midnight lifeline

J’avoue prendre un certain plaisir à brouiller mes propres photographies comme si ça contribuait à brouiller les pistes. Les pistes me semblent cependant déjà assez brouillées pour ne pas en rajouter, mais continuons encore un peu avant de revenir vers des séries photographiques plus posées. Ça commençait pourtant assez bien avec une première photographie de nuit prise dans une petite rue qui serpente du quartier de Sakuragaokachō (桜丘町), mais la caméra dérape et m’échappe des mains plusieurs fois rendant les images résultantes floues. J’ai l’impression que mon appareil photo se rebelle contre ma propre volonté quand il souhaite montrer une vision que je n’avais pas initialement. Alors, je lui laisse la voie libre, je le laisse prendre les commandes en lui donnant le défi de capturer des lumières interessantes. Le résultat peut être imprévisible et mérite ensuite des sessions curatives. Difficile parfois de savoir précisément ce qu’il a souhaité me montrer ou plutôt me signifier, mais force est de constater que je dois parfois lui faire confiance pour éviter de me laisser emprisonner dans le cadre rigide d’une photographie classique. Parmi les quelques photographies, certains auront peut-être reconnu le monstre robotisé du Aoyama Technical College par l’architecte Makoto Sei Watanabe. Je pourrais même aller jusqu’à penser qu’il s’agit de la meilleure photographie que j’ai pu prendre de l’édifice, mais je me raviserais rapidement avant même d’avoir terminé ma phrase. Et il y a également une voiture noire vintage dont je ne reconnais pas le modèle mais qui porte le numéro 417 et qui avait directement inspiré la session photographique imaginaire du billet « dans une réalité parallèle proche du chaos« .

De haut en bas, des extraits des vidéos des morceaux Faint Light de duo REIRIE, Love&Pop (ラブ&ポップ) du groupe Haze (ヘイズ), Mero Mero Cancel ♡x♡ Kaiwai (めろめろキャンセル♡x♡界隈) du duo Akuma no Kiss (悪魔のキッス), Silly Garden de REIRIE et Anti Piracy Screen du collectif mené par Cafune avec Sasuke Haraguchi (原口沙輔), 嚩ᴴᴬᴷᵁ, e5 et utumiyqcom.

