あなたの写真で夢が見たい

Des petits passages photographiques à Harajuku et Omotesando puis près d’Ebisu alors que la nuit tombait doucement. La deuxième photographie montre une installation artistique colorée de Kengo Kito (鬼頭健吾) à Omotesando Crossing Park. Il s’agit d’une des œuvres de la série d’expositions consacrées à l’artiste américain Sterling Ruby en association avec d’autres artistes japonais dont Kengo Kito et Kei Takemura (竹村京). Cette exposition est organisée du 8 Janvier au 4 Février 2024 par Anonymous Art Project en collaboration avec la galerie Taka Ishii. Je suis en fait passé rapidement car Kei Takemura est une amie de l’école des Beaux Arts de Mari, et j’avais déjà mentionné son nom sur ce blog il y a longtemps. Sur la troisième photographie du billet, je montre une nouvelle fois le nouveau Tokyu Plaza, au croisement d’Harajuku, qui ouvrira ses portes au Printemps 2024. Il fait face à l’autre Tokyu Plaza dans la diagonale du carrefour. Ce nouveau Tokyu Plaza conçu par l’architecte Akihisa Hirata prendra le nom de Harakado (ハラカド). Le Tokyu Plaza existant, conçu lui par Hiroshi Nakamura & NAP, changera de nom pour s’appeler Omokado (オモカド). C’est intéressant de voir cette correspondance entre deux buildings conçus par des architectes différents mais qui ont choisi une esthétique similaire basée sur des vitrages aux formes et plans variés et des zones végétales positionnées sur les hauteurs. Les deux bâtiments dialoguent en quelque sorte l’un avec l’autre.

Le titre de ce billet m’est inspiré par les paroles du dernier single NOISE du jeune groupe rock Haze. Le groupe est composé de quatre filles et est mené par Katy Kashii (香椎かてぃ), appelée simplement KATY, qui en est la guitariste et chanteuse. Chihiro Hanasaki (花咲ちひろ) appelée HANA est la bassiste du groupe et joue également pour un autre groupe appelé Hello End Roll (ハローエンドロール). Suzuka est aux claviers et Juri à la batterie. Je suis KATY d’assez loin sur les réseaux sociaux depuis plusieurs années, car elle a une personnalité assez décalée. Je me souviens d’une vidéo qui doit dater de ses débuts pour une audition du concours de modèles féminins Miss iD (ミスiD) parrainé par Kodansha. Elle s’agissait de l’édition 2017 de Miss iD alors qu’elle était encore en troisième année de lycée. Seiko Ōmori (大森靖子) faisait partie du comité de sélection et c’est peut-être à ce moment là qu’elle l’a repéré pour être membre d’origine du groupe ZOC (Zone Out of Control) fondé quelques années après en 2019. Katy a quitté ZOC en 2021 pour une raison que je ne connais pas mais je peux assez bien imaginer les difficultés conflictuelles avec Seiko Ōmori. Katy a fait également partie d’un autre groupe appelé Akuma no Kiss (悪魔のキッス) avec Kanano Senritsu (戦慄かなの), également ex-ZOC, mais qui a dû s’arrêter récemment (parfois, je me demande comment je peux avoir toutes ces informations en tête). En regardant cette vidéo de Katy sur Miss iD qui m’amuse toujours beaucoup, je retrouve les courtes vidéos sur fond vert Neet Tokyo (ニートtokyo) où elle est interviewée pour raconter bien sûr une histoire compliquée. Je regardais souvent ces vidéos de Neet Tokyo il y a quelques années, à l’époque où j’écoutais les podcasts de la rappeuse Valknee qui mourait d’envie d’y être invitée (ce qui arrivera finalement un peu plus tard). Ces vidéos sont en général très courtes et consacrées aux musiciens de la scène underground tokyoïte, principalement hip-hop. Je vois que certains musiciens étrangers y sont également invités, comme Porter Robinson qui y donne ses recommandations en musique pop japonaise. Le single NOISE de Haze est sorti en Janvier 2024. La composition du morceau rock n’est pas particulièrement originale mais j’aime beaucoup l’énergie brute qui s’en dégage, notamment par la voix de Katy qui ressemble par moment à une version plus torturée de celle d’AiNA The End. La vidéo du single réalisée par Yasuaki Komatsu me plait aussi beaucoup pour son hommage au film Fallen Angel (1995) de Wong Kar-Wai. Dans la vidéo, une scène à moto dans un tunnel ressemble en effet beaucoup dans son angle de prise de vue à une scène avec Takeshi Kaneshiro dans Fallen Angel. Et toujours sur cette vidéo, je ne m’attarderais pas à trouver des références dans la tenue d’infirmière de Suzuka donnant un coup de pied en avant ou celle en robe de mariée de Juri.

