le temple Zuishōji près des cerisiers

Les quelques photographies ci-dessus datent du mois de Mars de cette année, alors que les cerisiers commençaient à être en fleur, dans l’enceinte du temple Zuishōji à Shirogane. Les allés du temple sont extrêmement bien entretenues, sans une herbe qui dépasse des petits espaces verts bordés ou des parterres de graviers. La partie ancienne du temple, placée au milieu de ce parc de graviers et de dalles de pierre, semble se détacher de l’ensemble. La partie du temple que je voulais voir est celle construite juste à côté. En regardant les photographies, on devine tout de suite que Kengo Kuma en est l’architecte. L’utilisation de fines plaquettes de bois à la verticale pour les façades du bâtiment est une des caractéristiques de son architecture. Cela donne une construction très délicate qui ne vient pas contrebalancer la force intrinsèque qui se dégage de l’ancien temple principal. Ces nouvelles dépendances forment un cloître en forme de U autour d’un petit plan d’eau artificiel sur lequel est posé une scène pouvant être utilisée pour des représentations. Les fleurs de cerisiers à l’entrée du temple apportent une petite note de couleur bienvenue à l’ensemble, sous le ciel tourmenté du mois de Mars. L’idée m’est venu de visiter ce temple après l’avoir vu sur le compte Instagram de la guide tokyoïte Haruka Soga, qui est spécialisée dans les photos d’architecture. C’est un compte à suivre pour les amoureux de l’architecture de Tokyo, car elle y ajoute quelques notes pour indiquer les architectes ou pour donner une impression personnelle sur les lieux. Je connais ou reconnais déjà beaucoup des bâtiments qu’elle montre sur Instagram mais il y a en régulièrement que je ne connais pas ou que j’ai oublié, notamment les bâtiments plus anciens. Il y a assez peu de comptes Instagram qui donnent autant d’informations car la plupart se contentent d’une photo sans aucune légende.

la pluie sur le béton de l’autoroute

La saison des pluies me donne à chaque fois des sentiments contradictoires. J’aime la regarder tomber et entendre ses sons tôt le matin depuis l’intérieur de l’appartement en ouvrant une fenêtre. Mais je déteste le fait qu’elle nous bloque à la maison sans une possibilité d’aller marcher dehors et prendre des photos. Je pourrais certainement aller prendre des photos de parapluies dans le centre de Shibuya ou de Shinjuku, comme certains le font très/trop bien, mais je ne maîtrise pas encore très bien la prise de photo tout en portant le parapluie d’une main. Le parapluie finit toujours par s’inviter dans le cadre à un moment ou à un autre. Les moments après la pluie sont par contre très photogéniques, et la végétation dans Tokyo donne des couleurs beaucoup plus denses qu’à l’habitude. La végétation dans Tokyo est un des sujets les plus intéressants à prendre en photo, avec l’infrastructure bétonnée des autoroutes, bien sûr. Celle que je montre ci-dessus est l’infrastructure autoroutière de Nishi Shinjuku au niveau de la jonction de Shinjuku, aux pieds des trois tours du fameux Shinjuku Park Tower de Kenzo Tange, où se trouve l’hôtel Park Hyatt dans lequel se déroule l’action du film Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola. De retour à la maison, j’ai regardé le film pour une énième fois dans la nuit et au matin. Je pense que c’est l’ambiance musicale qui m’incite à le regarder encore, car elle entre bien en adéquation avec les sentiments qui se dégagent du film, au delà même de l’histoire, je veux dire la mélancolie continuelle des deux personnages principaux du film, Bob Harris et Charlotte. Cette ville peut exacerber le sentiment de solitude et le film le montre bien, mais aussi, au fur du temps, créer un lien dont on ne peut se défaire facilement. Le film prend le parti de ne placer aucune musique japonaise (à part « Kaze so Atsumete » de Happy End), je me demande si une musique ‘étrangère’ aurait modifié l’atmosphère du film. L’infrastructure placée au pied de l’hôtel de Lost in Translation est à la fois massive et élégante par ses courbes qui prennent tout l’espace. Je m’arrête même pour admirer la forme des piliers soutenant deux voies sur la deuxième photographie. Le ciel n’est pas dégagé pour donner assez de lumière mais apporte tout de même le contraste. La pluie pointe son nez et il est temps d’écouter deux morceaux du groupe Yonige qui s’accordent si bien avec cette mélancolie pluvieuse. J’écoute les deux premiers morceaux de leur dernier album Kenzen na Shakai (健全な社会) sorti cette année, à savoir le premier morceau 11月24日 (November 24th) et le deuxième 健全な朝 (Kenzen na Asa). Dès les premières notes du premier morceau, l’ambiance me rappelle celle du rock indé de Kinoko Teikoku sur leurs premiers albums. Yonige est un jeune duo féminin de 25 ans, originaire d’Osaka et composé d’Arisa Ushimaru et Gokkin. La musique sur ces deux morceaux s’accorde bien avec cette saison des pluies qui n’en finit pas.

