On the Cherry Blossom par Sampei Junichi

On the cherry blossom par l’architecte japonais Sampei Junichi (三幣順一) de l’atelier A.L.X. (ARCHITECT LABEL Xain) est une maison individuelle que je cherchais depuis très longtemps. Je l’avais dans ma liste d’architecture à voir depuis au moins l’année 2013. Je l’ai recherché pendant des années sur Google Map avec les quelques indications que j’avais pu trouver sur le site web de l’architecte, mais sans succès. Je savais seulement qu’elle se trouvait dans le vaste arrondissement de Itabashi dans le Nord de Tokyo, qu’elle était proche d’un petit parc avec des cerisiers (d’où le nom du bâtiment) et qu’il y avait un cimetière assez proche. J’ai eu beau rechercher les espaces ressemblant à des parcs sur Google Map ou explorer les listes de temples bouddhistes pour y trouver un cimetière, la chance n’a pas joué en ma faveur. Enfin, cette recherche m’avait quand même permis de trouver par hasard la maison Penguin House par l’Atelier Tekuto dans le même arrondissement. Le texte de ce billet sur Penguin House mentionnait d’ailleurs cette recherche désespérée. Ce n’était pas la première fois que je jetais une bouteille à la mer à travers un billet, car j’avais également mentionné cette quête impossible sur un billet de 2019. Nicolas B, lecteur régulier de ce blog, a eu l’excellente idée de partir à la recherche de cette maison suite à mon billet sur Penguin House. Il l’a trouvé assez rapidement sur Google Map, ce qui m’épate encore maintenant, et a eu la gentillesse de m’indiquer son adresse. Je le remercie grandement encore une fois. Je le dis à chaque fois, les adresses des maisons individuelles ne sont pas mentionnées sur internet car ce sont bien entendu des propriétés privées. Lorsqu’une maison individuelle devient un peu trop connue, Moriyama House en est un bon exemple, les propriétaires sont obligés d’ajouter des panneaux d’avertissement rappelant qu’il n’est pas autorisé de pénétrer dans les zones privées. Moriyama House est par contre relativement facile d’accès car elle proche du centre de Tokyo, par rapport à la maison On the cherry blossom qui est beaucoup plus excentrée.

Il m’a fallu à peu près une heure pour m’y rendre. Elle est perdue dans une zone résidentielle sans fin qui ressemble à beaucoup d’autres dans Tokyo. Cette zone résidentielle n’a, à première vue, pas de qualité particulière. Après une quinzaine de minutes de marche depuis la station la plus proche, je trouve le cimetière et le temple bouddhiste qui m’étaient donnés comme indication et je trouve finalement On the cherry blossom placée juste devant un petit jardin public. Comme à chaque fois que je pars à la recherche de maisons de ce style, à l’architecture remarquable, une tension nerveuse monte petit à petit en moi, un mélange d’excitation et un certain stress. Le stress serait de constater que la maison a disparu, a été démolie, ce qui n’est pas particulièrement rare à Tokyo (on démolit bien des maisons de SANAA, comme M House). On the cherry blossom est relativement récente, elle a été construite en Avril 2008. Il y avait donc peu de chance qu’elle ne soit plus là. L’autre stress est que les propriétaires soient dehors devant leur maison, rendant la prise de photos difficile (c’était le cas pour Sky House, souvenez-vous). Rien de tout cela heureusement. On the cherry blossom était bien là devant moi. Plantée profondément dans le sol comme un arbre, elle ne risquait pas de bouger. Cette similitude avec une forme végétale, comme celle d’un arbre, m’avait déjà frappé lorsque je l’avais vu pour la première fois en photo dans des magazines, mais cet effet est beaucoup plus fort lorsqu’on voit la maison devant soi. Cette forme en arbre répond en quelque sorte aux deux cerisiers qui sont placés juste devant la maison dans le jardin public. L’espace principal de la maison au dernier étage est même légèrement excentré par rapport à la base pour être orienté vers ces deux cerisiers qui doivent donner une vue idéale lorsqu’ils sont en fleurs. On peut voir ces deux cerisiers sur la dernière et l’avant-dernière photographie du billet.

La base très étroite de la maison impressionne tout de suite, mais on se pose vraiment la question de l’équilibre de l’ensemble lorsqu’on la regarde sous certains angles, comme par exemple sur la sixième photographie du billet. On the cherry blossom se compose de trois étages et d’un sous-sol pour une surface habitable totale de 85.32m2. On peut voir les plans détaillés de la maison sur le site Designboom. Sa structure est en acier renforcé. La maison donne volontairement peu d’ouvertures sur l’extérieur dans les premiers étages. Le rez-de-chaussée très étroit ne contient que l’entrée, une petite pièce et un escalier en colimaçon donnant accès à tous les étages de la maison. L’espace habitable s’accroit graduellement en montant dans les étages. Le premier étage regroupe les chambres, une chambre d’enfant et une chambre principale, un espace d’étude et des toilettes. Il y a peu ou pas d’ouvertures à cet étage là et je n’ai malheureusement vu aucune photo nous montrant cette partie intérieure. Le léger décalage en hauteur entre les pièces de cet étage, que l’on distingue depuis l’extérieur, renforce à mon avis cette impression d’être en face d’un arbre avec plusieurs branches. Le dernier étage est l’espace à vivre avec le salon et la salle à manger, une cuisine, une salle de bain entre autre. Cet espace en haut de la maison est le plus vaste et donne une vue panoramique sur les cerisiers du parc grâce à une large baie vitrée. J’imagine qu’il doit être agréable de prendre son petit déjeuner le matin, à la fin Mars – début Avril, en admirant les cerisiers en fleurs. Je verrais même, dans la forme graduelle de cette structure, une sensation de s’élever au dessus des choses terrestres, une élévation spirituelle en quelque sorte pour nous faire voir de ce monde que la beauté délicate des fleurs de cerisier. Mais je m’égare sans doute un peu. Ceci étant dit, on doit finir par s’habituer à cette vue. Depuis l’extérieur, on pouvait apercevoir que diverses choses étaient entassées devant la baie vitrée, ce qui doit certainement obstruer un peu cette impression de vue panoramique.

