le silence du forum (1)

Le Forum International de Tokyo (東京国際フォーラム) par l’architecte uruguayen Rafael Viñoly est une des œuvres architecturales les plus emblématiques de Tokyo. Un peu comme le Gymnase de Yoyogi de Kenzo Tange, c’est une architecture si élégante et originale dans sa conception qu’elle s’approche à mes yeux d’une œuvre d’art qu’on aime regarder longuement. Le complexe est composé d’une place intérieure délimitée d’un côté par quatre blocs en suspension utilisés comme salles de spectacle et de l’autre par un grand hall de verre courbé couvert par une canopée de métal blanc tenue par deux immenses piliers. On peut circuler le long des surfaces de verre du grand hall grâce à des passerelles en pente. Des tunnels métalliques permettent également de traverser le grand hall en hauteur et en diagonale. Lorsque l’on monte tout en haut, la vue sur la structure est grandiose et donne même un peu le vertige lorsqu’on s’approche des bords vitrés. De cet endroit, on peut admirer l’espace vide de l’intérieur du grand hall. Le soleil commence à se coucher et je ne suis donc pas le seul à prendre des photographies. Il y a cependant très peu de monde dans les hauteurs de la structure. Je vois un jeune couple assis à même le sol au bord d’une des grandes surfaces vitrées et des parents avec leur enfant regardant la ville de haut. Un photographe otaku amateur est également posté dans un des coins du grand hall pour prendre une jeune fille en robe de couleur en photo. Il multiplie les poses en jouant avec la lumière se frayant un chemin entre les tubes de métal de la canopée. Moi, je jubile en regardant cet endroit d’autant plus que j’ai du temps à y perdre.

Je suis venu au Forum International de Tokyo près de la gare de Yurakucho, une semaine exactement avant le concert de Tokyo Jihen du dimanche 1er Mars auquel je devais assister. Je voulais venir en repérage pour me souvenir à quoi ressemblait les alentours du Hall A dans lequel le concert aura lieu. A ce moment déjà, j’avais déjà le pressentiment que le concert n’aurait pas lieu à cause du Coronavirus ou que je serais pas en mesure d’y assister. Mon intuition était bonne mais je ne le savais pas encore. Pendant ma visite du grand Hall du forum, je m’étais décidé à écouter en entier sur l’iPod le concert Ultra C (ウルトラC) de Tokyo Jihen, pour me mettre dans l’ambiance. Je pense que la playlist de l’album live Ultra C ne doit pas être très différente de ce qu’ils ont joué les 29 Février et 1er Mars. J’ai en quelque sorte assisté au concert en avance dans le forum, mais en silence seul en regardant le vide à l’intérieur de la structure de verre. Comme je le mentionnais dans un billet précédent, je ne suis pas allé au concert après une longue réflexion. Alors que la grande partie des événements et concerts dans tout le Japon ont été annulés ou repoussés, j’ai encore du mal à comprendre pourquoi le groupe a pris le risque de maintenir ces deux dates à Tokyo, d’autant plus que des cas de contagion avaient été annoncés dans une salle de concert à Osaka. Avant de prendre ma décision, j’ai beaucoup regardé les fils Twitter pour remarquer que le groupe était beaucoup critiqué, ce qui a même été évoqué dans des émissions télévisées ou dans les news sur Internet. J’ai trouvé que l’attitude du groupe n’était pas responsable. Le premier concert du 29 Février s’est déroulé sur une courte durée d’une heure et vingt-cinq minutes sans rappels et sans commentaires du groupe entre les morceaux. Sachant que j’y aurais été avec un masque en essayant d’éviter les foules, je n’aurais certainement pas apprécié l’événement comme il aurait fallu. Je suis assez mécontent de l’attitude du groupe mais ça passera certainement avec l’arrivée du mini-album début Avril dont un nouveau morceau que je n’ai pas encore écouté vient de sortir. Après les deux dates maintenues à Tokyo, le groupe a annoncé l’annulation des dates suivantes à Osaka et ailleurs. La situation actuelle est de toute façon très difficile à vivre pour les artistes et groupes de tous genres. Espérons que tout ceci se termine rapidement.

