Visions d’un Tokyo vertical

Au début des années 1960, le courant Métaboliste (Kisho Kurokawa, Kiyonori Kikutake, Arata Isozaki et Kenzo Tange) apportait une vision de la ville du futur à travers des superstructures flexibles conçues pour une croissance organique, en réponse à la densité problématique de Tokyo et à sa croissance démographique importante. 30 ans plus tard, au début des années 90, les 5 corporations japonaises majeures de construction présentent à leur tour une vision de gigantisme. Shimizu Corporation, Takenaka Corporation, Kajima Corporation, Taisei Corporation et Obayashi Corporation proposent des complexes urbains verticaux utopiques pour répondre à une problématique identique à celle des métabolistes. Outre le gigantisme des popositions urbaines, un point commun avec les visions métabolistes est l’utilisation des surfaces marines: étendre la ville avec des superstructures posées sur la baie de Tokyo comme avaient pu l’imaginer Kenzo Tange et Kisho Kurokawa.

X-Seed 4000 est un projet étonnant de Taisei Corporation. Sur les représentations ci-dessus, on reconnait tout de suite le Mont Fuji comme modèle suivi pour ce complexe gigantesque. X-Seed en reprend la forme et la hauteur de 4000m environ pour 800 étages. La montagne urbaine a une base de 6 kms, posées sur les eaux de la baie de Tokyo et peut contenir de 500,000 à 1 million de personnes. Les parois externes du complexe supportent des panneaux solaires maintenant le niveau interne de température. En fonction du niveau d’élévation, l’intérieur protége les habitants des variations de pression de l’air. Ce projet date de 1995, et restera très certainement à l’état de vision utopique. Une estimation du coût pour réaliser une telle structure se situe entre 300 et 900 millards de dollars US. On verra ce projet plutôt comme un faire valoir des capacités innovatrices de Taisei Corp., comme pour beaucoup des autres projets ci-dessous.

Le TRY 2004 Mega-City Pyramid, la proposition visionaire de Shimizu Corporation, possède un certain nombre de points communs avec le projet X-Seed 4000, une taille démesurée avec une hauteur culminant à 2004m, un emplacement prévu au dessus des eaux de la baie de Tokyo. Tout comme le X-Seed, TRY 2004 reprend les concepts d’Arcologie. Arcologie est la contraction de Achitecture et Ecologie, et regroupe des concepts architecturaux décrits par l’architecte Paolo Soleri. Ces concepts présentent l’idée d’hyperstructures habitables avec une densité humaine extrême, auto-suffisantes contenant des zones résidentielles et commerciales permettant l’autarcie. Les rayons solaires et autres éléments naturels sont utilisés comme source d’énergie. L’Arcologie se présente comme une solution aux problèmes de surpopulation et de dégadation environnementale, en compactant les villes tout en verticalité sur un espace minime, en réattribuant l’espace libéré à la Nature, et en préservant ainsi les écosystèmes naturels alentours.

Le TRY 2004 prend la forme d’une pyramide massive de 2004m de haut pour 400 étages qui sera en mesure d’héberger jusqu’à 750,000 personnes. La structure pyramidale sera composée de 55 pyramides de 250m de haut s’interconnectant les unes aux autres sur un total de 8 niveaux. Les 4 premiers niveaux seront résidentiels (50 km² pour 240,000 unités d’habitation), des zones de bureaux et de commerces (24 km² pour un total de 800,000 travailleurs), les 4 niveaux au dessus seront reservés, entre autres, aux loisirs et à la recherche (14 km²). Comme précisé auparavant et comme pour le X-Seed, l’hyperstructure sera posée sur la baie de Tokyo sur une surface de 8 km² de fondation. La structure sera construite avec des matériaux ultra légers et résistants à base de tubes de carbon, matériaux qui restent à définir précisément.

try2004

Les 4 images ci-dessus tirées du site de Discovery Channel permettent de comprendre un peu mieux la structure de ce réseau gigantesque de pyramides. Les fondations de ce réseau se composent de 36 pieds d’un béton spécial. L’ensemble devra posséder les propriétés anti-sismiques nécessaires. L’hyperstructure possédera ses propres ressources énergétiques: énergie solaire et utilisation du vent et des courants marins, pour alimenter en électricité le complexe. Les structures en tube constituant les arêtes des pyramides serviront de support pour les moyens de transport à travers la ville: escalators plats ou inclinés, trains circulant à l’intérieur des tubes. A l’intérieur des 55 pyramides, des gratte-ciels seront supportés par la base des pyramides et également maintenu par le haut (systèmes de cables reliant les gratte-ciels au sommets des pyramides).