L’autre surprise en voyant cette maison était sa couleur légèrement jaunie. Je l’avais vu de couleur très blanche sur les photos de magazines ou sur les photos de Kouichi Torimura sur le site de l’architecte. Je m’attendais à un blanc très sali par les écoulements d’eau de pluie, mais il n’en était rien. Nicolas B, en regardant les images sur Google Street View, me fait remarquer qu’elle a du être repeinte de cette couleur un peu jaunie plusieurs années après sa construction. A vrai dire cette colorisation est assez légère et je trouve que dans son ensemble, la maison est très bien entretenue et n’a pas beaucoup perdue de sa superbe et de son impact visuel initial. Je pensais que voir On the cherry blossom serait un aboutissement dans mes recherches architecturales dans Tokyo, mais je me rends compte qu’il me reste encore beaucoup d’autres maisons remarquables à découvrir dans les recoins cachés de Tokyo. J’apprécie en tout cas énormément qu’on me donne des pistes, c’est une preuve pour moi que le temps que je passe sur ce blog à parler à ma manière d’architecture n’est pas perdu et que mes billets intéressent quelques personnes.

青く冷えてゆく東京

Je pense avoir déjà montré au moins une fois ces bâtiments sur Made in Tokyo, à part la maison noire aux lignes obliques sur la quatrième photographie et la résidence de béton sur la dernière photographie. La petite maison noire avait arrêté notre élan alors que je me promenais à vélo avec Zoa jusqu’au parc olympique de Komazawa en traversant le quartier de Shimouma. Dans ces cas là, Zoa m’autorise à chaque fois à m’arrêter quelques minutes au bord de la route pour prendre des photos. Je retiens parfois mon besoin compulsif de prendre des photos, mais la tentation est trop forte dans certains cas, surtout lorsqu’il y a de l’oblique ou d’une manière générale des formes non conventionnelles. Le bâtiment long et massif sur la dernière photographie se trouve à proximité de la tour Prime Square à Ebisu. Le béton est massif, sans fenêtres sur la rue, et sa texture est superbe. L’architecture que j’aime voir ne correspond pas toujours à l’architecture dans laquelle j’aimerais vivre. J’imagine que les fenêtres se trouvent de l’autre côté car il semble y avoir une cour intérieure. La rue est certes étroite mais n’est pas excessivement empruntée et il n’y pas de très fort vis-à-vis. Je me pose donc la question de la suppression quasi-totale des ouvertures. L’espace creusé dans le béton au rez-de-chaussée est une place de parking et donne accès à une porte qui n’est pas à priori la porte d’entrée principale de chaque habitation à l’intérieur de cette résidence. Elle s’appelle Kōyōsō (向陽荘) mais je n’ai pas trouvé d’autres informations à son sujet. Les autres photographies ont été prises principalement à Yoyogi Uehara et un peu plus loin vers Shōtō. Je marche assez souvent vers Yoyogi Uehara en ce moment, quartier que j’ai beaucoup exploré il y a plusieurs années. Sur l’avant dernière photographie, la lumière du soir vient se refléter doucement sur les parois de l’hôtel Prince Smart Inn à Ebisu. En prenant cette photo, je me rends compte que je pense un peu trop mes photographies en terme d’objet plutôt qu’en terme de lumière. Il faudrait que je garde cela un peu plus en tête, quitte à me diriger vers un peu plus d’abstraction visuelle.

Image montrée sur le compte Twitter de Music Station: AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) à gauche et Sheena Ringo (椎名林檎) à droite, toutes les deux vêtues d’une robe Prada, superbe il faut bien le dire, avant l’interprétation de Gunjō Biyori (群青日和).

Je mentionnais dans un billet récent que j’attendais avec une certaine impatience de voir à la télévision la prestation de la formation spéciale Elopers réunie par Sheena Ringo. C’était le Vendredi 15 Octobre 2021, à l’occasion des 35 années de l’émission musicale Music Station animée sans discontinuer par Tamori. Tamori est d’ailleurs désormais inscrit au livre Guinness des records pour cette longévité inégalée pour une émission se déroulant en direct. Autant j’aime sa présence et sa vivacité d’esprit dans une émission comme Bura Tamori (ブラタモリ) sur NHK, autant il semble un peu ailleurs sur Music Station. Il faut dire qu’il a plus de 70 ans. Je ne critique pas du tout le personnage ceci étant dit, car je pense qu’il aime authentiquement les artistes qui participent à son émission tant qu’ils ou elles lui retournent bien les marques de respect. Tous les artistes ne sont malheureusement pas invités dans cette émission et il est extrêmement rare d’y voir des artistes indépendants s’y produire. Même dans le mainstream, j’ai l’impression qu’il faut avoir la bonne carte pour y participer et ce sont souvent les mêmes têtes que l’on voit. Sheena Ringo est mainstream et possède la carte, et ce depuis ses débuts, donc on la voit assez régulièrement, au moins quand elle ou Tokyo Jihen sortent un nouveau single ou un nouvel album. C’est très loin de me déplaire bien entendu. Elle a tellement la carte qu’elle peut même se permettre de jouer un ancien morceau comme Gunjō Biyori (群青日和) de Tokyo Jihen, sorti il y a plus de 15 ans. Cette émission spéciale de 4 heures fêtant les 35 ans de Music Station comportait de toute façon de nombreuses séquences rétrospectives, donc jouer un morceau classique de Tokyo Jihen était loin d’être hors sujet.

