明るい朝日を見ててよ

Lorsque je cherche un peu d’inspiration pour écrire un nouveau billet, je regarde de temps en temps en arrière pour voir ce que j’écrivais en plein mois d’Août l’année dernière ou les années précédentes. Regarder en arrière me donne rarement une nouvelle inspiration inattendue, mais me fait cette fois-ci réfléchir à mon style photographique. Je n’expérimente plus beaucoup avec les images et je sens que mon style stagne depuis longtemps. Je me tourne parfois vers Instagram ou Threads pour tenter de trouver des nouvelles inspirations. J’ai ceci étant dit un peu délaissé Instagram ces derniers mois et les dernières photos que j’y ai publié datent de début Mai. J’utilise plutôt Instagram pour me donner des idées d’endroits où aller, à travers des comptes parfois très spécialisés, notamment en architecture. Je me méfie toujours un peu d’Instagram ou de Threads car on y trouve beaucoup d’illusions, créées par de l’intelligence artificielle. Pour donner un exemple parmi beaucoup d’autres, j’avais été subjugué par la beauté visuelle et conceptuelle d’une série photo de Caspar Jade prise en noir et blanc dans un paysage de montagnes chinoises, mais j’ai ensuite assez vite compris que ce set d’images avait été entièrement créé par de l’intelligence artificielle. La série de photographies ne l’indique pas mais l’auteur le mentionne en fait clairement dans la biographie de son compte. Savoir qu’il s’agit d’intelligence artificielle disqualifie pour moi ces photographies, car je me sens trompé et même manipulé. En regardant un set comme celui-ci, on imagine les conditions de la prise d’image et l’ambiance magique des lieux que le photographe a dû parcourir pour trouver le bon endroit. On envie le photographe d’être dans un environnement pareil et réussir des photographies artistiquement inspirées. Mais il n’a rien de tout cela en réalité, seulement quelques mots clés bien choisis et agencés et une machine qui fait le travail. Je me pose toujours la question de la finalité de créer ce genre d’images, qui engendrent à chaque fois un sentiment de déception quand on apprend qu’il ne s’agit pas de réalité. Les auteurs ne prennent même plus la peine de mentionner sous leurs images qu’il s’agit d’intelligence artificielle, ce qui génère à chaque fois un doute et des interrogations. En regardant ce set de photos prises à Mexico en 1980 par le compte travelbug, on s’imagine tout de suite que ces photographies ont été retrouvées dans une malle ou un tiroir qu’on n’avait pas ouvert depuis très longtemps, que ces photos ont une vie tout comme les protagonistes qui y sont photographiés. On imagine brièvement l’histoire de ces photos, mais en même temps notre cerveau est gêné car ces images sont visuellement trop belles et parfaites pour être réelles. J’ai l’impression que les auteurs jouent sur le fait que chaque visiteur peut rapidement comprendre par lui ou elle-même qu’il s’agit de photographies irréelles, mais le fait que les auteurs de ce genre d’images jouent sur l’ambiguïté me gène avant tout. Là où ça devient compliqué, c’est quand les images sont délibérément irréelles comme celles d’architecture d’un certain Jean-Jacques Balzac. J’éprouve un véritable dilemme en regardant ces images créées de toute pièce, car on devine bien entendu qu’il s’agit de créations par intelligence artificielle bien que son auteur ne le mentionne pas clairement, mais le monde dystopique qu’il crée, venant très souvent posé des monolithes, des grandes structures faites de béton et de miroirs en plein désert, est vraiment intéressant et évocateur. Où se trouve la qualité d’un artiste? Dans sa capacité intellectuelle à imaginer des choses jamais vues ailleurs, belles ou dérangeantes? Dans sa capacité technique d’artisan à créer des objets merveilleux à partir de matériaux bruts? Ou dans sa capacité à nous faire rêver ou réfléchir peu importe le médium utilisé ? En quoi un artiste numérique passant des heures devant son ordinateur à créer de nouvelles images manuellement à partir d’une multitude de prises de vues réelles et des outils adaptés a t’il plus de mérite qu’un auteur passant des heures devant un ordinateur à triturer un script de mots clés pour affiner des images afin d’obtenir le rendu désiré ? Je n’arrive toujours pas à répondre clairement à cette question, mais ma tendance naturelle est de donner plus de crédit à un artiste qui ne fait pas entrer le hasard de la machine dans son processus créatif. On pourrait facilement rétorquer que les hasards heureux donnent parfois les plus belles œuvres d’art, et que le travail d’un manipulateur d’intelligence artificielle se compose de nombreuses étapes successives qui demandent à son auteur une vision claire et précise du résultat souhaité. Il reste certainement trop de flou autour des méthodes de création par intelligence artificielle pour légitimer le travail de leurs auteurs. Je reste persuadé qu’apprécier une œuvre ne se limite pas qu’au visuel créé mais demande une histoire, un cheminement qui ne s’invente pas en claquant des doigts. Une chose est sûr, l’intelligence artificielle n’est pas actuellement en capacité de surpasser la créativité humaine, et ça reste une très bonne nouvelle.