Sky-City-1000

Sky City 1000 est la proposition de Takenaka Corporation pour répondre à la problématique de congestion urbaine et au manque d’espaces verts dans Tokyo. Le design, datant de 1989, nous montre une tour s’élevant à 1000m de hauteur pour 400m de large à sa base, offrant un total de 8 km² de surface utilisable sur un réseau de 14 plateaux empilés. Comme pour les projets précédents, Sky City 1000 se présente comme une ville artificielle multi-fonctionnelle (comprenant des résidences habitables, espaces bureaux, commerces, écoles, cinema et autres espaces de loisirs) et ultra-dense (36,000 habitants et 100,000 travailleurs), mais en harmonie avec l’environnement naturel (atrium végétal au centre de la tour, et dans les espaces alentours libérés par la verticalité). Dans des proportions plus modérées, cette proposition semble plus réaliste que les précédentes et l’on retrouve ces concepts de mini-ville multifonctionnelle entourée d’espace dans des grands ensembles existants tels que ceux de Roppongi Hills (Mori Building) et Tokyo Mid-Town (Mitsui Fudosan).

Obayashi Corporation s’associe à l’architecte Norman Foster pour sa vision verticale de la ville. En 1989, Foster propose pour Tokyo une immense tour conique de 840m de haut pour 180 étages, un cône au design élégant située une fois encore sur la baie de Tokyo à 2 km du bord. Il s’agit de la Millenium Tower. Sa structure conique et hélicoidale lui donne une bonne stabilité face aux vents forts des typhons et aux tremblements de terre frappant régulièrement le Japon. Cette tour auto-suffisante en énergie permet de loger jusqu’à 60,000 personnes. Les bas étages se composent de bureaux et de manufactures légères. Les logements sont situés dans les parties intermédiaires et les restaurants avec vue panoramique sur la ville et la baie se trouvent dans les parties hautes de la tour. Le sommet est réservé aux systèmes de communication et générateurs solaires et éoliens. Cette ville verticale d’ultra-haute densité possèdera également un système de transport interne pour compléter son auto-suffisance.

Holonic-Tower

La Superstructure Holonic Tower de Takenaka Corp reprend les principes énoncés par le concept Sky City 1000. La dénomination « Holon » utilisée pour cette tour de 600m de haut (120 étages) correspond au concept d’harmonie entre l’individu et le monde naturel. Takenaka estime qu’avec les progrès en Recherche & Developpement, de tels édifices seraient réalisables à partir des années 2010. Là encore, la tour est multi-focntionnelle et possède une particularité, celle d’incorporer dans sa structure une grande quantité d’espaces vides par lesquels la Nature peut circuler en abondance (le vent et les rayons de soleil). Les Sky terminals, sorte de place publique ouverte, sont des espaces privilégiés à 150m de hauteur. Ils ont pour but d’améliorer l’expérience de vie à l’intérieur de la tour et sont complementés par de vastes espaces verts à la base de la tour. On y prévoit 5000 habitants et une population de 30000 personnes occupant les espaces bureaux. La Holonic Tower est également conçue pour durer, une structure d’une durée de vie incroyable de 500 ans…

Aeropolis2001-thespiral-dib200

Pour terminer ce passage en revue des visions futuristes pour un Tokyo de science fiction, les 3 photos ci-dessus nous montrent quelques autres exemples de superstructures. Aeropolis 2001 (à gauche) par Obayashi Corporation est une tour de 2001m de haut et 500 étages, pour environ 300000 habitants. Elle reprend un grand nombre des caractéristiques des immeubles ci-dessus avec notamment une localisation sur la baie de Tokyo. Au centre, il s’agit d’un projet tout en spiral au juste nom de The Spiral. Sur l’image de droite, il s’agit du DIB-200 (Dynamic Intelligent Building) par Kajima Corporation. Ces deux dernières structures restent assez mystérieuses…

Est ce que ces villes verticales sont une pure utopie? Face aux pays asiatiques émergeant, la Japon se relancera t’il dans la course à la hauteur au fur et mesure que les technologies anti-sismiques se développent? On peut, en tout cas, apprécier l’importance apportée à l’aspect écologique de ces villes verticales du futur, tout en émettant des doutes quant aux conditions de vie humaine à l’intérieur de ces superstructures compactes, cadrées et parfaitement ordonnées.

(toutes les images présentées ici proviennent des sites des architectes et corporations. Merci à Micka pour m’avoir donné l’idée de cet article)

Parois de béton et cylindres rouges au Kannonji

Cela faisait quelques temps que je n’étais pas parti à la recherche d’architecture remarquable dans le grand Tokyo. Dimanche dernier, j’ai recherché le temple Kannonji, auparavant découvert dans le numéro 65 de Japan Architect, PARALLEL NIPPON (Contemporary Japanese Architecture 1996-2006). J’avais cette visite en tête depuis plusieurs mois, mais jamais trouvé le temps d’aller au delà de Shinjuku, dans le quartier de Nishi-Waseda. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer pour un temple, Kannonji a une architecture moderne, réalisée par Osamu Ishiyama. Ce batiment aux parois de béton et aux cylindres rouges date de 1996, il est accolé à un cimetière et entouré de maisons basses et d’immeubles d’habitation de 5-6 étages dans une ambiance de banlieue tranquille.

