OAK BLDG II

Ce building de béton est apparu soudainement entre Naka-Meguro et Daikanyama, en face de l’école Tokyo College of Music, qui est également assez récente. J’ai déjà montré cet immeuble aux formes courbes appelé Oak Bldg II sur mon compte Instagram, il y a presque trois mois. Un architecte m’avait fait très justement remarquer dans les commentaires qu’il s’agissait d’un béton moins “parfait” que l’habituel béton brut japonais toujours très homogène, mais que le béton de cet immeuble atteignait tout de même une certaine perfection. Je suis bien d’accord avec cette affirmation et j’imagine bien cette tentative d’atteindre une perfection dans le traitement volontairement non-homogène de ce béton. Rien ne doit être laissé au hasard. On imagine très bien l’intention dans le fait d’avoir utilisé des bétons de couleurs et d’apparence générale très différentes. On a l’impression que le bâtiment est couvert de rayures. Ses formes rondes et ovales sont également très intrigantes et m’évoquent même une sorte d’animal. Malgré quelques recherches, je n’ai malheureusement pas trouvé qui en était l’architecte. Toujours est-il que ses imperfections absolument parfaites en font un des plus beaux bétons que j’ai vu depuis un petit moment. Pour ce qui est du béton parfaitement parfait, je pense toujours au TOD’s de Tokyo Ito sur la grande avenue de Omotesando.

passage à Kugahara

Le quartier résidentiel de Kugahara est immense quand on le parcourt à pieds. La plupart des maisons se ressemblent mais on aperçoit à certains endroits des bâtiments qui se font remarquer, comme la maison de béton de la première photographie. Le placement de l’étage en léger porte-à-faux est intéressant. Mais la maison qui m’intéresse le plus dans cette partie du quartier est celle en béton que l’on peut voir sur les deuxième et troisième photographies. Il s’agit de House in Kugahara II de l’architecte Kiyoshi Seike. Le bâtiment, datant de 1974, fut construit juste à côté d’une autre maison de Kiyoshi Seike, House in Kugahara, construite, elle, dix ans plus tôt. Ce bâtiment avec peu de fenêtres a des airs brutalistes par la force du béton, tout de même un peu adoucie par des murets de briques rouges et quelques incrustations de bois et surtout par un jardin très fleuri. Ces photographies datent du mois de Mars et les cerisiers étaient en fleurs dans ce quartier. A certains endroits, les pétales de cerisiers commençaient même à recouvrir le sol.

お化けが見えないけど (3)

Ma promenade à Yanaka se termine par la rue commerçante Yanaka Ginza où il y a un peu plus de monde que dans le reste du quartier mais toujours pas de chats. Je m’attendais vraiment à en trouver à chaque coin de rues et dans l’enceinte des temples à dormir dans un coin. Outre les temples, on trouve de nombreuses anciennes maisons dans le quartier. Au hasard des rues, je tombe sur la galerie SCAI The Bathhouse que je n’ai jamais visité et que je ne visiterais pas cette fois-ci faute de temps. Je trouverais par hasard quelques bâtiments plus récents et intéressants, comme ce petit immeuble de la cinquième photographie avec ses fines plaquettes de bois me rappelant Kengo Kuma. La photographie suivante montre la maison Double Helix House par les architectes Yuki Hyakuda et Maki Onishi de o+h architects. Il s’agit d’une construction de béton couverte de bois avec deux escaliers en hélice autour de l’espace habitable, intérieur et extérieur. Du même groupe, j’avais également vu House H, découverte totalement par hasard comme Double Helix House à Yanaka. Je le dis très souvent mais j’adore ces découvertes architecturales inattendues. Sur la dernière photographie du billet, la maison complètement noire et angulaire m’intrigue aussi beaucoup mais je ne connais pas l’architecte. Cette visite de Yanaka à été assez riche en architecture récente, ce qui était assez inattendu, à défaut d’y voir des chats (🐈) ou des fantômes (👻). A ce propos, cette petite série se conclut aujourd’hui, le jour des fantômes au Japon (幽霊の日). Ce jour correspond à la première représentation il y a 195 ans de la pièce kabuki Yotsuya Kaidan, l’histoire du fantôme de Yotsuya, qui est basée sur l’histoire d’Oiwa dont parlait le 4ème épisode de la série d’Arte Tokyo Paranormal que je mentionnais dans le billet précédent. Pour ce jour des fantômes, je me décide à commencer à regarder Ju-on, le film de 2002 de Takashi Shimizu. Si je réussis à le terminer, il me faudra certainement voir la suite puis peut être la série Origins. Le tout est disponible sur Netflix.

