Je n’avais pas marché depuis Shibuya jusqu’à Shinjuku depuis plusieurs semaines ou même mois, et je pense que ça m’avait manqué. Je prends un peu moins de photographies que d’habitude ces dernières semaines, et je pense que la période froide hivernale y est pour beaucoup. En écrivant ce titre de billet, je me remémore les Karoshi Reports de Xavier Guilbert qu’il écrivait depuis son arrivée au Japon en Octobre 1998. À ma connaissance, Karoshi Report doit en quelque sorte être le premier blog francophone sur le Japon avant même que le système du blog n’existe. Je me souviens à cette époque avoir été impressionné par ces petits billets très bien mis en page, qui évoquaient sous la forme d’un journal personnel des épisodes de sa vie quotidienne au Japon. Je n’y trouvais bien sûr pas beaucoup d’éléments de surprise, tout simplement parce qu’il parlait d’un Tokyo que je côtoyais également et qui ne m’étonnait donc déjà plus. Ceci étant dit, j’avais un respect certain pour ce travail et je pense que je devais même être un peu envieux. Je pense en tout cas avoir été influencé par ce carnet web et cette approche dans l’écriture de mes propres billets quelques années plus tard et dans le souci de mise en page. Après toutes ces années, c’est agréablement surprenant de voir que ce premier blog tokyoïte est toujours là et n’a pas disparu de la toile. A cette époque là, j’avais déjà un site web personnel appelé Okaeri sur lequel je prenais beaucoup de plaisir à expérimenter des designs. J’avais également un journal de bord, que j’ai d’ailleurs transféré sur ce blog (il s’agit des pages avant Mai 2003 dans les archives), mais je n’y écrivais pas grand chose et pas très souvent. Karashi Report doit contenir une soixantaine de billets couvrant quelques années seulement. Pour Made in Tokyo, j’en suis maintenant au 2344 billet après plus de vingt années. Certaines photographies de ce 2344ème billet ont été prises le jour du passage à l’âge adulte Seijin no Hi (成人の日) pour les filles et les garçons de 18 ans (c’était 20 ans il y a peu). Me dire que mon garçon va bientôt arriver à cet âge me donne un sentiment bien étrange. On pouvait voir quelques personnes habillées en kimono pour l’occasion. Je n’ai pas cherché à tout prix à prendre des kimonos en photo mais ces deux filles sont tout d’un coup sorties de nulle part devant moi pour ensuite s’envoler quelques secondes plus tard. J’ai juste eu le temps d’appuyer sur le déclencheur.
Suite à l’écoute de son album éponyme de 2015, je continue l’écoute progressive des albums de DAOKO avec Thank You Blue sorti en Décembre 2017. Cet album contient un certain nombre de morceaux que je connaissais déjà dont ShibuyaK par lequel j’ai d’ailleurs découvert sa musique et le très beau Onaji Yoru (同じ夜) dont j’avais déjà parlé dans un billet précédent. Onaji Yoru doit être un des plus beaux morceaux de sa discographie et je ne découvre que maintenant qu’il a été co-écrit avec Daigo Sakuragi (櫻木大悟) de D.A.N. et co-composé avec D.A.N. Je comprends maintenant beaucoup mieux la force d’attraction que ce morceau exerce sur moi. L’ensemble de l’album a clairement une approche beaucoup plus pop et mainstream que son album précèdent. On le note dès le premier morceau en duo avec Yonezu Kenshi (米津玄師), Uchiage Hanabi (打上花火), qui a eu un énorme succès commercial. Je pense avoir également parlé du deuxième morceau Step Up Love (ステップアップLOVE) en duo avec Yasuyuki Okamura (岡村靖幸), car j’adore la vidéo réalisée par Yuichi Kodama (児玉裕一), qui réalise également celle de ShibuyaK. Je pense même avoir aimé la vidéo avant ce morceau à l’approche très pop. C’est intéressant de constater le grand nombre de collaborations sur cet album. Je suis assez surpris de voir la bassiste de Sakanaction (サカナクション), Ami Kusakari (草刈愛美), jouer sur le morceau GRY et Keiichi Ejima (江島啓一), le batteur de Sakanaction, composé l’avant-dernier