conteneurs

Les routes qui nous amènent jusqu’à la plage de Jōnanjima nous font passer devant une zone de conteneurs métalliques. A mon premier passage, un motard s’exerçait à faire des figures sur une roue. Le très large espace sur lequel se trouvent ces conteneurs n’est étonnamment pas fermé et je n’y ai pas vu de gardes non plus. En voyant cet espace, j’ai tout de suite pensé aux scènes d’un épisode de la deuxième saison de la série fantastique Alice in Borderland sur Netflix. Mais il ne s’agissait pas de cet endroit car les scènes de cet épisode ont été plutôt tournées à Port Island (ポートアイランド) à Kobe dans la préfecture de Hyōgo. J’ai ensuite pensé qu’il pourrait s’agir du lieu où a été tourné une partie de la vidéo du morceau Kick Back de Kenichi Yonezu (米津玄師) avec Daiki Tsuneta, mais quelques recherches m’ont confirmé que non. Cette vidéo là a été prise un peu plus loin à Daikokufuto (大黒ふ頭) à Yokohama. Enfin, ce n’est finalement pas très grave de ne pas être en mesure de lier cet endroit à un lieu que j’aurais déjà vu ailleurs, car l’important est l’impression du moment que va laisser cet endroit dans ma mémoire. Après la visite de la plage de Jōnanjima, je suis repassé devant ces conteneurs pour les prendre en photo. Le motard n’était déjà plus là. Il a peut-être terminé ses entraînements ou peut-être a t’il fui après mon premier passage en pensant que je l’avais surpris à faire des choses interdites. Je suis quand même très surpris qu’il n’y ait aucun portail métallique venant clore l’enceinte. C’est comme si on nous invitait à venir explorer de plus près ces conteneurs de toutes les couleurs. Le week-end, cette île artificielle et ces zones de dépôt sont vraiment désertes. Le calme y est omniprésent. Il semble même presqu’irréel.

Je reste plusieurs dizaines de secondes debout devant l’entrée de la zone de conteneurs placée au bord de la route. C’est quand même très tentant de rentrer à l’intérieur pour prendre en photo les conteneurs de près, en contre-plongée par exemple pour accentuer l’effet dramatique de leur taille. Je ne vois que quelques rangées de conteneurs devant moi, mais il doit y en avoir de nombreuses autres derrière que je ne vois pas encore. Ces rangées de quatre ou cinq conteneurs de haut sont vraiment massives. Je m’approche tout de même un peu pour comparer ma taille à une de ces rangées. Marcher au milieu de deux rangées est impressionnant. Comme je le pensais, il y a d’autres rangées tout aussi massives derrière, qui ne sont pas alignées sur celles où je marche actuellement, mais placées de manière perpendiculaire. Je finis par m’approcher du rebord de la rangée. D’autres conteneurs sont placés en angle formant comme un chemin. La chaleur est vraiment éprouvante au milieu de ces rangées d’acier posées sur l’asphalt. Il n’y a pas âmes qui vivent au milieu de toute cette matière, à part moi-même. Ça ne coûte rien d’aller voir un peu plus loin l’étendue de cet espace. Arrivé au bout d’une autre rangée, un choix s’offre à moi, soit tourner sur la gauche, continuer sur la droite ou avancer droit devant moi. Prenons à droite. Les rangées se font ensuite plus courtes et le chemin un peu plus étroit. Les conteneurs se concentrent sur un espace plus restreint, mais un chemin se forme tout de même entre eux. Il y a quelque chose de ludique dans cette exploration, comme si on marchait dans un labyrinthe. Je pense à celui de The Shining. Sauf que pour celui-ci, il ne semble pas très difficile d’en sortir. Cette assurance me fait avancer un peu plus malgré la chaleur que se fait de plus en plus forte. Le soleil est au zénith, très haut au dessus de ma tête, très présent, laissant peu de place pour les ombres. Je me dis à ce moment là, qu’il doit être très intéressant de marcher au dessus de tous ces conteneurs pour avoir une vue d’ensemble, comme pouvaient le faire les protagonistes de la série Alice in Borderland, sautant avec une dextérité extraordinaire de bloc métallique en bloc métallique. Ça semble tout à fait impossible et très dangereux de faire la même chose ici. Je me demande maintenant si tous ces conteneurs sont vides. Chaque conteneur possède bien sûr une porte qui a l’air d’être très difficile à ouvrir. Pendant que je me perds dans mes pensées, je continue ma marche machinalement tournant à gauche puis à droite parmi tous ces blocs de forme identique. Je me demande ce qui me fascine tant dans cet endroit. On y trouve une qualité cinématographique certaine. Je comprends bien l’utilisation de ce type de lieux dans des films ou des séries. On a l’impression d’y être loin de tout, coupé de la vie normale dans un monde qui nous appartient. C’est extrêmement troublant au point où ce lieu finit par me faire peur. Et si je ne trouvais plus la volonté suffisante d’en sortir, emprisonné à jamais parmi ces blocs massifs.