capsules urbaines

Je recherche beaucoup en ce moment à faire contraster le décor urbain avec les couleurs de la végétation qui s’en dégagent soudainement, sans prévenir. Sur cette série photographique, le rouge végétal l’emporte haut la main sur le reste du paysage urbain, même la maison individuelle futuriste R・Torso・C de l’Atelier Tekuto sur la première photographie a du mal à rivaliser avec la force de cette couleur rouge. En insérant une photographie de la rivière de Shibuya, je m’amuse ensuite à soumettre ces formes et couleurs végétales à la rudesse grise du béton. L’architecture aux formes lisses et angles nets des première et dernière photographies agissent comme à cadre destiné à contenir et à amortir cet extrait de ville. Dans mon esprit, j’aime régulièrement concevoir mes billets comme des petites capsules urbaines suivant une logique définie de composition. Ces capsules s’apparenteraient à des salles d’un ensemble architectural beaucoup plus vaste, lui même représentant une réalité parallèle à celle de la Ville. Lire le manga Blame! de Tsutomu Nihei me fait réfléchir à ma vision de la Ville.

Dans les commentaires d’un billet précédent intitulé ‘walk as you mean to go on’, Nicolas me conseille la lecture du manga Blame! (ブラム!) de Tsutomu Nihei. Je ne connaissais pas ce manga de science fiction dont le premier épisode date de 1998, mais j’avais par contre vu de cet auteur l’anime Knights of Sidonia que j’avais beaucoup aimé à l’époque. Knights of Sidonia ressemble un peu à Neon Genesis Evangelion car, de manière similaire, des formes extraterrestres attaquent inlassablement une communauté qui essaie tant bien que mal de se défendre. Ce que j’aimais par dessus tout dans Knights of Sidonia, c’était la représentation très inspirée d’une ville verticale intégrée à un vaisseau spatial. On retrouve cette même complexité urbaine sur le manga Blame!, sauf que la représentation de la ville y est beaucoup plus chaotique.

Dans Blame!, Tsutomu Nihei nous montre un monde ultra-futuriste où les technologies cyberpunk se mélangent à d’immenses constructions de béton et de métal sombres et cauchemardesques. Un personnage solitaire, Killy, dont on ne sait que peu de choses, évolue entre les différents niveaux de cette gigantesque ville verticale. La ville est composée de strates séparées par des megastructures quasi indestructibles jouant le rôle de système d’isolation entre les différents niveaux de la ville. La ville que l’on parcourt dans Blame! prend ses fondations sur Terre et a ensuite grandi sans contrôle humain sur des dizaines de milliers de kilomètres pendant plus d’un millénaire. La ville est progressivement construite par des machines automatiques appelées bâtisseurs qui l’étendent à l’infini jusqu’à l’emballement et le chaos. L’univers de cette ville est sombre et crasseux, souvent vertigineux le long des longues parois donnant sur le vide, et viscéral quand les tubes de toute sorte s’entremêlent comme s’ils se connectaient à des organes. La ville est labyrinthique tout comme l’histoire qui y est relatée. On se perd dans ces lieux en suivant les traces de Killy comme on se perd dans l’histoire qui est particulièrement et volontairement complexe à comprendre. Le manga n’est pas facile d’accès du fait du nombre restreint de dialogues et d’explications sur les événements qui viennent interrompre le parcours des personnages. Cela pourrait avoir un aspect un peu frustrant, mais on apprend vite en parcourant les pages du manga qu’il s’agit ici plutôt de s’imprégner de l’ambiance des lieux et de vivre cette lecture comme une expérience. Il est difficile d’avoir des explications rationnelles à tout ce qui surgit, se transforme, disparaît soudainement pour réapparaître plus tard dans d’autres lieux. Pour sûr, ce manga ne s’adresse pas à tous, mais, en ce qui me concerne, j’ai tout de suite été impressionné par les détails et la spatialité de cette architecture gigantesque. D’une certaine manière, je suis même rassuré de savoir que Tsutomu Nihei a fait des études d’architecture avant de devenir mangaka, tant il maîtrise la conception des espaces.