Azabu Edge

L’architecture peut être parfois déroutante quand la logique des formes n’est pas immédiatement compréhensible. Azabu Edge par l’architecte avant-gardiste Ryoji Suzuki fait partie de ces bâtiments très particuliers que l’on trouve parsemés dans Tokyo. Azabu Edge se compose de blocs de béton brut, martelés à certains endroits comme si on avait créer des ouvertures au burin. On y retrouve la forme exagérément accentuée de l’escalier, comme sur la maison particulière House in Jingumae du même architecte, que j’avais découvert par hasard mais en toute logique à Jingumae. Depuis le début de sa carrière, Ryoji Suzuki utilise les termes « Experience in Material » pour toutes ses œuvres architecturales. Azabu Edge doit très certainement être la vingtième création de l’architecte, car le building porte le sous-titre Experience in Material N. 20. Ce titrage laisse entendre que l’architecte conçoit son architecture comme une expérimentation des matériaux et des formes. Selon l’architecte, Azabu Edge, datant de 1987, a été dessiné en réaction à l’environnement hétéroclite alentour au moment de sa construction. La complexité des formes de ce bâtiment entend refléter et s’inscrire dans la succession dysharmonieuse des bâtiments qui s’alignent sur cette rue et dans ce quartier de Nishi Azabu. Comme on le sait très bien, il n’y a aucune unité stylistique dans l’architecture tokyoïte à part pour certains complexes intégrés comme Roppongi Hills (qui n’est pas très éloigné de Azabu Edge d’ailleurs). Mais on peut également considérer ce chaos comme une nouvelle approche architecturale. Les « Expériences in Material » de Ryoji Suzuki ne sont pas toutes des bâtiments ou des résidences privées, mais peuvent aussi prendre le format d’installations artistiques, de films ou livres de photographies architecturales. La même année que Azabu Edge, Ryoji Suzuki réalise un projet particulier appelé Absolute Scene ou Experience in Material N. 24, qui documente en photographie la destruction d’une maison résidentielle en bois. Plutôt que de construction, il s’agit là de destruction architecturale. Le point d’intérêt qu’il développe dans ce projet est la mise en scène de l’évolution de l’architecture avec le temps. Il tente de montrer une architecture qui continue à exister même après son utilisation fonctionnelle, jusqu’à ce que le bâtiment passe à l’état de ruines. Dans une interview publiée dans le livre Encounters and positions: Architecture in Japan, Ryoji Suzuki nous parle de ce concept de disparition architecturale:

[…] architecture takes on a life of its own. It changes with the people living in the building, and it remains when the people leave. That’s what interests me about abandoned buildings. In Europe, buildings are mostly made of stone and endure pretty well. But in Japan, buildings are basically wooden structures that disappear more easily. In Tokyo, after the bombing and the fires of World War II, most buildings burnt down, but their remains lingered on like ghosts. I wondered what would happen to a Japanese building when it became unused and began to slowly disappear.

