un automne à Nagano (5)

Après une section d’autoroute nous faisant remonter jusqu’à la ville de Nagano, nous reprenons ensuite les petites routes de montagne jusqu’aux hauteurs de Togakushi. Nous arrivons en début d’après-midi devant la longue allée naturelle menant vers la partie profonde du sanctuaire de Togakushi, le Okusha (戸隠神社奥社). Nous sommes déjà venus jusqu’au sanctuaire de Togakushi il y a deux ans au tout début du mois d’Avril 2022, mais la neige nous avait empêché de marcher jusqu’au sanctuaire Okusha. Le sanctuaire est fermé en hiver et nous n’avions de toute façon pas amener de chaussures adaptées pour marcher longtemps sur un terrain enneigé. On s’était contenté de visiter le sanctuaire central appelé Chūsha (中社) qui est plus facilement accessible même en hiver. Le fait de ne pas pouvoir y aller nous avait donné le sentiment d’une mission à moitié accomplie et on s’était dit qu’on y reviendrait un jour ou l’autre pour remplir ce manque. L’approche du sanctuaire Okusha fait environ 2kms de long et prend plus d’une demi-heure à pieds. On ne peut d’ailleurs s’y rendre qu’à pieds. Une première porte torii annonce le point de départ du chemin naturel complètement entouré d’arbres. Ce chemin est aménagé, couvert de fins graviers et bordé par deux petits ruisseaux de chaque côté. La forêt alentours n’est pas particulièrement dense à cet endroit mais les herbes y sont hautes. Il n’y a heureusement pas beaucoup de monde à parcourir cette route en même temps que nous et la plupart des personnes que l’on voit redescendent du sanctuaire. A mi-chemin, nous arrivons à la porte rouge Zuishinmon (随神門) qui démarque le début de la longue allée de grands cèdres centenaires. La chaume de la toiture de la porte est couverte de plantes vertes qui ont poussé au fur et à mesure des années. J’avais déjà vu ce genre de phénomène naturel sur d’autres anciens sanctuaires enfouis dans la nature, mais pas à ce point là. On aurait presque l’impression que ces plantes ont été rajoutées, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Cette porte rouge est tout à fait unique et annonce superbement la majestueuse allée naturelle de cèdres qui nous attend. Ces immenses cèdres ont 400 ans. Ils sont proches les uns des autres ce qui délimite clairement le chemin à suivre et forme une sorte de rempart sacré de la route divine menant au sanctuaire Okusha. Nous marchons en nous imprégnant des lieux.

the streets #14

Quelques photographies prises dans le désordre à différents endroits de Tokyo mais notamment à Shibuya, Waseda, Naka-Meguro et Ebisu. Le grand panneau publicitaire de la première photographie se trouve à côté du grand magasin PARCO sur la rue en pente Kōen Dōri dans le centre de Shibuya. En regardant après coup cette première photographie sur l’ordinateur, je me suis dis que je l’avais prise légèrement de travers. Ce petit défaut m’arrive régulièrement et je me sens le besoin de rectifier l’angle de prise de vue, même si ce n’est parfois pas toujours nécessaire et au point de ne plus savoir vraiment qu’elle doit être la vue correcte. C’est le cas pour cette première photographie car j’avais fixé mon cadre en prenant la rue en pente devant moi comme ligne de référence horizontale. Le panneau publicitaire géant apparaissait en conséquence avec un angle qui ne me semblait pas naturel, et au final aucune des versions de cette photographie ne me convient vraiment. Dans un degré bien différent, une série de photographies vue sur Instagram rend bien cet effet de désorientation sur une rue résidentielle en pente. Sur la deuxième photographie, nous revenons vers le Meguro Sky Garden, un long jardin circulaire placé au dessus du grand échangeur autoroutier d’Ikejiri-Ohashi. Je l’ai déjà pris en photo plusieurs fois mais je n’y étais pas revenu depuis longtemps, car je trouvais qu’il avait un peu perdu de sa tranquillité la dernière fois où j’y étais allé. En fin d’après-midi, il n’y avait presque personne à part deux ou trois promeneurs de chiens qui promenaient en toute logique leurs chiens. Je n’avais pris la pieuvre rouge du petit parc Tako (タコ公園) à Ebisu depuis longtemps. Cette pieuvre n’est pas celle originellement construite pour le parc, elle a été renouvelée il y a plusieurs années et à perdu au passage un peu de son intérêt. En tout cas, l’ancienne et la nouvelle pieuvre d’Ebisu ne sont pas aussi sophistiquées que celle que l’on peut voir dans une vidéo du groupe PEDRO dont je parle brièvement ci-dessous. Celle de la vidéo se trouve au bord le la piscine géante du parc prefectural de Futtsu à Chiba (千葉県立富津公園). Ça devrait certainement être une bonne idée d’aller la voir un jour ou l’autre, même en hiver.

