Sky Building No. 3

Dans l’article précédent, je mentionnais un immeuble d’inspiration métaboliste de l’architecte Youji Watanabe. Situé près du croisement Shinjuku 7chome et de la rue Meiji, le Sky Building No. 3 (ou New Sky Building) est un immeuble vraiment surprenant, tout droit sorti de science fiction bien qu’il date de 1970. Caché par quelques immeubles d’habitation standards, on le voit pourtant de loin: ses formes biscornues et sa tête de sous-marin sont hallucinants. Le batiment est attaqué par le temps, les blocs de béton en portent les traces. La façade avant est en piteux état, protégé par des filets.

Tout comme l’extérieur l’annoncait, l’intérieur est sombre et assez sordide. Je suis monté aux 14 ème étage de l’immeuble en espérant atteindre le toit et la tête du sous-marin, mais malheureusement l’accès était condamné. L’immeuble est apparemment toujours habité, si on en juge aux tables et chaises posées sur les balcons. Le hall du couloir donne une vue sur l’extérieur, à côté des portes de prison donnant sur les apartements. Je m’approche à petits pas pour voir la vue et les balcons en contrebas. A petits pas, le muret de béton ne m’inspire pas confiance et je suis de toute facon sensible au vertige. Je reprends ensuite l’ascenseur d’une lenteur impressionnante pour regagner le rez de chaussée. Je n’ai croisé personne en chemin, les espaces que j’imagine commerciaux au premier étage sont désertés.

Je tourne autour de l’immeuble pour mieux en apprécier les formes. Cet objet lunaire est fascinant. Il me fascine, mais je n’aimerais pas y vivre, c’est certain. Vu de l’extérieur, on reconnait les formes en capsules des habitats, similaires aux containers du Nakagin de Kisho Kurokawa. Les containers usés sont empilés sur un axe vertical avec pour base une forme en Y. Les balcons vus de l’extérieur ont une disposition oblique en escalier intéressante.

En faisant quelques recherches sur internet, je tombe sur un site personnel d’un allemand ayant vécu quelques années dans un apartement du Sky Building. Il dédie à cet immeuble une série de photos. On peut y voir notamment des photos intérieures qui nous rassurent un peu sur la qualité de vie: la chambre ou le living sont relativement bien éclairés malgré la petite taille des ouvertures, par contre la cuisine est beaucoup plus sombre et vétuste. Les pièces dans l’ensemble sont très étroites. Sur le site, on peut apercevoir une vue du toit que j’ai essayé d’atteindre sans succès.

Je me demande comment va survivre ce batiment. C’est une oeuvre d’art, un concept futuriste qui aurait dû être entretenu et que j’imagine bientôt inhabitable.

Adresse = Okubo 1-1-10, Shinjuku-ku

Les Métabolistes

Nous avons vu auparavant dans Tokyo 2050 Fibercity, une étude de rétrécissement de la ville dans le contexte actuel de décroisssance démographique au Japon. Il y a un peu plus de 40 ans, naissait au Japon un courant architectural aux idées créatives diamétralement opposées. Le contexte à l’époque était bien différent.

Le mouvement Métaboliste est fondé par des jeunes architectes japonais théorisant, entre 1958 et 1975, sur la croissance urbaine des mégalopoles, avec des concepts en rupture avec les formes traditionnelles. Le mouvement a à sa tête Kisho Kurokawa et Fumihiko Maki, accompagnés de quelques grands noms tels que Kiyonori Kikutake, Arata Isozaki. Kenzo Tange se rapprochera également du mouvement Métaboliste.

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Dans un manifeste « Metabolism: the proposals for a new urbanism », ils tentent d’apporter des réponses à la densité problématique des villes, la croissance démographique et l’accroissement des flux, à travers une vision originale croisant biologie et informatique. Leur vision de la ville du futur est caractérisée par de grandes structures flexibles et extensibles, pour une population de masse à la croissance organique.

