sont assez souvent des noms que j’ai déjà évoqué sur ce blog: Vaundy reprenant ici une approche rock agressive avec un morceau intitulé Chainsaw Blood, ZuttoMayo plutôt fidèle à leur style electro-pop sur Zanki (残機), Ano sur Chu, Tayōsei. (ちゅ、多様性。) également fidèle à elle-même dans son chant dans une vidéo assez amusante, le math rock dense et la voix ultra aiguë de TK from Ling Toshite Sigure (凛として時雨) sur le morceau First Death ou encore Aimer avec le morceau Deep Down qui n’est pas encore disponible en entier mais qui s’annonce déjà très beau. Je ne dirais pas que j’accroche complètement à tous ces morceaux mais la renommée certaine des artistes invités donne une bonne idée de la popularité de la série, bien qu’elle soit interdite au moins de 16 ans pour sa violence.

Mais la musique que j’aime et écoute beaucoup en ce moment est plus apaisé. Ce sont des morceaux que j’ai d’abord entendu à la radio, qui reste pour moi une excellente source de découverte d’artistes qui je ne connais pas ou que j’avais perdu de vue. Il y a d’abord les français de Phoenix avec un morceau intitulé After Midnight dont la vidéo a été tournée à Tokyo vu à travers les vitres d’une ancienne voiture de sport, la Toyota Sprinter Trueno AE86, que l’on trouve également dans le manga Initial D (頭文字D) écrit et illustré par Shuichi Shigeno. J’avais perdu de vue le groupe depuis leur album Wolfgang Amadeus Phoenix que j’avais pourtant beaucoup aimé et écouté. After Midnight est tiré de leur nouvel album Alpha Zulu sorti le 4 Novembre 2022. Je devrais l’explorer un peu plus car ça fait vraiment plaisir de retrouver la voix de Thomas Mars. Ce n’est pas lui, à priori, qui conduit la Toyota vintage de la vidéo, ce qui est bien dommage car je l’aurais bien vu au volant filer vers l’hôtel Park Hyatt de Shinjuku qui sert de lieu principal du film Lost in Translation (le film de son épouse). J’écoute aussi beaucoup le morceau My Girl de Kan Sano qui est tout simplement superbe dans son ambiance jazz. Ce morceau est tiré de son album Ghost Notes sorti en 2019. J’adore le rythme des percussions, ce brin de musique électronique venant ponctué le flot et ce final instrumental jazz très inspiré.

東京の夜空の星になる

羽根がないのならそれはそれで
それじゃ何処にも行けない
冷たいビル風があたしの真ん中凍らせた
夢がないのならそれはそれで
思い出に浮かんでいられて丁度いい
それじゃ朝日も仰げない
夜空を踊る 星になる 星になる…

C’est dans le noir et blanc que se cache réellement la lumière et c’est au fond de sa substance sombre que se trouve la source des rêves. La lumière nous invite à une chaleur loin du vent froid rôdant autour des buildings. Sans rêves, on se contentera de flotter dans nos souvenirs, sans aller nulle part. Les rêves nous donnent par contre des ailes qui nous permettent de danser dans le ciel nocturne jusqu’à devenir des étoiles.

Ce petit texte m’est inspiré par une sélection de paroles en japonais d’un morceau intitulé Tokyo (東京) sur l’album Ryūzetsuran (竜舌蘭) de GO!GO!7188 sorti en 2004. J’accole certaines paroles sélectionnées de ce morceau sur des images en noir et blanc, la plupart du temps prise de nuit de manière à faire danser les lumières. Le petit texte est une interprétation tout à fait libre des paroles en japonais. J’utilise souvent des paroles de morceaux pour composer mes titres de billets en japonais ou en anglais, mais c’est la première fois que je les associe directement avec des photographies. Ce morceau aurait pu faire partie de ma playlist composée uniquement de morceaux intitulé Tokyo.