L’univers post-apocalyptique de cette ville est mystérieux et on apprend sa genèse que par bribes d’informations très incomplètes. Killy, aidé dans son parcours par une scientifique appelée Cibo (ou Shibo), recherche des humains porteurs du terminal génétique. On apprend que les humains avaient autrefois contrôle sur l’évolution de cette ville en s’y connectant à travers ces terminaux génétiques, mais qu’une contamination leur à fait perdre ce contrôle, laissant la ville en proie aux machines bâtisseuses inarrêtables et aux créatures cybernétiques appelées Sauvegardes (ou Contre-Mesures ou Safeguards selon les traductions). Killy et Cibo ont pour objectif de rendre à l’humain cette capacité de se connecter avec la ville, afin d’en arrêter son expansion folle, de stopper les actions destructrices des Sauvegardes et de redonner à cette ville un fonctionnement normal. Le périple de Killy et Cibo est ponctué de nombreux combats contre ces Sauvegardes qui cherchent inlassablement à exterminer les humains. Killy est humain mais possède des capacités cybernétiques et une arme très puissante, un Émetteur de Rayon Gravitationnel (Gravitational Beam Emitter), dotée d’une technologie rare et donc convoitée. Cette arme est un de ses plus précieux alliés contre les Sauvegardes et autres créatures hostiles car ses effets sont dévastateurs.

Dans ces mondes obscures, vivent des tribus plus ou moins étranges ou hostiles qui viendront croiser le chemin de Killy. Dans les premiers volumes de l’histoire, il traversera le village des electro-pêcheurs (ou électro-harponneurs), un regroupement humain vivant retranché et précairement dans une partie de la ville et ne sachant que peu de choses sur leur histoire ou leur environnement. Ils ont connaissance de légendes sur un monde ancien mais peu de certitudes. Les nombreuses rencontres que fait Killy sur son parcours n’aident en fait pas beaucoup le lecteur à comprendre l’origine de cette ville, et viennent même complexifier l’ensemble. Une autre forme vivante appelée Silicié (ou Créature de Silicium) vient plus tard empêcher la progression de Killy et Cibo dans leur recherche. Ce sont des cyborgs de couleur noire aux formes étranges parfois grotesques et élancées, luttant d’abord pour leur survie en détruisant toute forme humaine. Un peu plus loin encore, un personnage aux allures féminines appelé Sanakan, représentante haut placée des troupes de Sauvegardes possédant également un Émetteur de Rayon Gravitationnel, essaiera aussi de leur barrer la route. D’autres personnages comme l’intelligence artificielle Mensab (ou Main-serv) et son gardien Seu, ou l’ancien Sauvegarde spécial reconverti Dhomochevsky et son compagnon Iko, essaieront plutôt de les aider dans leur quête d’un porteur de terminal génétique. L’histoire se complexifie encore quand on nous indique que ce terminal permet de se connecter à une Résosphère (ou Netsphere) qui semble être un monde parallèle à la réalité basique où le temps et l’espace fonctionnent différemment.