Je mentionnerais seulement le fait que je regrette vraiment de n’a pas avoir été au concert de King Gnu au Tokyo Dome les 27 et 28 Janvier 2024 car Sheena Ringo y était présente comme invitée secrète pour interpréter le morceau W●RK en duo avec Daiki Tsuneta. L’ambiance y était apparemment électrique et je peux très bien imaginer l’effet de surprise du public. Dans ses commentaires, le journaliste Patrick St. Michel qui était présent au concert ajoute que la clé pour comprendre la J-JOP des années 2020s est de reconnaître que les trois artistes les plus influenceurs des années 2000s étaient Sheena Ringo, Sōtaisei Riron (相対性理論) et Hatsune Miku. Ce commentaire est forcément très discutable mais à mon avis très proche d’une partie de la réalité. Une grande partie du courant électro-pop japonais actuel dérive du Vocaloid dont le projet Hatsune Miku était le précurseur. Je vois très souvent dans les jeunes groupes rock, notamment féminins, une influence de Sheena Ringo. Le fait même que Daiki Tsuneta porte un haut parleur à la main lors de certains morceaux de King Gnu, comme sur W●RK, dénote même cette influence. Quant à l’influence de Sōtaisei Riron, elle me paraît moins évidente. Certainement que des artistes comme Kiki Vivi Lily ou même Daoko prennent une certaine influence dans le chant intime d’Etsuko Yakushimaru et dans l’ambiance qui ne force pas le trait de Sōtaisei Riron. A ce propos, j’aime personnellement beaucoup revenir vers l’album Hi Fi Anatomia de Sōtaisei Riron, car il est vraiment brillant. Seiichi Nagai (永井聖一) de Sōtaisei Riron est d’ailleurs actuellement guitariste de QUBIT dans lequel chante Daoko. Et à ce propos, j’aime beaucoup le nouveau single de QUBIT intitulé Beautiful Days, dont la vidéo n’utilise heureusement pas cette fois-ci d’intelligence artificielle. L’approche rock est assez différente des morceaux solo de Daoko et c’est assez rafraîchissant, car Daoko y garde par moment son phrasé rapide hip-hop. Il faudrait que je me penche un peu plus sur le premier album du groupe, mais j’ai déjà tellement de choses à écouter. Les deux photos ci-dessus proviennent du compte Twitter de Daiki Tsuneta que je permets de montrer ici pour référence.

