そうだ、東北へ行こう!❸

Le lendemain après une bonne nuit de sommeil, nous reprenons la route vers le Nord de la préfecture de Yamagata en direction du domaine de Dewa Sanzan (出羽三山) constitué de trois montagnes sacrées nommées Haguro-san (羽黒山), Gas-san (月山) et Yudono-san (湯殿山). Elles représentent respectivement la naissance, la mort et la renaissance. Le pèlerin les visite normalement dans cet ordre mais nous nous contenterons de visiter le sanctuaire du Mont Haguro qui est le plus facile d’accès en cette saison. Les deux autres montagnes et leurs sanctuaires sont plus difficilement accessibles en raison de la neige. Dewa Sanzan est au centre d’une religion appelée Shugendo, mélangeant Bouddhisme et Shintoïsme, basée sur le culte de la montagne. Les yamabushi pratiquent cette religion Shugendo à travers de long pèlerinages et des entraînements d’endurance dans les montagnes de Dewa Sanzan.

La route de montagne que nous empruntons depuis Kaminoyama Onsen se compose de portions de voie express, celle de Yamagata, et de route nationale, la Gassan road. Cette route sinueuse grimpe sur les hauteurs du Mont Gassan et du Mont Yudono, longe le lac Asahi Gassan, traverse de nombreux tunnels et nous laisse voir de très beaux paysages enneigés. Cette route qui nous amène vers la ville de Tsuruoka, au bord de la Mer du Japon est une attraction en elle-même. On a l’impression en l’empruntant de s’enfoncer de plus en plus dans des lieux reculés voire même inaccessibles. Il nous faudra un peu moins de deux heures pour arriver au pied du Mont Haguro.

Une grand porte rouge appelée Zuishinmon ouvre le chemin de montagne composé de 2446 marches de pierre jusqu’au sanctuaire principal sur les hauteurs de la montagne Haguro. Le chemin est entouré d’immenses cèdres qui ont entre 300 et 500 ans d’âge. Le chemin est très vallonné descendant d’abord vers une rivière appelée Haraigawa qu’il faut traverser sur un pont rouge courbé nommé Shinkyo. La cascade Suganotaki placée derrière un autel nous accueille dans ces lieux qui dégagent une sorte de magie. Le soleil traversant les arbres est fort au niveau de la rivière et éblouit nos appareils photos lorsqu’on essaie de saisir le paysage. Cette manifestation certes tout à fait naturelle nous fait tout de même comprendre l’atmosphère sacrée des lieux. La rivière démarque véritablement les terres sacrés du Mont Haguro. Les pèlerins s’y purifiaient avant d’entamer leur ascension des trois montagnes de Dewa Sanzan. La neige a pratiquement disparu du chemin de pierre mais certaines portions restent encore enneigées. Après une dizaine de minutes de marche, une pagode de cinq étages se révèle progressivement à travers les arbres. On l’apercevoir d’abord derrière le plus grand cèdre de la forêt, faisant 43 mètres et étant âgé de plus de 1000 ans. On confondrait presque la pagode avec les grands cèdres qui l’entourent. Même si on s’attendait à la voir à cet endroit car c’était l’objectif premier de notre passage dans les montagnes de Dewa Sanzan, on est tout de même surpris de voir une structure pareille en plein milieu d’une forêt de cèdres en montagne. On a plutôt l’habitude de voir ce genre de pagodes dans l’enceinte d’un complexe de temples.

櫻のち晴れ

Les fleurs de cerisiers sont éphémères et c’est ce qui fait toute leur beauté. Le plaisir a été de courte durée à Tokyo cette année et je n’ai pu saisir qu’une matinée de week-end pour marcher une nouvelle fois en direction de Naka-Meguro, après un premier essai sous la pluie. Le cerisier de la maison de la chanteuse Misora Hibari sur la troisième photographie est toujours magnifique. En descendant vers la rivière, la foule est de retour mais je n’y resterais pas longtemps. Les photographies de cerisiers en fleurs à Tokyo s’arrêteront là. A l’heure où j’écris ce billet, les fleurs de cerisiers ont déjà complètement disparues, envolées par les bourrasques de vent et la pluie. J’aurais aimé écouter la musique qui va suivre en regardant les fleurs de cerisiers s’envoler, loin de la foule, car on y trouve une même délicatesse, mais je ne l’ai découvert que quelques jours plus tard.

All this time, we were only what we dreamed, and all those dreams were true but we never really knew.

