depuis la rivière jusqu’au sanctuaire d’Ikisu

Après avoir visité le sanctuaire Kashima Jingū (鹿島神宮) au Sud de la préfecture d’Ibaraki, nous descendons un peu en longeant les nombreux lacs et rivières de cette région jusqu’au sanctuaire Ikisu (息栖神社). Il se trouve à proximité de la rivière Hitachi Tone qui se jette dans le grand fleuve Tone (利根川) séparant les préfectures d’Ibaraki et de Chiba. Le sanctuaire Ikisu se trouve dans la petite ville de Kamisu. Son histoire remonte à plus de 2,000 ans, mais les bâtiments du sanctuaire sont beaucoup plus récents. On dit que les habitants du Kanto devaient visiter les trois sanctuaires Kashima Jingū, Katori et Ikisu pour obtenir pleine purification. Nous avions visité le sanctuaire de Katori, pour la deuxième fois, au premier de l’an et il ne nous restait plus que le sanctuaire d’Ikisu. Il est certes beaucoup moins grand et intéressant que les deux autres. A la gauche du bâtiment principal du sanctuaire, on trouve bien un arbre millénaire impressionnant, mais la partie la plus intéressante est l’approche du sanctuaire qui démarre depuis les bords de la rivière Hitachi Tone. On trouve trois portes torii, un grand au centre entouré par deux plus petits, destinés aux femmes à gauche et aux hommes à droite. On pouvait longer le canal placé devant ces portes, en passant sous les arbres et en suivant un chat accompagnant une fillette. Le chat semblait sauvage mais suivait tout de même la fillette dans ses moindres mouvements. Nous décidons de les suivre jusqu’à la grande rivière Hitachi Tone. De l’autre côté du canal, une veille demeure impose par la taille de sa porte de bois. Je suppose qu’on ne l’ouvre pas souvent et que les habitants de cette grande maison traditionnelle utilisent une autre entrée plus aisée. Une entreprise est installée juste à côté, et on comprend vite que le propriétaire de la maison est également responsable de cette entreprise liée aux produits de la mer.

Les deux dernières photographies de ce billet sont clairement celles que je préfère. Je me demande même en écrivant ces lignes si je n’aurais pas dû seulement montrer ces deux dernières photographies et enlever toutes les autres qui sont plutôt descriptives. Deux photographies sans aucun commentaire de la part auraient peut-être été suffisantes pour construire ce billet, et susciter peut-être des questions transmises dans les commentaires. Je me dis parfois que j’écris trop au point où il ne reste rien à demander ou à éclaircir. Les températures estivales éprouvantes me coupent un peu le courage d’écrire. Ce n’est pas inhabituel en été où le rythme de ce blog devrait normalement ralentir pour passer en mode estival.

完璧にバグってる生き物で

Je n’étais pas revenu vers cette forme de composition photographique que j’appelle moi-même Shoegazing Photography depuis très longtemps. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque d’apporter des perturbations à des photographies plutôt classiques, prises ici à Daikanyama et Ebisu. Tout comme le shoegaze en musique rock, des nappes viennent se superposer au dessus d’espaces clairs et lisibles pour y introduire un univers vaporeux proche du rêve. Avec l’été qui est déjà bien présent en ce tout début du mois de Juillet, me viennent des envies de mirages, comme si la moiteur ambiante rendait flou le contour des choses. La ville devient un immense désert de solitude, bien que la présence humaine soit omniprésente dans le décor urbain tout autour de moi. Elle n’est qu’images qui passent puis disparaissent à jamais. Ces images défilent et m’effleurent délicatement, s’échappant du bruit insaisissable qui les envelope, mais ne viennent pas altérer mon espace vital. Je m’extrais de ce bruit pour en écouter un autre dans mes écouteurs. Mais ce bruit là, celui des guitares, est accompagné d’une voix qui m’élève loin au dessus de ce monde urbain.