Mon expérience doit prendre fin. Il est temps de prendre le chemin du retour, mais celui-ci me semble tout d’un coup beaucoup moins clair. Les bords des conteneurs deviennent même flous comme s’il s’agissait de mirages. Le soleil brûlant est peut-être en train de me faire perdre mon discernement. Je décide malgré tout d’accélérer le pas pour sortir de ce labyrinthe au plus vite. Mais, je ne retrouve plus mon chemin. Tous ces blocs se ressemblent sans qu’il y ait de points remarquables qui me permettent de me repérer clairement. Le soleil pénétrant devient de plus en plus insupportable. J’aimerais me mettre à l’ombre dans un de ces conteneurs pendant quelques minutes, pour échapper à ces rayons qui m’assomment, mais il doit être impossible d’ouvrir ces conteneurs. Au bout d’une rangée sur la gauche, une des portes est pourtant légèrement entrouverte. C’est une chance. Il est même facile de l’ouvrir, aussi facilement qu’une porte d’appartement. Sa légèreté est très surprenante, comme si on avait l’habitude de l’ouvrir et de la fermer sans cesse. L’intérieur du conteneur s’ouvre à moi. Il y fait frais mais il est très sombre. Je ne vais pas m’enfoncer à l’intérieur mais rester plutôt à la lisière de l’ombre formée par le cadre du bloc de métal. Je remarque un petit cordon avec un embout en plastique pendant du plafond du conteneur. On dirait l’interrupteur d’une vieille lampe. Un petit clic retentit lorsque je tire dessus d’un mouvement brusque. Et la lumière fut. Elle est faible, tamisée, mais permet d’assez bien distinguer l’intérieur du conteneur. Ma surprise s’accompagne de frissons soudains lorsque j’aperçois au fond du bloc un matelas grisâtre, une petite table de bois et une chaise. Est ce que quelqu’un vit ici? Ça paraît tout à fait improbable. Il n’y a en tout cas personne assis à la table ou allongé sur le matelas. Peut on seulement vivre dans un endroit pareil? J’imagine que ces blocs ne sont pas posés éternellement dans cette zone de dépôt. Ils doivent être transportés sur des bateaux et voyager à travers le monde entier. Une pile de papiers est pourtant posée sur la table de bois. A côté de celle-ci, je distingue dans la pénombre un plan de Tokyo qui a l’air bien usé comme s’il avait été transporté de marche en marche à travers la ville pendant des dizaines d’années. Les pages sont écornées et la couverture est délavée et réparée maladroitement à l’aide de bandes adhésives. Ce guide de Tokyo me rappelle d’ailleurs le mien, celui que j’utilisais et que j’amenais toujours avec moi dans mon sac pendant mes premières années à Tokyo. Je ne l’ai pas ouvert depuis très longtemps et je me souviens difficilement de son état actuel. Il doit être très proche de celui-ci. Certaines pages du guide sont démarquées par un morceau de papier coloré. Une des pages montre le plan du centre de Shinjuku. En regardant bien cette double page, un point rouge très accentué a été dessiné au niveau de Nishi-Shinjuku. Il est difficile de percevoir exactement le lieu indiqué en raison de la noirceur qui règne à l’intérieur du conteneur, mais je parviens tout de même à comprendre qu’il indique l’endroit exact où se trouve l’Oeil de Shinjuku. Je me souviens y avoir eu un malaise il y a quelques années comme si la force du lieu m’avait fait perdre l’équilibre et la conscience pendant quelques instants. Regardons une autre page annotée. La zone est maintenant celle de Shinagawa. Il me semble que le point rouge indique sur cette double page le centre d’art contemporain Terrada, où je suis également allé et où j’avais eu des visions étranges. Cette coïncidence est des plus étranges. La page suivante accentue ma crainte naissante. Le point rouge est dessiné dans le quartier d’Aoyama où j’avais vécu une expérience irréelle au milieu d’un parc à l’abandon. D’autres pages sont marquées mais, troublé, je ne trouve plus la volonté d’aller plus loin. Ce guide indique des lieux où je suis déjà allé et où j’ai vécu des expériences irréelles, du moins c’est le souvenir assez imprécis que j’en garde. La pile de papier posée sur la table m’a d’abord semblé vierge, mais en regardant la première feuille de plus près, une inscription y est visible. « あなたを待ってました » (Je t’attendais) est-il écrit sur cette feuille en petits caractères, à peine lisibles. Quel est le sens de ce message. Parles t’on de moi. Le papier posé immédiatement en dessous contient au même positionnement une autre courte phrase « あなたの道、もう決まってる。 » (ton chemin est déjà tout tracé). La page suivante indique l’affirmation suivante « 逃げられない。 » (tu ne peux pas t’en échapper). Les pages qui suivent ont les messages suivants écrits « 変えられない。 » (tu ne peux le changer), puis « 諦められない。 » (tu ne peux abandonner). Je m’arrête là. Il doit bien y avoir une cinquantaine de feuilles sur cette table possédant toute une écriture, mystérieuse au point de devenir inquiétante. Je me sens directement visé comme si ces messages m’étaient directement adressés. A y réfléchir, le guide de Tokyo, que j’examinais quelques minutes auparavant, ressemble tellement à mon vieux guide qu’il ne peut être que le mien. Est ce que ce guide indique à l’avance tous les endroits où je vais aller, tous ces endroits étranges qui me font perdre mes moyens mais qui m’attirent inexorablement comme si je ne pouvais leur échapper. Comme c’est peut être le cas en ce moment dans cette zone de conteneurs perdue sur une île artificielle improbable loin du centre de toute vie.

