GTW (Green Train to Wakabayashi)

Ma destination était la station de Wakabayashi (若林) dans l’arrondissement de Setagaya, mais je m’arrête à la station suivante Shōin-Jinjamae (松陰神社前) pour profiter pendant quelques minutes supplémentaires du petit train de la ligne Tōkyū Setagaya (東急世田谷線) reliant Sangenjaya (三軒茶屋) à Shimo-Takaido (下高井戸). Je voulais également passer voir le sanctuaire Shōin car il avait l’air d’avoir une taille assez importante sur Google Map. Je me rends compte beaucoup plus tard en écrivant ce billet que j’y suis déjà passé il y a longtemps avec Mari. On avait encore vingt ans lors de cette visite des quartiers au delà de Sangenjaya. Je ne me souvenais plus d’abord visité ce sanctuaire, mais je garde tout de même un souvenir précieux de cet après-midi et début de soirée. J’avais pris quelques photographies analogiques en noir et blanc que j’avais montré dans un billet de Novembre 2004.

Je suis venu pour redécouvrir ce quartier et l’ancienne petite ligne ferroviaire datant de 1969, mais également pour partir à la recherche d’une maison brute de béton que Joël m’avait, une fois encore, indiqué par e-mail en m’envoyant une photo. Je ne connaissais ni le nom ni l’architecte de cette maison, mais montrer les quelques photos que j’avais pris ce jour-là sur mon compte Instagram m’a permis de le découvrir. Un de mes Followers sur Instagram, JapanPropertyCentral, connaissait sans surprise le nom de l’architecte de cette maison et a eu la gentillesse de me l’indiquer en commentaire. Cette maison particulière de béton s’appelle donc WKB et a été conçue par Niizeki Studio (Kenichiro Niizeki 新関謙一郎). Ces formes en blocs de béton sont posées les unes au dessus des autres sans qu’on arrive à bien comprendre l’organisation et le nombre d’étages de cette maison. Un site d’architecture m’apprend qu’il y a 4 étages et montre quelques photos de l’intérieur. WKB date de 2014 mais paraît plus ancienne car le béton semble déjà imprimé par le temps, ce qui renforce l’effet brutaliste de l’ensemble. Ce que j’aime aussi beaucoup dans cette maison, c’est le mélange du béton avec la végétation qui envahit les murs. Je pense que cette nature qui déborde sur l’architecture, comme on le commentait sur cette photo sur Instagram, fait partie du concept initial de fondre la maison dans son environnement, car elle est située au bord d’une rue piétonne bordée d’arbres. De Niizeki Studio, je connaissais en fait déjà une maison aperçue il y a plusieurs années à Yoyogi-Uehara. Cette maison nommée House in Yoyogi-Uehara est également très particulière car on n’en aperçoit de l’extérieur qu’un immense mur de béton bordant une grande porte noire.

En continuant ma marche dans Setagaya en direction de Shimo-Kitazawa, je passe près de la station de Setagaya-Daita et découvre aux hasards des coins de rues une petite maison entourée d’arbres digne de l’univers de Hayao Miyazaki. Une pâtisserie se trouve au rez-de-chaussée et est spécialisée dans les choux à la crème à l’effigie de Totoro. A l’intérieur de la pâtisserie, on trouve de nombreux posters et objets Ghibli. Cette pâtisserie s’appelle Shiro-Hige Cream Puff Factory (白髭のシュークリーム工房). Je ne résiste pas à l’envie de ramener quelques Totoro avec moi. Ils m’accompagneront sur le chemin et seront délicieux.

