curved house in Ushigome Yanagichō

La ligne de métro me dépose ensuite à la station de Ushigome Yanagichō, près d’Ichigaya, car je voulais revoir une maison aux formes courbes et au design particulièrement unique. Cette maison est celle d’une personnalité de la télévision japonaise et l’intérieur a d’ailleurs déjà été montrée dans une émission sur laquelle intervient cette personnalité. J’étais passé voir cette maison pour la première et unique fois en 2007, car un visiteur de ce blog me l’avait indiqué par email. J’aime quand on m’indique spontanément une maison particulière que je ne connais pas ou que je n’ai pas encore trouvé, car ça me donne en quelque sorte une mission à accomplir, dans la mesure où j’ai le temps disponible pour aller la découvrir. Une fois sur place à la sortie de la station de métro, le problème était de retrouver cette maison courbe car je n’avais comme souvent pas noté l’adresse. Il m’a fallu tourner en rond dans le quartier avant de la découvrir. Ce quartier résidentiel a beaucoup changé car des nouvelles résidences ont poussé comme des plantes autour de la maison courbe. Mais on finit tout de même par la trouver, son allure se remarquant de loin depuis la rue. Je m’approche lentement car deux personnes s’affairent devant la maison, l’une en tenue de livreur portant un bouquet d’orchidées qui doit certainement être un cadeau. Cette maison m’a toujours fait penser à un petit sous-marin posé sur un socle, près à partir en exploration dans les profondeurs de la ville. Les hublots à l’étage doivent certainement me donner cette impression maritime. Derrière les hublots, se cache d’ailleurs une piscine, que l’on ne peut pas voir depuis la rue mais que j’avais pu voir dans l’émission télévisée précitée. Le reste de la maison derrière le sous-marin de poche semble de forme beaucoup plus classique mais on ne le devine qu’à peine. Ceci me laisse tout de même penser que la partie courbe de la maison est plutôt destinée à l’apparat et à l’accueil d’invités, tandis que la partie arrière de la maison aux formes plus classiques et certainement plus fonctionnelles doit plutôt être la zone privée. Quatorze ans après mon premier passage, la maison reste en très bon état, même si la couleur des peintures a un peu passé et les murs courbes gris ont été attaqués par les intempéries.

Avec une certaine satisfaction d’avoir vu beaucoup d’architecture remarquable d’Ariake jusqu’à Iidabashi et Ichigaya, je continue encore un peu en marchant jusqu’au centre de Shinjuku. Je connais assez peu les quartiers au delà de Shinjuku et je les découvre par petits morceaux, au hasard des rues. Un des principaux intérêts de marcher dans Tokyo est de découvrir les jonctions entre les grands quartiers, plutôt que ces quartiers en eux-mêmes. On ne découvre pas ces quartiers en métro ou en train, et seule une longue marche le permet vraiment.

