MANGA都市TOKYO

L’exposition MANGA ⇔ TOKYO se déroule jusqu’au 3 Novembre 2020 au National Art Center Tokyo (NACT). Je suis allé la voir il y a déjà quelques semaines de cela, après réservation en ligne le jour d’avant. Comme la plupart des musées à Tokyo en cette période de coronavirus, les billetteries sur place sont fermées et il faut réserver en ligne avant de se déplacer. Ce n’est pas plus mal en fin de compte, car le nombre de visiteurs est segmenté par tranches de trente minutes et de ce fait, on ne se bouscule pas dans les salles du musée. Lorsqu’on arrive à l’intérieur du musée tout en courbe conçu par Kisho Kurokawa, on est quand même surpris par le vide, car il y a vraiment peu de personnes présentes à l’intérieur du grand hall où se trouvent les deux cônes inversés. On a l’impression d’arriver avant les horaires officielles d’ouverture. On nous prend bien entendu la température avant d’entrer, ce qui est également devenu assez standard maintenant dans les musées. Cette exposition MANGA ⇔ TOKYO (en japonais, MANGA都市TOKYO) est en fait une transplantation de l’exposition qui a eu lieu du 29 Novembre au 30 Décembre 2018 à La Villette à Paris à l’occasion du programme “Japonismes 2018: les âmes en resonance”. Cette exposition au NACT vient s’inscrire dans la continuité de l’exposition Manga*Anime*Games from Japan qui avait eu lieu au même endroit et que j’avais été voir pendant l’été 2015. C’est une bonne idée de traiter cette culture du manga, anime et jeux vidéo comme un art à part entière méritant une exposition dans un musée. Je pense que le Japon ne se rend compte que récemment de l’influence de cette culture sur toute une partie de la population mondiale en commençant par ma génération. Je ne sais pas si la version parisienne de l’exposition était vraiment similaire à ce que j’ai pu voir à Tokyo, mais on nous dit qu’il s’agit d’une version mise à jour.

La salle d’exposition se compose principalement d’une immense maquette représentant la ville de Tokyo à l’échelle 1/1000, d’une largeur de 17 mètres et d’une longueur de 22 mètres. Cette maquette est impressionnante, mais on a du mal à en saisir tous les détails car on peut seulement en faire le tour. Elle est couplée à un grand écran montrant des scènes de films japonais de science fiction japonais, principalement Godzilla, et des extraits d’anime renommé comme Akira, Neon Genesis Evangelion, Patlabor 2 entre autre. Le thème principal de l’exposition est de montrer les relations entre la ville de Tokyo et l’univers du manga, c’est à dire montrer la manière par laquelle la ville est montrée dans les manga et éventuellement la manière par laquelle l’univers du manga influence la ville. Ce deuxième axe est plus limité et montre principalement le grand robot Gundam installé à Odaiba devant le centre commercial DiverCity, ou des personnages de manga dessinés sur des trains. L’exposition nous montre plus précisément comment Tokyo est représenté dans les manga et anime à travers les époques, depuis la période Edo jusqu’au temps présent. Ce qui est intéressant de constater, c’est la manière dont la représentation de la ville change en fonction des décennies. Pendant les périodes de forte modernisation, la ville est plutôt mise en scène dans toute sa splendeur, alors que les œuvres plus récentes mettent plutôt en valeur la personnalité de chaque quartier et la délicatesse des instants. C’est ce type de représentation que l’on peut voir dans les films d’animation de Makoto Shinkai. L’exposition nous explique également la tendance actuelle plus réaliste qui n’assume plus une vue progressiste où les lendemains seront meilleurs que les jours présents, mais considère plutôt que les jours ordinaires vont se répéter sans cesse dans le futur. Il s’agit d’une vue plus noire et pessimiste.