Extraits des vidéos des morceaux Crawl (クロール) du groupe Hakubi et Tokimeki (ときめき) de a子.

Continuons donc en musique avec un excellent morceau rock intitulé Crawl (クロール) par le groupe Hakubi. Le groupe originaire de Kyoto est un duo composé de Katagiri (片桐) au chant et à la guitare et d’Aru Yasukawa (ヤスカワ アル) à la basse. Ce morceau a une excellente dynamique qui est parfaitement retranscrite dans la vidéo qui bouge sans arrêt. La voix puissante de Katagiri est vraiment convaincante, tout comme les riffs de guitare agressifs qui sont très présents dès les premiers accords. J’aime particulièrement le moment au milieu du morceau où le ton de la guitare change soudainement et se fait plus sombre tandis que la voix devient plus rapide. Cette maitrise fait vraiment plaisir à écouter. Je suis toujours très attentivement la carrière d’a子 qui vient de sortir un nouveau single intitulé Tokimeki (ときめき, heart race) le 13 Novembre 2024. Je ne suis jamais déçu par les nouvelles sorties musicales de a子. Même si ce nouveau morceau commence un peu doucement, on est très vite accroché par le refrain pop. a子 a un sens de la composition qui fait mouche à chaque fois, avec toujours ces petits décalages bienvenus, comme par exemple le découpage d’un gâteau de mariage à la tronçonneuse (qui est déconseillé) que l’on peut voir dans la vidéo. On ne retrouvera bien sûr pas de sons coupés à la tronçonneuse sur ce nouveau single car tout est parfaitement arrangé, mais il reste tout de même que son approche de la pop est atypique et je pense que sa voix est le principal facteur qui la différencie de tous/toutes les autres. Il y a quelques mois, j’avais été agréablement surpris de la voir apparaître au classement des 30 under 30 du magazine Forbes Japan, classement qui entend mettre en avant 30 personnes de moins de 30 ans qui changent le monde (「世界を変える30歳未満」30人). Je ne sais pas si ce genre de classement a beaucoup de sens car c’est tout à fait subjectif, même si a子 s’est fait un peu connaître à l’étranger par le festival SXSW aux US. C’est en tout cas une belle reconnaissance.

Extrait de la vidéo du morceau New World de Jazztronik feat. ELAIZA.

Je suis également très attentif ces derniers temps aux nouveaux morceaux d’Elaiza Ikeda (池田エライザ). J’écoute beaucoup le morceau New World qui est en fait d’un groupe nommé Jazztronik avec Elaiza au chant. Comme son nom le suggère très fortement, Jazztronik est orienté jazz. Le groupe est basé à Tokyo et se compose en fait d’un seul membre permanent, Ryota Nozaki (野崎良太) qui est pianiste, DJ et producteur. J’imagine qu’il s’entoure d’autres musiciens en fonction des besoins. Jazztronik existe depuis 1998 et a seulement sorti quelques albums et EPs. C’est un morceau très beau, très fluide, dès les premières notes de piano, qui me fait dire qu’Elaiza a cette capacité d’évoluer vers différents styles musicaux. On aimerait que Sheena Ringo lui écrive un morceau à l’avenir. Elaiza a déjà fait des appels du pied en ce sens dans le passé. Toujours dans les ambiances jazz, j’aime aussi beaucoup le nouveau morceau de Punipuni Denki (ぷにぷに電機) intitulé Chipped avec un featuring de Paul Grant, qui est musicien multi-instrumentiste et producteur californien dont les productions prennent inspiration dans le jazz, le R&B et le Hip-hop. Cette collaboration japano-américaine est intéressante et quelque chose me dit que ce type de collaboration internationale va se développer petit à petit. Le morceau est très paisible, voire reposant, comme un dimanche après-midi ensoleillé passé les pieds nus dans un parc de Tokyo ou de Californie.

Extraits des vidéos des morceaux I cannot Rain de &Tilly x Color Theory et Summer (夏) de PEDRO.