J’avais pris l’habitude d’aller acheter les albums physiques en CD des artistes ou groupes que j’aime au Tower Records de Shibuya, le soir avant leur sortie officielle. Je n’ai malheureusement pas pu m’y rendre le 9 Juillet 2024 pour l’album d’a子 intitulé GENE, sorti officiellement le 10 Juillet. Je me suis en fait rattrapé quelques jours plus tard pour me procurer la version CD de l’album accompagnée par un disque Blu-ray montrant quelques morceaux enregistrés en version acoustique aux US en marge du festival SXSW d’Austin (Texas), auquel a子 avait participé avec son groupe en Mars 2024. Après trois EPs (Misty Existence, ANTI BLUE et Steal Your Heart) sortis entre 2020 et 2023 de manière indépendante sur Londog, a子 sort finalement son premier album sur le label IRORI Records de la maison de disques majeure Pony Canyon. GENE contient 13 titres dont 8 sont déjà sortis en singles ou sur les EPs précédents. Écouter tous ces singles déjà connus de manière continue à l’intérieur d’un album me fait rendre une nouvelle fois compte de la qualité de composition d’a子 et de son groupe sur la totalité de ses morceaux. Même en connaissant très bien une grande partie des morceaux déjà écoutés maintes fois, je n’éprouve aucune lassitude à l’écoute de l’ensemble. Je redécouvre en fait ces morceaux sous un jour nouveau, en me rappelant avec plaisir les incursions de violon de Neko Saito (斎藤ネコ) sur certains morceaux comme samurai et Ai ha Itsumo (愛はいつも). Je pense que la qualité pop de l’ensemble des morceaux sans renier l’approche indé initiale est une des forces de la musique d’a子. Une autre de ses grandes forces est bien entendu sa voix, qui est parfois murmurée et parfois forte, mais en tout cas particulière, unique et immédiatement reconnaissable. La sortie de l’album était accompagnée par le single good morning, assez classique de son style et en même temps très accrocheur. Parmi les nouveaux morceaux, Borderline (ボーダーライン) concluant l’album a aussi droit à une vidéo, tout comme good morning utilisant des images de leur passage aux US. Le morceau Borderline est en fait assez différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre, car la voix d’a子 joue sur un registre inhabituel que je ne reconnais pas sur d’autres morceaux, au point où je me suis d’abord demandé si c’était bien elle qui chantait au début du morceau. L’approche de Borderline est plus axée rock, tout comme le morceau miss u qui est également une excellente surprise. On imagine assez bien l’influence américaine de son séjour à Austin sur le morceau miss u en particulier, les guitares y étant par moments plus lourdes et distordantes. Cette direction un peu différente sur ces deux morceaux, mais tout de même très tournés vers le pop rock, est assez fraîche dans sa discographie. Le nouveau morceau Beige to Momoiro (ベージュと桃色) qui suit ensuite a une approche plus électro-pop et je dirais que c’est un morceau “100”% a子” fonctionnant excellemment bien. En incluant le quatrième nouveau morceau intitulé Tsumaran (つまらん) qui est également très bon, on se dit que l’ensemble de l’album est une collection de singles qui s’accordent très bien ensemble, alternant entre un penchant plus rock alternatif et un autre plus électro, mais avec toujours cette tendance pop qui ne laisse pas indifférent dès la première écoute. Acheter l’album au Tower Records de Shibuya était l’occasion de prendre au passage le numéro du magazine gratuit Bounce montrant justement a子 en couverture. Elle est une nouvelle fois affichée dans les rues de Shibuya et je n’ai pu m’empêcher de faire mon Otaku en prenant en photo cet affichage de rue géant. Les photographies prises pour l’album par la photographe Alien Wang sont vraiment très réussies. Un booklet supplémentaire était donné si on réservait l’album avant sa sortie. Je m’en suis malheureusement rendu compte trop tard, ce qui est bien dommage car il a été conçu par l’artiste haru.(HUG) qui a également créé le design du dernier album 12 hugs (like butterflies) d’Hitsuji Bungaku (羊文学) et dont j’avais été voir l’exposition Secret Garden (ひみつの庭) au mois de Juin. On dirait bien qu’un petit lien discret est tiré entre les univers d’Hitsuji Bungaku et d’a子, pour ma plus grande satisfaction.