Lorsque je parcours les rayons des Disk Union de Tokyo, je ne regarde que rarement la section consacrée à Sheena Ringo et Tokyo Jihen car je dois avoir déjà à peu près tout. En jetant tout de même un œil rapide au rayon du Disk Union de Shin-Ochanomizu, je découvre une étrange compilation intitulée Complete singles que je ne connaissais pas. La photographie de couverture provient de la session photo utilisée pour le single Koko de Kiss Shite (ここでキスして。) de 1999. Sheena Ringo pose avec son appareil photo Canon F-1 qui l’accompagne souvent à cette époque. En regardant d’un peu plus près, cette compilation regroupe en fait les trois premiers singles de Sheena Ringo, Kōfukuron (幸福論), Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) et Koko de Kiss Shite avec les B-side, et le premier album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム). Ce qui est vraiment étrange, c’est que sur la vingtaine de morceaux inclus sur cette compilation, les trois derniers ne sont pas de Sheena Ringo mais d’autres chanteuses de cette époque n’ayant à priori aucuns liens avec le son monde musical. Ces morceaux s’intitulent I believe par Sakura, Hiyake (日焼け) par Yukie et Binetsu (微熱) par Mina Ganaha (我那霸美奈). La raison de cette sélection très classique de la J-Pop de l’époque mais n’ayant rien de transcendant est particulièrement mystérieuse. Je ne peux m’empêcher d’acheter le CD qui contient un beau picture disk. Les morceaux inclus ont une bonne qualité sonore, fidèle aux singles et album originaux. Il en est de même pour les photographies du livret. Quelques recherches m’indiquent qu’il s’agit en fait d’un bootleg taïwanais plutôt rare. Je savais que Sheena Ringo avait déjà sorti une compilation pour Taïwan au moment de son unique concert hors de Japon, mais la version que j’ai entre les mains est différente et n’a vraisemblablement rien d’officiel. Voilà une curiosité des plus étranges mais que je prends plaisir à écouter comme une sélection de ses premiers titres. Je suis par contre moins sûr de trouver un véritable intérêt aux trois morceaux ajoutés. J’imagine qu’ils ont été ajoutés comme teaser vers d’autres artistes. Ce n’est pas une mauvaise idée, quand on y pense, sauf si on considère le cadre de l’album comme une unité artistique. J’ai moi-même tendance à percevoir un album de cette manière, mais le cadre de la compilation donne ceci-dit des possibilités différentes.

day number 357

Comme tous les ans à la fin du mois de Décembre, je me rends au sanctuaire Ana Hachimangu situé près de la station de Waseda pour aller y chercher des talismans pour protéger toute la famille. J’y vais très tôt le matin. Quand je dis très tôt, c’est vraiment très tôt car je me lève en général vers 3h30 du matin pour prendre le premier train de la ligne Yamanote à 4h30 environ, pour arriver un peu après 5h à Ana Hachimangu. C’est un rituel que je suis loin d’être le seul à suivre car de très nombreuses autres personnes sont déjà sur place à attendre sagement l’ouverture du sanctuaire. Il faut en général attendre deux heures dans la nuit avant de pouvoir acheter ces fameux talismans. Depuis quelques années, j’ai développé une capacité certaine à attendre sans perdre patience. J’ai bien sûr mes écouteurs dans les oreilles. Je garde un souvenir particulier d’une attente devant et à l’intérieur du sanctuaire en écoutant les trois albums de Guernica (ゲルニカ), le groupe formé par Jun Togawa, le compositeur Koji Ueno et le parolier Keiichi Ohta. Cette musique est tellement particulière que ces moments en Décembre 2018 restent marquants. Le chef d’oeuvre musical de Guernica s’intitule Marronnier Tokuhon (マロニエ読本) et c’est un morceau que j’aime écouter de temps en temps. Cette fois-ci, dans la file d’attente, la musique qui m’accompagne est l’album Melting Moment de POiSON GiRL FRiEND que j’ai découvert un peu plus tôt cette année, alors qu’il date de 1992. En y repensant maintenant, j’aurais pu aussi réécouter Kyūsai no Gihō (救済の技法) de Susumu Hirasawa (平沢進). Certains morceaux comme MOON TIME ou STRANGE NIGHT OF THE OMNIFICENCE (万象の奇夜) sont tout particulièrement sublimes. Ce sera pour l’année prochaine, il faut que je m’en souvienne.

Je rentre ensuite à pieds depuis Waseda pour une marche de plus d’une heure et demi. Le hasard des rues me fait passer par Natsumezaka, et je reconnais tout de suite un immeuble conçu par Makoto Takei + Chie Nabeshima / TNA. Il s’agit du petit immeuble que je montre sur la quatrième photo. J’avais découvert cet immeuble nommé Between Natsumezaka (夏目坂の間), construit en 2015, dans le numéro 105 de la revue Japan Architect (JA) consacrée à TNA, qui montre également d’autres maisons que j’ai déjà trouvé dans les rues de Tokyo notamment Tie House et Mosaic House. La particularité de l’immeuble Between Natsumezaka est qu’il est construit le long d’une rue qui est amenée à être élargie dans le futur, ce qui peut prendre de très nombreuses années. Plutôt que de laisser vacant l’espace donnant sur la rue, la proposition de l’architecte a été de construire deux structures juxtaposées à l’avant et à l’arrière avec la possibilité de supprimer la structure donnant sur la rue sans affecter la structure arrière, si la rue venait à être élargie. On remarque d’ailleurs que la majorité des espaces habitables se trouvent dans la structure arrière et que la structure avant est principalement constituée d’espaces ouverts. Huit années se sont écoulées depuis la construction du building et la rue n’a toujours pas été élargie.