Que faire maintenant? Quitter ce lieu au plus vite. Sans que je m’en rende compte, l’épaisse porte métallique du conteneur s’est refermée sans faire de bruit. Il est fort improbable qu’un fort coup de vent l’ait refermé derrière moi. On ne peut l’ouvrir de l’intérieur. Coincé dans ce conteneur, il ne me reste plus qu’à m’enfoncer dans sa noirceur, tout au fond dans la partie à peine éclairée par la lampe placée à l’entrée. Je n’éprouve étonnement aucune crainte car l’instinct qui me pousse à m’échapper de ce lieu est plus fort que tout autre sentiment. Je marche à l’intérieur, m’enfonçant comme on marcherait dans un couloir étroit sans lumière, à tâtons mais sans ralentir le pas. Il doit bien y avoir une autre porte de sortie. Je marche pendant plusieurs minutes. Ce couloir silencieux dépasse la taille d’un conteneur. Il fait parfois des virages à gauche et à droite. Je me remémore soudainement le passage souterrain du grand temple Zenkōji (善光寺) à Nagano et ça me réchauffe un peu le cœur. S’agit-il d’un passage spirituel que je suis en train de traverser? En ressortirais-je changé? Une faible lumière apparaît soudainement laissant présager la présence d’une autre porte métallique. J’accélère le pas avant que celle-ci ne se referme complètement devant moi. Je parviens à l’ouvrir donnant enfin accès à l’extérieur. J’ai dû marcher une dizaine de minutes à l’intérieur du couloir de conteneurs, mais il fait déjà sombre dehors. Il est presque sept heures du soir. Mon vélo est toujours là, posé à l’entrée de la zone de dépôt. En regardant les rangées de conteneurs devant moi, j’éprouve le besoin de courber légèrement la tête en signe d’au revoir comme on pourrait le faire sous le grand torii à la sortie des temples. Rentrons vite à la maison pour ressortir du placard mon petit guide usé de Tokyo. J’y marquerais d’un point rouge tous ces lieux du Tokyo Parallèle (パラレル東京) que j’ai pu découvrir jusqu’à maintenant. Tout comme des sanctuaires en pleine ville, je sais maintenant qu’ils sont nombreux et qu’il me faudra du temps pour les découvrir tous. Comme aujourd’hui, ils s’imposeront progressivement à moi. Il faut que j’évacue toute crainte pour les aborder sereinement.

林檎齧って空ばかりを見てる

La chaleur estivale bat déjà son plein dans les rues de Shirogane où je me promène rapidement cette fois-ci. Cette fin du mois de Juin et ce début Juillet sont particulièrement occupés et je manque par conséquent de l’énergie nécessaire pour prendre suffisamment de photographies qui alimenteront ce blog. Je repasse vers des endroits déjà empruntés et photographiés dans le passé. Il y a d’abord Oyagi House par Ryue Nishizawa (2018), puis le temple Zuishōji à Shirogane dont les nouvelles dépendances de bois ont été conçues par Kengo Kuma et finalement le fameux building verdâtre de cuivre oxydé nommé Nani Nani (1989) par Philippe Starck en collaboration avec Makoto Nozawa de GETT. Bref, rien de vraiment très neuf sous le soleil tokyoïte. J’ai ouvert un compte sur Threads, la nouvelle application liée à Instagram venant concurrencer directement et frontalement Twitter. J’étais assez motivé pour l’utiliser à la place de Twitter dans les premiers jours, mais l’excitation du moment est déjà retombée. L’interêt par rapport à Instagram est plutôt limité. J’utilise principalement Twitter pour suivre l’activité des artistes et groupes que j’apprécie, et je ne suis pas prêt à passer du temps pour vérifier s’ils et elles ont un compte sur Threads. L’application sans publicité pour l’instant est pourtant agréable, très axée photographies du fait de son lien direct avec Instagram.

Je suis toujours sous l’emprise irrésistible de Yuki sur les albums de Judy and Mary que je continue de découvrir. Mais, j’ai également envie de changer quelque peu d’ambiance avec quelques excellents morceaux d’une jeune compositrice et interprète appelée Rinne Amano (天野凛音) que je ne connaissais pas. Je la découvre vraiment par hasard au milieu de story Instagram. Ce personnage aux cheveux décolorés surgit soudainement avec un morceau intitulé Orange like the Chuo Line (中央線のオレンジ), qui me rappelle un peu l’ambiance musicale de Hidefumi Kenmochi pour Wednesday Campanella. Mais c’est seulement au début du morceau, car il part ensuite vers une atmosphère plus contemplative. Rinne Amano mélange les passages de hip-hop avec d’autres moments plus chantés. Ce morceau est très inspiré tout comme celui intitulé There was a Landlord (家主がいた) que j’écoute ensuite et que j’aime vraiment beaucoup. Il y a une certaine fluidité et un automatisme dans son chant qui rendent ce morceau particulièrement évident. On se laisse attraper par son flot très assuré, mais qui ne surjoue pourtant pas les émotions. Il y a une certaine joie mélancolique dans ses morceaux qui me plait beaucoup. Le fait que le morceau dure assez longtemps, environ 4 mins 30, me plait aussi beaucoup car on se sent bien dans ce refrain qui se répète. Ces deux morceaux sont sortis respectivement en Octobre et en Décembre 2022. Rinne Amano n’a pas encore sorti de EP ni d’album, mais seulement quelques morceaux très prometteurs. Le plus récent sorti en Janvier 2023 intitulé Chiki-Po, est assez différent, partant vers des ambiances beaucoup plus électroniques. Elle y chuchote sur des nappes sonores, mais le rythme est tout de même très présent. Ces quelques morceaux sont une belle découverte et sa musique est déjà très prometteuse. Et en parlant d’Hidefumi Kenmochi (ケンモチヒデフミ) qui est très présent dans le paysage musical électronique japonais en ce moment, il a récemment collaboré avec KAF (花譜) sur un très joli morceau intitulé Shuge-Hai!!! (しゅげーハイ!!!). On ne reconnaît pas immédiatement le style d’Hidefumi Kenmochi, ce qui est assez inhabituel. Le phrasé rapide de la mystérieuse KAF est toujours excellent, surtout quand le rythme s’emballe gentiment vers la fin du morceau.