Image montrée sur le compte Twitter de Music Station: La formation Elopers au complet avec de gauche à droite: Sheena Ringo (椎名林檎), Hona Ikoka (ほな・いこか), Yuu (ユウ), AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) et Shiori Sekine (関根史織). Les chemises de style grunge sont, contrairement à ce qu’on pourrait d’abord penser, de la marque Gucci, Celine ou encore Loewe.

Sheena s’était entourée de Yuu (ユウ, Yumi Nakashima) du groupe Chirinuruwowaka (チリヌルヲワカ) mais auparavant de GO!GO!7188, Shiori Sekine (関根史織) du groupe Base Ball Bear, Hona Ikoka (ほな・いこか) du groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女。) et AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) de BiSH. Hona Ikoka était à la batterie, Shiori Sekine à la guitare basse, Yuu et Sheena à la guitare électrique et AiNA seule au chant. La surprise, mais je m’y attendais un peu, était que Sheena ne chantait pas et jouait seulement de la guitare. Elle s’était même placée un peu en retrait dans le coin gauche de la scène, comme pour laisser la place aux autres et notamment à AiNA au chant. J’imagine la pression pour AiNA si Sheena était juste à côté et ce retrait est certainement volontaire. Dans l’interview avec Tamori avant l’interprétation sur scène, AiNA nous explique qu’elle avait demandé cinq fois à Sheena si elle voulait vraiment qu’elle fasse partie du groupe au chant. AiNA est clairement la plus jeune et deux autres membres sont également chanteuses dans leurs groupes respectifs (Yuu et Sheena). Je trouve qu’on remarquait cette pression sur ses épaules notamment au début du morceau, mais AiNA a fini par libérer son chant dans la deuxième partie du morceau. A ce moment là, elle chantait un peu plus à sa manière et c’est ce qu’on attendait. C’est d’ailleurs amusant de voir Sheena sourire légèrement de satisfaction vers la fin du morceau. La voix d’AiNA est loin d’égaler celle de Sheena mais elle est différente, plus torturée peut-être, et elle ne sera pas excellente sur tous les morceaux qui se présentent à elle. Le final de Gunjō Biyori était particulièrement savoureux. La force des trois guitares s’y conjuguaient dans un bruit électrique qui faisait sourire AiNA de soulagement. Ce dernier solo était moins bien exécuté que quand Tokyo Jihen le joue à quatre guitares (Ukigumo, Izawa, Kameda et Sheena) mais il s’en dégageait beaucoup de puissance. J’aimerais bien que ce groupe continue en parallèle de Tokyo Jihen, même de manière très épisodique, et pourquoi ne pas composer des nouveaux morceaux chantés à trois voix (Sheena, Yuu et AiNA)? Il y a là, à mon avis, un potentiel à développer. Sheena nous disait dans l’interview initial de Tamori qu’elle avait découvert AiNA dans cette émission Music Station et avait été impressionné par sa voix. On sait aussi que Kameda avait arrangé les musiques et produit le premier album d’AiNA. Il y a donc fort à parier que ça ne sera pas la dernière collaboration entre ces deux artistes. Ceci étant dit je ne pense pas avoir déjà entendu un morceau en duo entre Sheena et une autre chanteuse. Elle a fait de nombreux duo mais toujours avec des voix masculines fortes et typées (Miyamoto Hiroji par exemple, qui était également présent dans l’émission ce soir là).

Image montrée sur le compte Twitter de Daiki Tsuneta: Le groupe King Gnu au complet avec de gauche à droite: Yū Seki (Batterie), Kazuki Arai (Basse), Daiki Tsuneta (guitare) et Satoru Iguchi (Voix et clavier), ainsi que leurs versions enfants que l’on peut voir dans la vidéo du morceau BOY et sur la scène de Music Station. A noter que satoru Iguchi a le même t-shirt que dans la vidéo de Teenage Forever, ce qui semble créer des liens entre les morceaux.

L’autre groupe que je voulais absolument voir lors de cette émission était King Gnu. Ils passaient juste après Elopers et interprétaient un nouveau morceau intitulé BOY que je n’avais jamais entendu car il sortait le jour même. Dans la vidéo réalisée par Osrin de Perimetron, les membres de King Gnu sont joués par des enfants et la surprise était que ces mêmes enfants étaient présents sur scène à la place de King Gnu pendant l’émission Music Station. Ils étaient d’abord présents près de Tamori pour une courte interview, et le petit garçon jouant le rôle de Satoru Iguchi ne s’est pas démonté en répondant aux questions. Mais comme on lui posait une question enfantine (qu’est ce que tu aimes comme plat), il a eu la bonne répartie de poser exactement la même question avec un air un peu moqueur à un des invités assis à côté de Tamori, sous l’étonnement général. Je n’ai malheureusement pas pu me concentrer sur l’écoute du morceau pendant la prestation, car voir des enfants faire semblant tant bien que mal de jouer sur scène comme King Gnu m’a quand même un peu perturbé. Le groupe intervenait quand même en deuxième partie de morceau, ce qui m’a tout de suite rassuré. J’ai eu peur qu’ils n’apparaissent pas du tout sur scène pendant l’émission. Ils en auraient été capable. Le morceau en lui même est dans la ligne directe des autres morceaux de King Gnu. On n’y trouvera pas une grande originalité mais il est accrocheur dans l’ensemble. Sur la scène, j’ai particulièrement aimé le jeu de guitare de Daiko Tsuneta, tout en distorsions ce qui m’a rappelé l’émission KanJam avec Tokyo Jihen où le sujet des distorsions (歪み) était longuement évoqué (à propos des distorsions à la guitare basse dont Seji Kameda est spécialiste). Après plusieurs écoutes du morceau BOY sur YouTube, je l’aime finalement beaucoup.