Iidabashi Oedo Station par Makoto Sei Watanabe

En continuant ma marche dans les rues de Iidabashi, je voulais ensuite revoir la station de métro de la ligne Oedo, conçue par Makoto Sei Watanabe. J’étais passé la voir pour la première fois en 2005, cinq années après son ouverture le 12 Décembre 2000, mais je n’étais jamais entré à l’intérieur au delà des portes automatiques. Je descends cette fois-ci dans ses profondeurs. Une structure de tubes accompagne les passagers. Cette structure se nomme Web frame et se compose d’une ramification de tubes verts de 7.6cm de diamètre. Sa composition spatiale, dans toute sa complexité, a été auto-générée par ordinateur. Ce réseau de tubes s’étend des portes automatiques à l’entrée jusqu’au niveau des plateformes où circulent les trains, sur une longueur de 2,200m, en surplombant les escaliers et les escalators. Ces tubes représentent en quelque sorte le réseau sous-terrain du métro. A travers cette structure, l’architecte souhaitait rendre visible les structures habituellement enfouies sous terre. Dans cette station Oedo, ce qui attire d’abord le passant est bien entendu la forme organique posée à la surface du sol. Cette structure ressemblant à une plante se nomme Wing et il s’agit avant tout d’une tour de ventilation pour l’ensemble de la station. Les formes organiques de cette plante de science-fiction ont également été conçues par ordinateur. Lorsqu’on pense à l’ensemble de la station, les tubes verts me font penser à des racines venant nourrir la forme végétale poussant à l’extérieur, comme une graine donnant une plante (Architecture as « Seed », comme il écrit sur son site web). L’entrée de cette station est située dans une petite rue, ce qui m’a toujours un peu étonné car les structures de Makoto Sei Watanabe mériteraient d’être plus visible. Comme l’école Aoyama Technical College ou le K-Museum, l’architecture de Makoto Sei Watanabe se trouve à l’écart des grandes artères visibles, sans pour autant être complètement excentrée. Le soucis du détail dans la station d’Oedo est saisissant. Il faut par exemple aller faire un tour aux toilettes entièrement métalliques juste après les portes automatiques. Il faut faire attention à l’agencement apparemment aléatoires des néons au plafond. Il faut également remarquer la création artistique de l’architecte formant un texte flottant en braille intitulé « TACTILE WIND・・・・・brain BRAILLE », inscrit sur un des murs de la station. Les détails sont parfois subtils comme les fines lignes vertes claires sur les murs lisses du dernier tunnel donnant accès aux quais. Makoto Sei Watanabe explique en longueur (et en anglais) la conception de cette station et ses choix de design sur son site web.

Je suis entré exprès dans la station pour voir la structure web frame et la prendre en photo, mais je n’avais pas spécialement l’intention de prendre le métro. Ou puis-je aller maintenant pour continuer cette journée de marche ensoleillée. Il me revient en tête une autre autre architecture très particulière située à quelques stations seulement de là. Ça sera la prochaine étape dans un prochain billet. Et en écrivant ces quelques lignes sur l’architecture inspirante de Makoto Sei Watanabe, me vient soudainement l’envie indescriptible de réécouter la musique de Tomo Akikawabaya, le premier morceau instrumental Rebirth en particulier. Je dois y trouver des similitudes que j’aurais pourtant du mal à expliquer.

Toggle Hotel Suidobashi par Klein Dytham

Revenons sur cette journée ensoleillée à Ariake. Mon dernier billet nous amenait jusqu’à l’extrémité d’Ariake, à la frontière de Toyosu. Il suffit de traverser un canal et marcher encore un peu pour atteindre la station de Toyosu qui m’amènera ensuite dans un tout autre lieu. Je me décide pour Iidabashi car je veux revoir la station futuriste de métro de la ligne Oedo et le nouvel hôtel Toggle Suidobashi par les architectes Klein Dytham. Je commence par l’hôtel. Je le sais proche d’une rivière, celle de Kanda, et épousant la forme de l’autoroute métropolitaine numéro 5 (Ikebukuro Line). J’approche l’hôtel par l’arrière en longeant la rivière bordée de béton et recouverte en grande partie par l’autoroute métropolitaine. Il n’est pas rare de voir les rivières recouvertes d’autoroutes dans le centre de Tokyo, et ce depuis leurs constructions avant les Jeux Olympiques de 1964. Elles font maintenant partie du paysage urbain, même si on voudrait parfois les enterrer, et la construction de nouveaux buildings doit faire avec cette donnée architecturale. J’ai toujours considéré le système d’autoroutes intra-muros tokyoïtes comme un des plus impressionnants ensembles architecturaux de la ville. L’hôtel Toggle Suidobashi s’accommodent très bien de cette autoroute en venant s’installer parfaitement dans une de ses courbes. C’est une très bonne illustration d’une utilisation optimum de l’espace urbain disponible.