Ryoji Suzuki choisit les matériaux en réfléchissant à leur évolution dans le temps, à la manière dont ils vont, petit à petit, prendre de l’âge et s’altérer, l’état final étant quand le bâtiment passe à l’état de ruines. On perçoit d’ailleurs cet aspect dans les choix volontaires de casser certaines parois de béton, comme au rez-de-chaussée du building, pour donner le sentiment que le bâtiment se trouve déjà dans le cours de son évolution vers l’état de ruines. Il y a une beauté certaine à voir le béton vieillir, une beauté non-conventionnelle que j’ai appris à percevoir avec la photographie.

Buildings are constantly changing and transforming. […] I can’t control how it changes, but I do observe the aging process. So, what I can control is my choice of material. As it changes over time, I want to choose materials that will age over time according to their substance, such as store or steel or solid wood rather than thin superficial materials. I design elements where you experience the aging of material.

En parlant de photographie, me reviennent en tête les photographies de Hiroshi Sugimoto qui prennent souvent pour sujet le passage du temps notamment à travers les séries en longue exposition de vues sur l’océan ou de l’intérieur de salles de théâtre ou de cinéma. De la photographie, Hiroshi Sugimoto s’est reconverti partiellement à l’architecture depuis quelques années. Il a notamment conçu avec l’aide de l’architecte de profession Tomoyuki Sakakida l’Observatoire d’Enoura pour la Fondation d’Art d’Odawara. Cet observatoire a ouvert ses portes en Octobre 2007 et se compose de plusieurs structures architecturales. De la même manière que pour ses photographies et un peu comme Ryoji Suzuki, Hiroshi Sugimoto entrevoit son architecture dans sa temporalité. Dans une interview du New York Times, il indique que son désir est de créer des bâtiments qui ne montrent pas toute leur beauté lorsqu’ils viennent d’être construits, mais au contraire s’embellissent avec les années. Il nous invite même à revenir dans 1,000 ans pour constater que le bâtiment, certainement à l’état de ruine, révèlera sa véritable beauté.

Rather than designing architecture that looks its best new, he [Hiroshi Sugimoto] aims to create buildings that will “still look nice after civilization is gone,” he says. “After it ends, my building will be the most beautiful building as a ruin.” […] “One hundred years is usual” — for the life span of a building — “but 1,000 years is my calendar. Wait another 1,000 years, and it will be much, much better looking.”

Cette idée est similaire aux réflexions de Ryoji Suzuki sur la destruction progressive de l’architecture jusqu’à un état de ruine, mais aussi de l’architecte américain Louis Kahn avant lui:

When the building is a ruin and free of servitude, the spirit emerges, telling of the marvel that a building was made.

Ces approches sont relativement théoriques, mais j’aime beaucoup l’idée de voir des bâtiments construits avec ces principes en tête. Et comme je l’indiquais ci-dessus, le béton qui a prit de l’âge devient photogénique comme un vieux visage.