太陽が目覚めたら、あの飛行機で行こう

Je n’étais pas revenu sur la plage artificielle du parc de Jōnanjima (城南島海浜公園) depuis Septembre 2006. Bien que située à Tokyo dans l’arrondissement d’Ōta, cette plage semble loin de tout. Elle est pourtant proche de l’aéroport de Haneda et c’est ce qui fait un de ses intérêts. On peut y observer les avions survoler toute la longueur de la plage pour aller atterrir un peu plus loin sur une des pistes de l’aéroport. L’impression ne rend pas très bien en photo, mais les avions sont relativement proches du sol lorsqu’ils survolent la plage. Des passionnés d’aviation équipés d’appareils photo avec des objectifs zoom puissants sont bien entendu présents guettant toute nouvelle arrivée d’avion. On ne soupçonne vraiment pas la présence de cette plage car elle se trouve dernière une zone industrielle sans fin, au bout de l’île occupée en partie par des containers de transport de toutes les couleurs. Des familles sont pourtant là sur la plage à se tremper les pieds dans l’eau, des groupes d’amis se réunissent pour un barbecue près de l’océan, d’autres tentent de pêcher près des rochers formant une sorte de digue. Et il y a des marcheurs comme moi. Enfin, plutôt que de marcher jusqu’à cette île, je m’y suis rendu à vélo sous une chaleur estivale qui a fini par me taper sur la tête. Je ne pensais pas que le trajet serait aussi long à vélo. Rejoindre cette plage après avoir sauter d’île en île semblait interminable, bien que l’expérience n’était pas désagréable, loin de là.

L’idée m’était soudainement venue d’aller au bord de mer après avoir écouté l’album The Power Source de Judy and Mary dont je parlais récemment dans un précédent billet. En fait, je voulais aller sur cette plage pour écouter les morceaux Kujira 12gō (くじら12号) et Classic (クラシック) de cet album, ce que j’ai fait en regardant les bateaux au loin à l’horizon et les avions au dessus de ma tête. J’adore ce morceau Kujira 12gō et je ne peux m’empêcher de l’écouter pour l’énergie insouciante que dégage le groupe. Je ne retrouve pas ce type d’énergie dans la musique rock que j’écoute ces dernières années. Je suis en fait complètement passionné par la musique de Judy and Mary ces derniers jours. Après The Power Source, quelques passages au Disk Union d’Ochanomizu et de Shinjuku m’ont fait découvrir deux autres albums du groupe: le premier album de Judy and Mary intitulé J.A.M. Sorti en Janvier 1994 et leur dernier album WARP sorti en Août 2001. L’album J.A.M. contient leur premier single Power of Love, mais je connaissais plutôt l’autre single intitulé Blue Tears. Étant leur premier album, le son est relativement brut sous influence punk (par exemple, le premier morceau Judy is a Tank Girl), mais contient déjà le sens mélodique que l’on trouvera plus tard sur The Power Source. L’album WARP de 2001 est extrêmement intéressant, car de nombreux morceaux sont assez déstructurés et à tendance expérimentale tout en restant rock. Le premier morceau Rainbow Devils Land est assez passionnant, commençant par des sonorités sourdes un peu industrielles, bifurquant soudainement vers un beat électronique et la voix claire et perçante de YUKI, pour être interrompu par une guitare désordonnée et des passages vocaux quasiment parlés assez sombres. Les morceaux Brand New Wave Upper Ground et PEACE entre autres, sont fantastiques. YUKI a vraiment une sacrée voix complètement unique. La voir dans les vidéos officielles de certains morceaux ou celles de concerts me fait dire que c’est un vrai électron libre. Un morceau comme le quatrième Chameleon Rumi (カメレオンルミィ) est un très bon exemple de la folie contagieuse qui traverse l’album. Par rapport à The Power Source, WARP demande quelques écoutes d’adaptation, mais conserve cette ambiance musicale de la fin des années 90 et du début 2000 (le morceau Lucky Pool par exemple), que je me remémore avec une nostalgie certaine. C’est dommage que Judy and Mary ait arrêté leur formation après cet album WARP, car j’aurais aimé voir vers où cette facette plus déconstruite les aurait amené musicalement. Il me reste en attendant à découvrir les autres albums, ce que je vais faire méthodiquement. J’aime beaucoup partir à la découverte de la discographie complète d’un groupe, même si ça peut prendre en certain temps étant donné que j’en ai déjà plusieurs en route (Buck-Tick, Ling Toshite Sigure, Kenichi Asai et ses groupes…). En lisant sur Wikipedia, je découvre qu’un album Tribute est sorti en 2009, avec une variété d’artistes et de groupes qui peut laisser rêveur. Midori (ミドリ), le feu groupe punk rock de Mariko Gotō (後藤まりこ), côtoie notamment la pop la plus sucrée possible d’Ai Otsuka (大塚愛) pour des reprises de deux morceaux provenant du même album Pop Life (que je ne connais pas encore). Mais, ce n’est pas complètement étonnant en fait car Judy and Mary sait faire le grand écart, et c’est ce qui rend leur musique attachante et unique. A propos de Midori d’ailleurs, la fiche Wikipedia indique qu’on les surnommait comme une version déformée d’Osaka de Judy and Mary (大阪のいびつなJUDY AND MARY). Je vois personnellement qu’assez peu de similitudes directes dans la musique des deux groupes, à part une certaine folie musicale.