L’emploi du béton et de formes aiguisées surprennent pour un temple boudhiste. Le temple prend parfois des airs de bunker avec meurtrières. Sur les murs de cette forteresse, on peut également apercevoir de petits trous ronds placés aléatoirement. C’est assez intringuant. L’entrée, la face avant, est elle très ouverte et invite à la visite. On passe sous un porche sur la droite du temple pour accéder à la face arrière et au cimetière. La face arrière du temple possède un long escalier coudé, bordé d’une palissade en bois, nous amenant à l’étage. Au passage, on apercoit les quartiers du moine, d’un style plutôt en contraste avec le reste du temple.

On aprécit le calme de ce temple et ses formes compliquées, les ouvertures en angle, les conduits de récupération d’eau à l’oblique. Sur le chemin du retour, je passe à moto par Shinjuku 7-Chome sans manquer de jeter un oeil au Sky Building au loin. Pour redecouvrir ce vaisseau fantôme mystérieux, allez voir les belles photos de nuit de Vision du monde.

Shin Takamatsu

Profitant d’une éclaircie entre deux orages dimanche dernier et avant d’aller voir le sous-marin à Ichigaya, je passe faire un petit tour à Akasaka à la recherche d’un immeuble futuriste à proximité de l’hôtel New Otani. Quelques tourné-virés à moto, et je trouve enfin le Imanishi Moto-Akasaka, un immeuble de 7 étages par l’architecte Shin Takamatsu. Il est situé devant une série de batiments Kajima se reflêtant dans la vaste paroi vitrée arrondie. Cette structure noire et glace pourrait voguer dans l’espace. Aux pieds de la paroi de verre, on apercoit deux cônes de verre entourant l’entrée de l’immeuble. J’aimerais savoir si ces cônes ont une signification particulière, on les retrouve particulièrement mis en avant dans l’architecture de Kisho Kurokawa ou plus dissimulés sur le Spiral de Fumihiko Maki. Les esprits éclairés m’éclaireront sans doute.

octagon

Jean-Marc EMY (explorez son roman-photo) me donne l’occasion de revenir sur la photo ci-dessus de l’immeuble Octagon à Ebisu, toujours par Shin Takamatsu. Par la présence de boules noires en forme d’oeil, je me doutais fortement qu’il s’agissait d’une création de Takamatsu sans l’avoir confirmé. Cet immeuble comme celui de la photo suivante ont des consonnances de créatures aquatiques.

Ci-dessus le earthecture sub-1, toujours de Takamatsu, découvert il y a deux ans lors d’une ballade à Yoyogi-Uehara.

Architecture à trouver et à chercher

Thibaut Varene, lecteur de ce blog, m’avait gentillement signalé cette maison insolite près de Ichigaya et Shinjuku, avec photo et carte Google à l’appui. Cette maison me fait penser à un sous marin sorti d’un dessin animé, avec des formes rondes, un peu grossières et disymétriques. Je connaissais en fait cette maison bizarre pour l’avoir vu à la télévision.

Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il s’agit de la résidence et bureau de l’acteur de cinéma et présentateur télé Ryuta Mine. Il co-présente avec Akiko Wada l’émission de divertissement « Akko ni Omakase » (dimanche midi sur TBS). Lors de l’une des émissions il y a quelques mois, il montrait l’intérieur de sa maison insolite: le rez de chaussée (la partie en forme de plot orangé) est un espace bureau, le premier étage est semi-privé avec piscine semi-couverte de forme arrondie en long donnant sur les hublots que l’on voit sur les photos, le dernier étage est privé. On trouve cette maison à Ichigaya Kagacho, Shinjuku-ku, à quelques centaines de mètres de la station de métro Ushigome-Yanagicho. Je ne vous indiquerais pas précisément le chemin, car j’y suis comme d’habitude allé en moto.

mark-mag

C’est la deuxième fois qu’on me prévient gentillement par email de batiments/immeubles à voir: Surtout ne pas hésiter! A travers les magazines d’architecture japonaise que je peux lire en ce moment, je vois beaucoup de belles choses, surtout des maisons individuelles perdues dans les banlieues de Tokyo. Les magazines n’indiquent bien entendu pas l’adresse de ces maisons privées.

Dans le numéro #7 du magazine Mark -Another Architecture-, on trouve un article d’une quarantaine de pages sur les maisons japonaises, présentant 5 maisons d’architecture moderne (pour la plupart déjà présentées dans The Japan Architect). Parmi les 5, 2 attirent plus particulièrement mon attention: le « White Base » de l’atelier Architecton (Akira Yoneda) pour son volume supérieur télescopé conçu par l’ingénieur structurel Masahiro Ikeda (souvenez-vous, il est à l’origine des formes elliptiques de Natural Ellipse, j’apprécie beaucoup son travail) et le « Reflection of Mineral » par l’Atelier Tekuto (Yasuhiro Yamashita) pour sa petitesse et ses formes aiguisées de diamant. Ces deux batiments, contrastant totalement avec la rondeur du sous-marin, sont situées dans des banlieues de Tokyo: Kodaira pour le premier et au delà de Shinjuku pour le deuxième, mais aucune idée de l’endroit exact. Si un lecteur de ce blog connait ces petits joyaux et saurait m’en indiquer l’endroit, j’apprécierais énormément (ou tout autre bâtiment remarquable que je n’aurais pas encore montré sur Made In Tokyo).