Pour changer un peu d’horizon, je découvre le très beau morceau I cannot Rain du groupe originaire de Prague &Tilly, accompagné par les synthétiseurs de Color Theory, aka Brian Hazard. J’aime beaucoup les sons rétro des synthétiseurs et le duo de voix doux et vaporeux de &Tilly. Ces sons rétro me ramènent vers une musique électronique que j’écoutais au tout début des années 2000 et que j’avais un peu oublié, Dirty Dancing de Swayzak (2002) et Alien Radio de Slam (2001). Pour revenir finalement au Japon et à la photographie de pieuvre échouée dans un jardin public, j’écoute quelques morceaux rock plus ou moins récents du groupe PEDRO mené par Ayuni D (アユニ・D) avec Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) à la guitare. Du dernier album Iji to Hikari (意地と光) sorti le 6 Novembre 2024, j’écoute beaucoup les singles Lovely Baby (ラブリーベイビー) et Aise (愛せ). Le morceau Summer (夏), qui n’est soudainement plus de saison malgré un très long été cette année, n’est pas inclus sur un album mais sur un CD accompagnant la première édition du LIVE Blu-ray/DVD Life and Memories » (生活と記憶) de PEDRO sorti pendant l’été 2021. La vidéo avec la pieuvre tentaculaire a été tournée par Masaki Okita (大喜多正毅) qui avait déjà réalisé la vidéo du morceau Orchestra de BISH, un des morceaux emblématiques des débuts du groupe sur l’album KILLER BISH sorti en 2016.

un automne à Nagano (4)

Le matin à notre réveil, une neige fine tombait sur les montagnes de Tateshina (蓼科) mais les températures n’étaient pas assez froides pour que celle-ci se conserve sur le sol. La première étape de notre programme de cette deuxième journée à Nagano est la visite de l’étang Mishaka (御射鹿池) situé à une altitude de 1500 mètres. Cet étang pittoresque a une surface d’eau qui agit comme un miroir venant refléter le paysage de chaque saison. Il est devenu célèbre à travers une œuvre intitulée Échos verts (緑響く) du peintre de Kaii Higashiyama (東山魁夷). La forêt de mélèzes aux alentours vient se refléter sur la surface de l’eau lorsque celle-ci est calme, passant du vert profond en été aux couleurs jaunes en automne. En hiver, les arbres et l’étang se couvrent de neige. On dit que l’ambiance des lieux change en fonction de l’heure de la journée. Malgré de nombreuses tentatives, je n’ai pas vraiment réussi à bien saisir les reflets des arbres sur l’étang. La lumière matinale était un peu trop forte. On s’attendait également à voir des couleurs plus profondes, mais on s’est peut-être laissé un peu trop influencer par la peinture de Kaii Higashiyama. L’étang se trouve au bord d’une route et on ne peut pas s’approcher du bord, ce qui est dommage mais permet en même temps de préserver les lieux. Cet étang n’est en réalité pas naturel car il s’agissait d’un réservoir agricole construit au début de l’ère Showa pour conserver de l’eau froide du mont Yatsugatake (八ヶ岳) pour la culture du riz. On s’en doute un peu car un des rebords de l’étang a une bordure très uniforme. Cela n’enlève pourtant rien à la beauté du lieu.

L’étape suivante de notre petit périple est d’emprunter une portion de la longue route touristique Venus Line (ビーナスライン) pour admirer le paysage de montagne et les couleurs d’automne. La route Venus Line s’entend sur 76 kms de la ville de Chino par laquelle nous sommes arrivés jusqu’au plateau Utsukushigahara Kōgen (美ヶ原高原) dans la ville d’Ueda, toujours dans la préfecture de Nagano. Notre destination suivante étant les sanctuaires de Togakushi (戸隠), nous ne parcourons pas la Venus Line dans sa totalité mais bifurquons un peu avant le lac de Shirakaba (白樺湖). En chemin, on s’arrête bien entendu à un des points de vue pour admirer le paysage, que je montre sur les troisième et quatrième photographies de ce billet. Nous quittons la Venus Line sans vraiment nous en rendre compte au niveau du lac Megami (女神湖). La route préfectorale 40 (県道40号) que nous suivons ensuite est également remarquable. En chemin, nous observons un phénomène que je n’avais jamais vu jusqu’à présent, les premières neiges couvrant les feuillages jaunes et rouges d’automne. Le mélange des couleurs est vraiment beau et étonnant, mais il est difficile de s’arrêter à cet endroit pour prendre des photos. Nous nous arrêtons un peu plus loin au bord du parc Asahi no oka (朝日の丘公園) pour observer un autre paysage étonnant, que je montre par contre sur les deux dernières photographies du billet. Le contraste entre la neige tombée sur un flanc de montagne et le vert préservé du parc est magnifique, surtout quand les nuages au loin viennent ajouter un peu de mystère à l’ensemble. Nous regardons tout cela tranquillement en dégustant une petite glace, avant de redescendre des montagnes en direction de Tomi. De là, une portion d’autoroute nous amène vers la ville de Nagano, pour ensuite remonter en altitude vers Togakushi où nous passons le reste de la journée.