Il faut s’accrocher entre tous ces concepts mais on apprend vite à lâcher prise et à se laisser entrainer dans cet univers plutôt que d’essayer d’en comprendre les moindres détails. Et cet univers est fabuleux, que ça soit pour l’aspect grandiose et le détail extrême des lieux, que pour la qualité graphique et l’élégance des personnages que l’on y croise. En fait, cette densité nous fait penser que ce monde est beaucoup plus vaste et réfléchi que ce que l’auteur nous montre dans les pages du Manga. De nombreux termes font référence au monde digital et informatique comme le nom des personnages Mensab (Main-Serv autrement dit ’Serveur Principal’) ou Seu (software de l’IBM AS/400), le Silicium qu’on retrouve dans les composants électroniques, la Résosphère comme représentation du cyberspace, les Contre-Mesures qui essaient d’éliminer les humains contaminés comme des virus informatiques, les règles d’accès à la Résosphère qui ressemblent à une gestion d’accès d’un système d’exploitation informatique. La frontière entre le monde très physique de cette ville titanesque et le monde digital où des entités se téléportent devient de plus en plus flou au fur et à mesure qu’on avance dans l’histoire. En fait, la densité de ce monde et les références au monde digital (par exemple, les intelligences artificielles) ne sont pas si éloignées que ça des mondes de Masamune Shirow sur Ghost in the Shell. L’ambiance graphique est cependant plus proche de celle de H.R. Giger dont Tsutomu Nihei dit être influencé. Intéressante coïncidence, Je suis justement en train de revoir tous les films Alien suite au billet que je mentionnais plus haut, et j’ai déjà vu les quatre premiers de la série. Me reste à revoir les films plus récents de la série Prometheus. Tsutomu Nihei revendique également un attrait pour la bande dessinée franco-belge d’auteurs comme Enki Bilal ou Moebius. Je sens que je vais bientôt ressortir de ma bibliothèque la trilogie Nikopol et le gros volume de l’Incal.

Suite à la lecture des six volumes du manga Blame!, je regarde le film d’animation éponyme réalisé par Hiroyuki Seshita sur Netflix. Le film est graphiquement très fidèle mais ne va pas aussi loin que le manga dans la représentation de la grandeur des espaces. L’histoire reste beaucoup plus abordable que le manga car elle se limite au deuxième volume quand Killy rencontre Zuru et le village des electro-pêcheurs, et qu’il tente avec Cibo une connexion à la Résosphère à travers un terminal synthétique récupéré dans l’ancienne entreprise Toha Heavy Industries. On ne retrouve pas non plus dans le film d’animation la folie graphique que l’on peut voir dans le manga, notamment dans le dessin de certains personnages. Mais, le film est tout de même très beau visuellement et constitue un complément intéressant et même instructif sur l’univers du manga.

can anybody see the light?