L’autre curiosité était un morceau d’une dizaine de minutes de Perfume et Daichi Miura, accompagnés des danseuses et danseurs de ELEVENPLAY et SP Dancers. Je ne suis pas particulièrement amateurs de Daichi Miura (三浦大知) ou de Perfume, mais j’étais très curieux de voir les chorégraphies imaginées par MIKIKO et les effets spéciaux sur scène de Rhizomatiks. Ce n’est pas la première fois que MIKIKO et Rhizomatiks interviennent sur les chorégraphies et l’animation sur scène de Perfume. Le groupe est d’ailleurs connu pour sa qualité scénique. ELEVENPLAY faisait les raccords entre les prestations de Perfume et Daichi Miura, ce qui donnait un ensemble très fluide et beau visuellement. J’en arrive même à apprécier le morceau que Perfume interprétait, leur dernier single Polygon Wave, ce qui est une première pour moi. Mais je suis en ce moment dans une phase où j’aime à peu près toutes les compositions musicales de Yasutaka Nakata, j’y reviendrais certainement un peu plus tard.

Le titre du billet est tiré des paroles de Gunjō Biyori (群青日和) et vient signifier que Tokyo se refroidit, ce qui est tout à fait de saison aujourd’hui.

une forme ronde pour nous reposer le regard

Il est magnifique et très travaillé ce camion Dekotora sur les deux premières photographies du billet. Il était stationné pendant quelques jours devant le grand magasin PARCO en plein centre de Shibuya. Ce camion très décoré et coloré a un nom et s’appelle Aki Kannon (亜紀観音) en hommage à la chanteuse de Enka Aki Yashiro qui fête cette année ses cinquante années de carrière. On remarque une photo de la chanteuse sur une portière du camion et la plaque d’immatriculation au numéro 846 évoque bien entendu Yashiro (8 = Ya, 4 = Shi, 6 = Ro). Ce lien entre la chanteuse et le monde des camionneurs viendrait d’un film de la série Truck Yarō (トラック野郎). Cette série de films de comédie et d’action comprend 10 épisodes dans lesquels on retrouve à chaque fois une histoire d’amour impossible, un peu comme dans la longue série de films Tora san, Otoko ha Tsurai yo (男はつらいよ). Aki Yashiro prenait le rôle d’une camionneuse dans le cinquième épisode de la série Truck Yarō, intitulé Dokyō Ichibanboshi (度胸一番星) et sorti en 1977. Elle est en quelque sorte devenue une madone des camionneurs depuis cet épisode. Je n’ai pas été vérifié ce jour-là mais le magasin de disques Disk Union installé au premier sous-sol du PARCO affichait également sur sa devanture des posters de Aki Yashiro.

On change un peu de décor sur les photographies qui suivent tout en restant dans l’arrondissement de Shibuya. Je profitais d’un passage à Sasazuka pour partir à la recherche de nouvelles toilettes publiques du projet Tokyo Toilet. Pour rappel car je l’ai souvent évoqué ici, ce projet vise à renouveler un grand nombre des toilettes publiques de Shibuya en faisant intervenir des architectes et designers reconnus. Celles que j’ai pu découvrir à Hatagaya, juste à côté de Sasazuka, dans le parc de Nanago Dori étaient particulièrement élégantes. Ces toilettes prennent la forme d’un dôme blanc délicatement posé sur un terrain de graviers blancs au milieu des arbres du parc. On doit cette forme ressemblant à un ovni à Kazoo Sato de l’agence publicitaire TBWA/Hakuhodo. Une des particularités de ces toilettes est qu’elles sont contrôlables par la voix. Dans cette série de photographies, la simplicité de cette forme ronde installée dans un quartier tranquille de Shibuya nous repose le regard et vient complètement contrasté avec la complexité détaillée du camion Dekotora posé dans le centre nerveux de Shibuya. A vrai dire, les deux m’attirent dans des proportions équivalentes. J’aime beaucoup la tranquillité des quartiers résidentiels vides mais aussi la densité presqu’insoutenable des quartiers pleins à ras bord. Tout l’interêt de Tokyo est de pouvoir passer très rapidement de l’un à l’autre en marchant seulement quelques pas (enfin plusieurs dizaines de pas quand même). Si on me demandait ce que j’aime dans cette ville, c’est peut-être bien ce que je retiendrais.

