果てまでゆく荒野をかける

Les cactus sont arrivés à la maison il y a quelques semaines et ils y vivent paisiblement sans faire de bruit et en ne dérangeant personne à part ceux qui ont la mauvaise idée de s’en approcher de trop près. On a de plus en plus de plantes à la maison et notre appartement va bientôt devenir une jungle. C’est moi qui m’en occupe principalement et qui prend toutes les responsabilités quand une d’entre elles décide de nous quitter parce qu’on pas su bien la comprendre. Je passe parfois beaucoup de temps le week-end sur le balcon à changer les pots quand ceux-ci deviennent trop petits pour certaines plantes qui se sont décidés à devenir envahissantes, ou à redresser d’autres avec des tiges métalliques pour leur redonner une fière allure ou les remettre sur le droit chemin. Mais peu importe les garde-fous qu’on peut leur imposer, elles finissent toujours par grandir à leur manière sans nous demander notre avis. Une chose est sûre cependant, on se sent bien à vivre parmi elles.

Les autres photographies du billet sont prises dans les environs du musée Watari-Um. Une grande fresque se présente d’abord sur la façade arrondie de l’ambassade du Brésil. En face du musée, les formes géométriques colorées de Harajuku Kindergarden m’attirent toujours car elles restent très vives. On doit cette architecture à l’atelier Ciel Rouge Creation fondé par Henri Gueydan. Dans cette même rue, je capture discrètement d’autres couleurs vues sur les kimonos de deux demoiselles. Je vois également d’autres couleurs vestimentaires à travers la vitrine d’une petite boutique. L’inspiration des ces vêtements provient ici du manga Jojo Bizarre Adventure (ジョジョの奇妙な冒険) de Hirohiko Araki (荒木飛呂彦). La dernière photographie du billet me fait repasser dans une vieille baraque joliment décorée de personnages dessinés et de plantes envahissantes. Il n’y a par contre pas de cactus.

Une émission radio dont je n’ai pas retenu le nom passe un morceau récent de la rappeuse japonaise Awich. Il s’intitule Raisen in Okinawa et est interprété à quatre voix. Celle d’Awich d’abord, puis celles de Tsubaki (唾奇), OZworld et Chico Carlito. En écoutant ce morceau pour la première fois, je suis tout de suite épaté par l’ambiance qui s’en dégage. La puissance du hip-hop d’Awich, dans ses mots et son phrasé, me fait dire que je devrais me pencher un peu plus souvent sur sa musique. Je ne connais pas vraiment les autres intervenants sur ce morceau, mais l’émission de radio que j’écoutais semblait dire qu’ils étaient tous d’Okinawa, comme Awich. Je n’écoute pas beaucoup de hip-hop mais ce genre de petites piqûres de rappel font beaucoup de bien. J’aime beaucoup le hip-hop à petite dose, en choisissant ce genre de morceaux particulièrement inspirés. La trame de fond composée de sanshin apporte également beaucoup à ce morceau.