Je continue donc à écouter avec beaucoup de passion les albums de GO!GO!7188 au fur et à mesure que je les trouve dans les magasins Disc Union. En fait, on ne trouve les albums de ce groupe qu’au magasin de Shinjuku et ils disparaissent petit à petit, les uns après les autres, au fur et à mesure que je les achète. La musique rock alternative de GO!GO!7188 sonne à mon avis assez bien avec le son Shinjuku-Kei même si le groupe est originaire de Kagoshima. Partit acheter ces disques me donne également une occasion de marcher jusqu’à Shinjuku, ce que j’aime beaucoup faire sans vraiment savoir pourquoi. J’écoute les albums de GO!GO!7188 dans l’ordre chronologique et je trouve, sans grande surprise, qu’ils gagnent en maturité. Les guitares sont toujours bien présentes même si elles sont un peu moins agressives et la voix de Yū est toujours aussi addictive car pleine de variation. J’y trouve toujours une pointe d’ambiance Showa ou de Kayōkyoku à défaut de tendre vers une version rock du Enka. Ce n’est pas une impression marquée mais une atmosphère que transmet le chant de Yū. J’aime vraiment beaucoup ce son qui a pour moi des vertus apaisantes malgré le fait que ça soit bien du rock tout à fait électrique. Et pour alterner encore, je reviens vers les anglais d’Arctic Monkeys avec leur deuxième album Favourite Worst Nightmare sorti en 2007. Je connaissais depuis quelques années le morceau Brianstorm mais je n’avais jamais écouté cet album en entier. L’énergie qui s’en dégage à quelque chose de jubilatoire et correspond bien à ce que j’ai envie d’écouter en ce moment. L’album gagne en intensité jusqu’au morceau 505 qui est un des meilleurs de l’album, mais il y en a beaucoup d’autres. Et comme c’est l’édition japonaise de l’album, il y a deux morceaux en bonus à la fin qui ne dépareillent pas avec l’ensemble de l’album. Bref, j’ai envie de continuer encore un peu en écoutant d’autres albums de ces deux groupes.

une étrange photographie nocturne

Dans les rues à l’arrière d’Harajuku en direction de Killer Street, une étrange photographie nocturne est scotchée de manière hâtive sur un poteau électrique, avec une inscription « RECALL LIGHT » qui ne nous éclaire malheureusement pas beaucoup. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un repérage pour un éventuel film ou drama, mais rien autour ne m’a permis de comprendre de quoi il s’agissait vraiment. Cette photographie restera un mystère. Je suis même, en quelque sorte, reconnaissant envers la personne qui a introduit ce mystère dans le paysage urbain. Le but était peut-être seulement d’attiser la curiosité de personnes comme moi qui s’attachent sur ce genre de détails. Je suis repassé volontairement à cet endroit aujourd’hui et la photo n’y était plus. Prise dans le même quartier, la photographie suivante d’une maison individuelle encerclée par une végétation dense me rappelle mes propres compositions urbano-végétales que je n’ai pas pratiqué depuis bien longtemps. Aurais-je perdu la main, ou l’envie peut-être? La dernière photo du billet est prise au pied du building Carrot à Sangenjaya. J’ai repéré plusieurs affiches publicitaires similaires à différents endroits de Tokyo pour le nouveau single Color (色彩) de yama. La photographie utilisée pour ce single a été prise par Toshio Ohno (大野隼男) dont je parlais récemment pour ses photos affichées au dessus de la sortie Sud de la grande gare de Shinjuku. J’aime beaucoup cette photo de yama. Avec Ado et ACAね de ZuttoMayo (ずっと真夜中でいいのに。), yama est de ces artistes qui ne montrent par leur visage. Je savais qu’elle avait démarré sa carrière solo dans la mouvance Vocaloid mais je ne savais pas qu’elle faisait partie d’un groupe dès 2019, l’année après sa première apparition sur YouTube. Ce groupe appelé BIN a sorti un premier album intitulé Colony l’année dernière. Le single Color (色彩) est sorti le 2 Octobre 2022. Il s’agit du thème de fin de la série animée SPYxFAMILY que je regarde tranquillement depuis quelques semaines et qui m’amuse beaucoup. J’aime beaucoup ce morceau de yama pour son énergie pop et pour sa voix qui est remarquable.