Je n’ai pas résisté à la tentation de faire l’otaku (OTK pour être spécifique) en allant faire un tour le soir au Tower Records de Shinjuku le jour même de sa réouverture, le Vendredi 8 Octobre 2021. Il était fermé pendant plusieurs mois pour rénovation ou plutôt pour réarrangement interne. La raison pour laquelle j’y suis allé est que Tokyo Jihen est en photo sur les posters annonçant cette réouverture. Ils sont renommés en « Shinjuku Jihen », pour l’occasion. On connaît les liens étroits entre le magasin de Shinjuku et Sheena Ringo, car une des staffs du magasin est fan. Elle contribue souvent aux événements spéciaux mettant en avant Sheena Ringo ou Tokyo Jihen. J’y suis allé il y a plusieurs mois pour voir l’exposition des costumes de scène du groupe à l’époque de la sortie du DVD/Blu-ray du concert News Flash. En plus des posters affichés à différents endroits du magasin et sur des écrans digitaux dans tout le Department Store Flags, on pouvait également voir à l’entrée du Tower Records au 9ème étage des papiers cartonnés avec les signatures des cinq membres du groupe. Sheena signe toujours avec un dessin de petite pomme et un « merci » écrit en français. J’ai publié ces quelques photos prises à l’iPhone sur Twitter assez rapidement le soir même, en espérant éventuellement être dans les premiers à le faire et donc susciter un intérêt auprès des fans qui suivraient le tag du groupe, mais ça n’a malheureusement pas suscité beaucoup d’interêt. Je me demande bien comment fonctionne Twitter. Publier des photos sur Instagram suscite des réactions immédiates et attire des nouveaux followers, mais publier des choses sur Twitter ne m’apporte en général aucune ou très peu d’interactions visibles. Je vais certainement, une fois encore, abandonner complètement mes contributions sur ce réseau social. Je n’y tweete déjà plus les liens vers les nouveaux billets que je publie sur ce blog, mais Twitter m’est quand même très utile pour me tenir informé. Instagram m’inspire beaucoup plus car les photos que j’y vois, principalement publiées par des amateurs d’architecture tokyoïte, me donne des idées sur mes futures promenades urbaines.

Pour revenir à Tokyo Jihen, le groupe a ressorti récemment ses six albums en format vinyle. Je suis en fait plutôt content de ne pas faire la collection des vinyles car acheter des albums que je connais déjà me tente moyennement. On n’a pas de platine vinyle à la maison et ça ne correspond pas de toute façon à mon style d’écoute. Je me demande d’ailleurs si les personnes qui achètent ces vinyles vont vraiment les utiliser ou les garder dans leurs plastiques d’origine comme objet de collection. La vente de vinyles prend de plus en plus de place dans les magasins au profit d’ailleurs des CDs, au point où je me demande parfois si je ne devrais pas m’y mettre tout en me raisonnant assez rapidement. Je ne sais pas si c’est la maison de disques qui pousse à cela, mais je trouve que Tokyo Jihen exagère en ce moment sur les rééditions. Le 22 Décembre 2021, sortira un double CDs best-of du groupe intitulé Sōgō (総合) comprenant deux nouveaux morceaux et un DVD/Blu-ray intitulé Prime Time avec toutes les vidéos du groupe (28) et quelques bonus. J’ai déjà la plupart des morceaux et des vidéos sur des CDs et DVD/Blu-ray déjà sortis, et ça m’embête donc d’avoir à débourser pour seulement quelques morceaux supplémentaires. Cette technique de rajouter un ou deux morceaux inédits pour pousser à l’achat m’agace un peu. Il existe déjà le DVD/Blu-ray Golden Time avec toutes les vidéos du groupe jusqu’à leur séparation en 2012. Prime Time reprend donc toutes ces vidéos déjà sorties sur Golden Time et les trois-quatre supplémentaires sorties depuis la reformation du groupe. Je n’achète en général pas les best-off, mais c’est possible que je me laisse quand même tenter par le Blu-ray de Prime Time, car j’ai eu la bonne idée de ne pas m’être encore procuré Golden Time en occasion (J’ai par contre déjà tous les autres DVDs/Blu-ray de vidéos plus anciennes comme CS Channel mais pas toutes en format Blu-ray). Dans ma collection des CD/DVD/Blu-ray de Sheena Ringo et Tokyo Jihen, il ne me manque maintenant que le Blu-ray du concert Ringo Expo 14, si on exclut les compilations de morceaux existants ou les box regroupant des CDs déjà sortis… Sōgō et Prime Time sortiront également dans un format « package » particulier incluant une cassette audio et un lecteur cassette. J’ai un peu de mal à comprendre cet anachronisme. Mais pour rester sur une note positive, la sortie de ce best-of nous apportera tout de même deux nouveaux morceaux et on aurait tord de bouder notre plaisir, le groupe et Sheena sortant régulièrement de nouvelles choses. Je trouve également la couverture de ces best-of plus réussie que le design de l’album Music.

Pour continuer encore un peu sur Sheena Ringo, on aura la surprise de la voir présente à l’émission spéciale de Music Station le Vendredi 15 Octobre 2021. Elle n’interviendra pas en solo ou avec Tokyo Jihen mais avec une autre formation temporaire exclusivement féminine appelée Elopers. Cette formation se compose de Sheena, Yuu (ユウ, Yumi Nakashima) actuellement dans un groupe appelé Chirinuruwowaka (チリヌルヲワカ) mais auparavant dans GO!GO!7188, Shiori Sekine (関根史織) du groupe Base Ball Bear, Hona Ikoka (ほな・いこか) du groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女。) et AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) de BiSH. Elles n’interprèteront pas un morceau inédit, mais le classique Gunjō Biyori (群青日和) de Tokyo Jihen (écrit par Sheena et composé par Hiizumi Masayuki). La grande surprise pour moi est la présence d’AiNA dans ce groupe. Depuis le temps que je mentionne ici l’influence de Sheena Ringo sur la musique solo de AiNA, c’est très satisfaisant de voir naitre ce genre de collaboration. Je me remémore toujours cette enquête de Ringohan demandant avec quel/quelle artiste on souhaiterait que Sheena Ringo collabore. Je me souviens avoir mentionné King Gnu et AiNA The End. Mes prévisions sont plutôt corrects: King Gnu était invité par Sheena il y a quelques mois à l’émission spéciale sur Tokyo Jihen de KanJam et AiNA maintenant pour cette émission spéciale de Music Station. L’autre surprise est de voir la participation de Yuu de feu GO!GO!7188 à cette formation. J’ai d’ailleurs ré-écouté leur album Tategami (鬣) au tout début de cette année. Lorsque j’avais découvert cet album en Mai 2003, j’avais déjà évoqué cette influence de Sheena Ringo sur la musique du groupe. En fait, les membres de cette formation s’étaient déjà réunis en Mai 2019, à l’exception d’AiNA, pour supporter Sheena Ringo et Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck-Tick pour l’interprétation dans une émission de Music Station du morceau Kakeochi-sha (駆け落ち者), d’ailleurs appelé Elopers dans son titre anglais. Ce morceau Elopers était présent sur l’album Sandokushi. Il s’agit donc d’une retrouvaille mais avec AiNA en membre supplémentaire et pour une formation exclusivement composée de filles. A ma connaissance, il s’agira de la première fois depuis Hatsuiku Status (発育ステータス), sur la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) de Décembre 2000, que Sheena se produit sur scène avec un groupe exclusivement féminin. C’est assez bluffant de voir cette nouvelle collaboration arriver maintenant. Reste à voir ce que va donner le résultat sur un morceau certes archi-connu et pratiqué sur scène, mais je suis en tout cas très pressé de voir ça.