Yua Uchiyama (内田結愛) est une des membres du groupe d’idoles alternatives à tendance shoegaze RAY, dont je parle assez régulièrement sur ces pages. Je la suis sur Twitter depuis quelques temps, car elle présente régulièrement les albums qu’elle écoute, assez souvent des albums clés de l’histoire du rock. Je suis souvent en phase avec ses goûts et je me demande si ce sont des albums qu’on lui conseille ou qu’elle découvre par elle-même. Son expérience d’écoute est tout à fait authentique car elle écrit en général un rapport d’écoute donnant en détail ses impressions. L’annonce sur son compte Twitter d’un premier CD solo de deux titres intitulé simplement I m’a tout de suite intrigué car je me suis demandé si le style allait être similaire à celui de RAY. Le premier morceau intitulé Y est plutôt pop mais j’y ressens un certain déséquilibre musical qui me plaît bien. Il y a quelque chose d’atypique dans l’approche et l’ambiance de ce morceau, dans la composition au clavier accompagnant la voix d’Uchiyama. Le deuxième morceau Kurū (狂う) a par contre une ambiance rock, mais déconcerte tout de suite avec une introduction librement inspirée d’un chant religieux chrétien. Mais cette introduction idyllique dérape très vite et se laisse envahir pour les larsens des guitares qui viennent prendre rapidement le dessus. Le phrasé d’Uchiyama est rapide et maîtrisé. Je me dis tout de suite que sa manière de chanter et de prononcer certains mots me rappellent Haru Nemuri (春ねむり). Je vérifie rapidement les informations accompagnant la vidéo sur YouTube et je confirme qu’Haru Nemuri a en effet écrit les paroles, composé la musique, programmé et arrangé ce morceau. L’influence se ressent très fortement et je trouve que Yua Uchiyama assure très bien. Elle pourrait très bien être la soeur d’Haru. Je n’étais pas vraiment convaincu par les morceaux récents d’Haru Nemuri mais celui-ci est vraiment très bon. Je pense que la musique d’Haru Nemuri demande ce genre d’orchestration rock, comme sur son premier album Haru to Shura (春と修羅). J’aimerais vraiment qu’elle reparte vers cette direction.

à la poursuite du mikoshi d’or (2)

Je quitte le mikoshi que je suivais sur plusieurs centaines de mètres pour en trouver rapidement un autre dans des rues proches du hall principal du temple Sensō-ji (浅草寺) à Asakusa. Les temples portatifs mikoshi sont relativement facile à trouver car on peut se laisser guider par les sons des tambours taiko et les mouvements de foule que l’on peut voir au loin traverser les carrefours. Pendant que certains convois font une pause déjeuner, je marche près de Sensō-ji. La foule des touristes étrangers ou japonais est de retour en force, les bus de tourisme Hato Bus également. Asakusa est clairement un lieu de visite privilégié. Alors que je descends une petite rue piétonne parallèle à Nakamise, un mikoshi et ses porteurs enthousiastes accaparent une nouvelle fois mon attention. Nous sommes tout près de Sensō-ji et la foule est donc plus dense qu’ailleurs. Je les suis sur plusieurs dizaines de mètres. J’essaie de les dépasser pour prendre en photo de face les porteurs du mikoshi, mais la foule et les mouvements parfois chaotiques du mikoshi rendent la tâche difficile. Il me faut emprunter des rues perpendiculaires et parallèles pour prendre de l’avance sur le trajet du mikoshi. Il faut un peu de stratégie géographique pour parvenir à se placer au bon endroit, et un peu de chance. Mais en ce qui me concerne, la chance ne fait malheureusement jamais partie de mon équation.

ニュウ、エスケープ

Ce creux au milieu de la façade du building à lamelles de bois de la première photographie du billet m’intrigue à chaque fois que je passe devant. A sa construction il y a environ deux ans, il était indiqué que cet espace serait utilisé par YouTube, mais je ne vois aucun signe extérieur l’indiquant. Il n’y a pas non plus de signe d’activité visible depuis l’extérieur et je me demande même si ce bâtiment si particulier est vraiment utilisé. Son design a été conçu par Kōichi Takada (高田浩一). J’aime beaucoup cette déflagration en hauteur. Un peu plus loin dans la même rue longeant la rivière bétonnée de Shibuya, on trouve plusieurs affiches collées à différents endroits, formant une sorte de guérilla publicitaire. Ces visages sont ceux du groupe d’idoles de l’agence Stardust, Momoiro Clover Z. A vrai dire, je pensais que le groupe, après avoir perdu une de ces membres, avait cessé ses activités. Il semble qu’elles fêtent plutôt l’anniversaire de leurs quinze ans de carrière. Il est vrai qu’on les voit encore régulièrement dans des publicités télévisées. Le temps de ces derniers week-ends est couvert et même pluvieux, ce qui me fait prendre moins de photos. J’ai de toute façon un stock d’une petite dizaine de billets en brouillon que je peine à écrire rapidement. Les journées sont longues et épuisantes. Elles me laissent peu de temps pour écrire, mais écrire est toujours pour moi une échappée nécessaire et même indispensable.