definitely ongoing

Ces photographies datent déjà d’il y a plusieurs semaines ou mois. Je ne me souviens plus exactement du jour où elles ont été prises mais ça devait certainement être quelques jours avant la Golden Week car je vois des carpes de couleurs accrochées à la vieille maison en bois sur la deuxième photographie. Le contraste entre la structure moderne de la première photographie et la maison à l’architecture traditionnelle de la deuxième photographie est volontaire. Cette maison à Ikegami est en fait un café mais il ne proposait que des plats à emporter. La partie café est peut être ouverte maintenant mais elle ne l’était pas à notre passage. L’intérieur est extrêmement bien conservé et nous a donné envie d’y revenir, une fois que cette crise sanitaire sera passée. La structure étrange de la première photographie est celle d’un pachinko, également fermé depuis la déclaration de l’état d’urgence. Un peu plus loin alors que nous marchons vers la gare d’Ikegami, je remarque une surface de béton dans une petite rue perpendiculaire à la rue de la gare où nous nous trouvons. Même de loin, on peut apprécier la qualité de ce béton laissé à l’état brut. Je fais immédiatement un petit écart pour aller voir cette maison de plus près, et prendre les troisième et quatrième photographies de ce billet. Il s’agit d’une maison basse placée sur un terrain relativement vaste. Derrière le garage en béton brut, deux blocs blancs aux toits biseautés se font face et sont reliés pour former une sorte de long tunnel. Derrière la porte d’entrée, une cour intérieure avec un petit jardin se cache entre ces deux blocs blancs, mais je n’irais pas voir de près car il s’agit bien entendu d’une résidence privée. Une recherche rapide m’apprendra que cette maison s’appelle Lik House et qu’elle a été conçue par Satoru Hirota Architects. De nombreuses photos sur le site de l’architecte ou sur d’autres sites specialisés en architecture et design donnent une bonne idée de la configuration intérieure et extérieure. Lik House a été construite il y a dix ans, en 2010, mais a bien conservé sa blancheur d’origine. Ce type de configuration très distribué sur l’espace est assez rare dans le centre de Tokyo pour une maison individuelle.

Pour revenir rapidement à l’enquête que j’avais publié il y a environ 3 semaines, comme je m’en doutais un peu, je n’ai reçu que peu de réponses, 5 ou 6 réponses en tout correspondant je pense aux quelques visiteurs réguliers que je reconnais (je crois du moins). Pas facile d’en sortir une quelconque analyse malheureusement. Je vais certainement retirer l’enquête car attendre quelques semaines de plus n’apportera certainement pas plus de réponses (j’avoue que je pensais que les visiteurs discrets ou non réguliers y répondraient). Je remercie ceux qui ont pris quelques minutes pour répondre à l’enquête et y mettre parfois quelques commentaires. Je voulais également voir s’il y avait des suggestions de changements, mais continuer de la même manière est la conclusion qui en ressort. Indirectement, j’ai compris la raison pour laquelle je mélange les sujets dans un billet plutôt que de me spécialiser sur certains sujets comme l’architecture ou la musique japonaise dans des sections différentes du blog par exemple. Se spécialiser dans un sujet force involontairement à l’exhaustivité, se sentir obliger de parler et de donner un avis sur telle nouvelle création architecturale de tel ou telle architecte, ou d’évoquer le nouvel album de tel ou telle artiste. Se sentir obliger de le faire enlèverait pour moi tout le plaisir d’écrire ce blog, et je pense que ça peut également devenir une raison d’un arrêt de blog quand on n’arrive plus à suivre le rythme de l’actualité. Deux principes que j’essaies plus ou moins de suivre et qui sont peut être les raisons pour lesquelles je continue à écrire sans interruptions pendant plus de 17 ans: ne pas trop contraindre son écriture à l’actualité et parler de ce qu’on aime plutôt que de ce qu’on n’apprécie pas. Les déviations sont certainement nombreuses mais c’est la ligne directrice générale que j’ai en tête depuis le début.