Depuis la disparition de Ryuichi Sakamoto (坂本龍一), on entend régulièrement des morceaux de sa composition à la radio. Ce soir là, on y passe le morceau Chronic Love (クロニック・ラヴ) interprété par Miki Nakatani (中谷美紀) sur son album Shiseikatsu (私生活) sorti en 1999. Je suis tout de suite happé par la beauté et l’élégance de cette musique electro-pop et par la voix de Miki Nakatani chantant en anglais. Je connaissais Miki Nakatani en tant qu’actrice, mais je n’avais pas saisi qu’elle avait également eu une carrière de chanteuse et sorti trois albums produits par Ryuichi Sakamoto. L’album Shiseikatsu est composé, arrangé et produit par Ryuichi Sakamoto. Il y joue également du clavier. Le détail qui m’attire inévitablement est d’entendre que SUGIZO de LUNA SEA y joue même de la guitare sur quelques morceaux dont Chronic Love dans une version réarrangée par rapport au single, Frontier (フロンティア) qui ouvre l’album et l’avant dernier morceau all this time (dont sont extraites les quelques paroles ci-dessus). J’étais très loin d’imaginer une association pareille et une telle beauté conceptuelle dans cet album. Parmi les treize morceaux, on trouve de nombreux moments instrumentaux sur lesquels Ryuichi Sakamoto expérimente différents sons électroniques se mélangeant avec des sons de la vie quotidienne et des brins de voix de Miki Nakatani. J’adore le dixième morceau intitulé Leave me alone où elle cuisine et se fait déranger par le téléphone, quelque peu agacée car elle doit se lever tôt le lendemain matin pour travailler, mais reste tout de même polie. Ce sont comme des scènes d’un film d’art et essai mélangées avec les sons inventifs et les nappes sonores de Sakamoto. Les trois morceaux principaux Frontier, Chronic Love et Fetish sont parmi les plus remarquables de l’album, mais la délicatesse du deuxième Amadare (雨だれ) et la beauté expérimentale des sons sur le huitième Automatic Writing, par exemple, me laissent sans voix. Avec toujours la voix de Nakatani comme extraite de différentes situations de sa vie privée, comme le suggère d’ailleurs le titre de l’album. « Kitanai na… » (quel désordre!) chuchote t’elle sur le morceau Automatic Writing parlant à elle-même comme si elle inspectait des yeux son appartement mal rangé. C’est une œuvre conceptuellement intéressante et musicalement très belle. Miki Nakatani devait avoir environ 22 ans à cette époque et c’est en fait son dernier album. C’est à cette époque également qu’elle jouait le rôle de Mai Takano dans la série de films Ring et Ring 2 d’Hideo Nakata. Elle a tourné dans de très nombreux films et séries télévisées. J’avais déjà parlé ici de la série Followers de la photographe et réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川 実花) sur NetFlix dont elle jouait le rôle principal et qui avait d’ailleurs lancé la carrière d’une autre jeune actrice-chanteuse Elaiza Ikeda (池田エライザ). De Miki Nakatani, j’ai également le souvenir de l’avoir vu invitée à une émission de la NHK, habillée d’un kimono, pour présenter le concert classique du Nouvel An à la Philharmonie de Vienne. Son mari, Thilo Fechner, y est en fait violoniste. L’album Shiseikatsu est une excellente surprise mais on ne le trouve étrangement pas sur iTunes. Je pense qu’il doit également être difficile à trouver en CD d’occasion.

そうだ、東北へ行こう!❷

Nous visitons ensuite le château de Kaminoyama. Le château original fut construit en 1535 et abritait le siège du domaine de Kaminoyama sous le contrôle du clan Tendo. Du château original, il ne reste que le mur de pierre et les douves car la version actuelle date de 1982. L’intérieur du château a été transformé en musée après sa reconstruction. Depuis les hauteurs du donjon, on peut apprécier une vue dégagée sur le Mont Zao, célèbre pour ses monstres de neige, des arbres recouvert de neige donnant l’impression de monstres. Il est malheureusement déjà un peu tard dans l’année pour les voir et nous ne ferons pas le déplacement jusqu’au Mont Zao. Il est par contre un peu tôt pour la floraison des cerisiers à Yamagata, mais certains autour du château étaient heureusement déjà très fleuris. Les châteaux et les cerisiers seront une des thématiques de notre petit voyage. Nous sommes un Dimanche mais les visiteurs sont assez peu nombreux. Cette zone n’est pas très touristique mais je pensais quand même y trouver des visiteurs étrangers de passage. Notre journée était longue mais n’était bizarrement pas épuisante malgré les cinq heures de route. Je pense que voir des cerisiers tout au long de l’autoroute pendant le trajet m’a donné un entrain qui m’a fait oublier la fatigue. On appréciera tout de même beaucoup les eaux chaudes du Onsen à l’extérieur du ryokan où nous passerons le nuit. Le lendemain après un petit déjeuner japonais, nous nous enfoncerons un peu plus encore dans les terres de la province de Dewa.