𝓯𝓮𝓮𝓭 𝓶𝔂 𝓫𝓸𝓭𝔂

a子 fait partie des artistes que je voulais absolument voir en live. J’écoute sa musique depuis la découverte de son premier EP MISTY Existence (潜在的MISTY) sorti en Septembre 2020. Elle a en fait démarré à part entière ses activités de compositrice et interprète sous le nom a子 cette même année. Sa carrière est donc toute jeune, mais elle est particulièrement active avec la sortie de deux EPs et 14 singles. Son deuxième EP ANTI BLUE est sorti en Janvier 2021 sous le label créatif indépendant londog qu’elle a créé. Je pense avoir déjà parlé sur ce blog de la grande majorité des singles de l’artiste tant j’aime son approche musicale, résolument rock indé mais oscillant de plus en plus vers un côté pop qui lui va très bien. L’approche du live donne bien entendu une tonalité plus rock à l’ensemble de ses morceaux. Le concert se déroulait le Mercredi 28 Juin 2023 dans la salle WWW à Shibuya, juste à côté du Department Store PARCO. Cette salle se trouve au sous-sol de l’ancien cinéma RISE. Je connaissais en fait déjà la salle WWWX du même bâtiment car s’y déroulait récemment le concert final de For Tracy Hyde. J’aime beaucoup l’ambiance underground de ces deux salles. La salle WWW où se produisait a子 et son groupe doit être un peu plus petite que la salle WWWX à l’étage, mais elle a l’avantage d’être en escalier. J’avais acheté mon billet dès l’ouverture des ventes au début du mois d’Avril, ce qui était bien vu car toutes les places ont été vendues en trois jours. a子 n’est pas encore connue du grand public, mais je comprends tout à fait le besoin de ceux qui apprécient sa musique et son chant de ressentir en live l’atmosphère émotionnelle de ses morceaux. C’était tout à fait mon cas. On voit également pointer ces derniers temps une reconnaissance certaine d’autres artistes. Chiaki Satō (佐藤千亜妃) a, par exemple, invité a子 à chanter en duo sur le morceau melt into YOU de son EP Time Leap. Il faut dire que Chiaki Satō apprécie la musique de a子 car elle avait cité le morceau The Sun (太陽) parmi ses des dix morceaux préférés de l’année 2022 lors de l’émission télévisée KanJam (関ジャム) de fin Janvier 2023. Cette collaboration et reconnaissance a dû étendre son auditoire. Ceci me rappelle d’ailleurs que ce morceau The Sun, que j’aime aussi énormément, fait intervenir Neko Saito (斎藤ネコ) au violon.

Le concert de a子 du 28 Juin 2023 s’intitule FEED MY BODY et il s’agit en fait de son premier concert seule (初ワンマンライブ), c’est à dire en dehors des festivals invitant plusieurs groupes. Ayant acheté ma place en Avril, j’avais presque trois mois pour me préparer. L’ambiance et la taille du concert sont bien différentes du dernier que j’avais vu en Mai, celui de Sheena Ringo, mais sachant que a子 est également fan de Sheena Ringo, j’ai trouvé une certaine logique dans ces dates successives. Le concert démarre à 20h pour une ouverture des portes à 19h. J’arrive juste à l’heure pour l’ouverture, mais on a déjà commencé à appeler les numéros de billets dans l’ordre. Mon numéro est le 300, donc j’ai un peu de temps avant qu’on m’appelle. J’observe en attendant la foule qui constituera le public, car je suis à chaque concert très curieux de voir à quoi ressemble le public des artistes que j’apprécie. La moyenne d’âge semble plus basse que les concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, peut-être principalement dans la vingtaine et petite trentaine. Mais je suis de toute façon très mauvais pour donner des âges aux gens. Je ne serais par exemple pas dire quel âge a a子, peut-être autour de 25 ans. Je pense qu’elle doit être un peu plus âgée que ses musiciens, d’après les interviews que j’avais pu écouter à ses débuts. Mais j’ai à peine le temps d’attendre que mon numéro est déjà appelé. On descend ensuite tous méthodiquement en file indienne vers le sous-sol. Tout est très cordial et bien organisé. Une bière prise au passage au bar et me voilà à l’intérieur de la salle. On pouvait en fait assez facilement se placer sur le plateau devant la scène et je me trouve donc en cinquième rangée sur le côté gauche. La salle au sol en escalier est haute de plafond au niveau de la scène. Cela donne un bel espace, bien qu’un peu étroit en largeur. Il ne reste plus qu’à attendre patiemment le début du concert. J’aime particulièrement ce moment d’attente avant le début d’un concert, en écoutant les morceaux sélectionnés en bande sonore de fond. Il y a, à chaque fois, un ou deux morceaux qui m’interpellent et que je cherche aussitôt sur Shazam pour m’en souvenir. Cette fois-ci, les morceaux Tailwhip de Men I trust (rock indé) et Outside d’Oleg Byonic (électro ambient) ont attirés mon attention. Je me demande toujours si les playlists d’avant concert sont sélectionnées par l’artiste qui se produira ensuite. J’y ai en tout cas à chaque fois écouté des choses intéressantes, bien que je pense que la plupart des personnes dans le public ne prête pas grande attention à cette bande sonore. Mais les lumières s’éteignent déjà juste à l’heure, vers 20h. L’artiste et son groupe ne se font pas étendre.

Les quelques photos ci-dessous sont extraites du compte Instagram Akolondog et ont été prises par le photographe Goku Noguchi (野口悟空). Je me permets de les reproduire ici pour donner une image plus précise de l’atmosphère visuelle du concert dans la salle WWW de Shibuya.