Une partie importante de l’exposition est de montrer la manière dont Tokyo se place dans un cycle perpétuel de destruction et de reconstruction, notamment depuis le grand tremblement de terre de 1923. J’en parlais justement il n’y a pas très longtemps sur ce blog, après avoir vu le film Shin Godzilla. La série Godzilla est d’ailleurs présentée à travers des extraits de plusieurs épisodes, du premier Godzilla de 1954 jusqu’au Shin Godzilla de 2016. Je suis épaté par la qualité plus que médiocre des représentations de Tokyo dans les Godzilla des années 80 et 90, faisant ressembler ces films à des séries Z bien éloignées du réalisme de Shin Godzilla. La représentation de Tokyo dans le Godzilla de 1954 est même plus probante. Ensuite, on nous montre bien entendu Akira, où Tokyo est là encore détruite en totalité pour donner naissance au Neo Tokyo construit au dessus de la baie. L’exposition nous rappelle les prédictions de Katsuhiro Otomo dans son œuvre, notamment le fait que les Jeux Olympiques soient prévus à Tokyo en 2020 mais finalement annulés. Derrière le grand plan de Tokyo à l’échelle 1/1000, des images nous montrent le début d’Akira au moment de l’explosion de la bombe au delà de Shinjuku. On nous montre en même temps sur le plan avec un effet de lumière où se trouvent dans Tokyo les scènes montrées dans les extraits. Pour Akira, je me souviens d’un article du blog The tokyo files (東京ファイル) montrant l’emplacement de l’épicentre de la bombe. L’explosion, le 16 Juillet 1988, aurait approximativement eu lieu le long de l’autoroute métropolitaine No.4 Shinjuku Line (au dessus de l’avenue Koshu-Kaido) au niveau du temple Shinkyōji entre Shimo-Takaido et Meidaimae. Neon Genesis Evangelion, avec ses immeubles rétractables sous le sol lorsque les anges destructeurs font leur apparition, est également un bon exemple de destruction de la ville, sauf que la nouvelle version de Tokyo appelée Tokyo-3 ne se trouve pas à Tokyo mais à Hakone. Je suis certain d’avoir déjà parlé de cela sur Made in Tokyo, donc je n’apprends pas grand chose sur le sujet, mais c’est très intéressant de revoir ces images sur grand écran et avec des explications.

On parle de beaucoup d’autre manga dans cette exposition, certains dont je n’ai jamais entendu parler, d’autres que je connais sans forcément les avoir lu comme Rivers’s edge (j’ai parlé du film il y a plusieurs mois) ou Sakuran (le film est dans ma liste à voir sur Netflix mais je n’ai jamais pris le temps de m’y mettre). L’exposition me rappelle également qu’il faut que je regarde les films d’animation The girl who leapt through time de Mamoru Hosoda, Tokyo godfathers de Satoshi Kon ou encore Miss Hokusai de Keiichi Hara. Même si l’espace d’exposition est relativement restreint, j’y ai passé une bonne heure et demi. En prenant le chemin du retour, il ne faut pas manquer la maison de thé construite en verre par Tokujin Yoshioka et appelée Kou-an. Elle est placée juste devant l’entrée du musée. Cette petite œuvre d’art est d’une grande délicatesse.

daita 2019 par Suzuko Yamada

Il arrive parfois que Twitter me donne des pointeurs vers des choses intéressantes à découvrir à Tokyo, notamment en architecture. Nisan Gogo donne sur son compte Twitter un lien vers un article du site Dezeen, couvrant l’architecture et le design, à propos d’une maison individuelle configurable par son utilisation de tubes métalliques ajustables. L’article indique que cette maison, conçue par l’architecte Suzuko Yamada, se nomme Daita 2019 (j’ai lu aussi Daita House). La déduction rapide que je fais est que cette maison doit se trouver quelque part à Daita dans l’arrondissement de Setagaya. Je ne connais pas particulièrement le quartier de Daita, à part qu’on le traverse régulièrement pour aller vers Kichijōji en voiture. Je ne sais pour quelle raison mais j’ai le sentiment immédiat que je peux trouver cette maison malgré les maigres indications qui me sont données. Je n’ai bien sûr pas son adresse car il s’agit d’une propriété privée. Pour espérer la trouver, je n’ai sous la main que les quelques photographies de l’article de Dezeen ainsi qu’une indication qu’elle se trouve sur une rue en forme de “Y”. J’ai cependant réussi plusieurs fois à trouver des maisons sans avoir l’adresse à travers des recherches minutieuses sur Google Map. Pour Daita House, il faut d’abord rechercher les rues en « Y » et ensuite essayer de reconnaître la forme de la maison vue du ciel. Le problème est que Google Map n’est pas toujours à jour et que cette maison est relativement récente car elle date de 2019 (du moins, c’est ce que j’en déduis d’après son nom). Il est fort probable qu’elle n’y soit pas montrée ou qu’elle soit encore en cours de construction. Je tente quand même ma chance et après quelques minutes, j’ai l’intuition d’avoir déjà trouvé cette maison. Google Map ne montre pas les tubes métalliques car ils ne semblent pas avoir été installés au moment où les photos de rue ont été prises. Daita 2019 sans sa forêt de tubes ressemble à une maison classique mais je reconnais tout de même le format variable des vitrages en cours d’installation. Il n’y a pas de doute, il s’agit bien de Daita 2019. Profitant de deux heures de temps libre (le temps libre fonctionne toujours par tranche de deux heures), nous partons à la recherche de cette maison en voiture, Mari m’accompagnant car nous irons ensuite à la chasse aux sanctuaires dans le quartier. Les rues sont étroites quand on s’enfonce dans les zones résidentielles de Setagaya et les voies à sens unique sont très nombreuses. Lorsque l’on découvre finalement Daita House à l’endroit que j’avais identifié sur Google Map, il faudra faire vite pour observer la maison et prendre quelques photos car on est obligé de se garer au milieu de la rue. Il n’y a heureusement pas grand monde dans ce quartier. Comme dans tous les quartiers résidentiels de Tokyo, ils sont remplis à ras bord de maisons et de résidences, mais il y a peu de monde dans les rues en pleine journée. Bien que l’on devine que chacune des maisons est bien habitée, on a l’impression qu’il s’agit de quartiers désertés tant il y a peu de personnes dans les rues en comparaison avec les nombre d’habitations.