Le troisième vaccin m’a mis par terre pendant tout le week-end, mais ça m’a donné le temps et l’occasion de regarder des films sur Netflix. Je me décide sans raison très particulière à regarder un film datant de 2021 du réalisateur Rikiya Imaizumi (今泉力哉) intitulé Over The Town (街の上で). En fait, je ne voulais pas m’embarquer dans un film à l’action débordante ou au suspense haletant qui me fatiguerait plus que nécessaire. Je me suis donc dirigé vers ce film qui me semblait être une histoire de romance entre jeunes gens. Je ne pensais pas aimer autant ce film. Il s’agit en effet d’une histoire d’amour qui ne se passe pas comme le protagoniste principal le voudrait, mais l’important et l’intéressant dans le film ne vient pas de l’histoire principale mais plutôt des multiples petites histoires et apartés qui viennent perturber sa vie. Le protagoniste du film est un jeune homme de 27 ans appelé Ao Arakawa (Ryuya Wakaba) prenant la vie comme elle vient, travaillant dans une petite boutique de fringues d’occasion à Shimokitazawa. Sa petite amie Yuki Kawase (Moeka Hoshi) le quitte pour un autre mais il ne perd pas vraiment espoir et s’accroche à son souvenir. Il vit sa vie tranquillement en lisant des livres achetés dans la petite librairie d’à côté tenue par une jeune vendeuse appelée Fuyuko Tanabe (Kotone Furukawa) qui semble également l’attirer (sans que ça soit vraiment très clair), en attendant les clients dans sa petite boutique. Il va le soir au comptoir du même bar tenu par un ami et au même café le midi. Sa vie change un peu d’horizon lorsqu’une étudiante en cinéma, Machiko Takahashi (Minori Hagiwara) lui demande de jouer un personnage secondaire dans le film qu’elle prépare. Ao y rencontrera la costumière du film Iha Jojo (Seina Nakata) avec qui il devient ami. L’interêt du film vient dans les dialogues. Ao a un don pour poser les mauvaises questions au mauvais moment et le film joue beaucoup sur ces situations de gêne et d’incompréhension. Ça en devient particulièrement intéressant car la direction des conversations reste imprévisible. Le film n’hésite pas à introduire des personnages bizarres ou étonnants, comme un policier arrêtant Ao et Yuki à des moments différents du film pour leur raconter la même histoire improbable de son amour secret inavouable. Les personnages se croisent et leurs histoires se rejoignent, comme si ils évoluaient tous dans un petit microcosme, celui de ce quartier de Shimokitazawa. J’aime aussi beaucoup ce film car je connais bien le quartier. J’ai par exemple été plusieurs fois dans la petite librairie, située juste à côté du Disk Union, où Ao va acheter ses livres. Les quatre personnages féminins mènent les histoires du film et Ao, n’ayant pas de but très précis dans sa vie, se laisse emmener par les histoires qui se créent devant lui. Mais comme c’est un personnage sympathique, il devient attachant. Il me rappelle un peu les personnages d’Haruki Murakami qui passent leur temps à lire, vivant dans leur monde en n’ayant besoin de personne, et qui n’agissent que passivement quand la situation le demande. Le monde bouge autour de lui et il s’adapte en fonction. Le film tourne beaucoup autour de l’amour non dit ou qui prend du temps à se déclarer. Voir ce film m’a aussitôt donner envie d’en voir d’autre du même réalisateur.

Je continue donc avec un film sorti l’année d’avant en 2020 intitulé Mellow. Le personnage principal, Seiichi Natsume (Kei Tanaka), est floriste dans une petite boutique dont il est propriétaire. Il est célibataire et voit régulièrement la visite de la fille de sa sœur Saho (Tamaki Shiratori) quand celle-ci fait des siennes et ne veut pas aller à l’école. Natsume est une personne sensible qui ne laisse pas indifférent les gens qui l’entourent. Sa vie est paisible et sans encombre. Il semble lui aussi la prendre comme elle vient, sans forcer les choses. Il se rend tous le jours dans le même restaurant de ramen tenu par une jeune femme, Kiho Furukawa (Sae Okazaki). Le restaurant était tenu par le père de Kiho mais elle a été contrainte à prendre la suite après sa mort, laissant de côté temporairement ses rêves. On devine une proximité se créer entre Natsume et Kiho mais elle prend du temps à se déclarer. Le film nous amène plutôt vers des histoires secondaires qu’on prend plaisir à suivre. Dans ce film aussi, les personnages féminins sont nombreux autour du protagoniste principal et mènent à chaque fois l’intrigue. Et encore une fois, ce sont les situations et l’atmosphère générale du film qui m’intéressent beaucoup. Une des séquences particulièrement réussies fait intervenir le personnage de Mariko Aoki, interprété par Rie Tomosaka. Pour les références, je ne peux m’empêcher de noter que Sheena Ringo est une grande copine de Rie Tomosaka depuis ses débuts, et qu’elle a écrit pour elle quelques morceaux comme Shojō Robot et Cappucino (fin de la parenthèse). Natsume vient régulièrement décorer l’entrée de la maison des Aoki et Mariko apprécie tellement sa venue à chaque fois qu’elle finit par éprouver des sentiments pour lui. La situation pourrait être relativement classique mais Mariko préfère avouer ce sentiment franchement à son mari. Parce qu’il veut avant tout le bonheur de sa femme, le mari insiste pour que les trois personnes se rencontrent pour clarifier les sentiments de chacun. Cette situation est particulièrement gênante et inhabituelle, et en même temps savoureuse à l’écran. On imagine bien le malaise et l’envie de s’enfuir que doit procurer ce genre de situation improbable. Le film évoque beaucoup le thème de la confession d’un amour et la temporalité nécessaire pour franchir le pas. Observer les réactions des personnages face à ces confessions est particulièrement intéressant, comme si on était amené à analyser un comportement humain. Ces amours sont parfois, et même souvent, platoniques, mais la beauté du film vient du fait qu’il se concentre sur ces moments là, plein de délicatesse. Il n’y a rien de vraiment original dans ces histoires, mais c’est l’atmosphère et les interactions des personnages qui me plaisent beaucoup.