J’écoute aussi en ce moment le morceau intitulé Seishun no Tsuzuki (青春の続き) de l’actrice Mitsuki Takahata (高畑充希). Le morceau a été écrit et composé par Sheena Ringo à la demande de Mitsuki Takahata pour sa performance dans la pièce de théâtre Hōshoku Tokei (宝飾時計) de Muneko Nemoto qui se jouera en Janvier et Février 2023. Le morceau est sorti le 16 Novembre 2022. Même s’il n’est pas chanté par Sheena Ringo, on reconnaît immédiatement son style. Mitsuki Takahata a une belle voix mais je ne peux m’empêcher d’imaginer ce même morceau chanté par Ringo dans un futur album d’auto-reprise Reimport. Le morceau n’est pas particulièrement original mais il reste très beau et j’aime l’interposer entre mes écoutes d’albums aux ambiances rock. Ce n’est pas le premier morceau que Sheena Ringo écrit pour Mitsuki Takahata. Il y avait d’abord Jinsei ha Yume darake (人生は夢だらけ) que Sheena Ringo a réinterprété ensuite sur son album Reimport 2 (逆輸入 〜航空局〜) en 2018. Ce morceau interprété par Sheena Ringo est fabuleux et le nouveau Seishun no Tsuzuki n’atteint pas les mêmes sommets. Je pense que ce nouveau morceau va de pair avec un autre morceau de 2014, Seishun no Mabataki (青春の瞬き) sorti sur le premier album de reprises (逆輸入 〜港湾局〜). Elle avait initialement écrit ce morceau pour l’actrice (et chanteuse) Chiaki Kuriyama (栗山千明). Ce n’est pas le seul morceau ayant ce genre de correspondance. L’album remix Hyakuyaku no Chō (百薬の長) que je mentionnais il y a quelques semaines est disponible en digital depuis le 30 Novembre 2022, mais je ne l’ai pas encore écouté à part le remix de Marunouchi Sadistic par Miso que je trouve d’ailleurs très réussi. Le format physique en CD ne sortira que le 11 Janvier 2023, repoussé en raison des problèmes sur l’utilisation réservée du symbole de la Croix Rouge. Je me retiens d’écouter ces nouveaux remixés en digital dès maintenant car j’ai déjà commandé le CD depuis longtemps et je l’attends pour la première écoute. Et il y a la tournée annoncée en 2023. J’attendais une tournée de Tokyo Jihen mais ce sera une tournée solo de Sheena Ringo. Je ne suis pas certain de pouvoir acheter des places car ça fait 5 ans qu’elle n’a pas fait de tournée solo et j’imagine qu’il y aura foule pour tenter d’acheter des billets, mais je vais bien entendu tenter ma chance. Après une année 2022 très calme, j’espère que 2023 sera une année aussi active que 2021.

Le billet précédent a provoqué une fois de plus une réflexion intérieure sur le sens et l’existence de ce blog et m’a fait revenir dans le passé en repensant aux blogs que je suivais à l’époque des débuts de Made in Tokyo. La plupart de ces blogs n’existent plus ou ne sont plus mis à jour depuis très longtemps. Parmi ceux-ci, il y avait celui de MP qui est un des seuls bloggers photographes tokyoïtes que je connais personnellement. On commentait régulièrement nos photos sur nos blogs respectifs et on avait même fait une série croisée appelée Call Me sur laquelle des épisodes étaient chez MP et un épisode chez moi. Son blog n’est plus mis à jour depuis des années. Une rencontre avec des photoblogers tokyoïtes avait eu lieu à cette époque à Ueno si mes souvenirs sont bons. Ça avait été une belle occasion de parler avec d’autres photographes amateurs, et de montrer mon premier photobook créé sur Blurb. Je sentais par contre que mon approche était différente car je créais à cette époque beaucoup plus de compositions d’images que maintenant. Une personne de ce groupe, un anglais, me l’avait fait ressentir plus tard lors d’une autre rencontre, d’une manière à peine courtoise. La majorité de ces photoblogers n’ont plus l’air d’être actifs (ils le sont peut-être sur Instagram) sauf Toshiya Watanabe qui était à l’époque très sérieux sur son approche et sa vision. Certains de ces photographes amateurs s’étaient regroupés pour faire une exposition à la galerie Place M à Shinjuku que j’avais été voir avec MP. Parmi eux, on retrouvait Toshiya Watanabe et Thomas Orand, entre autres. Je me souviens que Thomas aimait beaucoup mes photos et j’appréciais également son approche singulière, que l’on ne peut voir maintenant qu’en petit format sur Instagram. Côtoyer brièvement ces photographes amateurs avait suscité beaucoup d’interrogations et de remises en question sur mon approche mais au final, je semble être le seul à toujours montrer régulièrement des photographies sur un site web. La plupart utilisait Flickr qui créait une sorte de communauté de photographes (dont une appelée Tokyo Ga) mais cette plateforme a perdu depuis longtemps son attrait et la plupart des pages que je connaissais ont été supprimées. Je me souviens assez vaguement que derrière ces photographes amateurs, il y avait la figure de Tommy Oshima que certains estimaient beaucoup. Il montre toujours des photos sur Instagram mais semble s’orienter vers d’autres projets. Avant de démarrer Made in Tokyo en 2003, je me souviens avoir suivi avec beaucoup d’attention le blog d’Olivier Théreaux, appelé 2 Neurones et 1 Camera. Il n’habite plus au Japon depuis longtemps mais je me retrouve maintenant à regarder les photographies qu’il avait pris en 2002. Elles m’avaient inspiré à cette époque. Celles de Karl Dubost également qui continue à publier des photographies prises à Tokyo et dans le Shonan avec le brin de poésie qui lui est caractéristique. Je ne vais pas assez souvent voir ses pages, construites en dehors des systèmes de blog classiques, mais je devrais y aller plus souvent. Son approche photographique n’a pas changé, s’accordant souvent sur les détails et j’y retrouve là une porte vers un monde immuable.