Le gymnase de Yoyogi, chef d’oeuvre emblématique de Kenzo Tange et certainement une des plus belles œuvres architecturales de Tokyo, a été rénové en vue des Jeux Olympiques qui démarreront dans quelques mois. Il y avait foule à l’entrée du gymnase et ma curiosité m’a conduit à aller voir de plus près ce qui s’y passait. Je vois beaucoup de jeunes filles et garçons avec des serviettes bleues marquées des inscriptions « Sixth Sense Story ». Je devine qu’il s’agit d’un concert mais je ne vois pas inscrit le nom de l’artiste. Il me faudra faire une recherche sur Internet pour comprendre qu’il s’agissait de la tournée de Aimyon. En fait, je suis passé à Harajuku pour aller voir l’avancement de la nouvelle station d’Harajuku sur la ligne Yamanote (sur la quatrième photographie). Le nouveau bâtiment de la gare est moderne mais sans personnalité. Quel dommage, pour une station aussi emblématique et fréquentée par les touristes du monde entier, de ne pas avoir conçu une architecture un peu plus remarquable. L’ancienne gare datant de l’ère Taisho, construite en 1924, a bien plus de cachet. Elle est toujours là mais pas pour longtemps car elle sera malheureusement détruite après les Jeux Olympiques cet été, cela malgré les protestations des résidents. Il s’agit de la plus ancienne gare en bois de Tokyo. Je comprends bien que cette vieille station n’est pas aux normes antisismiques actuelles et qu’elle n’est plus en mesure de supporter le nombre de plus en plus important de personnes qui la traversent. Il faut en général attendre un peu avant de pouvoir sortir de la station depuis les quais. Mais l’ancienne station aurait tout de même pu être conservée après des rénovations et renforcements, même sans être utilisée, histoire de sauvegarder un morceau d’histoire et un repère du décor urbain. Ce quartier d’Harajuku qui se trouve dans la zone olympique appelée héritage voit d’autres changements, notamment un nouveau bâtiment pas encore utilisé, qui a la particularité d’avoir une surface couverte d’écrans. On y montre des images mouvantes inspirées d’ukiyoe. J’y reconnais le Mont Fuji rouge de Katsushika Hokusai, qui s’affiche pendant quelques secondes avant d’être remplacé par d’autres images. Ce bâtiment se trouve juste à côté de la résidence Co-op Olympia que je montre sur la troisième photographie. La résidence fut construite en 1965, un an après les premiers Jeux Olympiques de Tokyo, d’où le nom qui en est inspiré. Je l’ai déjà pris plusieurs fois en photo. C’est un immeuble qui est également devenu emblématique du quartier et on parle aussi d’une reconstruction, mais je ne pense pas que ça soit décidé. L’avant dernière photographie montre une partie des quais de la station d’Harajuku où on peut y voir une série d’affiches intrigantes, prenant leur inspiration dans les manga pour adolescentes (shōjo manga). Les messages que font passer ces affiches touchent à la sécurité informatique, en particulier la protection des mots de passe. C’est une manière originale de faire passer des messages importants.