Et du même réalisateur, je regarde maintenant un autre film de 2018 intitulé Just Only Love (愛がなんだ?), se déroulant dans certains quartiers de Setagaya-Daita dont je parlais un peu plus haut. En parlant de ces deux films, je ne pense pas dévoiler beaucoup de l’intrigue, mais je suis en même temps persuadé que peu suivront mes conseils cinématographiques et s’aventureront vers ces films. Bon, ils ne sont pas forcément faciles d’accès car seulement en japonais et sur Netflix. Mais, en ce qui le concerne, ces deux ou trois films ont sauvé mon week-end.

何処にいてもデジャヴ

J’aurais pu évoquer les géométries urbaines dans le titre de ce billet mais je préfère utiliser, comme c’est souvent mon habitude, un extrait de paroles d’un morceau que j’aime beaucoup et que j’évoquerai un peu plus bas. J’ai déjà vu et montré sur ce blog les deux maisons individuelles atypiques sur les deux premières et deux dernières photographies de ce billet. Les personnes intéressées par l’architecture tokyoïte reconnaîtront donc très rapidement Reflection of Mineral de l’Atelier Tekuto, sur les deux premières photographies. La première et unique fois où je suis passé voir cette maison était en Avril 2014. La couleur était blanche à l’origine mais elle a été repeinte en gris clair. Ce n’est pas une mauvaise idée car dès 2014, la couleur blanche de la surface des murs se salissait avec des traces d’écoulements d’eau de pluie. La voiture des propriétaires a également changé, bien que la couleur soit à peu près la même. J’ai l’impression que, comme pour House NA de Sou Fujimoto et sa 2CV bleue, cette voiture orange fait partie entière de l’esthétique de la maison. On serait presque déçu de ne pas la voir stationnée devant. J’ai également montré les formes futuristes de Hironaka House, par l’architecte Ken Yokogawa, plus récemment dans un billet du mois d’Août 2021. Une pluie fine m’avait empêché de prendre des photographies correctes de cette maison l’année dernière, donc je me rattrape un peu sur les deux photographies ci-dessus prises récemment. Un livreur pressé et un homme marchant au pas de course me font le plaisir de s’incruster au dernier moment sur les photographies que je montre ci-dessus. Et entre ces deux maisons, j’y ajoute d’autres formes géométriques. Le building de béton à la forme biseautée avec une série de petits triangles placées sur la cage d’escalier extérieure s’appelle Felice Yoyogikōen (フェリーチェ代々木公園) par Takamatsu Corporation. Comme son nom l’indique presque, il se trouve a quelques dizaines de mètres de la gare de Yoyogi-Hachiman. La photo est prise depuis l’avenue Yamate. Je l’avais déjà pris en photo mais depuis le bas de la rue. L’impression depuis l’avenue Yamate est bien différente car le building semble difforme et perd un peu de son agressivité visuelle. La photographie qui suit est prise dans un tout autre lieu, quelque part entre Suidobashi et Ochanomizu, si mes souvenirs sont bons. Les formes géométriques composant la façade me font penser au visage d’un personnage. J’imagine que cette disposition de formes est volontaire.