En marchant dans les rues du grand Shinjuku, j’écoute dans la playlist de mon iPod deux morceaux d’un jeune groupe de rock indépendant nommé 35.7 (サンジュウゴテンナナ), qu’on peut d’ailleurs apparemment réduire en « Go Ten Nana (ゴテンナナ) ». Le groupe est originaire de Tokyo et se compose de quatre membres: Yū Takahashi (たかはしゆう) au chant et à la guitare, Shuka Kaminohara (かみのはらしゅか) à la guitare, Sakuya (さくや) à la basse et Kona Katakuri (かたくりこな) à la batterie. Je découvre d’abord leur dernier single intitulé Shiawase (しあわせ), qui vient juste de sortir le 19 Décembre 2023. J’aime beaucoup la mélancolie qui s’en dégage et la voix de Yū, notamment sa manière chantante de terminer certains mots. Le morceau prend une tournure très différente dans sa dernière partie très rapide. Ce changement de rythme est assez surprenant et très bien vu. On retrouve une dynamique un peu similaire sur le morceau Shukujitsu Tengoku (祝日天国) sorti en Juillet 2022. Ce morceau a une énergie très communicative et la fraîcheur des amours de jeunesse. Il s’agit pour sûr d’un groupe à suivre de près.

time is a one-way track and I am not coming back

Le Shibuya Sakura Stage est une nouvelle pièce du puzzle du grand re-développement urbain autour de la gare de Shibuya. Ce nouveau complexe de buildings est situé au niveau de la sortie Sud de la gare, derrière le building Shibuya Stream qui est lui-même posé au bord de la rivière bétonnée de Shibuya. J’imagine que le nom Sakura Stage est lié à son emplacement devant une petite rue en pente couverte de cerisiers appelée tout simplement Sakurazaka (さくら坂). Les images de cerisiers recouvrent les façades des bâtiments du complexe et une couleur rose très marquée recouvre les murs intérieurs ondulés d’un étrange bloc formant un « S » (pour Shibuya ou pour Sakura, j’imagine). L’utilisation future de ce petit bloc reste mystérieuse. Il n’est pas accessible pour le moment car l’escalator qui parcourt son intérieur est bloqué, mais j’imagine son ouverture très prochaine. Il s’agit peut-être seulement d’un passage pour accéder à l’étage. Je montre régulièrement sur ce blog les changements radicaux que subit Shibuya pour le meilleur et pour le pire, et de manière irréversible. En titre de ce billet, quelques paroles de l’excellent morceau Cream of Gold de Pavement sur leur album Terror Twilight de 1999, que j’écoute beaucoup en ce moment, me reviennent en tête en pensant à cette irréversibilité: « Time is a one-way track and I am not coming back ». Ces modifications et modernisations changent pour sûr l’esprit du quartier qui était beaucoup plus désorganisé il y a 10 ou 20 ans. Mais le brouillon urbain est toujours bien présent lorsqu’on s’écarte du centre près de la gare, notamment en remontant vers Dogenzaka. J’aime régulièrement y marcher en passant devant les salles de concerts O-East et O-West (qui prennent depuis quelques temps le préfixe Spotify). J’irais justement voir AAAMYYY dans la salle Spotify O-East le 7 Mars 2024, si tout va bien, pour un concert solo intitulé Option C avec apparemment des artistes invités qui ne sont pas encore annoncés, peut-être TENDRE, ou Maika Loubté, mais Ano serait plus improbable. Ça fait apparemment un an et demi qu’elle n’a pas fait de concert solo, ce qui est en partie dû à son récent congé maternité. AAAMYYY est depuis un petit moment dans la liste des artistes que je voulais absolument voir en live et je suis donc assez impatient même s’il faudra attendre trois mois.