nakamebucks

En y réfléchissant bien, il y a quand même beaucoup de bâtiments de toutes tailles et fonctions conçus par l’architecte Kengo Kuma à Tokyo. Il a pris depuis quelques années le statut d’architecte incontournable au Japon et même à l’étranger. Il construit beaucoup au Japon et notamment à Tokyo, que ça soit le nouveau stade olympique, la nouvelle gare de Takanawa Gateway que je n’ai pas encore été voir, la tour Shibuya Scramble Square dont je parlais dans le billet précédent ou le vaste bâtiment en photos ci-dessus pour une modeste chaîne de cafés appelée Starbucks. Je suis déjà passé devant plusieurs fois, notamment en mars 2019 peu de temps après son ouverture. Je me souviens qu’à l’époque, je m’étais naïvement présenté à l’entrée pour y acheter un café à emporter tout en voulant faire un petit tour de l’intérieur, mais on m’avait gentiment dit qu’il fallait d’abord acheter un ticket dans le bâtiment annexe pour avoir le droit d’entrer à l’intérieur deux ou trois heures après. J’avais finalement fait demi-tour après avoir quand même pris quelques photos de l’extérieur. La situation a bien changé maintenant, car il n’était pas nécessaire d’acheter un ticket en avance ou d’attendre dans une file pour entrer à l’intérieur. Et comme j’y suis allé un jour de semaine pendant mes congés, il n’y avait pas foule. Le bâtiment a plusieurs étages avec des grandes terrasses donnant sur la rivière Meguro. J’imagine que la vue doit être superbe ici pendant la période des cerisiers en fleurs. J’évite quand même de m’asseoir en terrasse car il faisait chaud et humide cette journée. Je préfère m’asseoir le long des baies vitrées sur une chaise basse pour m’obliger à regarder en hauteur. Une chose est sûre, ces grands espaces s’apprécient mieux quand il y a peu de monde. Les deux rives de la rivière Meguro changent petit à petit avec des nouvelles constructions voyant le jour, comme celle de ce café ou un autre grand bloc de béton superbe juste en face sur l’autre rive. Naka Meguro est un quartier prisé depuis déjà un petit moment et ça ne va aller qu’en s’accentuant.

Shakujii Apartment par SANAA

J’ai déjà découvert, par hasard ou volontairement, un grand nombre de buildings et de maisons individuelles conçus par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, soit individuellement ou ensemble au sein du groupe SANAA, sans pour autant avoir créer une liste facilement consultable de ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Comme je le mentionnais dans les commentaires d’un billet précédent, ce blog est une forêt inextricable ramifiée sur 17 années de contenus organisés seulement de manière chronologique. Un novice arrivant à la lisière de cette forêt y réfléchira sans doute à deux fois avant de s’y enfoncer. Pourtant, cette approche plutôt déroutante et opaque me convient assez bien pour ce blog, car j’aime l’idée que l’on puisse découvrir les choses de fil en aiguille à mesure de son intérêt, plutôt que tout d’un bloc de façon organisée. Si on comparait cette démarche à de l’architecture, elle serait à l’exact opposé de l’extrême transparence de SANAA. Cette approche sans concession de l’architecture m’intéresse beaucoup et me pousse à la découverte progressive des créations architecturales de SANAA.