Dans ma playlist, il y a quelques morceaux que j’écoute de manière quasi systématique et ceux qui suivent en font partie. Je découvre d’abord l’excellent single Faint Light du duo REIRIE. Le groupe se compose de Rei Kuromiya (黒宮れい), originaire de Saitama, et de Rie Kaneko (金子理江), originaire de Tokyo, toutes les deux ex-idoles d’un groupe nommé Ladybaby qui se catégorise dans le style kawaii metal. Elles faisaient partie des premières formations de ce groupe qui en est actuellement à sa 4ème formation. La première formation en trio de Ladybaby avait la particularité d’avoir comme troisième membre un australien cascadeur, catcheur et chanteur nommé Richard Magarey. Il se faisait appeler Ladybeard (レディビアード) et chantait en robe de Lolita à froufrous mais avec une barbe bien taillée. On ne pouvait pas ne pas remarquer cet étrange et atypique trio, mais je n’ai jamais eu envie d’écouter ce que ça donnait. Je découvre en fait ce morceau Faint Light sans avoir toutes ses informations préalables, qui auraient pu influencer dans le mauvais sens mes premières impressions. Cela aurait été dommage vu la qualité de ce single mélangeant les genres avec des premiers accords rock se transformant rapidement vers une pop électronique avec des petits brins de kawaiisme. Elles chantent principalement en japonais mais avec quelques inclusions de mots anglais prononcés avec un accent tellement prononcé qu’il devient un des points d’interêt du morceau. Ce single est vraiment très réussi. Je retrouve ensuite le groupe Haze (ヘイズ) mené par Katy Kashii (香椎かてぃ) avec un single intitulé Love&Pop (ラブ&ポップ). Il ne me semble pas avoir précédemment remarqué que Katy avait ce petit quelque chose d’AiNA The End dans sa voix, qui décroche légèrement en fin de phrases comme si sa voix arrivait à un palier de saturation. Le morceau déborde d’énergie avec toujours cette rugosité dans l’exécution. Cela rend ce rock à l’énergie pop très authentique, ce qui n’est pas forcément acquis d’avance connaissant la proximité de Katy Kashii avec le monde des idoles, quoique alternatives. Katy faisait en effet précédemment partie du groupe d’idoles alternatives ZOC fondé par Seiko Ōmori (大森靖子), tout comme Kanano Senritsu (戦慄かなの). Je ne connais pas la raison de leur départ de ZOC mais je peux assez facilement imaginer qu’elles étaient toutes les deux très difficiles à gérer, connaissant d’autant plus le tempérament parfois éruptif de Seiko Ōmori. Après leur départ de ZOC, Katy Kashii et Kanano Senritsu ont créé un duo nommé Akuma no Kiss (悪魔のキッス), dont je découvre soudainement un single qui me plaît énormément, bien que très éloigné de mes écoutes habituelles. Ce morceau s’intitule Mero Mero Cancel ♡x♡ Kaiwai (めろめろキャンセル♡x♡界隈) et il a également une énergie assez folle. Katy et Kanano n’ont apparemment pas quitté ZOC en mauvais terme car le morceau a été composé et ecrit par Seiko Oomori. On y reconnaît le kawaiisme décalé, carrément foutraque comme le montre très bien la vidéo. J’aime beaucoup la manière dont leurs voix aux tons très différents s’additionnent sur la grande majorité du morceau, Kanano avec une voix aiguë et Katy avec une voix plus grave et rugueuse. L’excentricité générale du morceau fait qu’on aurait très bien imaginer Seiko Ōmori le chanter. Akuma no Kiss a sorti en tout neuf singles et celui-ci, sorti le 30 Octobre 2024, est le dernier en date. Je n’ai malheureusement pas trouvé de points d’accroche sur leurs autres morceaux du duo. Revenons encore un peu vers l’autre duo REIRIE dont je parlais un peu plus haut, car parmi les neuf singles qu’elles ont sorti, j’aime aussi vraiment beaucoup celui intitulé Silly Garden. Le style est assez difficile à définir mais se base sur une pop électronique avec un beat excessif et certaines distorsions de voix qui rendent l’ensemble assez disruptif. Il y a toujours ce kawaiisme sous-jacent mais qui est volontairement mis à mal par un rythme très agressif. J’aime vraiment beaucoup ce type de distorsion des genres qui rend ce single très intéressant et novateur. Je pense que tous les morceaux de cette petite playlist ont cette composante disruptive.

Pour ceux qui me suivent toujours jusqu’ici, continuons encore dans la demesure électronique avec un morceau intitulé Anti Piracy Screen, produit par Sasuke Haraguchi (原口沙輔), en collaboration avec trois artistes 嚩ᴴᴬᴷᵁ, e5 et utumiyqcom, le tout sur une compilation hyper pop intitulée NOVA par un curateur virtuel nommé Cafune. Tout ceci peut paraître très compliqué mais ce morceau attire d’abord mon attention car je suis 嚩ᴴᴬᴷᵁ depuis que j’ai découvert son single 489 sur son premier EP Imaginary Friend, dont je parlais dans un billet précédent. Le morceau Anti Piracy Screen part dans plusieurs directions et peut être très facilement désorientant, mais ça n’enlève rien à l’imaginativité débordante qu’on trouve dans les sons se percutant mais laissant tout de même place à des voix qui s’adoucissent par moment, souvent par intervention de l’autotune. Le morceau maintient sa complexité tout le long de ses trois minutes et demi mais la logique se révèle après quelques écoutes. L’abrasivité sonore se ressent moins sur le single Traveling Night de 嚩ᴴᴬᴷᵁ que j’écoute ensuite, qui a une approche angélique cachant des petits démons. Ce single est plus proche des morceaux du EP Imaginary Friend que j’écoute maintenant dans son intégralité et dont je parlerais certainement un peu plus tard. Et quand on parle de déstructuration sonore hyper pop, j’ai toujours envie de revenir écouter 4s4ki qui vient justement de sortir un nouvel EP intitulé Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛) le 4 Décembre 2024. De cet EP, j’écoute le premier morceau Hymn to the Ego (自我讃歌), qui ne dépareillera pas dans la discographie de 4s4ki, mais c’est également ce genre de morceaux que je viens rechercher dans sa musique. Son empreinte musicale est très forte et je trouve qu’elle fait toujours partie des forces d’avant-garde des artistes électroniques japonais.