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Floating City (1961), la ville flottante (représentée ci-dessus à gauche et en bas à droite), par Kisho Kurokawa est un des projets emblématiques de ce mouvement. Il s’agit d’un projet d’habitations construites sur la surface d’un lac à proximité de l’actuel aéroport de Narita. Kurokawa présente ici un principe de croissance urbaine cellulaire, avec un déploiement organique d’unités identiques (des spirales sur l’eau). L’ensemble ressemble à des formes végétales, comme des nénuphars. Les transports routiers sont possibles sur le toit des structures s’interconnectant, des escalators en spiral permettent l’accès au ports sur la surface du lac pour les transports maritimes.

Ce système en spiral est un prototype de la ville en hélice en 3 dimensions, Helix City (1961), un autre projet emblématique du mouvement Métaboliste imaginé par Kisho Kurokawa (représentée ci-dessus en haut à droite). Etudiée pour une réorganisation d’un quartier de Tokyo, cet forme hélicoïdale de type ADN propose une forme originale de l’espace urbain avec des circulations possibles dans le sens horizontal et vertical. Kurokawa publiera d’autres études comme l’Agricultural City et de nombreux sketches.

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La proposition de ville Ocean ou Marine City (1958-1963) de Kiyonori Kikutake prend elle aussi des formes organiques et extensibles. Les tours d’habitation ressemblent à des arbres sur lesquels on peut emboîter des anneaux d’habitations. Ces cellules cylindriques habitables peuvent être ajoutées ou enlevées en fonction des besoins. Là encore, le complexe d’habitation est posé sur l’eau.

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Par sa verticalité et sa structure en arbre à la densité modulable, Tower City est une variation du concept précédent. Même s’il a été construit bien plus tard (1994) dans la carrière de Kikutake, l’hôtel Sofitel Tokyo (en photo ci-dessus), au bord de l’étang Ikenohata d’Ueno, reprend les lignes directrices de Tower City. Cet immeuble si remarquable est apparemment malheureusement en cours de démolition. L’architecture métabolique demeure encore maintenant la fondation de la philosophie de l’architecte.

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Clusters in the air (1960-62) est une autre métaphore organique, toujours en forme d’arbre. Arata Isozaki y prévoit des lignes de capsules habitables fixées comme des branches sur le tronc. Cette mégastructure futuriste et extensible est assez fantastique et défie les lois de la pesanteur.

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Associé aux Métabolistes, Kenzo Tange proposa en 1960 un vaste plan de réorganisation structurelle de Tokyo. Ce plan idéaliste, ayant suscité l’attention internationnale, présente un nouveau concept d’extension de la ville pour répondre à une population croissante (plus de 10 millions d’habitants en 1960) et à un traffic accru. La baie de Tokyo empêche la croissance de la ville dans la direction sud-est, mais Kenzo Tange propose une aternative au dévelopement organique radial de Tokyo, une expansion linéaire au dessus de la baie par un systèmes de ponts, de méga-structures et d’îles artificielles.

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Cet extension utopique de la ville sur un axe linéaire, comme une colonne vertébrale, devait permettre une croissance de 15 millions d’habitants, tout en permettant une communication directe à travers la baie entre le centre de Tokyo et la zone de Chiba.

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Cette ville sur ponts suspendus au dessus de la baie s’appuyait sur un réseau d’autoroutes interconnectées: des routes sur 3 niveaux assurant un accès rapide à travers la ville. Des tours espacées de 200 mêtres et montant jusqu’à 150-250m au dessus du niveau de l’océan suportaient cette ville suspendue contenant des unités résidentielles, centres commerciaux, jardins publics, et autres facilités.

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De tous ces projets métaphoriques et utopiques, seul le concept flexible et extensible des habitats-capsules a vu le jour avec le Nakagin Hotel de Kisho Kurokawa (1970-1972). J’avais présenté auparavant en photos ces espaces personnels dans des containers industriels recyclables. Ce concept de vie dans des capsules a été appliqué également pour le New Sky Building No.3 de l’architecte Youji Watanabe en 1970. Je suis allé voir de mes yeux cet immeuble hallucinant, j’en parlerais bientôt en photos. Ces immeubles métabolistes sont malheureusement menacés, on sait le Nakagin condamné à la destruction.