Pour parler une nouvelle fois de mes découvertes musicales, j’alterne la musique de tricot (que j’écoute vraiment beaucoup en ce moment) avec quelques titres du nouvel album de Mondo Grosso intitulé Big World. Je n’ai pas exploré en entier cet album mais comme Shinichi Osawa (大沢伸一), qui est seul au commande de Mondo Grosso, invite des personnes différentes pour chaque morceau, je ne suis à priori pas certain de tout aimer. Osawa joue beaucoup avec les styles car les deux morceaux que je vais évoquer maintenant sont vraiment très différents l’un de l’autre d’un point de vue stylistique. La première des deux images ci-dessus provient de la vidéo du morceau In This World. On ne le voit pas sur la vidéo, mais les notes de piano sont jouées par un certain Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) qu’on ne présente plus. Hikari Mitsushima (満島ひかり) chante sur ce morceau et danse même. La vidéo est très belle et je dirais même poétique avec un brin de fantastique. Les notes lentes et détachées du piano surprennent d’abord jusqu’à ce que la voix de Hikari Mitsushima prenne le relai. Le début du morceau est très dépouillé, mettant l’accent sur la combinaison du piano et de la voix. Des cordes viennent ensuite compléter l’ensemble et un rythme de basse électronique donne une dimension différente au morceau. Le beat électronique s’intensifie ensuite et devient très accrocheur. Cette combinaison de sons classiques, d’une voix détachée quasiment à capella et de rythmes électroniques est vraiment intéressante et réussie. Je ne soupçonnais pas que Hikari Mitsushima, qui est avant tout actrice, avait une aussi belle voix. Je n’ai pas vu beaucoup de films dans lesquelles elle jouait mais je me souviens très bien du film Love Exposure de Sion Sono. J’avais moyennement aimé le film car il était trop long et Sion Sono va parfois trop loin dans le grotesque, mais je me souviens par contre très bien du personnage de Yōko interprété par Hikari Mitsushima. Plus récemment, elle est excellente avec Ryuhei Matsuda (松田 龍平), fils de Yūsaku Matsuda (松田 優作), habillée en reine façon Marie Antoinette dans une série de publicités pour UQ Mobile. Les deux ne manquent pas d’humour. Pour revenir au morceau In This World, je le trouve très réussi et j’y trouve même une certaine grâce. Ce n’est pas la première fois que Hikari Mitsushima chante sur un morceau de Mondo Grosso, le précédent s’intitulait Labyrinth (ラビリンス). C’est également un très bon morceau, dont la vidéo a été tournée à Hong Kong, et un des morceaux de Mondo Grosso les plus vus sur YouTube. C’est le genre de morceaux qu’on peut écouter en boucle sans s’en lasser.

Sur cet album Big World de Mondo Grosso, j’aime aussi beaucoup le morceau intitulé Stranger chanté par Asuka Saitō (齋藤飛鳥) du groupe Nogizaka46 (乃木坂46). L’ambiance musicale est dans l’esprit rock shoegazing, très différent de l’autre morceau. La voix d’Asuka Saitō n’est par contre pas effacée et est même très présente. En écoutant ce morceau, je me dis une nouvelle fois que c’est une bonne idée de faire évoluer les idoles dans le style rock shoegazing, comme le fait par exemple assez brillamment le groupe RAY, dont j’avais déjà parlé à l’occasion de la sortie de leur premier album Pink. Il faudrait que je fouille un peu plus dans discographie plus ancienne de Mondo Grosso, car je sais qu’on y trouve des morceaux avec UA et AiNA que je n’ai pas écouté avec assez d’attention. Cette « découverte » de Shinichi Osawa me ramène vers l’émission d’interview Wow Music de J-Wave visible sur YouTube. Lorsqu’elle était hôte de l’émission, AiNA The End a interviewé Shinichi Osawa. Elle le considérait comme un professeur, très bavard de surcroît. Osawa a également été hôte de cette émission radio et nous a fait le plaisir d’interviewer Seiko Ōmori. J’ai un avis mitigé sur la musique de Seiko Ōmori même si j’aime beaucoup son album Tokyo Black Hole. Il s’agit par contre d’une artiste qui compte sur la scène indépendante japonaise et qui influence des artistes plus jeunes (enfin, elle n’a, elle-même qu’une trentaine d’années).

Overlap House par Akihisa Hirata

La maison particulière à Minami Ōtsuka que je mentionnais dans mon billet précédent s’appelle Overlap House. Elle a été conçue par l’architecte Akihisa Hirata et a été construite en 2018. On la trouve dans un coin de rues d’un quartier résidentiel, perdue parmi d’autres maisons de formes quelconques. Elle apparaît tout de suite comme une anomalie dans le paysage urbain. J’avais déjà vu cette maison dans un magazine il y a plusieurs mois et, après avoir découvert et été épaté par Tree-ness House du même architecte que j’avais découvert il y a trois ans, j’avais très envie d’aller voir de plus près cette maison atypique. En la voyant pour la première fois devant soi, on s’interroge d’abord sur son organisation. Difficile de percevoir clairement d’un seul coup d’oeil comment sont organisés les étages, car l’espace est caché en partie par une végétation luxuriante. On se pose ensuite la question de sa structure. Elle a l’air extrêmement légère, portée par des minces piliers d’acier. Je me pose ensuite la question de sa résistance aux séismes. Les couleurs des surfaces apparemment aléatoires sont également surprenantes et intrigantes.