懐こくされるのは致命傷

Pour une journée en semaine, que j’ai pris en congé, je m’attendais à voir un peu plus de salary men (les employés de bureau) dans le parc de Hibiya, comme on peut en voir dans les photographies de Bruno Quinquet du fameux Bureau d’Etudes Japonaises sur sa série Salaryman Project. Il y en avait peu aujourd’hui, peut être en raison du télétravail. Je ne sais plus pour quelle raison j’ai été amené à marcher avec Zoa dans ce parc à la toute fin de l’été, mais je l’ai découvert différemment. J’ai souvent traversé le parc le soir, mais plus rarement en pleine journée, surtout en semaine. On a pris notre temps car on avait environ une heure pour nous. Je sais que le parc est parfois utilisé pour des concerts, notamment le Hibiya Music Festival se déroulant en général sur deux jours. Seiji Kameda parle régulièrement de ce festival, dont il est le producteur, sur son compte Twitter, mais je n’y suis jamais allé. Il faudrait que je fasse le curieux l’année prochaine. J’imagine que certains des concerts se déroulent sur la grande pelouse verte que l’on peut voir sur la troisième photographie du billet, devant le vieux hall de briques. En marchant dans le parc, on fait un détour pour passer devant le fleuriste Hibiya Kadan, car je voulais revoir les blocs d’architecture aux hauts plafonds créés par Kumiko Inui pour cette boutique. En marchant aujourd’hui dans ce parc, je perds un peu de vue la raison pour laquelle je ne l’aime pas. C’était peut-être parce que, malgré sa grande taille, on ne peut que difficilement s’y perdre, ou peut-être parce qu’il est entouré de buildings de bureaux, ce qui ne constitue pas à priori une atmosphère reposante. Mon avis change un peu aujourd’hui en imaginant la musique qu’on y joue plutôt que la présence des employés de bureau en uniforme endormis sur un banc. En fait, j’ai compris la raison pour laquelle je n’aime pas beaucoup ce parc. J’ai l’image persistante en tête d’employés venant ici seuls pour évacuer leur stress, et les voir assis silencieux sur leur banc me fait imaginer leur situation. En traversant ce parc aujourd’hui, une image beaucoup plus légère flottait autour de nous.

Je n’allais bien sûr pas manquer les reprises faites par Sheena Ringo et Tokyo Jihen de morceaux du groupe Original Love (オリジナル・ラブ) sur la compilation hommage What a Wonderful World with Original Love?, sortie pour ses trente années de carrière musicale. Pour être tout à fait honnête, je n’avais jamais entendu parlé de ce groupe japonais pop au nom étrange, fondé en 1986 mais ayant sorti leur premier album majeur en 1991. A l’origine, le groupe se composait de quatre membres, mais il ne reste maintenant que Takao Tajima. Je n’allais pas manquer ces reprises car je sais que Sheena Ringo arrive toujours à transcender les morceaux qu’elle reprend. Je n’ai pas été déçu par les reprises récentes comme celle du morceau de Yōsui Inoue (Wine Red no Kokoro) et celle de Buck-Tick (Kakeochisha) pour des albums Tribute. Cette reprise du morceau Let’s Go! de Original Love, initialement sorti en Juin 1993 sur l’album Eyes, est tout simplement superbe. Sheena s’entoure d’une formation jazz qui inclut des habitués à savoir Midorin (みどりん) aux percussions, Keisuke Torigoe (鳥越啓介) à la basse et Masaki Hayashi (林 正樹) au piano. Ils étaient par exemple déjà présents sur les concerts de Tōtaikai (党大会) en 2013. J’aime beaucoup cette ambiance jazz et cette formation resserrée avec Sheena au chant excelle, au point où je souhaiterais vraiment que le prochain album solo de Sheena Ringo, s’il sort un jour, soit purement jazz dans cet esprit là. La capacité de cette formation à partir vers l’improvisation vers la fin du morceau est particulièrement savoureuse. Midorin est également membre à plein temps du sextuor SOIL& »PIMP »SESSIONS, dont j’écoutais d’ailleurs beaucoup le EP avec Sheena au chant intitulé Koroshiya Kiki Ippatsu (殺し屋危機一髪). Les performances jazz de SOIL& »PIMP »SESSIONS sont beaucoup plus énergétiques voire même explosives (au point où on appelle leur style Death Jazz) que ce qu’on peut entendre sur le morceau de cette compilation, qui joue beaucoup plus dans la retenue. J’aime ce style un peu plus posé qui je pense convient bien à la voix de Sheena (comme sur Tōtaikai), mais je me dis aussi qu’il faudrait que je parte un peu plus à la découverte de la musique de SOIL& »PIMP »SESSIONS. En écoutant ce morceau de Original Love, je me dis également que Sheena pourrait sortir le volume 2 de Utaite Myōri (唄ひ手冥利), la suite du volume 1 composé uniquement de reprises sorti il y a très longtemps en Mai 2002.