Les membres du groupe entrent d’abord sur scène et se placent derrière leurs instruments, suivis par a子 qui entre la dernière, comme il se doit. a子 sur scène ou dans les vidéos a toujours des tenues originales conçues par la styliste Yuki Yoshida et ses cheveux sont plus rouges que jamais. Je reconnais tout de suite les musiciens que j’ai pu voir jusqu’à maintenant dans les vidéos YouTube ou lors des mini-live sur Instagram. a子 assure bien entendu le chant sur tous les morceaux mais joue également de la guitare électrique par intermittence. Elle est accompagnée par deux autres guitaristes. Masumi Saito est le lead guitariste du groupe et intervient aussi sur quelques morceaux en interlude avec un phrasé rappé particulièrement percutant. Jun Shirakawa (白川詢) accompagne également en deuxième guitare. Gaku Usui (臼井岳) est à la basse, Eiji Nakamura (中村エイジ) aux claviers et Manyo (満陽) à la batterie. Derrière le groupe, un grand écran affichait par moment des illustrations et des motifs accompagnant les morceaux. Aux membres du groupe, viennent s’ajouter deux ingénieurs du son placés sur la droite de la scène (on a plutôt l’habitude de les voir en fond de salle) et un photographe mobile nommé Goku Noguchi (野口悟空) filmant et photographiant le concert. Les photographies prises en tête de billets sont les miennes, tandis que les suivantes sont empruntées au photographe Goku Noguchi. Cela fait beaucoup de monde sur scène ou aux alentours. Le concert dans sa totalité était extrêmement professionnel et millimétré, ce qui est une belle réussite sachant qu’il s’agissait de son tout premier live seule. Ils ont joué en tout 17 morceaux, ce qui correspond à peu près à toute sa discographie, si l’on compte les deux EPs 潜在的MISTY et ANTI BLUE et les nombreux singles. On a un peu de mal à croire qu’elle n’ait pas encore sorti d’album, mais ça ne semble pas être sa priorité car elle aurait suffisamment de singles pour en compiler un. a子 enchaîne les morceaux assez rapidement avec parfois aucun temps mort, ce qui nous laisse à peine le temps d’applaudir. On la sent très concentrée tandis que la guitariste Masumi Saito, en coupe rasta à sa gauche, est beaucoup plus décontracté et souriant. La voix de a子 est particulière, proche du chuchotement, mais j’ai été très surpris par sa puissance en live, jusqu’à saturé la sono sur un ou deux morceaux. Elle a une gamme vocale plus étendue que ce qu’on pourrait croire. Écouter la playlist défiler dans nos oreilles me fait dire que sa discographie est jusqu’à maintenant sans erreur. Il y a certes une assez grande consistance de style, et les morceaux s’enchainent dans une continuité des plus agréables. J’aurais même un peu de mal à dire quels sont les morceaux que je préfère car ils ont tous, à leur manière, une accroche qui me plait beaucoup. Une chose est sûre, les morceaux de son premier EP étaient beaucoup plus sombres que les derniers singles, mais elle mélange le tout dans la set list. Je n’ai pas pris soin de noter cette set list du concert, mais j’en ai récupéré une sur Twitter et je la note ci-dessous pour référence. Un des morceaux de son premier EP était particulièrement prenant. On sentait qu’elle était complètement investie dans son chant au point où ses mains en tremblaient. Un grand nombre de morceaux de sa discographie contiennent des petits passages instrumentaux à la limite de l’experimental, qui rendaient particulièrement bien en live car ils laissaient carte blanche aux musiciens. Les solos et arrangements de guitare de Masumi Saito fonctionnaient très bien, d’autant plus quand il y ajoutait quelques phrases semi parlées et rappées. La manière dont il emporte la foule sur l’avant dernier morceau le rend assez mémorable. Il s’agissait en fait d’un nouveau morceau dont le titre n’a pas été annoncé. Il n’y a eu qu’un seul passage de MC vers la fin du concert. a子 revient en quelques messages adressés au public sur sa carrière musicale et ensuite sur le fait qu’on doit penser d’elle qu’elle a bien grandi et évolué. La surprise qu’elle nous révèle ensuite est que ce concert à Shibuya WWW sera suivi pour une tournée de deux dates intitulée l’m crazy now, over you, à Osaka et à Tokyo, certes plus tard dans l’année car les dates sont fixées au 16 Décembre pour Osaka Umeda et au 26 Décembre 2023 pour Tokyo Shibuya. Elle semble extrêmement fière de nous montrer l’affiche de cette future tournée. Le concert à Tokyo se déroulera au Shibuya Club Quattro. La salle est plus grande que WWW donc il s’agit d’une belle avancée progressive. Viendra un jour où elle remplira des salles encore plus grandes comme celle du Liquid Room à Ebisu ou une salle Zepp de Tokyo. À propos justement de Zepp, le prochain concert auquel j’assisterais sera celui de Hitsuji Bungaku (羊文学) en Octobre 2023 au Zepp Haneda (羊文学 Tour 2023 “if i were an angel,”). J’ai manqué le précédent car j’avais été trop lent sur les réservations. J’ai cette fois-ci acheté mon billet dans l’heure suivant l’ouverture de la billetterie. Il est clair que voir et écouter des concerts comme celui de a子 me motivent pour en voir d’autres.