Overlap House est, comme son nom l’indique en partie, une superposition de parties habitables et de parties naturelles composant un jardin. Elle est composée de trois unités (A, B et C) posées à différents niveaux et accessibles par des entrées séparées. Une des unités est, par exemple, accessible du rez-de-chaussée à travers une porte de verre comme je le montre sur la troisième photo. L’accès aux autres unités demande de traverser un jardin en pente faisant le tour des autres unités tout en évitant le vis-à-vis. De grandes baies vitrées assurent la continuité entre l’espace intérieur et les jardins. Certains jardins et terrasses sont posés sur les toits des autres unités. L’idée est de laisser évoluer les plantes sur l’espace de la maison afin que l’espace habitable se fonde dans les espaces verts. Ces espaces verts se veulent également être une connection directe avec l’espace extérieur de la rue. Si on compare les photos disponibles sur le site de l’architecte avec celles que j’ai prise récemment, on constate en effet que la végétation est beaucoup plus dense et fournit une assez bonne isolation. La structure de la maison est très légère, faite de plaques et de piliers d’acier. Elle semble tout de même très fragile. Cette apparente fragilité me rappelle un peu celle de House NA par Sou Fujimoto.

Depuis l’extérieur, je fais le tour de la maison pour essayer de comprendre son organisation mais c’est tout de même assez compliqué de bien comprendre comment les espaces s’interconnectent. La photographie ci-dessus à gauche prise par Daici Ano et quelques croquis de l’architecte permettent de mieux comprendre l’ensemble. Un terrain en construction à côté de Overlap House permet également d’apercevoir l’arrière dans son intégralité. La disposition des motifs colorés des façades a été pensée par un algorithme. Ces couleurs contribuent à brouiller les limites entre l’espace naturel et l’espace habitable. Je me dis que cette maison aurait été idéalement placée au bord d’un parc, mais c’est plutôt elle qui apporte un petit parc à l’intérieur d’un quartier des plus banals, comme un petit bouquet de fleurs au milieu de la grisaille urbaine. Pour en savoir plus, le site FloorNature donne beaucoup plus d’informations.

一瞬の光を切り取って

Un des objectifs de ma marche dans les quartiers de l’arrondissement de Meguro était de trouver une maison de béton près de la station de Yūtenji. Elle s’appelle Sky Cave et a été conçue par Ikawaya Architects. Je la montre sur les quatre photographies ci-dessus. Joël me l’avait indiqué par e-mail il y a plusieurs semaines et je me devais d’aller partir à sa recherche. Cette maison contient une clinique au rez-de-chaussée, tandis que les deuxième et troisième étages sont des étages privées pour deux générations d’une même famille. La qualité de cet espace vient en grande partie de la voûte au troisième étage couvrant en partie la terrasse et l’espace intérieur composé du salon et de la salle à manger. Elle surprend lorsqu’on l’aperçoit à travers l’espace urbain alentour. La maison est idéalement placée devant une petite forêt, tandis que la station de Yūtenji est assez proche derrière. La grande et superbe maison de béton des deux dernières photographies se trouve elle à Naka-Meguro. Je l’ai déjà prise en photo il y a longtemps et montré dans un billet de 2010. Je l’ai souvent recherché distraitement jusqu’à ce que je la retrouve volontairement pendant cette marche. J’avais déjà fait deviner qui habite dans cette riche maison de béton dans mon billet précédent et la réponse avait été facilement trouvée.

En reprenant ma route en direction de Kami-Meguro, une jeune fille aux cheveux teints en blond et coupés au carré, portant un carton des deux mains, m’arrête soudainement alors qu’elle descendait la rue que je parcourais en sens inverse. Elle avait l’air pressée mais avait en même temps un petit air enjoué. Il est relativement rare qu’un ou une inconnue m’adresse la parole en pleine rue, et ça m’a d’abord surpris. Elle m’explique qu’elle est maraîchère en me faisant un signe de la main en arrière pour m’indiquer vaguement d’où elle vient, et essaie de vendre un surplus de clémentines. La démarche m’étonne un peu surtout qu’il ne s’agit pas ici d’une rue commerçante mais plutôt d’une rue résidentielle quasiment déserte. Elle semble en fait descendre vers la station, certainement pour aller les vendre là bas et elle a vu en moi un éventuel client. Je devais avoir la tête de quelqu’un qui allait lui acheter des clémentines et, pris dans l’action, je ne pouvais que difficilement lui refuser. Elle me demande d’abord si j’aime les clémentines et m’indique que celles-ci sont très bonnes car elles viennent de Nagasaki. Il y avait une quinzaine de clémentines dans son carton, mais je ne me voyais pas en manger autant donc on se met d’accord sur cinq. En voyant mon appareil photo en bandoulière, elle me demande si je suis photographe. Et peu après, elle reprend sa route au pas de course et disparaît comme une fille éclair (閃光少女) dans le coin d’une rue.