morceau Cinderella step. Le dernier morceau One Room Sideside Step (ワンルーム・シーサイド・ステップ) est un de mes préférés de l’album, notamment pour le rythme de ses percussions. J’étais également surpris de voir qu’il a été co-composé avec Tempalay. Le DVD accompagnant le CD et contenant sept vidéos démarre d’ailleurs par un court morceau intitulé Charm Point (チャームポイント) co-composé et arrangé par AAAMYYY (de Tempalay). Parmi les collaborations, on retrouve Oresama à la composition sur les morceaux ShibuyaK et BANG!, et le musicien Taku Inoue dont j’ai déjà évoqué le projet Midnight Grand Orchestra avec Hoshimachi Suisei (星街すいせい). Le morceau Daisuki (ダイスキ) avec l’artiste électronique TeddyLoid, qui composera plus tard le morceau polymorphe Odo (踊) avec Giga pour Ado, compte également parmi mes préférés. J’aime la manière par laquelle DAOKO intègre régulièrement ses parties rappées rapides, avec un ton très différent à la limite de la schizophrénie. La vidéo représente d’ailleurs bien cette double facette. DAOKO a une capacité certaine à bien s’entourer et à bien entourer les autres. Rappelons qu’elle a chanté en duo avec Beck sur le morceau Up All Night, sorti à cette même période en 2017, et qu’elle apparaîtra plus tard en chat noir lors du concert de Sheena Ringo de 2023, Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), sur le morceau Ishiki (意識 ~Conciously~) dans sa version remixée par MONDO GROSSO. Cette représentation était pour moi le meilleur moment du concert et me laisse encore maintenant une très forte impression. Ce concert n’est en fait pas le seul lien entre DAOKO et Sheena Ringo. A part le fait que j’ai l’impression que le morceau Onaji Yoru est une référence directe au morceau du même titre de Sheena Ringo, elle a également repris Kabukichō no Jōo (歌舞伎町の女王) sur le DVD accompagnant l’album, dans une version électronique très intéressante avec paroles supplémentaires, et on la voit également collaborer avec le rapper Mummy-D, la chorégraphe MIKIKO et les danseuses d’Elevenplay, sans compter les vidéos de Yuichi Kodama, tous proches de Sheena Ringo. En repensant au fait que DAOKO est également très amie avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, car on les voit régulièrement ensemble sur les réseaux sociaux (je pressens un duo un jour ou l’autre), je me demande si elle ne serait pas le point de pivot entre toutes les musiques que j’aime.
Au Disk Union de Shibuya, je trouve également le CD du troisième album de DAOKO (sur une major), Shiteki Ryokō (私的旅行) sorti en Décembre 2018 et je fais donc un achat groupé avec le CD+DVD de Thank You Blue. J’aurais aimé trouvé l’album Anima (2020) qui a reçu de bonnes critiques à mon souvenir, mais on ne sait jamais à l’avance ce que l’on va trouver au Disk Union. Ça fait d’ailleurs partie du plaisir. De l’album Shiteki Ryokō, je connaissais déjà deux morceaux, à savoir le single Owaranai Sekai De (終わらない世界で) et Nice Trip. Je réécoute Owaranai Sekai De avec un plaisir certain, d’autant plus que je me rends compte maintenant qu’il a été composé et produit par Takeshi Kobayashi (小林武史), dont je parle beaucoup ces derniers temps (notamment sur mes billets sur Kurkku Fields et Kyrie no Uta), avec Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare électrique. Nice Trip est également un des meilleurs morceaux de cet album, sinon le meilleur. Il est composé par le groupe Boom Boom Satellites, formé par le guitariste et chanteur Michiyuki Kawashima (川島道行) et le bassiste et programmeur Masayuki Nakano (中野雅之). Le groupe a cessé ses activités en 2018 suite au décès de Kawashima en Octobre 2016. De Boom Boom Satellites, je ne connais que l’album Photon sorti en 2002 que j’avais acheté à l’époque, attiré par sa superbe pochette spatiale sombre dessinée par Mitsuki Nakamura (中村光毅), qui a notamment été directeur artistique de Mobile Suit Gundam (機動戦士ガンダム) et