Le passage de MC pendant lequel a子 remercie le public est suivi de deux derniers morceaux, puis le groupe quitte la scène et les lumières s’allument avec une musique de fond. Le public se met tout de même à applaudir pour réclamer des rappels. Je trouve personnellement que c’est étonnant que les lumières se soient rallumées, car ce n’est en général pas le cas pendant cette petite période d’attente avant qu’un groupe revienne sur scène. Je me dis aussi qu’elle a joué tous ses morceaux et me demande ce qu’elle pourrait sortir de son chapeau pour des rappels. a子 refait rapidement surface sur la scène devant le micro, pour s’excuser car il n’y aura pas de rappels. Elle promet même qu’elle en préparera pour la tournée d’Osaka et Tokyo. Elle ressort ensuite de la scène en sautillant. Au final, elle a tout de même joué 17 morceaux pour environ une heure et demi de concert. Je le dirais certainement à chaque fois mais ressentir avec la force du live des morceaux qu’on a tant de fois écouté provoque un sentiment très spécial de satisfaction. Et je suis d’autant plus content d’assister à ce concert, qu’il s’agissait de son premier. J’espère qu’elle proposera des extraits vidéo du concert sur YouTube, ou même un DVD. On pouvait en fait prendre des photos ou des vidéos pendant le concert, mais peu de personnes heureusement le faisait. Les meilleurs souvenirs sont dans notre mémoire.

Pour référence ultérieure, je note ici la set list du concert Feed My Body de a子 dans la salle WWW à Shibuya le 28 Juin 2023:

1. Drip (どろり), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
2. Jealousy (ジェラシー)
3. Sinister (シニスター)
4. somewhere, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
5. u want (情緒), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
6. Angel (天使), tiré du 2nd EP ANTI BLUE
7. As I landed on Mars, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
8. CHAOS, tiré du 1er EP 潜在的MISTY
9. Hai (肺), tiré du 1er EP 潜在的MISTY
10. Resist (暴く春)
11. Love is Always (愛はいつも)
12. Suihō (水泡), tiré du 1er EP 潜在的MISTY
13. bye, tiré du 2nd EP ANTI BLUE
Passage MC 🎤
14. The Sun (太陽)
15. All to Myself (あたしの全部を愛せない)
16. New Song
17. hot in the night (熱帯夜), tiré du 1er EP 潜在的MISTY

Ɩɛ ɖéʂơཞɖཞɛ ơཞɠąŋıʂé ɖɛ ʂɧıɱơƙıɬą

Je prends beaucoup moins de photographies ces derniers temps et je n’ai même aucun billet en attente de publication dans mes brouillons, à part bien sûr celui que je suis en train d’écrire. Je marche en fait souvent aux mêmes endroits en ce moment et l’inspiration pour saisir en photo de nouvelles choses que je n’ai pas encore montré se fait plus rare. Dans ces cas là en général, je change d’objectif photo et je me décide à regarder les détails plutôt que les grands ensembles. La motivation me manque en fait comme si la machine s’était assoupie soudainement à l’approche de la période estivale. Je réfléchis tous les ans à la manière d’aborder l’été et je pensais même sérieusement à faire une longue pause estivale. Jusqu’au week-end dernier qui a été un peu plus propice aux photos.

Je me suis d’abord dirigé vers Shimo-Kitazawa pour aller voir l’exposition de l’illustrateur Wataboku qui se déroulait du Vendredi 9 Juin au Samedi 24 Juin 2023. J’y suis allé comme souvent au dernier moment, le dernier jour donc. L’exposition intitulée Manzoku dekiru kana (満足できるかな) prenait place dans un café nommé Candle Cafe & Laboratory △ll. Le café n’est pas très loin de la station mais situé à l’étage d’un petit immeuble dans une rue un peu à l’écart. La porte d’entrée en bois du café est antique et je me suis d’abord demandé comment l’ouvrir. Un autre visiteur est heureusement arrivé en même temps que moi et on s’est posé tous les deux la question de comment ouvrir cette maudite porte. Jusqu’à ce que la gérante (je suppose) du café vienne nous ouvrir. La petite salle d’exposition se trouve au fond du café qui ressemble en fait beaucoup plus à un bar. Je pensais que la salle d’exposition serait plus grande mais il s’agit en fait d’un petit espace composé de grandes plaques de bois contreplaquées sur lesquelles Wataboku a dessiné plusieurs versions de son personnage féminin fétiche. On apprend que le modèle des dessins est surnommée Aopi (あおぴ) et qu’elle est même venue poser à côté de son personnage. J’adore toujours la qualité des expressions des dessins de Wataboku, et on peut très bien comprendre que le modèle réel a dû bien l’inspirer. L’illustrateur n’était malheureusement pas présent à mon passage et il est apparemment passé plus tard pendant cette même journée. Je l’avais vu la dernière fois à l’exposition de Jingūnmae et il m’avait signé une carte postale à cette occasion. On ne pouvait passer que peu de temps devant les illustrations vu la taille de l’espace, mais c’était suffisant pour imprimer ces images dans ma tête.