La combinaison de cette autoroute et de cet hôtel est la particularité qui saute en premier à l’œil, mais les couleurs rayées jaunes et grises étonnent également. Je ne m’en étais pas rendu compte sur place, mais en regardant les photos disponibles sur le site web de l’hôtel, je me rends compte qu’elles sont accordées avec les couleurs de la ligne de train JR Chuo-Sobu qui passe juste devant. Je ne suis pas certain si cette association de couleurs est volontaire mais ça en a du moins tout l’air. Je ne suis pas entré à l’intérieur de l’hôtel pour le voir de mes propres yeux, mais les couleurs vives intérieures sont également très intéressantes. Les chambres, les couloirs et autre restaurant intérieur sont tous composés d’un découpage de couleurs très franc, comme si on était à l’intérieur de pièces découpées en deux parties très distinctes. Le dernier étage se compose d’une grande terrasse ouverte sur l’extérieur qui semble donner une belle vue sur les quartiers aux alentours. Je me pose par contre la question de la vue et de la qualité de l’isolation aux étages faisant directement face à l’autoroute. Après avoir pris les quelques photographies architecturales ci-dessus, je reprends ma marche vers la station de métro la plus proche.

après les jeux (3)

Je poursuis ma marche dans les quartiers d’Ariake gagnés sur la mer en direction des installations olympiques utilisées pendant les Jeux cet été. Il ne reste plus grand chose de la piste à bosses utilisée pour les compétitions de BMX. Il en reste tout de même une, de bosse, recouverte d’un revêtement vert avec le logo de la compétition. On aperçoit cette bosse depuis la rue car elle dépasse des palissades temporaires posées le temps de la démolition. En montant sur la plateforme surélevée de la ligne de train Yurikamome, on peut voir cette ancienne piste de plus près. Pendant les compétitions fermées au public, ce point de vue était prisé mais vite condamné pour éviter les concentrations de personnes pendant le pic de cas Covid durant cette période estivale. De l’autre côté, on aperçoit le centre gymnastique The Ariake Gymnastics Centre conçu par Nikken Sekkei et construit par Shimizu Corporation. Ce bâtiment partiellement composé de bois a une apparence très fine et élégante. Il aura une deuxième vie après les Jeux Olympiques, car les gradins seront enlevés et le bâtiment deviendra un hall d’exhibition. Cette forme courbée aux charpentes de bois est réminiscente des anciens navires naviguant dans la baie de Tokyo. J’avais dans l’espoir de m’en approcher, mais il est malheureusement toujours interdit au public. D’autres palissades blanches nous empêchent d’approcher la base de ce centre sportif. C’est bien dommage, mais on peut tout de même apprécier ses lignes depuis l’extérieur. Un autre centre sportif, conçu cette fois-ci par Kume Sekkei, se trouve à proximité. Il s’agit de l’Ariake Arena. Cette grande salle de couleur blanchâtre à la toiture courbée était utilisée pour les compétitions de volley-ball et de wheelchair basketball. Elle est également fermée au public et son ouverture semble prévue pour l’été 2022. L’objective de ma marche d’approcher ces centres olympiques n’est donc que partiellement rempli. Mais je continue ensuite à marcher sans faiblir. Toyosu est désormais proche, il suffit de traverser un autre canal.

INIAD HUB-1 et WELLB HUB-2

Il y a plusieurs semaines, je découvrais par hasard des immeubles étranges près de la station d’Akabane dans l’arrondissement de Itabashi. Il s’agit de deux bâtiments du campus de Akabanedai de l’Université Toyo, nommés INIAD HUB-1 et WELLB HUB-2, tous les deux conçus par Kengo Kuma. Leurs compositions inhabituelles interpellent bien qu’elles ne soient pas particulièrement élégantes. Seules les petites plaques de couleur bois disposées sur le premier bâtiment INIAD HUB-1 (sur les photos 1, 3 et 4) construit en 2017 nous font penser au style de Kengo Kuma. Le nom de ce département de l’école signifie Information Networking for Innovation and Design, et est dédié à l’informatique ubiquitaire (ubiquitous computing), celle que l’on trouve embarquée dans les petits appareils recevant des données par internet (l’IoT ou Internet of Things) comme les smartphones. L’agencement de la façade d’apparence désordonnée veut représenter le sentiment de liberté que l’on trouve de l’architecture ouverte de l’internet des objets. Les plaques disposées aléatoirement ne sont pas faites de bois mais d’aluminium recouvert d’une impression de motif bois. Ces plaques servent à contrôler la lumière du soleil et à cacher les ventilations. L’autre immeuble en escalier inversé est plus récent et date de 2021. Il constitue la deuxième phase du projet de Kengo Kuma pour ce campus de l’Université Toyo.