un automne à Nagano (3)

Après notre visite des maisons de thé en l’air de Terunobu Fujinori, nous allons déjeuner au restaurant Clasuwa au bord du grand lac Suwa (諏訪湖). Ce restaurant qui semble récent nous donne une très belle vue sur le lac, qui a été une des inspirations du film d’animation Your Name (君の名は) de Makoto Shinkai (新津誠). Depuis le toit du restaurant, on aperçoit les premières feuilles rouges, malheureusement un peu gênées par les fils électriques qu’on aurait préféré voir enterrés à cet endroit. Nous continuons ensuite vers le grand sanctuaire Suwa Taisha (諏訪大社) que l’on dit être un des plus anciens sanctuaires du Japon, car il était déjà mentionné dans les textes anciens du Kojiki (古事記), datant de l’an 712, narrant les histoires, traditions et légendes du Japon. Suwa Taisha est en fait un groupe de sanctuaires. Le Kamisha Honmiya (上社本宮) se trouve au sud du lac Suwa, tandis que le Shimosha Akimiya (下社秋宮), que nous visitons et que je montre en photo ci-dessus, se trouve au Nord Est. Tout comme Izumo Taisha (出雲大社) dans la préfecture de Shimane, Kashima Jingū (鹿島神宮) dans la préfecture d’Ibaraki et Katori Jingū (香取神宮) dans la préfecture de Chiba, Suwa Taisha est désigné comme sanctuaire impérial Kanpei Taisha (官幣大社), parmi 67 autres dans une liste désormais défunte. En haut de cette liste, on trouve le grand sanctuaire Ise Jingū (伊勢神宮). Nous ne sommes pas encore allés à Izumo, même si c’est un endroit que je souhaite visiter depuis longtemps, mais je vois quelques similitudes entre Izumo Taisha et le grand sanctuaire de Suwa, notamment son épaisse corde sacrée Shime-nawa (注連縄) qui orne un des bâtiments. Après cette visite, nous remontons vers les montagnes de Tateshina, vers notre hôtel pour y passer la nuit. La nuit tombe vite dans les montagnes, tout comme les températures.

memory leak

Juste à côté de Sekiguchi Bashoan (関口芭蕉庵), l’ancienne maison du poète haïku Matsuo Bashō (松尾芭蕉) que je montrais dans un billet récent, se trouvent les jardins d’Higo Hosokawa (肥後細川庭園). Ces lieux étaient la résidence secondaire du clan Hosokawa, seigneurs du domaine de Kumamoto pendant la période Edo, ensuite devenus la résidence principale de la famille Hosokawa. Ces jardins ouverts au public prenaient auparavant le nom de Parc Shin-Edogawa (新江戸川区公園) mais ils ont été renommés en 2017 suite à d’importants travaux de rénovation. Les jardins sont particulièrement agréables, notamment par le dénivelé qui donne une belle vue d’ensemble du domaine. On peut accéder par l’arrière des jardins à un musée appelé Eisei Bunko (永青文庫) qui regroupe des œuvres d’art de la famille Hosokawa. La porte de pierre ronde permettant le passage des jardins vers le musée est étonnante, comme si elle nous permettait de remonter dans le temps et dans les mémoires.