La réouverture récente des musées et galeries est bienvenue. Après plusieurs mois sans avoir vu d’expositions, je ressentais comme un manque indescriptible. On peut bien sûr voir l’art sur Internet, mais le ressentir en grand format dans une salle minimaliste (et presque vide) a tout de même une force toute autre. Le musée de la photographie à Yebisu Garden Place propose justement une exposition de photographies de Daido Moriyama 森山大道. L’exposition a démarré le 2 Juin pour presque quatre mois. Il ne s’agit pas d’une rétrospective complète de l’oeuvre de Moriyama, ce qui serait très certainement impossible vue la quantité de photographies qu’il a pu prendre en 55 ans de carrière (il a 82 ans cette année). L’exposition nous accueille bien avec la fameuse photographie noir et blanc du Stray dog prise à Aomori en 1971, mais le contenu de cette exposition intitulée Ongoing montre principalement des photographies récentes en noir et blanc et en couleur de Tokyo exclusivement. Il s’agit d’une sélection de photographies de plusieurs de ses séries datant de 2017 et 2018, à savoir Pretty Woman (2017), K (2017) et Tokyo Boogie-woogie (2018) ainsi que des photographies de sa série continue Record démarrée en 1972 et qu’il continue à publier en petits livrets jusqu’à maintenant (avec des interruptions). Dans ces séries, on retrouve bien sûr le style immédiatement reconnaissable de Daido Moriyama, à savoir des photographies de rue prises à la volée avec un fort contraste et du grain pour le noir et blanc. Les visages et les enseignes de Kabukicho ou d’ailleurs se mélangent dans une densité visuelle qui peut donner le tournis. Les photographies sont imprimées en grand format et sont placées les unes à côté des autres sur deux longues rangées couvrant la totalité des murs de la galerie au 3ème étage du musée. Les photographies de Moriyama se regardent comme un tout, plutôt qu’indépendamment. C’est un flot d’images et je suis assez sensible à cet aspect là. Mais malgré tout, je suis frappé cette fois-ci par la qualité individuelle de chaque photographie, et j’entrevois Moriyama d’une manière un peu différente d’avant. Alors qu’auparavant, j’avais le sentiment qu’on pouvait ‘survoler’ une exposition de Moriyama pour en saisir la substance, je me suis laissé attirer cette fois-ci par les détails. Je connaissais déjà certaines photographies pour les avoir vu l’année dernière dans les couloirs souterrains sous le grand carrefour de Shibuya pour l’exposition SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN, notamment une photographie devenue emblématique d’un mannequin féminin de vitrine avec des lunettes de soleil dans lesquelles le photographe et une passante se reflètent (la passante qui regarde au même moment les lunettes de soleil est un de ces détails). Les photographies en noir et blanc ont beaucoup de force et sont celles que je préfère, par rapport à celles en couleur que je trouve plus inégales. Dans une des salles de l’exposition, une photographie de lèvre rouge de la série Lips! Lips! Lips!, comme sur l’affiche de l’exposition, est répétée des dizaines de fois sur plusieurs rangées, ce qui peut rappeler Warhol. Une petite salle dans le noir montre quelques photographies rétro-éclairées de sa série Tights in Shimotakaido de jambes féminines couvertes de bas résille. Ces photographies sont maintenant devenues emblématiques, et c’est un aspect que je n’avais pas vraiment perçu jusqu’à maintenant.

A mon arrivée au musée au moment de payer mon billet, je demande un flyer de l’exposition car je n’en vois pas positionné aux endroits habituels. La réceptionniste, un peu embêtée, veut bien me donner un flyer mais me demande lequel car il y a 16 versions différentes. Je demande deux versions prises au hasard, pour me rendre compte un peu plus tard que d’autres exemplaires sont disponibles sur des reposoirs aux étages. Je ne peux m’empêcher d’en prendre d’autres, car chacun montre une photographie différente de Daido Moriyama. C’est assez rare de voir plusieurs versions de flyer pour une seule et même exposition. Sur les 16 au total, j’en collectionne 8 que je montre en photo ci-dessus regroupés les uns à côté des autres. J’aime beaucoup le design graphique avec cette couleur jaune très marquée. A chaque exposition que je vais voir, je collectionne systématiquement le flyer que je garde ensuite précieusement dans un classeur rempli à raz bord. J’en suis déjà à mon troisième classeur et j’aime les réouvrir de temps en temps. J’ai commencé à collectionner les flyers des expositions que j’ai été voir au même moment où j’ai commencé ce blog, c’est à dire en Mai 2003. Le premier flyer de ma collection est celui d’une exposition de Nobuyoshi Araki intitulée Hana-Jinsei dans ce même musée de la photographie à Yebisu Garden Place.