Le morceau interprété par Tokyo Jihen sur ce même album hommage à Original Love est en comparaison moins intéressant. Primal (プライマル), initialement sorti en Juillet 1996 sur l’album Desire, est joli mais un peu trop doux à mon avis, un peu trop éloigné de l’esprit du groupe. Il est interprété à deux voix en alternance par Sheena et Ukigumo. Je m’attendais à la première écoute à ce qu’il se produise un décrochage inattendu comme sait le faire Tokyo Jihen, mais ce n’est pas le cas et le morceau se termine dans la douceur comme il a commencé. Ça n’empêche pas qu’il soit beau et qu’il reste en tête après écoute, mais il souffre de la comparaison avec le morceau solo de Sheena. La compilation contient également un morceau interprété par Ukigumo en solo, sous son vrai nom, Ryosuke Nagaoka (長岡 亮介). Ce morceau intitulé Dear Baby (ディア・ベイビー) est dans un style country que j’ai énormément de mal à apprécier et qui m’a même donné une crainte que Tokyo Jihen parte un jour vers cette direction. J’espère que non même pour un seul morceau. Rien ne le présage pour l’instant en tout cas. Et au sujet du titre de ce billet 懐こくされるのは致命傷, que l’on peut traduire en « La nostalgie est une blessure mortelle », il s’agit d’un extrait des paroles du morceau Koroshiya Kiki Ippatsu mentionné un peu plus haut et que j’écris ici pour mémoire.

知り得る幸は、知らぬ不幸でできている

La découverte de nouveaux quartiers est souvent liée aux activités extra-scolaires du fiston qui n’a pourtant plus besoin de moi depuis longtemps pour l’accompagner. Je trouve pourtant de temps en temps l’occasion ou plutôt le prétexte pour l’accompagner jusqu’au quartier où a lieu son activité, ce qui me permet ensuite de marcher pendant une ou deux heures en attendant qu’il termine. En ce moment, je marche beaucoup plus souvent dans le quartier de Meguro. J’ai déjà pas mal exploré Naka Meguro jusqu’au bord de la rue Komazawa, les quartiers de Kamimeguro et Higashiyama jusqu’à Ikejiri-Ōhashi, mais je me suis plus rarement enfoncé dans les quartiers résidentiels de Shimouma par exemple. En marchant dans ces quartiers résidentiels sans fin, on se rend bien compte de l’immensité de Tokyo. On a l’impression que les maisons individuelles s’additionnent les unes après les autres dans un labyrinthe inextricable. Il y a étrangement quelque chose de reposant dans cette immensité apparente. Et au détour des rues du quartier que je visite, je trouve presque toujours des bâtiments à l’architecture intéressante. Les deux premières photographies en sont de bons exemples. Sur la première photo, la particularité du bâtiment qui attire tout de suite mon regard est sa façade couverte dans sa totalité par des vitrages. Lorsqu’on regarde d’un peu plus près, on remarque l’agencement particulier au sol cherchant à utiliser au maximum l’espace disponible quitte à créer des formes très irrégulières. Sur la maison de la deuxième photo, la surface frontale de béton donnant sur la rue est plutôt classique tandis que sa particularité vient de l’arrière, d’une rondeur parfaite comme un morceau de lune.

A quelques mètres seulement de là, une résidence m’attire pour sa couverture de grillage délimitant les balcons. Il s’agit de Komatsunagi Terrace par l’architecte Mitsuhiko Sato, une résidence construite en 2012. Les façades sont pratiquement entièrement faites de baies vitrées. Ce qui m’étonne le plus sur cette résidence, c’est la faible épaisseur de la structure au sol formant les balcons. Additionner à la légèreté de ce grillage enveloppant, on a l’impression que l’espace sur ces balcons est en suspension, comme si se tenir debout sur ce balcon tenait à peu de chose. On doit certainement s’y sentir léger comme un oiseau. Comme on peut le voir sur les quelques photos ci-dessus vues sur des sites web traitant d’architecture, l’idée initiale est de provoquer un effet de transparence et de légèreté créé par les grandes baies vitrées et la finesse de la structure. La réalité reprend malheureusement très vite le dessus et l’effet de transparence est grandement atténué par le fait que les habitants ferment tous leurs rideaux en permanence. Le concept de transparence sur la rue que l’on voit aussi beaucoup chez Kazuyo Sejima ne fonctionne pas longtemps car on ne souhaite pas être vu depuis l’extérieur à moins d’habiter dans les étages en hauteur.

Je me décide à poursuivre un peu plus la découverte de la musique de Vaundy avec un autre beau morceau intitulé Yūkai sink (融解sink). Il y a quelque chose d’apaisant dans ce morceau, de mélancolique certainement. Les quelques notes fébriles au début pourraient être jouées sur un bord de mer, le soir alors que le soleil laisse échapper ces derniers rayons. Il y a d’ailleurs une ambiance océanique dans la vidéo virant même sur le fantastique lorsqu’une baleine géante surgit des eaux profondes devant nos yeux ébahis et devant ceux de Sara Minami (南沙良), personnage principal et unique de cette vidéo. Le morceau est interprété à deux voix avec une certaine Leila dont je ne sais que peu de choses à part son prénom. Les deux voix s’entremêlent parfaitement sans nous brusquer. On se laisse volontiers envelopper dans ces sons et ses images. Le morceau aux sonorités électroniques pop ne bouscule pas les codes ni ne révolutionne le genre, mais fonctionne très bien car son ambiance nous pousse à rêver quelques instants, ou du moins nous fait nous échapper du lieu où on se trouve lorsqu’on l’écoute. En sous-titre de la vidéo, on trouve la phrase suivante en japonais 「知り得る幸は、知らぬ不幸でできている。」qu’on peut traduire par « Le bonheur que l’on peut connaître est composé de choses malheureuses qu’on ne connaît pas ». Je réutilise cette phrase belle et mystérieuse comme titre de mon billet pour m’en souvenir plus tard.