Cette fois-ci, je pars sur les traces d’un ensemble d’appartements dénommé Shakujii Apartment. L’adresse est facilement trouvable sur Internet. Ce petit ensemble se trouve à côté d’une rivière, la rivière Shakujii, et assez proche d’un grand parc, le parc de Shakujii, qui sous certains aspects me rappelle un peu le parc de Inokashira. Le parc Shakujii est desservi par une station du même nom sur la ligne Seibu-Ikebukuro, que j’emprunterais seulement au retour. A l’aller, j’emprunte une ligne parallèle à celle-ci, la ligne Seibu-Shinjuku, qui m’amène à la station Kami Igusa. Depuis cette station, il faut marcher une bonne dizaine de minutes dans une zone résidentielle, en se perdant un peu en court de route, pour finalement découvrir Shakujii Apartment au détour d’une rue. La zone résidentielle dans laquelle se trouve Shakujii Apartment est des plus classiques comme dans toutes les banlieues lambda autour de Tokyo, sans personne dans les rues.

Le style de Shakujii Apartment contraste fortement avec le reste des maisons individuelles de deux ou trois étages du quartier. Il s’agit d’un immeuble de taille basse tout en longueur, composé de huit unités d’habitation de tailles variables. Les unités sont construites en structures d’acier et sont couvertes dans leur quasi-totalité de vitrages. Elles sont composées de trois étages avec un rez-de-chaussée à moitié en sous-sol, et ne sont pas positionnées en alignement sur le terrain. Leurs dispositions sur le terrain laisse d’ailleurs place à des espaces verts qui sont parfois utilisés comme allées pour circuler ou comme petits jardins. Cette disposition semblant aléatoire me fait tout de suite penser à la disposition des blocs habitables de Moriyama House de Ryue Nishizawa à Kamata. Certains blocs de Shakujii Apartment sont surmontés d’une terrasse, d’autres sont utilisés au rez-de-chaussée comme place de parking couverte. Les configurations de chacune des unités sont toutes différentes en taille et en organisation. Les unités sont accessibles depuis un petit escalier menant à l’étage. Comme on peut le comprendre sur les diagrammes des étages, trois unités sont composées de deux blocs tandis que les cinq autres sont faites d’un seul bloc. L’apparence générale de l’ensemble est très agréable car ce petit labyrinthe de ruelles vertes est bien entretenu et la blancheur des surfaces et des piliers ne semble pas avoir été trop affectée par les 9 années d’existence du bâtiment (il date de 2011).

Mais, l’architecture de Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa a comme toujours le défaut de ses qualités. La transparence, la légèreté et la très grande délicatesse du bâti sont les points communs de l’architecture du groupe, mais l’espace qui est créé est-il réellement habitable à la manière dont les architectes l’ont conçu? Les façades de verre sur les trois étages me rappellent le bloc d’Apartment I conçu par Kumiko Inui à Hiroo, et comme c’est le cas pour Apartment I, les rideaux étaient tous refermés quand j’y suis passé. Les japonais n’ont à priori pas une nature exhibitionniste et j’imagine que ces rideaux sont fermés en permanence à longueur de journée. Il y a un fort vis-à-vis avec les autres maisons individuelles autour car les rues sont assez étroites dans ce quartier résidentiel tout à fait ordinaire. La situation aurait peut être été différente si la résidence avait été placée en bord d’un grand espace vert ou au bord de la rivière Shakujii à quelques mètres de là. Ce type de transparence me semble plus adapté pour un espace commercial plutôt que pour un espace habitable. Le problème se remarque aussi au niveau des terrasses et du vis-à-vis entre les unités elles-mêmes. Les habitants se protègent en ajoutant des toiles assez disgracieuses (ou du moins qui ne correspondent pas à l’esprit initial du bâtiment). Cette résidence de SANAA est dans son concept très intéressante mais, à mon avis, ne remplit pas complètement sa fonction primaire. Il manque une distance pour permettre à cet espace ouvert sur l’extérieur de bien fonctionner. Je ne suis d’ailleurs pas certain que l’ensemble de la résidence soit occupée. Seulement deux unités montraient des signes clairs d’occupation (des plantes sur la terrasse, une voiture stationnée, un vélo posé au bord d’un mur, et ces toiles accrochées en hauteur). C’était difficile de juger de l’occupation de l’ensemble car j’y suis passé en semaine plutôt que le week-end. L’environnement autour de Shakujii Apartment est très agréable par la présence du grand parc tout en longueur occupé en grand partie par un étang.