本当の世界に連れてて

Les feuilles mortes se ramassent déjà à la pelle et nous n’avons pas encore eu l’occasion d’aller voir les feuilles rouges et jaunes de l’automne, que ça soit dans Tokyo ou autour. Je pense qu’on va une nouvelle fois cette année passer notre tour. Ça fera d’autant moins de photos à montrer sur ce blog. J’en prends d’ailleurs beaucoup moins en ce moment. Je continue à marcher en amenant avec moi mon appareil photo mais je prends très peu de photos. Le cœur ou plutôt l’inspiration, n’y est plus trop en ce moment. Il me reste seulement des photographies déjà prises pour les deux ou trois prochains billets, et c’est en fait assez rafraîchissant. Ça m’arrangerait de faire une trêve ou de réduire le rythme. Ça peut paraître bizarre de le dire mais je ne sais pas si j’en serais capable. Ce n’est pas pourtant comme si j’avais une pression sur les épaules pour écrire des billets et montrer des photos sur ce blog. Je souhaiterais parfois que ce blog soit à la demande, que ça me donne l’impression de répondre à un besoin tout en satisfaisant mon plaisir d’écrire, de montrer des photographies et de parler des musiques que j’aime. Ce système d’appel et de réponse n’existe malheureusement pas sur un blog, et je risque de toute façon d’attendre longtemps.

Dans une vitrine d’un magasin de vêtements près d’Harajuku, j’aperçois un hoodie avec une illustration du personnage démoniaque appelé Power. Je regarde depuis quelques jours la série animée Chainsaw Man (チェンソーマン) sur Netflix et je suis déjà conquis. Je ne regarde plus beaucoup d’anime mais cette série est aussi bonne qu’elle a beaucoup de succès. Je me dis en la regardant que le Japon est encore loin de perdre la main en matière d’animation. Bon, la série est certes d’une violence affirmée car le héros de l’histoire, Denji, ayant pactisé avec un gentil démon, se voit affublé de tronçonneuses sur les bras et le visage lorsqu’il déclenche ce pouvoir démoniaque. On est bien loin du monde de Ghibli, que j’aime aussi beaucoup comme tout le monde, allais-je dire. Un passage le week-end dernier à la librairie du grand magasin Seibu de Shibuya m’a d’ailleurs rappelé que le magazine orienté architecture Casa Brutus avait sorti un nouveau numéro avec la chanteuse Aimyon. Après le numéro partant à la découverte de l’univers singulier de Taro Okamoto, Aimyon est cette fois-ci prise en photo dans le tout nouveau parc Ghibli près de Nagoya. Je ne pense pas qu’on puisse y aller un jour donc j’ai acheté ce magasin pour faire, en quelque sorte, une visite virtuelle du parc. A part quelques morceaux, je ne suis pas spécialement amateur de la musique d’Aimyon, mais j’aime vraiment beaucoup ces séries où elle pose au milieu d’une architecture fantaisiste. Il y a quelque chose de non conventionnel chez Aimyon que je n’arrive pas à bien appréhender.