L’amateur de la musique de Sheena Ringo ne s’ennuie pas en ce moment. Le 17 Mai 2023, sortait le CD de deux titres W●RK et 2045, tous les deux excellents d’ailleurs, de la collaboration avec Millenium Parade de Daiki Tsuneta. Je ne l’avais pas réservé mais je suis passé l’acheter au Tower Records de Shibuya le soir du 16 Mai. Le magasin met en général dans les rayons les nouveautés le soir avant le jour de sortie. Il faut le savoir et ça permet de faire le malin ensuite sur les réseaux sociaux en disant qu’on a pu acheter et écouter le CD avant sa sortie officielle. C’est le Fying Get ou Furage (フラゲ) en japonais. Un nouveau single de Sheena Ringo est ensuite sorti cette semaine le 24 Mai. Il s’agit cette fois-ci d’un single solo intitulé Watashi ha Neko no Me (私は猫の目), sous-titré en français “Je suis libre”. Le CD que j’avais commandé sur Amazon, une fois n’est pas coutume, venait avec une carte postale montrant Sheena assise sur une moto devant la tour de Tokyo. Cette moto apparaissait également en logo pixelisé lors du récent concert. Comme je l’indiquais auparavant, il s’agit d’une Yamaha SR (reprenant donc ses initiales). Ce qui m’a presque choqué, c’est de me rendre compte que ce modèle de moto a été mis en production en 1978, soit l’année de sa naissance. Ce genre de détails me fascine toujours. J’aime vraiment beaucoup ce nouveau morceau Watashi ha Neko no Me, qu’elle avait également joué lors du concert, et je trouve qu’il gagne en saveur après plusieurs écoutes car sa construction musicale est, comme souvent chez Sheena Ringo, relativement atypique et terriblement sophistiquée. Dans la vidéo comme toujours réalisée par Yuichi Kodama, on la voit concrétiser son amour pour les chats en empruntant elle-même des yeux de chats. Elle n’est pas accompagnée par ses musiciens habituels, mais ce ne sont pas vraiment des visages inconnus non plus. À la guitare, on retrouve Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) du groupe NUMBER GIRL. Elles se connaissent depuis leurs débuts, étant toutes les deux originaires de Fukuoka. Elles ont déjà joué ensemble, en concert ou en session d’enregistrement. Rino Tokitsu (時津梨乃) à la batterie est une ancienne membre d’un des premiers groupes que Ringo avait formé à Hakata (Fukuoka), avant ses débuts. Ce sont donc également des amies de longue date. Rino Tokitsu a fait aussi partie d’un groupe appelé Roletta Secohan (ロレッタセコハン). Je suis par contre moins familier du nom de BIGYUKI aux claviers. Il est apparemment présent sur la scène hip-hop/jazz new-yorkaise. J’aime beaucoup ce court passage solo au clavier accompagnant le solo de guitare lourd et déstructuré d’Hisako. Il y a une certaine texture brute dans ce morceau, notamment dans la voix de Sheena Ringo. J’adore particulièrement quand elle crie son « Nya » en imitant le cri du chat, avec un côté un peu comique que je pense volontairement. Sa voix devient plus agressive au fur et à mesure du morceau, comme un chat qui sortirait ses griffes. Elle roule même un peu des ‘r’ et finit le morceau sur un ton sonnant comme du Enka, comme Yuu peut également le faire sur des morceaux de GO!GO!7188. En comparaison, la face B du single s’intitulant Saraba Junjō (さらば純情), sous-titré “Adieu innocente”, a un son beaucoup plus doux. On entend une partie de ce morceau à la toute fin de la vidéo qui prend une forme animée montrant Ringo conduisant cette fameuse Yamaha SR. Elle est revenue vers les sous-titrages des titres des morceaux en français. Le single prenant le sous-titre “Je suis libre” reprend ce thème de la liberté (自由) très présent dans sa discographie et ses paroles. Mais le single va plus loin en découpant la vidéo en dix scènettes prenant pour titres des proverbes français souvent en lien avec le monde des chats. Où irait le monde sans les chats? Les voici ci-dessous.