Je découvre parfois des pépites dont je ne soupçonnais pas l’existence, c’est la cas de l’album Time Machine ga Kowareru mae ni (タイムマシンが壊れる前に) d’abord sorti en 2015 puis ré-enregistré en 2021. C’est cette dernière version que j’écoute en ce moment avec passion. Il s’agit d’un album du groupe Tokenainamae (溶けない名前) formé en 2012 à Nagoya et composé d’Uran Uratani (うらたにうらん) au chant et aux claviers, Ryūta Itō (イトウリュウタ) à la guitare et au chant, Takuya Shimamoto (シマモトタクヤ) à la basse, Naoki Sogabe (ソガベナオキ) également à la basse et Kiyoshi Niwa (ニワキヨシ) à la batterie. Tokenainamae compose une musique shoegaze et noise-pop qui se caractérise par une certaine nostalgie et innocence adolescente, à chaque fois représentée en photo sur les couvertures des albums et EPs. Le groupe n’a en fait sorti que deux albums: Time Machine ga Kowareru mae ni en 2015/21, et Seifuku Kanro Kurabu (制服甘露倶楽部) en 2017, ainsi que trois EPs dont deux à leurs débuts (おやすみA感覚 et おしえてV感覚) puis un en 2022 intitulé Kasuka ni sō matou (幽かにそう纏う). L’album Time Machine ga Kowareru mae ni (タイムマシンが壊れる前に) est tout à fait remarquable et je le classifie facilement dans ma liste des meilleurs albums shoegaze japonais. On y trouve bien sûr les plages de bruits de guitares caractéristiques du genre depuis lesquelles s’élève la voix légèrement vaporeuse d’Uran Uratani. La particularité qui fait toute la différence est l’utilisation des claviers qui apportent une pointe de pop à l’ensemble et une dynamique assez inattendue pour du shoegaze. Les morceaux sont étonnement rapides, le chant d’Uran quasi-omniprésent assez souvent accompagné par une deuxième voix masculine, celle du guitariste Ryūta Itō. L’album de huit morceaux pour 37 minutes est fabuleux de bout en bout sans faiblesse. J’adore absolument tous les morceaux qui ont tous cette même beauté mélancolique mais j‘attends toujours avec une certaine impatience le quatrième morceau √2四 pour l’introduction aux claviers pleine de réverbération. Je trouve que cet album parvient à une sorte de perfection dans sa balance entre la légèreté flottante et délicate du chant et la densité pesante des guitares. Et puis le morceau final de sept minutes Dream Memorandum (睡眠抄) touche au sublime. J’écoute également le EP Kasuka ni sō matou (幽かにそう纏う) et l’album Seifuku Kanro Kurabu (制服甘露倶楽部) qui sont également très beaux mais qui n’arrivent pas au même niveau que Time Machine ga Kowareru mae ni, même si on y trouve de très beaux morceaux comme Double Platonic Suicide (ダブル・プラトニツク・スウイサイド) ou Mahoroba no Reactance (まほろばのリアクタンス). Leur dernière sortie date de 2022, et je ne sais pas si le groupe est toujours en activité car ils ne sont pas très actifs sur Twitter et le dernier billet sur leur page Tumblr semble également dater de cette période. En regardant le fil Twitter du groupe j’ai d’ailleurs été amusé par une reinterpretation de la couverture et du titre de l’album Time Machine ga Kowareru mae ni en montrant Bocchi de l’anime Bocchi The Rock (ぼっち・ざ・ろっく!) avec un nouveau nom d’album ぼっちちゃんが壊れる前に (avant que Bocchi ne se casse) attribué au Kessoku Band (結束バンド), le groupe de l’anime. Dans l’anime, l’instabilité émotionnelle de Bocchi fait qu’elle se « casse » souvent d’une manière similaire. C’est intéressant de voir comme cet anime est encore très présent. On trouve souvent des posters dans les magasins Disk Union et à certains endroits de Shimokitazawa (où se déroule l’histoire). Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence de cet anime sur la jeune génération. La fille d’un ami a par exemple commencé à jouer de la guitare après avoir vu cet anime. Il y aura peut-être dans les années qui viennent de nombreux jeunes groupes de rock influencés par Bocchi The Rock qui verront le jour.