8 commentaires

  1. Bonjour Frédéric,
    tes réflexions autour de l’architecture et de l’IA ainsi que de l’IA en général sont intéressantes.
    Je mets ici, pour nourrir ta réflexion, un lien vers une émission que j’ai écouté hier. Malheureusement je n’en ai entendu que les 10 dernières minutes mais comme elles étaient consacrées au travail du photographe Eric Tabuchi, ça me semble être pile ton sujet. Il y est question de son récent ouvrage « The Third Atlas » réalisé avec Midjourney nourri par les photographies de l’artiste. Par ailleurs, je découvre qu’Eric Tabuchi a également réalisé « The Atlas of Forms », un livre de photographies d’architecture (attention je précise que ces photographies ne sont pas les siennes, mais ont été patiemment collectées sur internet, comme le précise l’éditeur). Bonne écoute !

    Le lien de l’émission :
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-monde-nouveau/un-monde-nouveau-du-lundi-19-aout-2024-2808193

    Le lien vers The Third Atlas :
    https://www.poursuite-editions.org/produit/the-third-atlas/

    Le lien vers Atlas of Forms :
    https://www.erictabuchi.net/filter/Works/Atlas-of-Forms-book

  2. Salut Nicolas, Merci pour les liens. Le podcast est intéressant sans forcément réussir à me convaincre vraiment sur l’utilisation de l’IA dans la création artistique. Il y a plein de domaines utilitaires vers lequel l’IA va nous aider/continuer à nous aider, mais j’ai dû mal à concevoir que l’émotion et la réflexion que procure une ‘véritable’ oeuvre artistique puisse être produite par une IA, même s’il y a un être humain derrière qui tape des mots clés dans un prompt. Regarder les deux livres d’Eric Tabuchi est extrêmement intéressant. Les bâtiments réels de Atlas of Forms ont pour moi beaucoup plus de force d’évocation que ceux irréels de Third Atlas. En même temps, je suis sûr que s’il avait été dessiné de toute pièce aux crayons ou par dessin assisté par ordinateur, ma réaction serait très différente. Derrière une belle image, j’ai personnellement besoin de percevoir l’effort et le temps, et par dessus tout le style particulier d’un artiste. Mon véritable problème est certainement que l’IA a tendance a uniformiser les styles (car copiant et mélangeant ceux existants) et que j’ai toujours le sentiment que l’image sortant d’une IA est plus liée à un heureux hasard qu’à la volonté totale de l’artiste. Mais encore une fois, je pense que ma réflexion se limite à ce que je connais de l’IA pour avoir essayé un petit peu sur Midjourney par curiosité.

  3. Salut Frédéric,
    J’ai décidé de commander son ouvrage pour faire l’expérience de découvrir ses images produites par l’IA et découvrir mes sentiments face à ce travail hybride. Pour le moment c’est la curiosité qui l’emporte. Vais-je oublier qui est derrière la réalisation et m’émouvoir ? Ou vais-je la rejeter comme je le fais sur tout ce qui croise ma route sur internet ? Je te tiendrai informé !

  4. Salut Nicolas, oui, je serais très intéressé d’avoir ton verdict ! La clé est je pense qu’on puisse identifier la personnalité et la singularité de l’auteur derrière les créations basées sur IA. La mise en page dans un livre complet, plutôt que des sommes d’images distribuées par ci par là sur Internet, le permet peut être. Le format livre permet souvent d’apporter une cohérence à un ensemble. A suivre donc !