C’est la deuxième fois que je découvre un jeune groupe ou artiste japonais à travers les publicités intercalées dans les Stories d’Instagram. Le système de recommandations fonctionne étonnamment assez bien sur Instagram et YouTube, mais est totalement inopérant sur Twitter par exemple. Je ne suis pas contre ce type de recommandations ciblées lorsqu’elles me font découvrir des belles choses. Cette fois-ci, il s’agit du single 456 du groupe muque originaire de Fukuoka. Le groupe est tout jeune, formé en Mai 2022. Il se compose d’Asakura au chant et à la guitare, takachi à la batterie, Kenichi à la guitare et Lenon à la basse. Les membres ayant tous des influences musicales différentes, la musique oscille habilement entre les genres, entre le rock indé et la pop électro sur le morceau 456. L’ambiance générale est très proche du rock indé mais le beat très marqué donne au morceau un côté pop groovy très bien vu. Le groupe a sorti plusieurs singles et celui-ci est présent sur leur deuxième EP intitulé Design, sorti le 22 Novembre 2023. Le nom muque est assez étrange pour un groupe japonais. Il s’agit en fait d’une contraction du mot français « musique » et du mot japonais « muku » (無垢) qui veut dire innocence, signifiant que le groupe souhaite composer sa musique en toute innocence sans être influencé par ceux qui les entourent. On ressent cette singularité subtile.

a子 vient de sortir son troisième EP intitulé Steal Your Heart le 6 Décembre 2023. J’hésite à acheter le CD, en version physique, car j’ai déjà acheté tous les singles en version digitale au fur et à mesure de leurs sorties. J’envie un peu ceux et celles qui n’ont pas encore écouté les morceaux de cet EP et qui les découvrent tous d’un bloc. Je découvre en fait le morceau Samourai qui n’était pas encore sorti jusqu’à maintenant. Il ne diffère pas vraiment de la musique que l’on connaît d’a 子 qui a créé petit à petit un style musical tout à fait distinctif à mi-chemin entre rock indé et pop accrocheuse. La guitare démarrant le morceau est dans un esprit rock alternatif mais le violon vient ensuite brouiller les pistes. Il faut noter que Neko Saito (斎藤ネコ) est une nouvelle fois le violoniste sur ce morceau tout comme sur le suivant intitulé The Sun (太陽) dont j’avais déjà parlé au moment de sa sortie en single. Ça fait plaisir d’écouter Neko jouer avec des jeunes groupes en devenir. a子 gagne petit à petit en renommée et elle ira même l’année prochaine, avec son groupe j’imagine, jouer dans le festival américain SXSW qui se déroule du 8 au 16 Mai 2024 à Austin au Texas. Avec Ado préparant sa tournée mondiale passant par l’Asie, l’Europe (dont Paris la Villette le 11 Mars 2024) puis les US, les artistes et groupes japonais de la nouvelle génération se produisent de plus en plus à l’étranger. Les qualités et la diversité de la musique pop-rock japonaise gagnent pour sûr à être un peu mieux reconnues.