Je me suis donc acheté comme cadeau de Noël le coffret de Tokyo Jihen composé du best album Sōgō (総合), du Blu-Ray Prime Time et d’une cassette audio incluant deux morceaux remixés. Sōgō contient en tout trente morceaux dont les deux inédits Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩) et Genzai to Fukuin (原罪と福). Plus je l’écoute, plus j’aime le morceau Hotoke Dake Toho écrit et composé par Sheena Ringo. Il n’était pas évident à la première écoute mais c’est un morceau qui se révèle après plusieurs écoutes. Genzai to Fukuin est composé par Seiji Kameda et ça se ressent dès les premières notes. Il n’est pas spécialement mémorable car plus classique. Je n’aime pas beaucoup la première partie mais il monte en intensité émotionnelle dans sa deuxième partie, ce qui rattrape un peu l’ensemble. Le principal problème de cette compilation Sōgō est le nouveau mix par Uni Inoue. Inoue est le mixeur officiel du groupe et est même considéré par certains membres de Tokyo Jihen comme le sixième membre du groupe. Il a eu la désagréable idée de monter beaucoup trop fort les niveaux, notamment de basse et de batterie. Ce boost fonctionne assez bien sur certains morceaux comme OSCA, mais est une catastrophe sur Killer Tune par exemple. La voix de Sheena Ringo sature quand elle monte en puissance et le hi-hat de la batterie est beaucoup trop prononcé. J’ai remarqué ce problème sur plusieurs morceaux et ça passe difficilement pour une écoute avec des écouteurs. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce choix de mixage, qui se trouve être moins bon que ce qu’on peut entendre sur les originaux. Le Blu-Ray Prime Time donne une bien meilleure expérience bien qu’il soit sans grande surprise. On retrouve toutes les vidéos musicales du groupe depuis le début. La qualité d’image est plutôt bonne sur les morceaux plus anciens et excellente sur les nouveaux. Je suis toujours épaté par la qualité visuelle de la vidéo du morceau Sora ga Natteiru (空が鳴っている) de l’album Daihakken (大発見), réalisée par Yuichi Kodama comme la plupart des vidéos récentes du groupe. Ma vidéo préféré, comme celle du public, est celle du récent Ryokushu (緑酒) que Tokyo Jihen jouera d’ailleurs à Kōhaku ce 31 Décembre. Il y a quelques bonus sur Prime Time: les courtes vidéo promotionnelles pour l’album Music (音楽) avant sa sortie, une version de Senkō shōjo (閃光少女) de l’album Sports (スポーツ) composée d’extraits vidéos d’autres clips, entre autres. Mais rien de vraiment nouveau, à vrai dire. La plupart des vidéos étaient en fait déjà sortis à ma connaissance sur les DVD/Blu-ray accompagnant chaque album après leur sortie et je les avais déjà. Il y avait également une compilation de vidéos intitulée Golden Time sortie après la séparation de Tokyo Jihen en 2012, qui contenait les morceaux Konya wa karasawagi (今夜はから騒ぎ, Beaucoup de bruit pour rien) et Tadanaranu kankei (ただならぬ関係, And the beat goes on), jamais sorties auparavant en DVD/Blu-ray. Prime Time est beaucoup plus complet, comprenant en tout 28 morceaux dont certains récents jamais sortis en DVD/Blu-ray comme Eien no fuzai shōmei (永遠の不在証明, The Scarlet Alibi), Aka no dōmei (赤の同盟, Alianza de sangre), Ryokushu (緑酒) et bien sûr Hotoke dake toho (仏だけ徒歩, To Nirvana). Au final, redécouvrir sur grand écran et en excellente qualité tous ces morceaux à la suite vaut le détour. Une très bonne surprise du coffret est la mix tape de deux morceaux, Karada (体) (B-side du single Killer Tune) et Zettaizetsumei (絶体絶命), par Yoshinori Sunahara. Le mix donne par exemple beaucoup de sensualité au morceau Karada, et le côté rétro sur Zettaizetsumei fonctionne très bien. Sunahara ajoute beaucoup d’effets supplémentaires mais ça ne surcharge pas à mon avis les morceaux. Je me dis en écoutant cette mix tape, que ça aurait été excellent de laisser Sunahara remixer la totalité de la compilation, ce qui aurait apporter une vraie nouveauté. Yoshinori Sunahara (砂原良徳) est producteur et DJ, ancien membre de Denki Groove et membre actuel du super-groupe Metafive, fondé par Yukihiro Takahashi du YMO. Dans un billet de 2017, j’essayais de trouver des liens entre Sheena Ringo et Yukihiro Takahashi, et je pense que je m’en approche doucement.