1. Un malheur ne vient jamais seul.
2. Être comme chien et chat
3. Un peu de honte est bientôt bue.
4. Qui m’aime au même mon chat.
5. Qui naquit chat court après les souris.
6. Chat échaudé craint l’eau froide.
7. À bon chat, bon rat.
8. Il ne faut pas réveiller le chat qui dort
9. Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
10. Ce qui est fait est fait.

Le vidéo du morceau Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) mentionne également la citation « La femme, comme le chat, a neuf vies. » de l’écrivain anglais John Heywood (1497-1580), connu pour ses pièces, poèmes, et ses recueils de proverbes. J’ai le sentiment que ce morceau ouvre de nouvelles pistes dans sa discographie et ça me satisfait beaucoup de voir qu’elle ne manque pas d’inspiration. C’est une promesse de nouvelles échappées belles.

A ce propos, Sheena Ringo fête ce samedi 27 Mai 2023, ses 25 années de carrière après la sortie de son premier single Kōfukuron (幸福論) le 27 Mai 1998. Je me demande d’ailleurs pourquoi elle n’a pas sorti le nouveau single le 27 Mai, plutôt que le 24. A l’occasion de ce nouveau single et de cet anniversaire, elle sera présente dans les médias télévisés ces prochains jours, notamment à l’émission KanJam avec Daiki Tsuneta (pour une deuxième fois) le dimanche 28 Mai et pour une émission spéciale de la NHK le 1 Juin 2023. J’aurais certainement l’occasion d’en reparler ici. Cet anniversaire m’a donné l’occasion de porter mon t-shirt de la tournée (celui avec la moto pixelisée) et d’aller au magasin Tower Records de Shinjuku car une petite exposition spéciale y avait lieu. Dans une partie du magasin, on y montrait la moto Yamaha SR, les tenues utilisées pour la vidéo de Watashi ha Neko no Me, une photo géante, entre autres. Un bandeau est accroché pour ses 25 années de carrière. On retrouve sa signature encadrée datant du 14 Novembre 2019, avec les messages Koko ha Shinjuku Desu (ここは新宿です) et Merci, mais le verre du cadre est étrangement cassé à plusieurs endroits. Est ce un accident de manipulation ou est ce volontaire car il est montré tel quel dans le magasin. C’est peut-être un peu des deux, mais ce cadre avait en tout cas été enlevé (il me semble) après le réaménagement du magasin. On y vendait aussi des goods de la société de production Vivision de Yuichi Kodama, qui réalise la quasi totalité des vidéos et concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen. Les t-shirts étaient pratiquement tous en rupture de stock, et je crois comprendre d’après mon fil Twitter qu’ils ont une certaine popularité. Un petit panneau demande aux visiteurs de poser une pastille pour leur album préféré. Je ne suis pas surpris de voir arriver Muzai Moratorium en tête. Un morceau comme Marunouchi Sadistic sorti sur cet album fait pratiquement partie de l’histoire musicale japonaise. Mon fils l’a même chanté récemment au karaoke avec ses copains et copines de classe de lycée. Je n’étais pas le seul habillé aux couleurs de l’artiste en cette journée de samedi. Dans un tout autre endroit à Shibuya Hikarie, une femme et son mari me regardaient en souriant. Je me suis d’abord demandé la raison, pour comprendre ensuite qu’elle portait elle-même un sac à l’effigie de Tokyo Jihen. Peut-être est ce dû à cette date anniversaire.