Je continue ensuite à marcher dans les rues de Shimo-Kitazawa jusqu’au Disk Union, qui est devenu pour moi un passage obligé, même si je n’y ai rien trouvé de suffisamment intéressant cette fois-ci. En me dirigeant vers le magasin de disques depuis la station, je passe devant un autre nommé 45REVOLUTION spécialisé dans la musique punk rock. Je n’y suis en fait jamais entré vue la petite taille de l’endroit et mon intérêt limité pour le genre. Ce magasin se trouve dans la même rue étroite que la salle de concerts underground Shelter, que l’on voit régulièrement dans la série animée Bocchi The Rock (ぼっち・ざ・ろっく!). Sur la devanture du magasin au désordre organisé Village Vanguard, on trouve toujours des affichettes de cette série. J’ai fini de regarder les 12 épisodes de la première saison disponible sur Netflix et j’ai beaucoup aimé. Cette série évoquant les débuts d’un groupe de rock indépendant contient plein de petits détails intéressants sur les coulisses de la scène rock indé japonaise, en plus d’être très souvent drôle. Les morceaux que joue le groupe, appelé Kessoku Band (結束バンド) dans la série, sont d’ailleurs plutôt bons, les morceaux Hikari no Naka he (光の中へ) et Wasurete Yaranai (忘れてやらない) par exemple, et sont même sortis en CD. Ceci ne gâche en rien le plaisir de suivre les aventures des quatre filles du groupe, aux tempéraments très différents. Je pense que cette série a dû inspirer la jeunesse à se lancer dans l’apprentissage de la guitare (Fender vend tellement bien qu’un magasin a ouvert récemment à Harajuku). J’aimerais aussi ré-acheter une guitare même si je ne sais jouer aucun air connu et mon style autodidacte est complètement expérimental. Je me suis par contre acheté récemment un petit clavier USB Akai LPK25, que j’ai connecté à l’application Logic tournant sur l’iMac. J’avais acheté cette application musicale il y a plusieurs années sans pourtant en maîtriser les rouages. Avoir ce petit clavier permet de générer toutes sortes de sons à partir des vastes librairies sonores de Logic. Même si je n’atteins pas pour l’instant le stade de la composition, j’apprécie tout de même énormément jouer avec les sons. Ce modèle de clavier est utilisé par Utada Hikaru lorsqu’elle voyage et ça m’a décidé à l’acheter (j’y pensais depuis quelques temps déjà). Peut être que l’inspiration pour créer de nouveaux morceaux électroniques me reviendra progressivement.

Ma marche à pieds me fait ensuite revenir vers Daikanyama. Je n’avais pas vraiment remarqué que la construction de la nouvelle résidence située à côté de la tour Address avait progressé aussi vite. On ne sera pas complètement surpris d’apprendre que l’on doit le design de cette résidence Forestgate Daikanyama à l’architecte Kengo Kuma, qui, je trouve, envahit le paysage architectural japonais ces dernières années. Mais son design constamment basé sur l’utilisation du bois me convient plutôt bien, donc je mettrais pour l’instant de côté toute critique éventuelle qui pourrait me venir à l’esprit.

Entendre soudainement la voix de YUKI sur le morceau Koi ha Eien (恋は永遠) de l’album Ne- Minna Daisuki Dayo (ねえみんな大好きだよ) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) dont je parlais récemment m’a donné l’envie irrésistible de me lancer dans l’écoute d’un album entier du groupe Judy and Mary (ジュディ・アンド・マリー) par lequel elle a fait ses débuts. Je commence avec leur quatrième album intitulé The Power Source, sorti le 26 Mars 1997. C’est leur album le plus connu car c’est celui qui s’est le mieux vendu. Judy and Mary est un groupe rock oscillant entre la pop et le punk, ce qui paraître être un grand écart, mais qui correspond assez bien à l’ambiance musicale de cet album mélangeant des sons de guitares noisy, torturés et distordant et le chant pop non conventionnel de YUKI. Le groupe a fait ses débuts en 1992 et s’est dissolu en 2001 après 7 albums et au moins 3 compilations. YUKI s’est ensuite lancée dans la carrière solo prolifique qu’on lui connaît maintenant. A l’époque de Judy and Mary, elle s’appelait encore Yuki Isoya (磯谷有希). Elle est originaire de Hakodate à Hokkaidō. Le groupe est par contre identifié comme étant originaire de Kanagawa. Il se compose également du guitariste Takuya Asanuma (浅沼拓也), du bassiste Yoshihito Onda (恩田快人) et du batteur Kohta Igarashi (五十嵐公太). Le nom du groupe interpelle car on pourrait d’abord penser qu’il s’agit d’un duo composé de deux chanteuses « Judy » et « Mary ». Il fait en fait référence aux deux facettes d’une même fille, à la fois vive et positive (« Judy ») et plus tordue et négative (« Mary »). On imagine tout à fait YUKI jouer le rôle légèrement schizophrène de ce double personnage, qui correspond d’une certaine manière assez bien aux deux facettes de la musique du groupe. De Judy and Mary, je connais déjà leurs morceaux les plus connus qu’on entend parfois dans les émissions télévisées musicales qui font des rétrospectives récurrentes sur la J-Pop de l’ère Heisei. Sur cet album, le morceau le plus connu Sobakasu (そばかす). C’est un bon morceau sans forcément être mon préféré de l’album, peut-être parce je le connais déjà assez bien depuis très longtemps. Ce style musical rock très dynamique et partant un peu dans tous les sens me rappelle mes toutes premières années à Tokyo, comme s’il s’agissait d’une machine à remonter dans le temps vers ces années insouciantes où j’avais tout juste vingt ans. On trouve cette atmosphère tout à fait rafraîchissante dans les morceaux de Judy and Mary et dans la manière de chanter de Yuki Isoya en particulier. Et je me trouve maintenant à écouter sans arrêt cet album, comme si j’avais découvert une petite pépite que je ne peux pas quitter du regard. La liberté de ton et l’énergie contagieuse sur un morceau comme Happy? sont irrésistibles. Dans les morceaux que j’apprécie particulièrement, il y a aussi le premier Birthday Song et surtout le deuxième Lovely Baby. L’album part de temps en temps vers des pistes beaucoup plus axées pop comme Kijura 12go (くじら12号) ou Classic (クラシック), qui ne sont pas moins réussis. Kijura 12go est d’ailleurs particulièrement accrocheur et me semble même très bien adapté à un début d’été. L’album se termine sur le morceau The Great Escape qui retourne vers des sons de guitare plus noisy. Cet album est pour moi une tres belle surprise, certes un peu tardive, et j’ai maintenant la très ferme intention de découvrir les autres albums studio. La liste des albums à découvrir ne fait décidément que de s’allonger et c’est une très bonne nouvelle.