Villa et monstre mécanique

En continuant la promenade de Shibuya vers Harajuku, je revois cette villa nommée Moderna dans la série des villas de Sakakura Associates, le bureau d’architecte fondé par Junzo Sakakura. Les murs en escalier de cet immeuble d’appartements se referment sur la cour intérieure, autour d’un frêle arbre. En plus de cette Villa Moderna de 1974, Sakakura a créé 3 autres villas d’un style différent dans les quartiers de Shibuya et Setagaya: la Villa Sereena, la Villa Nouva et la Villa Sapienza, la plus récente de 1981.
Adresse = 1-3-18 Shibuya, Shibuya-Ku.

En suivant les petites rues parallèles à l’avenue Omotesando, on atteint une barrière courbe d’appartements et en continuant un peu, on peut apercevoir au dessus de la marée de maisons individuelles, la partie visible de l’Iceberg. L’immeuble de glace verte, concu par l’architecte anglais Benjamin Warner et l’agence Creative Designers International, sert de landmark à la marque automobile allemande Audi. Je suis rentré et j’ai vu un objet fabuleux, une voiture concept que l’on appelle Rosemeyer.

Lignes dorées après l’éclat

Continuons les découvertes architecturales à Shibuya, toujours dans le quartier résidentiel tranquille de Shoto. A proximité de la rue Yamanote, mais caché dans une petite rue parrallèle, j’ai débusqué une forme de science fiction, un petit batiment au toit lisse et courbé avec des grands yeux de verre. « After the burst » Ueda Shokai Guestroom est une création de l’architecte japonais Hiroshi Hara et de l’Atelier Phi (1992). Il s’agit d’une petite création, comparée à la grande gare de Kyoto qu’il concevra 5 années plus tard.
Adresse = 19-1, Shinsen-cho, Shibuya-ku

A quelques dizaines de mètres, en redescendant vers le centre de Shibuya, on trouvera un étrange batiment de pierre aux allures mystiques. Avec ce mur de pierre et cette longue porte aux lignes dorées, on pense à un établissement religieux. L’aspect moyen-âgeux est une constante chez l’architecte Shirai Seiichi, comme je l’avais déjà constaté sur la tour noire NOA à Azabudai. Ce mur de granite couvert d’un arc cache en fait un musée, le Shoto Museum of Art (1980). La prochaine exposition est photographique Kiyoji Otsuji « Encounter and Collaboration », voilà une occasion de découvrir l’intérieur énigmatique du musée.
Adresse = 2-14-14 Shoto, Shibuya-ku (plan d’accès)

BRUTコンクリート

En ce promenant dans les quartiers de Shibuya, entre Aoyama, Jingumae et Shoto, on peut voir quelques spécimens architecturaux de béton d’aspect brut et inhospitalier, comme des mini forteresses inaccessibles.

L’architecture post-moderne de la première photo, aux colonnes de béton verticales, renferme une école de bijouterie specialisée fondée en 1966, la Hiko Mizuno College of Jewelry. Le batiment, datant de 1992, est de l’architecte Mitsuru Kiryu (dont j’arrive pas à trouver beaucoup d’infos).
Adresse = 5-29-2 Jingumae, Shibuya-ku.

POSH Hyojito, renfermant la compagnie du même nom, faite d’espaces rectangulaires et cylindriques, est plutôt austère. C’est une architecture de Shigeru Uchida / Studio 80 (1986).
Adresse = 5-12-22 Minami-Aoyama, Minato-Ku.

En remontant le centre de Shibuya jusqu’au quartier de Shoto, on peut remarquer à une intersection de petites rues, un autre petit bâtiment brut, très peu ouvert sur l’extérieur et aux lignes aggressives. Il renferme une galerie, Gallery TOM, construite en 1984 par l’architecte Hiroshi NAITO, fondateur de Naito Architects and Associates.
Adresse = 2-11-1 Shoto, Shibuya-Ku.