à la poursuite du mikoshi d’or (1)

Ce sanctuaire portatif appelé mikoshi en partie couvert d’or que je poursuis sans relâche dans les rues d’Asakusa est de sortie à l’occasion du festival Sanja Matsuri (三社祭). C’est la première fois que je me rends au Sanja Matsuri dans le quartier d’Asakusa, un des plus grands festivals de Tokyo. Il se déroule sur trois jours, du Vendredi 19 Mai au Dimanche 21 Mai 2023. C’est en fait la première fois depuis quatre ans qu’il a lieu normalement, signe que le Japon a finalement tourné la page de cette crise sanitaire. Si j’en avais eu le temps, j’aurais aimé y passer la journée entière mais je n’y suis passé que quelques heures en début d’après-midi le Dimanche. De ce matsuri, on voit régulièrement des photos de yakuza tatoués sur tout le corps, et c’est certainement une des raisons pour lesquelles je n’avais pas particulièrement envie d’y aller jusqu’à maintenant. Ayant passé ces quelques heures dans différentes rues du quartier d’Asakusa, autour du grand temple Sensōji et plus loin, je n’en ai vu aucun. Soient ils se cachent très bien, soient ils ne sont pas aussi nombreux et présents que les photographies que l’on voit sur internet pourrait nous le suggérer. Je penche pour la deuxième option qui correspond je pense mieux à la réalité de cette fête de quartiers. Il s’agit en effet d’une fête de quartiers, sauf qu’elle a une taille des plus conséquentes, attirant de très nombreux visiteurs comme moi en ce Dimanche après-midi. J’ai suivi plusieurs mikoshi en prenant de nombreuses photographies au plus près du convoi. Il était ensuite difficile de choisir lesquelles conserver pour les montrer sur ce blog. J’aime particulièrement les visages des porteurs de mikoshi mélangeant les grimaces dues à l’effort et, l’alcool aidant aussi un peu, l’excitation de participer à un tel événement. L’ambiance n’est pas différente d’autres matsuri auxquels j’ai pu assisté à Tokyo ou ailleurs, mais sa taille est imposante. Le nombre important de mikoshi, et autres mini-sanctuaires portés parfois par des enfants, en circulation au même moment rendent ce festival particulièrement remarquable. Vu le nombre de photos prises, je publierai trois billets sur le Sanja Matsuri en commençant par celui-ci. Je montre également quelques courtes vidéos et photos sur mon compte Instagram.

the edge between days were dyed blood orange

Dans les rues de Dogenzaka à Shibuya, j’ai été surpris de voir cette affiche pour un show dédié à Jean-Paul Gauthier intitulé Fashion Freak Show, se déroulant au Tokyu Theater Orb au 11ème étage du building Hikarie en face de la station de Shibuya. En fait, plus que cette affiche seule ou le show en lui-même, c’est la manière dont cette image vient s’insérer dans l’organisation minutieuse des petits pots de végétaux de cette devanture de maison qui m’intéresse. La deuxième photo nous fait longer le grand magasin Tokyu situé près de Bunkamura. Il a fermé ses portes récemment pour une raison qui m’est inconnue. Peut-être était-il situé trop loin de la station de Shibuya. On passe ensuite dans le quartier d’Udagawachō pour vérifier si les fresques murales du magasin de disques de hip-hop ont changé. Réponse positive car il s’agit bien d’un nouveau grand graph mais l’auteur doit être un habitué de ce mur car il me semble reconnaître ce petit personnage masqué caché dans une poubelle sur la droite. La quatrième photographie a été prise à Ura-Harajuku. Il s’agit également d’un lieu que je parcours régulièrement car on y change souvent les affiches qui se répètent à l’arrière d’un large building. Mais c’est la vieille Datsun, un modèle Bluebird 510 peut-être, qui m’intéressait le plus pour cette photographie. Le jeune propriétaire avec certainement un de ses amis étaient debout à proximité. Je me suis donc fait discret pour prendre cette photo. Je l’aurais sinon un peu mieux cadrée. Ma promenade en vélo m’amène ensuite sur la route 20, anciennement Kōshū Kaidō (甲州街道), à la recherche des toilettes publiques conçues par l’architecte Sou Fujimoto (藤本壮介). Le bloc blanc tout en rondeurs de ces toilettes se trouve à Nishisando dans le quartier de Yoyogi à proximité de l’hôtel Park Hyatt de Shinjuku. Je me demande combien de temps ces toilettes publiques vont conserver cette blancheur. L’emplacement des robinets pour se laver les mains sur le plan extérieur et sans éviers est intéressant, tout comme l’implantation d’un arbuste sur ce même plan. J’en profite d’être à vélo pour filer un peu plus loin en direction d’Hatagaya. Je m’enfonce dans les zones résidentielles en slalomant entre les blocs de maisons et en essayant de le perdre volontairement. Un petit sanctuaire calme et un parc, celui de Minamidai Ichō (南台いちょう公園), attirent mon attention au passage. Mais je ne fais que passer, à la recherche d’éventuelles architectures remarquables, que je ne trouverais finalement pas. Je ne viens pas souvent dans ces quartiers derrière les tours de Nishi-Shinjuku et entre la longue route 20 et les quartiers plus loin de Nakano. L’immensité de cette ville me rappelle toujours que je n’en ai parcouru qu’une petite partie en vingt années. Et comme cette ville s’étend sans cesse, il devient même impossible de l’explorer dans son entièreté.