  5. Mon avis était attendu haha. Le voici.
    The Third Atlas est donc un ouvrage terriblement singulier. Aucune préface, aucun avertissement. Nous plongeons dès la première page dans son univers. Tu dois connaître l’expression « la vallée de l’étrange » que l’on utilise généralement pour qualifier une apparence humaine ou presque. Dans notre cas, les premières pages montrent une catastrophe et nous errons ensuite dans un décor assez pauvre. Une végétation de rase campagne, un bord de mer, un désert. L’horizon est souvent visible est témoigne de l’immensité de cet environnement peu fécond où l’humanité est très peu présente. Elle a laissé nombre de vestiges, ruines, bâtiments, inventions bizarres et intrigantes. Nous sommes au sens propre en pleine visite de cette vallée de l’étrange. Les images sont belles et la visite peut durer plusieurs heures si l’œil traque le moindre recoin à la recherche d’une clé qui permettrait de comprendre cet univers par moment familier (mais qu’à 95%, d’où la permanence d’un sentiment de gêne dont on ne se départit pas).
    J’ai l’intention de « tester » ce livre sur un lecteur qui ne serait pas au fait de la démarche artistique d’Eric Tabuchi. Ce lecteur parviendra t-il à détecter l’IA qui se cache derrière chacune des images (et non « photo », soyons prudents sur les termes) ? Je reviendrai sur ce poste avec une réponse…

  6. Re-salut, je comprends qu’il s’agit d’images liées les unes aux autres pour raconter en quelque sorte une histoire, plutôt qu’une série d’images indépendantes sans rapport les unes avec les autres. Ça rend le travail intéressant car on imagine facilement tout le travail de scénarisation en arrière-plan qui a permis de construire l’ouvrage dans sa totalité. Cette « présence humaine » qu’on ne trouve pas, à la compréhension, dans les images est bien présente dans le dispositif de création allant au delà de l’IA. Cela rend l’approche intéressante, du moins à partir des explications que tu me donnes. Je penses personnellement que l’IA me convient quand on arrive à comprendre que l’apport humain est plus important que celui de la machine, et qu’il ne se laisse pas dépasser par celui de la machine.

  7. Bonjour Frédéric,
    Il est vrai que les dix premières pages portent un récit, celui d’un cataclysme. Pour le reste – donc 95% de l’ouvrage – c’est beaucoup moins vrai. Cela ressemble à un livre d’inventaire avec des déclinaisons multiples (un peu de machines, beaucoup d’ouvrages d’art et de constructions). La démarche est intrigante et m’a fait acheter ce livre mais j’ai un petit gout de scepticisme car je n’arrive pas du tout à apprécier la part de l’humain dans la génération de ces images. Par exemple, quand je vois une série de dix images présentant des déclinaisons d’églises, est-ce 10 résultats obtenus avec une seule requête ou l’artiste s’est-il essayé à 10 reprises ? J’aime quand même pouvoir apprécier le temps, le labeur derrière un travail, ainsi que la technique, et si en plus j’entrevois la démarche, je suis comblé. Dans le cas présent, on peut deviner la démarche – même s’il ne fait aucun effort pour l’expliquer – mais pour ce qui est du temps et de la technique, je suis beaucoup moins sûr de comprendre ce que ça représente sur un tel ouvrage. Un artiste doit-il expliciter sa démarche ? Ou nous laisser dans le flou (ça participe particulièrement à l’aura mystérieuse de ce livre) ? Il n’y a pas de bonne réponse mais c’est une question que l’on ne peut s’empêcher de se poser et je sais que c’est une question que tu te poses pour tes propres créations.

  8. Salut Nicolas, oui, je vois bien ce que tu veux sur les dix versions d’un même thème. Utiliser 10 créations à partir d’une seule requête paraîtra paresseux, mais si il y a des intentions spécifiques et réfléchies sur chacune des dix versions, on voudrait les connaître pour comprendre la démarche. Je me pose en effet souvent la question d’expliquer ou pas des photos (dans mon cas). Pour moi, ne rien expliquer me fait penser que l’auteur n’a rien à dire sur son sujet plutôt que le fait q’il se retient volontairement à donner des explications. C’est simplement une impression car on ne pourra pas se mettre dans la tête de l’auteur. J’ai quand même l’impression que l’intention de l’auteur est justement de créer ce genre d’interrogations, car il n’est pas spécialisé dans l’IA. J’imagine qu’il va passer à autre chose pour son prochain ouvrage. Mais je peux très bien comprendre d’après tes explications que le doute persiste et c’est donc gênant. Je me résous toujours à penser qu’il faut mieux donner des explications pour orienter un peu le visiteur et pour l’intéresser à la démarche. Rien n’empêchera le visiteur de voir autre chose que l’auteur, voire d’aller au delà de ce que voit l’auteur (c’est ce qui est intéressant).

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