危険すぎる香りで

C’était une journée particulièrement nuageuse sur Tokyo. J’utilise volontairement préposition ‘sur’ car je place ces nuages en superposition au dessus d’images de la ville. Ces nuages superposés sur ces photographies prises à Shibuya ne se trouvent pas seulement dans le ciel mais envahissent pleinement les rues. J’aime beaucoup ajouter ce genre de fumées et de nuages comme partie intégrante du paysage urbain. Peut-être parce qu’ils viennent rendre les contours de la ville plus flous et insaisissables. J’y vois également une notion de secret (秘密), de choses cachées des yeux de tous. Cette notion de secret n’est pas étrangère à la tentative de création de pages cachées dont j’ai fini par donner la piste sur ma page En savoir plus. Par extension, ce blog tout entier devrait peut-être se cacher derrière des draps de fumées nuageuses. Un jour peut-être il le sera.

Le chat noir sur la photo ci-dessus sert de couverture à l’album Rod Snake Shock Service de Kenichi Asai (浅井健一) sorti en 2007. Je l’ai trouvé au Disk Union de Shimo-Kitazawa et l’ai choisi un peu au hasard sans ne connaître aucun de ses titres. Après la séparation de Blankey Jet City, Kenichi Asai a formé plusieurs groupes comme Jude ou Sherbets dont je parlais récemment, mais a également sorti quelques albums solo comme celui ci-dessus. On ne peut pas dire que l’ambiance rock de sa carrière solo diffère franchement de ce qu’on connaît de Blankey Jet City, car le jeu de guitare et la voix si particulière de Kenichi Asai nous rappellent tout de suite à qui on a affaire. Le style général est tout de même ici un peu plus apaisé. Ce sont certainement les années qui sont passées par là. Mais on n’est pas non plus très dépaysé. Les guitares n’en sont pas moins lourdes et incisives, notamment sur les deux premiers morceaux Fixer et Dead Rock Star, et c’est un vrai plaisir de se plonger les oreilles dans ses sons là. Il y a toujours ce quelque chose d’insolemment naturel dans le chant et le jeu de guitare d’Asai. L’ensemble se tient très bien mais il y a quand même des morceaux qui sortent du lot, comme le premier morceau Fixer, le troisième Black Cherry, le huitième vers la fin de l’album Ashita (明日) qui fait intervenir des instruments classiques ou encore l’avant dernier morceau Santa ga Uchi ni Yattekite (サンタが家にやって来て). Émotionnellement, le morceau Ashita est peut-être le plus poignant et celui qui est le plus différent du reste de l’album, certainement par la présence du violon et de chœurs à certains moments. Le violon est joué par Mio Okamura (岡村美央) tandis que les chœurs sont chantés par Tabasa Hayashi (林束紗), également à la basse sur l’album, qui accompagne d’ailleurs Kenichi Asai sur d’autres albums comme notamment celui intitulé Chelsea sorti en même temps que Rod Snake Shock Service. Ce sont en fait les volumes 1 et 2. En écoutant cet album, je me convainc moi-même que je peux choisir n’importe quel album de Kenichi Asai et de ses groupes au hasard, sans être déçu par ce que je vais écouter. A suivre donc. Cette notion de danger excessif (危険すぎる) est un thème récurrent car il s’agit également d’un single sur son premier album solo Johnny Hell sorti en 2006, sur lequel une certaine Sheena Ringo chantait les chœurs. Elle l’avait d’ailleurs inclus sur la compilation Ukina (浮き名) sortie en 2013.

un court passage underground

Les trois premières photographies sont prises près de la gare de Tokyo et à Kanda Sudachō tandis que les suivantes sont prises beaucoup plus loin à Kichijōji. Les maisons sur les quatrième et cinquième photos sont situées dans la même rue à proximité du parc Inokashira. Je les ai en fait déjà montré plusieurs sur ce blog. Celle bariolée de rouge et de blanc est la demeure du mangaka d’épouvante Kazuo Umezu, qui s’habille d’ailleurs lui-même toujours de cette même manière, de vêtements à rayures blanches et rouges. J’aime bien passer la voir de temps en temps lorsqu’on est de passage à Kichijōji. L’autre maison faite de béton est à l’abandon depuis un bon petit moment. Il s’agit pourtant d’une maison conçue par un architecte reconnu, Yōji Watanabe, à qui l’on doit notamment le fabuleux New Sky Building (ou Sky Building No. 3) à Shinjuku que j’avais visité en 2007. La maison Steamer Basket House construite en 1966 à Kichijōji n’est pas aussi impressionnante que le New Sky Building, mais il serait quand même dommage de la voir disparaître si elle ne trouvait pas d’acquéreur prochainement. Je n’avais pas marché seul dans les rues de Kichijōji depuis longtemps, faisant cette fois-ci le tour des petits disquaires que je connais sans but très précis. Lorsque je ne cherche rien de précis, je ne trouve en général rien de précis car je ne me lance que très rarement dans l’achat au hasard de CDs de groupes ou d’artistes que je ne connais pas.

Parmi les quelques découvertes musicales récentes, notons le groupe de rock indé bed avec deux morceaux intitulés Michael Mann et Kare Wa. Ces deux morceaux jouent sur les ambiances plutôt que d’avoir une composition musicale classique faite de couplets et de refrains. Je me demande si le titre du morceau Michael Mann est inspiré de l’ambiance de certains films du réalisateur américain, comme Heat (1995) qui est un film que j’aime particulièrement. Le morceau Kare Wa a un riff de guitare qui accroche immédiatement et comme sur le morceau Michael Mann, les rythmes de batterie et de basse sont des composantes importantes de la trame du morceau. La vidéo de Kare Wa est plutôt anxiogène mais l’ambiance générale est de toute façon assez sombre sur ces deux morceaux. Le morceau Kare Wa fait plus de six minutes et laisse cette ambiance répétitive de guitares s’imprégner dans notre cerveau. J’ai découvert ce groupe, notamment le morceau Kare Wa aux détours des internets il y a plusieurs mois mais je ne retrouve plus où exactement. Je pense que c’était sur le site et compte Instagram Sabukaru (pour Subculture) mais je ne retrouve plus l’article en question. Une courte vidéo sur le compte Twitter Angura (pour Underground) m’y rappelle. L’auteur intitule sa vidéo « the bed phenomenon: a revolution in Tokyo subculture ». La vidéo rend assez bien compte de l’ambiance électrique qui peut régner en concert, mais j’ai par défaut tendance à être assez dubitatif quant aux superlatifs excessifs car j’ai toujours l’impression qu’ils tentent de forcer une opinion à un auditoire sans laisser le choix de désapprouver ou d’avoir des réserves. Le site Sabukaru, que j’aime beaucoup par ailleurs, fonctionne également beaucoup comme ça dans les titrages de ses articles. J’ai parfois la crainte de faire la même chose dans les billets de ce blog lorsque je parle de musique. L’enthousiasme nous emporte parfois et c’est tout à fait naturel. Tout ceci n’enlève en rien l’intérêt d’avoir des sites traitant de la culture underground japonaise, du moins une facette bien précise vue d’un point de vue étranger. Et la musique du groupe indé japonais bed est particulièrement brillante bien que particulièrement sombre.