de Nausicaä de la Vallée du Vent (風の谷のナウシカ). J’avais également été attiré par quelques très bons morceaux comme Pipper, Let it lift, entre autres. Je pensais avoir oublié cet album dans les profondeurs de ma discothèque personnelle, mais il est bien présent sur mon IPod parmi les 10,338 morceaux qu’il contient. Je retrouve son atmosphère sombre et sophistiquée mélangeant sons électroniques et électriques de guitares avec de nombreux passages de saxophone du musicien jazz Nao Takeuchi (竹内直). Kawashima chante, ou parle plutôt, uniquement en anglais et se fait parfois accompagner par une voix féminine, celle d’une chanteuse nommée Dice, sur deux morceaux Light my fire et 40 -FORTY-, qui comptent également parmi les plus remarquables de l’album. Pour revenir sur l’album Shiteki Ryokō, DAOKO y reprend Uchiage Hanabi (打上花火) mais en version solo, et on se demande un peu pourquoi car la version en duo avec Yonezu Kenshi sur Thank You Blue reste tout de même meilleure. Elle a en fait interprété ce morceau seule à l’émission NHK Kōhaku le 31 Décembre 2018. Je me suis interrogé si cette version solo n’avait pas été seulement conçue pour passer à Kōhaku, sachant que Yonezu Kenshi évite ce genre de manifestations télévisées, mais après vérification, la voix de Kenshi Yonezu était bien présente malgré son absence sur scène. Le deuxième morceau et single de l’album, Bokura no Network (ぼくらのネットワーク) composé par Yasutaka Nakata (中田ヤスタカ) est étonnant dans le mauvais sens du terme, car la voix de DAOKO ressemble tellement à celle de Kyary Pamyu Pamyu (きゃりーぱみゅぱみゅ) que ça devient du mimétisme. Certaines manières de chanter sont également ressemblantes, et la composition de Nakata aurait très bien pu convenir à Kyary. Ce morceau contraste avec le reste de l’album et je préfère souvent le passer au profit du suivant Oide Oide (オイデオイデ) qui mélange très bien son chant pop et rap. Dans les très bons morceaux de l’album, il y a celui intitulé 24h en duo avec Yoh Kamiyama (神山羊) que je ne connaissais pas. L’esprit de ce duo me rappelle un peu ceux de KAF, et j’adore cette ambiance un peu nocturne au final au saxophone. Un de mes morceaux préférés est le cinquième intitulé Tane mo Shikake mo aru Mahō (種も仕掛けもある魔法), et ce dès les premières notes au piano. Je ne sais pour quelle raison ces toutes premières notes me font penser à Tokyo Jihen car je ne pense pas à une ressemblance particulière à un morceau du groupe et le reste du morceau est très différent. Il doit y avoir quelque chose dans l’agencement de ces premières notes de piano. Dans son ensemble, cet album, avec Thank You Blue, est particulièrement réconfortant après des journées difficiles et ça fait beaucoup de bien de s’y laisser entraîner.
J’écris une partie de ce billet assis sur un banc du parc central de Nishi-Shinjuku, qui est devenu un de mes parcs préférés. Il fait froid mais le soleil nous réchauffe. Je ne suis pas le seul à apprécier les bancs de ce parc. Devant moi, se dressent les hauts buildings de Nishi-Shinjuku.
Très beau, ce rouge pétant des kimono par rapport aux habits sobres des piétons alentours, les ombres au sol les mettent en valeur davantage encore ! Je ne sais pas si c’était voulu ou non, mais le fait de parler de ‘Karoshi Reports’ puis plus loin de ‘Karashi Reports’ a attisé ma curiosité. Sacré titre, quoiqu’il en soit ! Je trouve intéressant le fait qu’aucun billet n’ait de date, cela lui donne un air intemporel, les billets auraient pu être écrits hier ou il y a dix ans ou vingt ans que l’on ne s’en rendrait pas compte … Merci pour cette découverte !
Salut ! ahah, la faute de frappe n’était pas volontaire mais du coup, je vais la garder dans le texte car ça aurait pu être un titre pour ce blog, certainement un peu moins lourd de sens que Karoshi. Je pense qu’il y a une date à la toute fin de chaque billet mais elle n’est pas très facilement déchiffrable.