9 commentaires

  1. « J’ai l’impression que mon appareil photo se rebelle contre ma propre volonté quand il souhaite montrer une vision que je n’avais pas initialement. » J’aime beaucoup la quatrième photo de ton billet. Je pense (depuis longtemps) que c’est ta signature, ces photos d’un Tokyo que nous avons tous en tête quand la ville prend possession de nous.

  2. Ce monstre robotisé me dit quelque chose…mais il avait l’air plus apaisé en plein jour. Alors est-ce vraiment le même ? Peut être sa vie nocturne est-elle faite de meca-aventures tandis qu’il passe sa vie diurne principalement à se reposer.

  3. Salut Nicolas, ah tu as eu plus d’imagination que moi sur ce coup là. J’adhère complètement à cette théorie de la promenade nocturne des Mecca-buildings pendant que tout le monde dort paisiblement. En l’occurrence, malgré ce que suggère le titre, les photographies n’ont pas été prises à minuit mais un peu plus tôt dans la soirée. Si j’étais passé un peu plus tard dans la nuit, je l’aurais peut-être aperçu sauter de toits en toits, mais sans faire trop de bruit, ça va de soi. Le titre du billet est ce qui m’est immédiatement venu en tête lorsque j’ai créé le premier brouillon avec les photos seules. Je change en général systématiquement le titre en fonction de la musique que j’écoute en même temps que j’écris. La grande majorité de mes titres sont inspirés de paroles mais parfois modifiées. C’est assez rare que je laisse le titre tel quel.

  4. Salut Frédéric,
    C’est probablement une influence latente d’un épisode de blockbuster consacré à la licence Transformers qui m’a mis sur la piste des Mecca-buildings. D’ailleurs voilà un objet de recherche intéressant, ces Mecca-building. Si tu croises leur route, sois très discret. Par méprise, ils pourraient te prendre pour un policier-architecte lancé à leur recherche et qui sait de quoi ils sont capables !
    Pour en revenir au titre, il est très bien trouvé. Même si je ne suis pas sûr de sa traduction, ça sonne bien !

  5. Salut Nicolas, cette idée de Mecca-buildings me parle beaucoup car j’avais fait pendant plusieurs années des compositions basées sur des éléments de buildings reconstruits pour former une nouvelle forme architecturale futuriste voguant au dessus de Tokyo (cette même idée que l’architecture est toujours prête à s’échapper quand on a le dos tourné). Je les appelais Megastruktur et j’avais réuni les principales sur une page du blog.

    Pour le titre, il est en effet pleinement basé sur la sonorité et je ne pense pas que ça ait un sens évident en anglais. Il est pas rare de voir en japonais des mots anglais détournés de leur sens initial pour créer un nouveau sens. J’aime assez cette idée et ça me donne même une excuse pour faire ce genre d’association disfonctionelle.

  6. Bonjour Frédéric,
    Merci pour le lien des Megastrukturs. C’est très réussi et de bons supports pour laisser vagabonder l’imagination. C’est même un curieux mélange avec la musique d’Ichiko Aoba (Luciférine) que j’écoute suite à ta recommandation. J’avais déjà expérimenté le mélange Blame!X Radiohead qui me parle beaucoup. L’association du jour Ichiko Aoba X Megastrukturs est pas mal non plus !

  7. Salut Nicolas, le rapprochement entre les Megastrukturs volantes et Ichiko Aoba est assez audacieux mais on retrouve en effet ce côté aérien, qu’elle évoque sur la photo de couverture d’un des deux morceaux. En même temps, elle n’est pas tout à fait étrangère des ambiances futuristes car elle avait composé avec le musicien Cornelius un thème musical pour ARISE de la série Ghost in The Shell: 外は戦場だよ qui est un excellent morceau d’ailleurs. C’était assez inattendu.

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