marcher entre les arbres de Hanegi

J’étais déjà passé à pieds aux limites du quartier de Hanegi (羽根木), dans l’arrondissement de Setagaya au delà de Shimokitazawa (下北沢) et près de la station de Shindaita (新代田), car j’ai déjà pris en photo l’arbre planté au milieu de la route sur la huitième photographie ci-dessus. Cette route longe la ligne de chemin de fer desservant la station de Shindaita. Je n’avais pas jusqu’à maintenant exploré les rues intérieures du quartier de Hanegi. Mari qui y est allée avec une amie quelques jours auparavant m’a en fait fortement conseillé d’y faire un tour car elle me dit que l’architecture y est intéressante. Quelques recherches me confirment bien cela, car on trouve dans ce quartier plusieurs bâtiments de l’architecte Shigeru Ban (坂茂). Le quartier est découpé par une rue très ombragée. On remarque tout de suite un complexe ouvert fait de plusieurs bâtiments de béton séparés en trois blocs. Il s’agit de Hanegi International Garden House conçu par Kojiro Kitayama et construit en 2007. Je montre cet ensemble d’appartements résidentiels sur les cinq premières photographies du billet. Un espace vert est conservé au milieu de ce complexe et de nombreux grands arbres y sont présents. Le domaine sur lequel a été construit cette résidence appartenait à la même famille depuis la période Edo, et la conservation des arbres faisait partie des prérogatives du re-développement de cette zone. On remarque par exemple que la forme de certains escaliers s’ajustent en fonction de l’emplacement des arbres. La végétation prend également le dessus sur les façades en jaillissant des toits. Le sol du jardin central n’est pas mis à niveau et reste très accidenté, comme laissé à son état naturel. Cette configuration privilégiant la végétation est vraiment très intéressante. Il en est de même pour la résidence Hanegi Forest conçue par Shigeru Ban en 1997, que je montre sur la septième photographie du billet. La forme du bâtiment de trois étages a été dessinée pour laisser la place aux arbres déjà présents sur le site. Des formes ovales sont ainsi creusées au milieu du bâtiment pour laisser grandir les arbres. Ces formes sont difficiles à montrer correctement en photo, mais le site web de l’architecte donne une meilleure idée de la configuration spatiale du bâtiment. La résidence Hanegi Forest Annex du même Shigeru Ban se trouve juste à côté. Sa conception est différente et plus récente car le bâtiment date de 2004. Son toit en forme d’arche en acier est immédiatement remarquable. Tout comme l’autre bâtiment, il est surélevé pour laisser de la place aux parkings. J’aime beaucoup le concept du quartier conservant la végétation déjà installée. Cela donne un environnement de vie très agréable. Les deux dernières photographies du billet montrent une maison au style différent mais encore une fois conçue par Shigeru Ban. Il s’agit de House at Hanegi Park Vista, construite en 2010. Comme son nom l’indique, elle est située au bord du grand parc de Hanegi, au coin d’une longue rue en forme de L. Sa particularité est la grande toiture courbée que l’on distingue clairement depuis l’extérieur. Là encore, le site de l’architecte montre quelques photographies de l’intérieur pour mieux apprécier les qualités de cet espace au haut plafond courbé. Cette petite promenade du samedi matin a été riche en découverte architecturale. J’avais bien sûr fait des recherches avant de partir et mon parcours était par conséquent très programmé et n’avait rien du hasard, ce qui n’est pas toujours le cas.