Comme je le mentionnais déjà, Tokyo Jihen est très présent ces derniers temps dans les médias pour la promotion du best album. Et peut être un peu trop d’ailleurs car Sheena Ringo en est tombée malade bien qu’on ne sache pas la cause exacte de cette maladie. Elle n’était par conséquent pas présente pour certaines émissions, dont celle Live sur YouTube Hanakin Night Ajito Nau (花金ナイト -ビヨンド- 「アジトなう。」) du 22 Décembre 2021. Kameda menait donc l’émission sans Sheena mais avec les trois autres garçons ce qui était assez drôle car l’émission était du coup décousue. Mais la « cheffe » regardait quand même l’émission depuis chez elle et envoyait par moment des messages SMS pour recentrer la discussion. Pendant cette émission, Izawa nous confirme encore que le groupe avait l’intention initiale de se reformer pour une seule année, mais qu’il avait fait exprès de créer des nouveaux pour que le groupe puisse continuer. Izawa nous a dit plusieurs fois lors d’autres émissions son attachement pour Tokyo Jihen. Ça paraissait d’ailleurs très clair lors de cette émission. Un autre détail amusant est d’entendre Ukigumo se plaindre qu’il n’arrive pas toujours à lire les kanji dans les paroles de certains morceaux écrits par Sheena (on sait qu’elle utilise souvent des kanji compliqués ou anciens). Kameda revient encore sur le fait qu’il avait découvert très tard que le titre du morceau Hotoke Dake Toho était un palindrome. Ces petits moments où ils abordent la personnalité particulière de Sheena étaient assez amusants. L’émission, bien qu’assez désordonnée, était intéressante mais était seulement disponible en Live et n’est plus actuellement disponible sur YouTube. Le mardi 28 Décembre, une autre émission appelée MVP Music Awards avec le groupe et le réalisateur Yuichi Kodama était visible en Live sur le site de Pia pour celles et ceux qui avaient acheté Sōgō et Prime Time. Une loterie sélectionnait 600 personnes pour y assister sur place dans une salle de Yurakuchō, mais je ne faisais malheureusement pas partie des heureux gagnants. Je me suis contenté de la version retransmise en simultané sur internet. MVP Music Awards mimait en fait une cérémonie de remise de prix, genre MTV vidéo music awards, sauf que seul Tokyo Jihen était nominé et la présentation était assurée par Sheena Ringo, qui imitait une présentatrice de spectacle, comme elle sait très bien le faire. L’émission était pleine d’humour mais tout de même assez anecdotique.

J’ai beaucoup plus aimé l’émission radio Wow Music sur J-Wave le 18 Décembre car elle était présentée par Seiji Kameda et avait Sheena Ringo comme invitée. Kameda lui posait des questions sur ses influences comme s’il ne les connaissait pas déjà. En fait, il s’avère que Kameda a une très mauvaise mémoire car il oublie beaucoup de détails sur l’histoire du groupe. Il dit même que les fans doivent être beaucoup plus informés sur le groupe qu’il l’est lui-même. Sheena nous parle de sa méthode de création musicale. Elle nous dit qu’elle démarre en général d’un visuel, en imaginant par exemple des scènes de la vie quotidienne. Elle évoque également la difficulté qu’elle peut avoir à écrire les paroles sur des morceaux composés par les autres membres du groupe. Vers la fin de l’émission radio, Kameda demande à Sheena quel est l’artiste qu’elle a apprécié en concert et elle mentionne James Blake qu’elle aurait vu lors d’un concert au festival Fuji Rock. Tokyo Jihen ne s’est à priori pas produit en même temps que James Blake lors de ce festival. Kameda passe le morceau Voyeur de l’album Overgrown sorti en 2013. J’avais beaucoup aimé et écouté quelques morceaux de James Blake sur ses premiers EPs Klavierwerke et CMYK puis sur son premier album éponyme sorti en 2011 (The Wilhelm Scream est fabuleux), mais je n’avais pas suivi sa carrière. Je ne découvre donc que maintenant l’album Overgrown que je cours acheter au Disk Union d’Ochanomizu (pour la modique somme de 300 yens). Le morceau Voyeur passé pendant l’émission Wow Music m’avait beaucoup impressionné (cette nappe sonore unie qui couvre une partie du morceau) et je découvre que l’album dans sa totalité est assez fabuleux, notamment les morceaux Retrograde, Digital Lion en collaboration avec Brian Eno, To the Last. J’avais oublié la grâce de la voix de James Blake, tout en nuances. Musicalement, l’atmosphère ne respire pas la joie de vivre, mais on y trouve quand même une chaleur humaine certaine dans le froid hivernal qu’il nous montre sur la pochette de l’album. En fait, je suis assez surpris que Sheena Ringo mentionne James Blake, mais je suis en même temps bien content d’avoir découvert cet album.