En parlant de Sara Minami sur cette vidéo de Yūkai sink, je pense maintenant à la publicité de la marque Nissin pour ses fameuses nouilles Ramen instantanées Cup Noodles. Pendant tout l’été, nous avons eu droit à une publicité pour la version Seafood de ces nouilles en gobelet. La publicité montre un personnage étrange effectuant une danse dans une case en évitant des calamars qui l’ont pris pour cible et qui foncent sur lui inlassablement (イカよけダンス). La danse devient de plus en plus rapide et périlleuse, et les calamars finissent par percuter le personnage jusqu’à ce que la case s’en remplisse entièrement. C’est à ce moment là que Sara Minami intervient en s’exclamant d’un air des plus satisfaits « Seafood noodle oishii » (シーフードヌードル美味しい). Je ne sais trop pour quelle raison j’aime la manière dont elle prononce cette phrase, peut-être parce qu’elle l’énonce d’un air un peu détaché en regardant vers le ciel tout en haussant légèrement les épaules. Il y a quelque chose d’un peu innocent qui nous fait penser que son amour pour ces nouilles Ramen en gobelet est tout à fait authentique. En regardant maintenant cette publicité sur YouTube, je me rappelle la multitude de publicités intéressantes de Nissin pour différentes versions de son produit phare Cup Noodles. Il y avait notamment la série animée FREEDOM dessinée par Katsuhiro Otomo, mais réalisée par Shuhei Morita. On reconnaît tout de suite le style graphique qui nous rappelle AKIRA. Je n’avais pas réalisé jusqu’à maintenant qu’une série animée de 7 épisodes était sortie à l’époque en 2006. Elle était apparemment diffusée en streaming et disponible en DVD/Blu-ray. J’ai en fait un vague souvenir d’avoir vu un épisode. J’ai plus de souvenirs des vidéos de deux morceaux de Utada Hikaru utilisant cette même série Freedom, This is Love sorti en 2006 sur son album Ultra Blue et Kiss & Cry sorti sur son album Heart Station de 2008. En fait, en regardant ces images maintenant, j’aime beaucoup le design des personnages et des décors, mais j’ai un peu de mal à vraiment apprécier le rendu final donnant du relief. En cherchant rapidement sur YouTube, je revois avec un certain plaisir une autre publicité Nissin Cup Noodles mettant cette fois-ci en scène un robot Gundam géant portant la bouilloire d’eau chaude nécessaire à la préparation des nouilles. Je suis loin d’être fanatique de ces nouilles, mais voir ces publicités me donne envie d’aller visiter le CUPNOODLES Museum à Yokohama, et par la même occasion, d’aller voir le Gundam géant, ressemblant beaucoup à celui de la publicité, à la Gundam Factory près de la station Motomachi-Chukagai de Yokohama.

Pour revenir encore quelques minutes aux découvertes musicales, j’écoute un nouveau morceau de RöE (ロイ) sur le EP Warusa (ワルサ) dont j’avais déjà parlé récemment. J’écoute déjà beaucoup les deux morceaux YY et Violation qui ont des styles très différents. Le morceau Shōjo B (少女B) que j’écoute maintenant est encore différent, dans un style musical et vocal très dense et urbain. Dans l’ensemble, l’ambiance est beaucoup plus agressive car une multitude de sons viennent envahir l’espace. Malgré cela, la voix de RöE est tout à fait distincte. Elle chante en modulant sa voix comme pourrait le faire Sheena Ringo et cette ressemblance me frappe à certains moments précis du morceau. Même éloignée, je dirais qu’il y a une influence. La vidéo du morceau tout en illustrations par un certain JARRY est aussi intéressante et plutôt étrange. Le titre du morceau Shōjo B, fille B, est une allusion directe au morceau Shōjo A (少女A) de la célèbre chanteuse Kayōkyoku Akina Nakamori (中森明菜). Dans les paroles, elle dit d’ailleurs 「AKINAがAなら わたしは少女B」qu’on traduirait par « Si Akina est A alors je suis la fille B ». J’écoute donc maintenant Shōjo A d’Akina Nakamori sorti en 1982. Je n’écoute pas beaucoup de Kayōkyoku, la musique pop de l’ère Showa, mais j’aime piocher des morceaux par-ci par-là. Shōjo A est le deuxième single d’Akina Nakamori et celui qui lui a apporté son premier grand succès. A l’âge de 17 ans, sa manière de chanter est très mature, à la manière de Momoe Yamaguchi (山口百恵) qui est d’ailleurs son idole. J’aime beaucoup cette manière de chanter. Le morceau Yokosuka Story (横須賀ストーリー) de Momoe Yamaguchi, sorti en 1976, est également un morceau Kayōkyoku que j’apprécie beaucoup. L’envie me vient de temps en temps de me plonger dans cette musique pop d’une autre époque, mais par petites touches. Ma connaissance du sujet est limitée mais tout ceci m’intéresse beaucoup