Tie House par Makoto Takei + Chie Nabeshima / TNA

Après avoir découvert Mosaic House dans un quartier de Meguro, je pars à la recherche d’une autre maison très particulière des mêmes architectes Makoto Takei et Chie Nabeshima de TNA, s’appelant Tie House. Elle a également un nom japonais, Obi no ie (オビの家). Obi désigne la bande de tissu avec noeud portée autour de la taille sur un kimono, tandis que la dénomination Tie en anglais fait plutôt référence à une cravate. Dans les deux cas, ces noms donnent une idée d’un objet rectiligne sur lequel est posé un noeud. On trouve en effet ce type de formes sur cette maison construite à la verticale sur un étroit espace au sol, et avec des protubérances sortant sur certains murs donnant cette impression de noeud.

Tie House est placée au carrefour de deux petites rues dans un quartier résidentiel de l’arrondissement de Ōta. Vue son positionnement en coin, la principale préoccupation était de créer des ouvertures vers l’extérieur en minimisant le vis-à-vis. La maison est placée sur un plan carré avec un léger angle par rapport aux deux rues perpendiculaires. L’espace libéré par l’angle est utilisé pour former les ouvertures, dans des blocs triangulaires qui font le lien entre les espaces intérieur et extérieur. Ce positionnement à la diagonale des murs permet de contrôler l’espace visible depuis la rue à travers les grandes baies vitrées. On trouve ces ouvertures, s’échappant de la forme générale rectangulaire très simple de Tie House, à différents étages de la maison. Une ouverture au rez-de-chaussée couvre la porte d’entrée accessible depuis un petit escalier donnant sur le minuscule jardin formé sur les espaces triangulaires créés par la mise en diagonale de la maison. En plus d’être source de lumière pour l’intérieur de la maison, les deux grandes ouvertures verticales contiennent également l’escalier minimaliste composé principalement de marches accrochées directement sur le mur. Comme il donne directement sur la baie vitrée, cet escalier donne apparemment l’impression momentanée de marcher à l’extérieur comme sur un balcon. Le fait que les marches soient détachées les unes des autres et la proximité directe sur l’extérieur à travers la vitre, doit en effet donner une impression de liberté, et je dirais même de légèreté.

On trouve malheureusement très peu de photographies de l’intérieur de cette maison sur Internet. Je me permets ici de montrer les deux photographies ci-dessus extraites du magazine d’architecture Japan Architects. Il s’agit du numéro 105 du printemps 2017 donnant une rétrospective des créations architecturales de Makoto Takei et Chie Nabeshima (TNA) de 2004 à 2016. Tie House date de 2012, conçue plusieurs années après Mosaic House qui date de 2006 et qui est bien sûr également représentée dans ce numéro de Japan Architects. Les deux petites photographies intérieures ci-dessus donnent une bonne idée de la configuration à la verticale de cette maison. Il s’agit d’un espace très ouvert, comme on aurait pu s’en douter vu la taille du site, composé de quatre couches desservies par l’escalier dont je parlais auparavant, posé sur les murs à proximité du vitrage. Ces deux photographies donnent une bonne idée du sentiment de proximité avec l’extérieur mais également de la manière dont l’angle des murs permet de maintenir l’espace habitable hors de vue depuis la rue. Enfin, il s’agit plutôt d’une atténuation de cette vue depuis l’extérieur, car, comme très souvent à Tokyo, les rideaux restent la plupart du temps fermés. En parcourant de nouveau ce numéro 105 de Japan Architects, je me rends compte qu’il y a quelques autres maisons intéressantes de TNA à découvrir à Tokyo, notamment Figured Glass House (2008), Platinum House (2009), Mist House (2010), Helix House (2015) ou encore l’immeuble de béton Between Natsumezaka (2015). Il s’agira encore une fois de très longs travaux de recherches sur Internet ou ailleurs dans les magazines ou livres d’architecture contemporaine tokyoïte pour identifier leurs emplacements. Mais la satisfaction de trouver et de voir de ses propres yeux cette architecture formidable, après parfois des années de recherche, me fait continuer petit à petit.