Parlons maintenant de la musique qui accompagne l’écriture de ce billet. Gamel est une œuvre musicale vraiment atypique du groupe rock expérimental OOIOO mené par YoshimiO (ou Yoshimi P-We), de son vrai nom Yoshimi Yokota (横田佳美). YoshimiO chante dans le groupe OOIOO mais est avant tout connue pour être batteuse du groupe de noise rock Boredoms fondé par Yamataka Eye (山塚アイ). Je n’ai jamais été très attiré par la musique de Boredoms, mais j’ai un vague souvenir d’avoir été voir et écouter un live électronique de Yamataka Eye il y a un peu moins de vingt ans. Comme je ne notais pas tout à cette époque, mes souvenirs m’échappent malheureusement. Je m’intéresse soudainement à OOIOO car j’avais noté que Kyoko de Kokushoku Elegy (黒色エレジー) avait fait partie de ce groupe à ses débuts, dans les années 90. YoshimiO et Kyoko étant toutes les deux originaires de la préfecture d’Okayama, on peut deviner qu’un rapprochement s’est fait à l’époque. Le groupe OOIOO a été fondé en 1996 par YoshimiO et se compose de quatre filles: KayaN, AyA et MISHINA accompagnant YoshimiO dans sa composition actuelle. Le nom de YoshimiO m’était en fait familier depuis longtemps car elle est également membre du super-groupe Free Kitten avec Kim Gordon de Sonic Youth (et Julia Cafritz de Pussy Galore). OOIOO a d’ailleurs fait l’ouverture de Sonic Youth lors de leur tournée japonaise de 1997. En lisant les fiches Wikipedia, je suis assez surpris de me rendre compte que YoshimiO a même inspiré le titre de l’album Yoshimi Battles the Pink Robots de The Flaming Lips. Elle y jouait d’ailleurs de la batterie. Plutôt que d’écouter des albums de années 90 de OOIOO, je me dirige sur celui intitulé Gamel sorti en 2014, pour l’avoir vu cité dans une liste des meilleurs albums japonais de la décennie passée. Comme son nom l’indique, cet album expérimental met en avant les sons du gamelan (ꦒꦩꦼꦭꦤ꧀), un ensemble instrumental traditionnel indonésien caractéristique des musiques javanaises. Lorsque je pense au gamelan, me viennent tout de suite en tête les sons du morceau Tetsuo (鉄雄) par Geinō Yamashirogumi (芸能山城組) sur la bande originale Symphonic Suite AKIRA, que j’ai dû écouter une centaine de fois après avoir vu le film au cinéma en France. L’ambiance de Gamel est bien entendu très différente mais la force et la présence du gamelan est inimitable. Les chants y sont étranges, les motifs instrumentaux souvent répétitifs, la composition souvent déconstruite ou du moins non conventionnelle, mais quelle beauté pleine d’inattendu ! Comme je le dis parfois, ce n’est pas forcément une musique pour toutes les oreilles. Le premier morceau Don Ah de 10 minutes est une excellente entrée en matière. On se laisse facilement entraîner dans ces étranges compositions, parfois à la limite du psychédélique, ressemblant d’autres fois à des chants ou à des incantations d’une tradition ancestrale perdue. Il faut pour sûr accepter de rentrer dans ce monde, et cette musique devient ensuite très rapidement fascinante et addictive. On a parfois l’impression d’assister à des sessions Live improvisées, même si le tout reste très construit. On n’arrive tout simplement pas à bien imaginer les limites de cet objet musical à l’approche très libre, proche de la performance artistique (les cris de YoshimiO sur Gamel Kamasu par exemple). Le deuxième morceau Shizuku Gunung Agung est très marquant. Le gamelan a cette capacité de s’ancrer dans notre cerveau et les chants à la fois répétitifs et distordus contribuent à ce phénomène d’addiction sonore que je mentionnais ci-dessus. Les morceaux Atatawa et Jesso Testa sont également très singuliers et comptent parmi mes préférés de l’album. L’ensemble de l’album Gamel durant un peu plus d’une heure a une grande unité de style avec des morceaux se chevauchant souvent les uns sur les autres, avec le gamelan comme instrument d’union continuelle. Gamel est un véritable ovni mais également un petit bijou musical. La photographie du groupe OOIOO ci-dessus a été prise par le photographe Takashi Homma (ホンマタカシ), ce qui me rappelle d’ailleurs qu’il faut que j’aille voir son exposition Revolution 9 qui se déroule jusqu’au 21 Janvier 2024 au Tokyo Photographic Art Museum à Yebisu Garden Place.

ヤエス出口から御徒町

La première photographie montrant le côté Yaesu (八重洲) de la grande gare de Tokyo a été prise depuis la tour récente Tokyo Mid-Town Yaesu que Mari et moi avons visité sommairement il y a quelques semaines, histoire de voir s’il y avait des choses intéressantes. Un des étages comprend un vaste espace ouvert semblable à un food court qui est plutôt agréable. Juste à côté de Yaesu Mid-Town, le Yanmar Tokyo Building conçu par Nikken Sekkei est particulièrement intéressant pour son alignement de tubes rouges recouvrant une partie du rez-de-chaussée donnant accès à l’entrée du building. Ça m’a donné l’image d’un découpage au sabre d’une partie du béton et du verre du rez-de-chaussée pour donner accès à l’entrée. Ceci étant dit, je doute quand même que ce rouge vif représente les entrailles du building, et j’imagine qu’il s’agit plutôt d’une correspondance à la forme et à la couleur du logo de la marque d’équipements agricoles (entre autres) Yanmar, qui donne son nom à ce building. La tour se compose principalement de bureaux avec quelques restaurants. Je ne l’ai malheureusement pas remarqué moi-même, mais certains étages laissent apparemment la végétation dépasser sur la façade.