Les deux photographies intérieures ci-dessus sont extraites de la page consacrée à la maison Daita 2019 de l’architecte Suzuko Yamada sur le site site Dezeen.

La particularité de Daita 2019 est d’avoir un espace couvert ‘classique’ et une extension extérieure modulable faite de nombreux tubes et plateformes métalliques. Les jointures sont apparentes et donnent l’impression que la configuration de cet espace extérieur peut être modifié à tout moment. Cette construction précaire posée en devant de l’espace habitable vient brouiller les lignes entre les espaces intérieurs et extérieurs, et c’est ce qui m’a paru très intéressant lorsque j’ai découvert cette maison sur l’article de Dezeen. La façade donnant sur le jardin est couverte en quasi totalité par des fenêtres, 34 ouvertures de tailles différentes, ce qui renforce grandement cette impression d’espaces intégrés sans limites visibles. Concrètement, je ne suis pas convaincu que les propriétaires décident de changer du tout au tout la configuration de ces tubes extérieurs mais on imagine bien la construction de structures additionnelles pour des besoins spécifiques. Ce que j’aime également beaucoup dans cette maison, c’est la manière dont les arbres et les plantes du jardin viennent se mélanger avec la structure métallique, notamment autour d’un escalier métallique en spiral. Cette végétation, comme une petite forêt en devenir vient également apporter une séparation avec l’espace de la rue. L’intérieur est composé principalement de bois mais d’une structure tout aussi enchevêtrée. L’aspect DIY (Do It Yourself) est également prédominant à l’intérieur de la maison. Les surfaces en contreplaqué des murs intérieurs sont par exemple laissées en l’état et ne sont pas peintes. L’arrangement intérieur donne également l’impression de pouvoir évoluer suivant les besoins et la manière dont la famille évolue ou grandit. Un des problèmes de cette maison est que, d’apparence, on a l’impression qu’elle est en éternels travaux, qu’elle n’est pas encore terminée. Mais ce concept de maison qui vit, qui grandit sans cesse est aussi ce qui rend ce concept intéressant. Il y a une originalité certaine dans cette architecture atypique et elle valait bien le déplacement, même s’il était un peu bref.

真夏.10

(ワ) Shiodome (汐留): Vue sur la tour de Tokyo depuis les hauteurs de Shiodome. (ヲ) Togoshi (戸越): Vue sur un jardin intérieur, derrière un petit magasin de fruits et légumes dans une rue commerçante du quartier de Togoshi. (ン) Ōmori (大森): Vue sur un jardin extérieur, qui termine cette série de photographies du plein été à Tokyo. J’ai bien d’autres photographies du mois d’Août que j’aurais pu/voulu montrer mais l’alphabet Katakana se termine déjà m’empêchant d’aller plus loin. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de LUNA SEA, ROSIER et MOTHER sur leur album du même nom sorti en Octobre 1994.

真夏.9

(ラ) Ebisu (恵比寿): Les yeux de la pieuvre du building Octagon à Ebisu par Shin Takamatsu. (リ) Ebisu (恵比寿): Proposition de Fumihiko Maki pour le parc Tako à Ebisu, pour le projet Tokyo Toilet lancé par The Nippon Fondation pour le quartier de Shibuya. (ル) Gaien (外苑): Immeuble de béton regardant la rue au dessus d’une rangée d’arbres. (レ) Ebisu (恵比寿): Version bétonnée des toilettes publiques de Shibuya par Masamichi Katayama au parc Ebisu. (ロ) Gaien (外苑): Face à face du stade de Kengo Kuma avec le gymnase de Fumihiko Maki. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de BiSH, TOMORROW et Super hero music sur leur album LETTERS sorti en Juillet 2020.

真夏.8

(ヤ) Gaien (外苑): Fine couches de végétation sur les étages du nouveau stade olympique par Kengo Kuma. (ユ) Higashi (東): Fine couche de végétation au dessus du bloc rouge des toilettes publiques de Higashi 3-chōme par Nao Tamura. (ヨ) Ebisu (恵比寿): Fine couches de végétation sur EBISU SA BUILDING par C+A Coelacanth and Associates (Kazuhiro Kojima et Kazuko Akamatsu). (+) Accompagnement musical: deux morceaux de Sōtaisei Riron, 地獄先生 et 品川ナンバー sur leur album Hi-Fi Anatomia sorti en Janvier 2009.