des feuilles jaunes et des fleurs bleues

Après la visite de l’Université de Tokyo, je continue ma route depuis Hongō-Sanchōme en descendant en direction de la rivière Kanda. Je longe la rivière jusqu’à la station de Suidōbashi, en passant devant la tour Century faisant partie du campus Hongō-Ochanomizu de l’Université Juntendo. On doit cette tour, que je montre sur la deuxième photographie, à l’architecte britannique Norman Foster. Elle a été construite entre 1987 et 1991. En longeant la rivière, les couleurs des trains de la ligne Chuo-Sobu se mélangent avec celles des feuilles d’automne. Le terrain valloné vient créer des pentes comme celle de la troisième photographie. Cette pente se nomme Onna-zaka (pente de la femme). J’étais d’abord surpris par le nom de cette pente, mais cette dénomination n’est pas unique à ce lieu car elle désigne une pente de moindre dénivelé par rapport à Otoko-zaka (pente de l’homme) qui serait plus abrupte. Mais, j’ai tout de même été surpris par le dénivelé de cette Onna-zaka et par la présence à mi-chemin d’un bâtiment de béton qui semble être en partie soutenu par deux tiges métalliques. Enfin, je me demande quand même quelle peut bien être la fonction exacte de ces tiges car je ne pense pas qu’elles soient assez résistantes pour supporter le poids du bâtiment. En continuant encore un peu, je finis par atteindre le quartier d’Ochanomizu et ses nombreux magasins de musique. J’y avais acheté il y a très longtemps une guitare Gibson SG noire et un ampli Marshall. Je ne me souviens plus exactement du modèle de l’ampli mais ça devait être un MG30FX ou un MG50FX. J’avais eu à cette époque dans l’idée d’apprendre à jouer mais mes progrès très lents avaient eu raison de toutes mes prétentions artistiques. Tout avait commencé après avoir trouvé une veille guitare et un petit ampli laissés par des anciens locataires de ma résidence, à qui voulait bien s’en saisir. Je m’étais ensuite rendu compte que la guitare était en piteux état, mais gratter les cordes pour essayer d’en extraire une mélodie, même expérimentale, m’avait beaucoup plus. La Gibson avait ensuite remplacé cette vieille guitare jusqu’à ce qu’elle tombe sur le manche depuis son support, poussée par le vent qui s’était engouffré dans un rideau à travers une fenêtre ouverte. J’aurais pu essayer de la faire réparer mais je m’étais résigné à la vendre, ce que je regrette encore un peu maintenant. Ceci étant dit, je ne savais jouer aucun air connu, comme j’aimais le dire en plaisantant quand on me demandait à l’époque de jouer quelque chose, et elle finissait par gêner dans le petit appartement (surtout l’ampli encombrant). Mais je me rends compte que j’avais déjà parlé de tout cela il y a plus de deux ans. Alors que je réfléchis à tout cela en marchant, la gare d’Ochanomizu approche. Elle est toujours en construction et les rénovations prendront apparemment fin en 2024.

En chemin entre Suidōbashi et Ochanomizu, je m’étais arrêté quelques minutes devant l’école Athénée Français (アテネ・フランセ) dédiée à l’apprentissage des langues, notamment du français. Sa façade rose parsemée de lettres de l’alphabet en fait un bâtiment tout à fait unique. Il date de 1962 et a été conçu par l’architecte Takamasa Yoshizaka. Disciple de Le Corbusier avec Kunio Maekawa et Junzo Sakakura, il a participé à la conception du National Museum of Western Art à Ueno, seule oeuvre architecturale de Le Corbusier au Japon.