La chaîne YouTube Angura dédiée à la présentation en vidéo de groupes rock indépendants japonais me fait faire une fois de plus une très belle découverte. Hammer Shark Head (ハンマーヘッドシャーク) est un groupe formé en 2018 et originaire de la ville d’Inage (稲毛) dans préfecture de Chiba (千葉). Il se compose actuellement de quatre membres: Hiyu Nagai (ながいひゆ) à la guitare et au chant, Haruhiko Fukuma (福間晴彦) à la batterie, Eita Fujimoto (藤本栄太) en deuxième guitare et Asahi Goto (後藤旭) à la basse. Nagai et Fukuma se connaissaient déjà depuis le lycée mais le groupe s’est formé plus tard à l’Université. Hammer Shark Head se dit être influencé par le groupe Kinoko Teikoku (きのこ帝国) et le rock alternatif des années 2000, ce qui est de bonne augure. J’ai découvert récemment leur EP Slow Scape sorti en 2020 et leur single Blurred Summer sorti l’année dernière, en 2022. Ce son rock alternatif riche en guitares et la voix d’Hiyu Nagai pleine de force et d’émotion me plaisent vraiment beaucoup. Sur des morceaux plus mélancoliques comme Blurred Summer ou Landscape, je ressens une certaine proximité avec le son du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) que j’aime aussi beaucoup. Je suis vraiment surpris par la voix d’Hiyu et par la capacité du groupe a créer des compositions immédiatement accrocheuses. Le refrain du premier morceau Echo du EP Slow Scape nous donne tout de suite envie de le chanter. « Kill me, Kill me, Love you Baby, Kill me, Kill me, Love you Baby, Save me, Save me» s’écrit elle sur ce morceau. Dans l’interview présent sur la vidéo de l’épisode d’Angura, Fukuma nous dit qu’il ressent la musique que joue le groupe comme une descente dans des eaux profondes. On ressent cette impression dans le superbe morceau Landscape (声). La voix d’Hiyu tout en complainte saisit tout l’espace et la quasi totalité du spectre musical pendant quelques instants, relayée ensuite par le flot des guitares empreint d’une brillance certaine, comme la surface de l’océan vu de l’intérieur reflétant la lumière. Hiyu nous dit aussi qu’elle souhaite créer un espace où l’auditeur peut s’échapper et se sentir bien, loin de tout. En dégustant par exemple une glace au beau milieu de la nuit, achetée au seul konbini resté allumé dans cette nuit noir, avant de reprendre la route à moto. C’est à peu près un extrait des paroles du morceau Headlight (点滅ヘッドライト) qui est celui que je préfère pour l’instant. J’ai assez hâte de voir ce jeune groupe évoluer.