Une playlist partagée sur Twitter par l’artiste Yeule incluant le morceau Strangers de Portishead sur l’album Dummy me rappelle le mouvement musical des sound systems de Bristol qu’on appelle Trip-hop. Dans la deuxième partie des années 90, après ma phase rock américain (Pixies, puis Nirvana, puis Sonic Youth, puis Smashing Pumpkins, entre autres), je me suis mis à écouter intensivement et presque exclusivement cette musique Trip-hop qui nous transportait dans d’autres mondes, dans des associations de sons mélangeant les samples et les voix soul, dans une musique que je n’étais pas habitué à écouter à cette époque où je ne jurais que par les guitares. Le Trip-hop a pour sûr grandement ouvert mon champ musical en m’éloignant un peu de ces guitares. Dummy (1994) de Portishead était la porte d’entrée vers ce mouvement avec le morceau Glory Box où on découvrait la voix tourmentée de Beth Gibbons posée sur un univers musical froid, ambiance qu’on imaginait bien s’accorder avec les décors pluvieux de l’Angleterre de Bristol. La musique de Dummy jouait de mélancolie et était entrecoupée de scratchs et autres altérations musicales qui seront la marque de fabrique du Trip-hop. Je découvre ensuite assez vite Massive Attack, trio constitué par Robert Del Naja alias 3D, Grant Marshall alias Daddy G et Andy Vowles alias Mushroom, avec l’album sorti également en 1994, Protection. Le morceau titre chanté par Tracey Horn du groupe Everything but the Girl fut une révélation qui me poussa à découvrir plus avant la discographie de Massive Attack faite de nombreuses collaborations. Le premier album Blue Lines (1991) du collectif The Wild Bunch qui deviendra Massive Attack est certainement l’album que je préfère écouter maintenant. Il y a de nombreux morceaux forts, notamment ceux portés par la voix de Shara Nelson comme Safe from Harm ou Unfinished Sympathy. C’est aussi sur cet album que la symbiose entre les trois voix masculines de Massive Attack et celle de l’invité presque permanent Tricky opèrent le plus naturellement. On peut prendre pour exemple des morceaux comme Blue Lines ou Five Man Army. A travers Massive Attack, je découvre donc Tricky (Adrian Thaws de son vrai nom) qui sortira son premier album et chef-d’œuvre Maxinquaye (1995). Martina Topley-Bird, sa compagne à l’époque, assure le chant sur la plupart des morceaux. La musique y est plus sombre, plus torturée et fait parfois le lien avec la musique rock que j’écoutais au début des années 90, comme sur le morceau Pumpkin qui reprend un sample de Suffer du premier album Gish des Smashing Pumpkins. C’est peut être depuis ce morceau que j’aime déceler les liens entre les musiques et musiciens/musiciennes que j’aime, comme j’en parlais dans un ancien billet. Tricky joue beaucoup sur les associations lorsque, par exemple, il réutilise sur le morceau Hell Is Round the Corner le même sample de Isaac Hayes que Portishead sur son morceau emblématique Glory Box, ou quand il repense complètement le morceau Karmacoma qu’il interprète avec Massive Attack sur Protection, pour Maxinquaye sous le titre Overcome. Je suis resté très accroché à la musique de Tricky, même quand il partait vers des terrains plus difficiles comme ceux des deux albums sortis en 1996, Nearly God et Pre-Millenium Tension. Nearly God multiple les collaborations, notamment avec Björk et Neneh Cherry (souvenons-nous de son morceau Manchild), mais c’est quand il s’associe avec Martina Topley-Bird sur le morceau Black Coffee qu’il signe à mon avis le meilleur morceau de l’album. Pre-Millenium Tension est plus bizarre et part sur des univers plus sombres encore. De cet album qui entend matérialiser les craintes d’avant le passage vers un nouveau millénaire, je retiens le morceau Tricky Kid notamment pour ses voix rappées menaçantes. A cette époque, Tricky avait pris pour moi le statut d’artiste culte. Je me souviens avoir fait le déplacement depuis ma résidence universitaire d’Angers pour aller le voir en concert à Nantes lors d’un festival des Inrockuptibles. C’était le 12 Novembre 1996 à la Salle de L’Olympic de Nantes. Ce soir là, Placebo jouait également dans la pénombre sur cette scène juste après Tricky, ce qui donnait une bien belle affiche. Et une fois le concert terminé, il fallait que je reprenne l’autoroute pour rentrer à Angers. Je n’ai pourtant pas suivi Tricky sur ses albums suivants, peut être à cause de sa voix qui se détériorait petit à petit. Je suis plutôt allé voir d’autres nouveaux groupes comme Archive sur son premier Londinium (1996). C’est un très bel album qui n’est pas assez connu. Sur certains morceaux, le son électronique perce comme une étoile polaire qui brillerait intensément (mais je m’égare). Je continue ensuite avec Morcheeba sur l’album Who can you trust? (1996) et Alpha sur Come from Heaven (1997), premier album du label Melankolic de Massive Attack. De cet album d’Alpha, je retiens surtout le morceau Sometime Later pour l’intensité émotionnelle de la voix de Martin Barnard. C’est un morceau exceptionnel qui donne les larmes aux yeux quand le flot des violons monte en intensité et quand la voix de Banard est au bord de craquer. Je connais peu de morceaux qui ont cette intensité. Du mouvement Trip-Hop, j’ai continué à suivre Massive Attack sur leur album Mezzanine (1998) dont l’esthétique générale devenant plus sombre me plaisait beaucoup. Alors que les deux premiers albums s’apparentaient plutôt à de la musique soul urbaine, Massive Attack se dirige plutôt vers des influences new wave sur Mezzanine, ce qui n’était pas du goût de tous les membres du groupe d’où le départ de Andy Vowles (Mushroom). Cet album ressemble peu au Massive Attack des débuts. 3D y reste principalement aux manettes. Quoi qu’il en soit, il y a beaucoup de pépites dans cet album comme les singles Risingson et Teardrop, avec sur ce dernier morceau Elizabeth Fraser de Cocteau Twins au chant. Mais j’ai toujours eu une préférence pour l’avant-dernier morceau Group Four, toujours avec Fraser, pour sa partie finale envoûtante. Et puis ensuite, je suis parti pour Tokyo et d’autres horizons musicales se sont ouvertes à moi. J’ai pourtant continué à suivre Massive Attack sur leur album de 2003, 100th Window, mais la passion avait un peu disparu. Sorti en 2009, le morceau Psyche (Flash Treatment) avec Martina Topley-Bird (qui est décidément une figure emblématique du trip-hop) sur le EP Splitting the Atom est à mon avis un des plus beaux morceaux du groupe. J’avais été très déçu que cette version pourtant si forte ne soit pas conservée sur l’album qui suivra en 2010, Heligoland. La version de Psyche sur Heligoland n’est pas très intéressante et m’avait complètement détourné de cet album que je n’ai jamais écouté en entier. Depuis le déclencheur que fut le morceau Strangers de Portishead sur la playlist de Yeule, je me suis mis à réécouter la plupart de ces disques les uns après les autres. C’était en quelque sorte une petite cure de jouvence.