Les esprits les plus attentifs se souviendront peut-être de mon évocation passionnée de la musique de l’artiste Tomo Akikawabaya sur une compilation sortie en 2016 intitulée The Invitation of the Dead qui regroupait des EPs de l’artiste sortis dans les années 1980. J’avais été complètement fasciné par cette musique obscure et étrange. Lorsque l’artiste annonça la sortie d’un deuxième album intitulé The Castle II regroupant d’autres de ses créations datant de ces mêmes années 1980, je n’avais pu m’empêcher de mentionner mon enthousiasme sur un des billets de son compte Instagram. Cet album The Castle II a une ambiance tellement unique qu’il en est inclassable. L’artiste, de son vrai nom Tomoyasu Hayakawa, m’avait contacté peu de temps après en message privé pour me faire part qu’il avait parcouru Made in Tokyo et apprécié les photographies et les textes que j’avais écrit au sujet de sa musique. Une conversation, certes discontinue, s’est instauré entre nous car il a des liens avec d’autres artistes que j’apprécie, du label Flau notamment. Il me recommande récemment la musique de Caterina Barbieri, artiste électronique italienne basée à Berlin, qui doit d’ailleurs passer prochainement à Tokyo pour une performance organisée par Mutek Japan. J’apprends également qu’elle sera la future directrice artistique musicale de la Biennale de Venise pour les deux années 2025-2026. Tout ceci m’intéresse beaucoup et je me plonge dans l’album Ecstatic Computation que Caterina Barbieri a réédité en 2023 sur son label Light Years. L’album est disponible sur Bandcamp tout comme son suivant intitulé Myuthafoo que je découvre juste après. J’ai été tout de suite très impressionné par l’atmosphère profonde et hypnotique qu’elle crée. J’y ressens une sorte d’instabilité qu’elle arrive à contrôler et, en même temps, à laisser aller comme si la machine avait également son mot à dire dans ses compositions. J’y ressens une harmonie subtile et éphémère qui apparaît pendant les morceaux qui se finissent parfois en crash. Cette musique est dense et complexe mais démarre souvent sur des motifs simples qui se mélangent ensuite pour créer des méandres dans notre cerveau. Cette musique a une très grande force d’évocation notamment le morceau Myuthafoo de l’album du même nom, qui a une profondeur qui me laisse sans voix. Le morceau Fantas long de plus de 10 mins démarrant l’album Ecstatic Computation est également assez fantastique dans sa composition. C’est le genre de morceau qu’on écoute sans bouger, comme si on était paralysé par cette atmosphère musicale et l’émotion forte qui s’en dégage. Le pouvoir d’évocation de cette musique est même parfois tellement puissante qu’elle pousse vers une introspection vers laquelle on ne souhaite pas toujours allé. Ce n’est clairement pas une musique inoffensive.

Je continue mes expériences d’utilisation de ChatGpt en le questionnant cette fois-ci sur moi-même. Si les versions précédentes de l’outil ne reconnaissait heureusement pas mon nom, celle actuelle semble avoir beaucoup d’informations à mon sujet, qui sont, il faut bien le dire, en grande partie fausses. Ça démarre pourtant à peu près bien car l’outil arrive à mettre un lien entre mon nom et le blog Made in Tokyo et parvient à en comprendre les thèmes principaux. Ma présence internet est presque entièrement sur ce blog, donc le fait qu’il l’évoque n’est pas du tout étonnant. Mais ChatGpt s’emballe en mentionnant de nombreuses activités qui me sont complètement étrangères, comme la tenue de conférences et d’ateliers, l’écriture de livres et d’articles dans des magazines. Ce qui est vraiment fascinant est que l’outil donne des informations qui semblent très précises avec des noms de lieux, d’editions, de magazines connus avec des dates. Cette fois-ci, je ne l’ai pas poussé dans ses contradictions car la tâche paraissait trop grande, mais cet outil me paraît en fait dangereux.

Après avoir lu toutes ces « informations » énoncées avec un certain aplomb, on en viendrait presque à douter de soi-même, comme si cette version de ma vie était celle que j’aurais dû avoir. C’est comme si l’outil déduisait automatiquement que la masse d’information que j’écris sur Tokyo et son architecture voulait forcément dire que je l’ai exposé dans des conférences et des ateliers, et non « gratuitement » dans un blog. On pourrait presque se convaincre d’avoir fait toutes ces choses, et d’avoir en quelque sorte perdu la memoire. Je me demande quels sont les gardes-fous pour ce genre de choses. J’ai essayé des questions similaires sur Gemini, l’outil AI de Google, et il est heureusement beaucoup plus mesuré dans ses réponses en rappelant régulièrement qu’une recherche directe sur internet permet d’avoir des informations plus précises. Parmi les réponses de ChatGpt, j’ai cherché à savoir si les livres mentionnés existaient bien aux éditions données, en pensant que mon nom y avait été associé par erreur, mais je n’en ai trouvé aucune trace. ChatGpt invente donc toutes ces fausses informations. Je n’ai pas essayé Grok, l’outil AI de la plateforme X, car je n’y ai pas accès. Je ne publie de toute façon plus beaucoup sur X Twitter. Il y a quelques jours, mon article sur le building Arimaston avait reçu beaucoup de visites depuis Twitter, car une ou deux personnes avaient posté un lien vers mon article dans les réponses à un Tweet au sujet de cette maison publié par un autre français à Tokyo. En lisant les réponses souvent violentes au Tweet en question, on peut se demander si le monde n’est pas devenu fou (plusieurs personnes clament qu’il faut tout simplement raser cette maison). La leçon de l’histoire est qu’il ne faut jamais lire les réponses aux Tweets sous peine d’entrer dans un tourbillon de violence verbale qu’on ne préférait pas voir. Je me dis que ce blog est un petit havre de paix et j’espère qu’il le restera ainsi.