J’avais d’abord hésité à me lancer dans le visionnage de Chainsaw Man, ne sachant que peu de choses sur la trame de l’histoire, mais l’épisode 27 du podcast Pure TokyoScope m’a rapidement convaincu. J’écoute ce podcast des deux américains Otaku irrécupérables Matt Alt et Patrick Macias depuis ses débuts et j’y apprends beaucoup de choses inutiles mais forcément passionnantes. Pour dire que cette série a atteint une popularité certaine, j’ai même eu l’occasion d’en discuter avec mon coiffeur qui est un peu plus avancé que moi dans les épisodes. De fils en aiguilles, on en vient à parler d’Evangelion. Je le sens comme rassuré d’apprendre que je regardais Neon Genesis Evangelion quand j’étais plus jeune (et encore en France). Comme si on venait de réaliser qu’on venait du même monde. On parle souvent de cinéma de science-fiction avec mon coiffeur, mais plus rarement d’anime.

Peut-être devrais-je faire BiSH qui a décidé de cesser ses activités de manière programmée à une date précise définie dans la futur (la fin de cette année en l’occurence). C’est en fait assez dommage car je trouve certains de leurs derniers morceaux très bons comme ceux intitulés Up to Me et Kanashimi yo Tomare (悲しみよ止まれ). Je pense qu’elles arrivent au bout d’un cycle et leur style n’évolue plus beaucoup (comme pour moi sur ce blog). On aura peut-être la surprise de les voir disparaître pour réapparaître immédiatement avec la même configuration mais sous un autre nom de groupe, comme l’a fait récemment EMPiRE par un étrange tour de passe-passe en changeant de maison de disques par la même occasion. Je doute que ça soit le cas pour BiSH vu les carrières séparées déjà bien avancées pour AiNA et AYUNi (avec Pedro). J’apprécie en tout cas toute l’urgence du morceau Up to Me, où les six voix prennent relais pour le chant sans points morts. Elles n’hésitent pas, chacune d’entre elles à leur manière, à exagérer leur agressivité et particularité vocale. La voix d’AiNA est toujours au dessus des autres mais j’apprécie toujours quand les pointes aiguës d’AYUNi viennent se distinguer.

Je suis allé voir l’exposition intitulée Meirei Toshi (命令都市) de l’artiste digital wataboku qui se déroulait à la galerie Anicoremix à Harajuku du 12 Novembre au 23 Novembre 2022. Je suis cet artiste sur Instagram depuis plusieurs années et j’avais très envie d’aller voir à quoi pouvait ressembler ses œuvres graphiques en grand format. Le personnage féminin récurrent de son œuvre s’appelle SAI. On la voit souvent entourée ou marquée de signes directeurs provenant de la circulation routière, qui viennent indiquer les nombreuses règles et interdictions présentes dans la société japonaise. J’aime beaucoup les expressions de ce personnage. Son visage est à chaque fois très expressif. Je me souviens d’une version animée de ce personnage que wataboku montrait sur Instagram. L’animation un peu saccadée avait pour moi un effet de fascination et je me souviens avoir laissé cette vidéo tournée pendant de longues minutes devant moi, ne serait ce que pour regarder SAI froncer des yeux. Je pense que la fascination pour ce personnage à commencer à ce moment là. L’artiste était présent dans la galerie à mon passage, ce qui a été l’occasion de lui parler pendant quelques instants, et de faire signer une des trois cartes postales que j’avais acheté sur place. Il me dit qu’il a vendu beaucoup de ces œuvres et qu’il a donc de moins en moins de choses à exposer (sachant qu’elles sont à 600,000 ou 800,000 Yens pièce). A défaut d’une de ses œuvres, j’ai beaucoup hésité à acheter son livre d’illustrations. J’aurais dû en fait, mais on le trouve de toute façon en librairie.