un rond olympique rouge

Les drapeaux japonais sont de sortie pendant les tous premiers jours de l’année, comme pendant tout jour férié d’ailleurs. On les vois alignés dans les grandes rues et avenues comme celle de Omotesando ci-dessus. En voyant cet alignement, je pense tout de suite à la photographie prise par Masataka Nakano à Ginza pendant cette même période après le premier de l’An. Je ne suis pas sorti pour les drapeaux, mais pour voir l’état d’avancement de la construction du nouveau stade olympique conçu par Kengo Kuma, bien qu’on ne puisse pas encore l’approcher de près car il est toujours entouré de barrières blanches. Nous avons réussi à acheter des places dans le stade pour les épreuves olympiques d’athlétisme. Il y avait une loterie pour l’achat des places pour toutes les compétitions et nous avons eu la chance d’avoir été sélectionné pour un de nos choix, surtout dans ce stade. Les compétitions que l’on verra seront le soir au début du mois d’août. J’ai un peu peur que la chaleur et la foule nous étouffent, malgré les systèmes d’aération du stade. Autour du stade, je ne suis pas le seul à prendre des photos. Il y une foule éparse près du nouveau petit musée olympique et autour du stade. Tous essaient tant bien que mal de le prendre en photo par dessus les barrières. Je tente la même chose en prenant plusieurs photographies à l’aveugle en étirant les bras.

Au tout début du mois, j’ai eu la surprise de voir arriver dans notre boîte aux lettres, une enveloppe blanche frappée du logo rouge de forme ronde de Tokyo Jihen. Il y a un petit morceau de tissu couleur indigo à l’intérieur et un message de bonne année. Le message annonce d’ailleurs la réformation de Tokyo Jihen et me rappelle leur tournée 2020 東京事変 Live Tour 2O2O 『ニュースフラッシュ』 pour 13 dates dans plusieurs villes (Tokyo, Osaka, Sendai, Sapporo, Fukuoka, Nagoya et retour à Tokyo). Il y a deux semaines, je tente ma chance pour acheter des places de concert pour les dates à Tokyo. Là encore, il s’agit d’une loterie donc je ne sais pas encore si je pourrais assister au dit concert. En fait, je me suis inscrit au fan club de Sheena Ringo l’année dernière dans le but de pouvoir acheter des places. On verra début février si la chance me sourit cette fois-ci.