そうだ、東北へ行こう!❶

Nos courtes vacances de printemps nous amènent cette fois-ci vers le Nord-Est de Tokyo dans la région du Tōhoku (東北地方) dans les préfectures de Yamagata et de Fukushima. Nous connaissons assez peu ces préfectures pour n’y être allés qu’une seule fois jusqu’à maintenant. Nous nous y rendons en voiture plutôt qu’en shinkansen car on veut garder la possibilité de se déplacer librement, nos plans de visite changeant souvent au dernier moment. Notre séjour de trois jours nous fera en tout parcourir 1,000kms, sans aucun embouteillage et avec la possibilité de rouler à 120km/h sur l’autoroute de Tōhoku ce qui est très appréciable. J’ai surtout aimé la conduite dans les routes sinueuses de montagnes aux paysages magnifiques partiellement enneigés à Yamagata. Il était par contre assez compliqué de prendre des photos tout en conduisant et je me suis donc abstenu. Il nous a fallu environ cinq heures pour atteindre notre première destination au delà de Yonezawa, en faisant une halte dans une aire d’autoroute faisant office de Michi no Eki, ces stations de route proposant des produits de la région et quelques restaurants de spécialités locales.

Notre premier arrêt était la station thermale de Kaminoyama Onsen, se trouvant à proximité de la ville de Yamagata et à l’entrée du Mont Zao. Elle s’est développée à partir de 1458 pendant l’ère Muromachi. Le moine voyageur Gesshu y aurait fait un arrêt et aurait décidé avec l’aide des villageois de développer cette station thermale après avoir vu une grue blessée chercher du réconfort dans les eaux chaudes du Onsen. La première photographie du billet montre cet endroit, appelé Tsuru-Hagi no Yu, à partir duquel l’activité thermale du village a commencé. Le ryokan où nous avons passé la nuit se trouve juste en face. Kaminoyama se trouvait autrefois dans la province de Dewa qui regroupait les actuelles préfectures de Yamagata et d’Akita. Il s’agissait également d’une petite ville féodale avec un château sous le shogunat Tokugawa à la période d’Edo. Kaminoyama Onsen était également une zone de passage, se trouvant sur l’ancienne route Ushū Kaido reliant Fukushima à Aomori. J’imagine que la ville était particulièrement prospère à cette époque.

À côté du château actuel reconstruit, une rue de l’ancien district des samouraïs à été préservée. On y trouve quatre grandes maisons, mais seule la résidence Miwake est visitable. J’en montre plusieurs photographies sur ce billet. Un guide nous explique l’histoire de la maison, construite avec un plafond volontairement bas pour éviter qu’on puisse y utiliser les sabres. Ces maisons étaient des zones de vie mais étaient également conçues pour faire face à des attaques ennemies éventuelles. Certaines parties de la maison ont été modifiées et ajoutées au fur et à mesure des années comme la partie avancée entourée de vitrage. C’est la partie la plus agréable de la maison et on aurait envie de s’y asseoir pendant quelques dizaines de minutes. Nous sommes au tout début du mois d’Avril et le festival Hina Matsuri devrait déjà être terminé depuis la fin du mois de Mars mais les poupées sont toujours de sortie et agrémentent plusieurs pièces de cette maison. Après cette visite, nous gagnons le château.

雨のち櫻

La météo était peu clémente à Tokyo pendant le pic de floraison des cerisiers. Les occasions de voir les sakura à Tokyo étaient par conséquent peu nombreuses pour nous cette année. On se rattrapera pourtant un peu plus tard en dehors de Tokyo, mais cela sera l’occasion d’autres billets. Les quelques photographies ci-dessus ont été prises sous une pluie continue, qui n’a pourtant pas décourager les visiteurs et touristes le long de la rivière Meguro près de la station de Naka-Meguro. Je n’y passe que rapidement car je préfère marcher en direction de Meguro où la rivière est plus large et la foule moins présente. Je prends assez rarement des photos sous la pluie, bien que le paysage urbain humidifié ait aussi un intérêt certain, photographiquement parlant. J’ai même l’impression de voir la rivière de Meguro sous un autre jour, comme si la pluie révélait un aspect plus naturel voire sauvage de cet endroit. Nous sommes pourtant bien au beau milieu de Tokyo, comme en atteste la haute tour Atlas à quelques mètres de la station de Naka-Meguro.