encadrements de ciel

Nous ne passons que très rapidement à Yurakucho et Ginza quelques jours avant Noël, mais je prends quand même le temps de prendre quelques photographies en passant dans les rues parmi la foule. La difficulté est de ne pas perdre Mari de vue lorsque je m’arrête quelques dizaines de secondes pour prendre une photographie, sans gêner les gens qui marchent derrière moi. Parfois il faut regarder le ciel pour trouver de nouvelles idées photos comme sur les deux photographies qui bordent ce billet aux Department Stores Hankyu et Lumine de Yurakucho. J’aime beaucoup ces passerelles en hauteur reliant deux buildings, qui contribuent à la complexité de l’urbanisme tokyoïte. Cela donne une idée de ville à plusieurs niveaux, comme on peut en voir dans certaines œuvres graphiques ou cinématographiques d’anticipation. Sur l’avant dernière photographie, je montre encore le building Ginza Place par Klein Dytham Architecture, car sa couleur blanche et son design le détachent franchement du reste du décor de Ginza et rend donc cet immeuble très photogénique. Je suis aussi toujours tenté de photographier le building de verre Tokyu Plaza, bien que nous n’y sommes jamais entrés. Au même croisement, la disparition du vieil immeuble Sony laisse maintenant une vue entière sur l’immeuble de la Maison Hermès par Renzo Piano, qui reste une des architectures iconiques du quartier.

Je ne sais pas si les visiteurs les plus assidus de Made in Tokyo ont remarqué, mais j’ai modifié la résolution de certaines photographies montrées sur les billets de ces dernières semaines. En fait, depuis que j’ai migré mon iMac sous le dernier macOS Catalina, les applications anciennes en 32bits ne fonctionnent plus. Le Photoshop que j’utilisais jusqu’à maintenant était une vieille version 32bits démodée mais qui répondait suffisamment à mes besoins. Elle ne fonctionne donc plus sur le nouvel OS. J’hésite encore à passer sur la dernière version de Photoshop car je n’aime pas trop le modèle de suscription Creative Cloud qui oblige à payer tous les mois (ou ans) sans quoi on ne peut plus utiliser l’application. Ce type de suscription contient toujours des fonctions qui ne me sont pas nécessaires comme un espace disque sur le cloud Adobe. Je l’ai tout de même essayé pendant les quelques semaines d’essai, mais je me suis aussi souvenu que j’avais acheté il y a plusieurs années une application similaire s’appelant Pixelmator, qui fonctionne en fait très bien et ressemble assez à Photoshop. J’utilise maintenant principalement cette dernière application. Il y avait quand même un souci qui me chagrinait depuis cette transition et qui me faisait même un peu hésiter à montrer de nouvelles photographies sur le web. Les photographies que je montrais en version web 72dpi et format de 1000px de largeur paraissaient légèrement floues et manquaient en définition et netteté. J’applique cette configuration en dpi et en pixels depuis de nombreuses années, mais je ne ressentais ce problème de résolution que depuis mon passage vers le macOS Catalina et ce nouveau software d’édition photographique. En fait, en ouvrant une même photographie de 1000px sur Pixelmator (même chose sur la dernière version de Photoshop) et sur le navigateur web Safari, j’ai vite constaté que la photographie apparaissait deux fois plus petite sur l’application photographique par rapport à la version web. La version web semblait donc être une version agrandie, zoomée en quelques sortes, d’où une perte certaine en netteté. J’ai d’abord pensé que les paramètres de compression n’étaient pas corrects quand je sauvegardais les photographies au format JPEG, mais quelques recherches internet m’ont fait comprendre que les nouvelles applications d’édition photographique fonctionnaient en haute définition pour s’adapter aux écrans Retina, ce qui n’était pas le cas de mon vieux Photoshop qui était conçu en basse résolution. Il reste d’ailleurs une option pour faire tourner les applications récentes en basse résolution mais ça serait dommage de revenir en arrière. Pour palier à ce problème, je sauvegarde désormais les photographies JPEG en 2000px de large (le double d’avant) mais les affichent ensuite qu’en 1000px de large sur mes pages web (pas de changement). Bien que les photographies soient un peu plus grosses en taille kb, la différence de définition est très notable, je trouve. Sans trop exagérer, je me sens revivre depuis cette découverte.

J’ai encore quelques billets à publier avant la fin de l’année, mais en attendant, je souhaite à tous les visiteurs de joyeuses fêtes.