Quelques semaines plus tard, j’étais assis avec mahl de l’autre côté de la grande station de Tokyo, côté Marunouchi, sur la terrasse d’étage du building KITTE. On regardait ces buildings tout un buvant un café et en discutant de diverses choses. C’était la première fois qu’on se rencontrait et c’est toujours étonnant de se voir finalement après de nombreuses années à avoir échangé par écrits interposés sur nos blogs. Nous parlons de musique japonaise bien sûr, du fait d’écrire sur un blog et de beaucoup d’autres choses. Il passait en coup de vent à Tokyo pour la journée pour repartir ensuite à Nagoya, et la rencontre pour le déjeuner a été bien rapide. Au plaisir d’une prochaine rencontre.

Les autres photographies du billet ont été prises depuis la gare d’Okachimachi (御徒町駅), juste avant Ueno. Elles datent de Septembre alors que je partais à la découverte du building Monospinal par l’architecte Makoto Yamaguchi, au pied de la station Asakusabashi (浅草橋駅). Devant la station d’Okachimachi, des idoles en devenir chantaient devant un public parsemé. Je ne sais pas exactement quel était l’occasion de ce rassemblement, mais l’estrade sur laquelle elles dansaient et chantaient ressemblait fortement à un ring de boxe ou de catch. Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de spectacle de rue sur la place devant la station d’Okachimachi.

C’était par contre la première fois que je visitais la petite galerie Mizuma Art située à Ichigaya Tamachi (市谷田町). J’apprécie beaucoup d’artistes présentant leurs œuvres dans cette galerie mais je n’avais jusqu’à maintenant jamais trouvé une occasion d’y aller. On y présente en ce moment, jusqu’au 11 Novembre, quelques œuvres de Yoshitaka Amano (天野喜孝展) dans une série bleue intitulée Blue Sky (青天). Comme beaucoup je pense, je connais et apprécie Yoshitaka Amano depuis la découverte de ses illustrations pour la série de jeux vidéos Final Fantasy. Cette exposition à la galerie Mizuma ne montre que quelques unes de ses œuvres sélectionnées pour l’utilisation de la couleur bleue. Elles sont très belles bien sûr mais on a vite fait le tour de la galerie. J’espère pouvoir apprécier un jour une grande rétrospective de son œuvre dans une galerie où un musée de plus grande taille. Je feuillette en attendant les deux livres, recueils de ses œuvres, placés sur le comptoir près de l’entrée de la galerie. Une photo dans un des livres montre son studio créatif qui se trouve dans un petit building dont je reconnais le design car je l’ai déjà pris en photo et montré sur ce blog. Je ne me souviens pas exactement dans quel quartier de Minato ou Shibuya il se trouve, et je ne pense pas être en mesure de retrouver cette photo parmi les 2320 billets qui composent Made in Tokyo. Je le retrouverais certainement par hasard aux détours d’une rue. La galerie Mizuma Art présentera à la fin du mois de Novembre un autre artiste que j’aime beaucoup, Tomiyuki Kaneko (金子富之). Ce sera à ne pas manquer.

Musicalement parlant, je continue à écouter l’album DEBUT de Kyrie (aka AiNA The End) et Takeshi Kobayashi accompagnant le film Kyrie no Uta (キリエのうた). J’y découvre au fur et à mesure quelques morceaux sublimes comme Niji Iro Kujira (虹色クジラ) et Zuruiyona (するいよな). Je trouve l’album inégal dans son ensemble mais il y a de nombreux morceaux particulièrement beaux et inspirés, comme ces deux là et ceux que je mentionnais dans mon précédent billet évoquant le film. J’ai l’impression que je n’avais pas écouté la musique de Vaundy depuis un petit moment mais je me rattrape avec son dernier single Todome no Ichigeki (トドメの一撃) accompagné par le guitariste Cory Wong. Je suis tout de suite happé par la dynamique pop qui se dégage du morceau. C’est le type de morceau que j’adore écouter en roulant en voiture, car il a un parfum de week-end et une énergie très communicative. La vidéo sur un bateau de croisière avec l’actrice Masami Nagasawa en rôle principal ajoute certainement à l’ambiance générale du morceau. Il est utilisé comme thème final de la saison 2 de Spy x Family, ce qui me rappelle que je n’ai pas encore terminé la première saison sur Netflix. Je m’y remets donc doucement avec beaucoup de plaisir. J’avais d’abord un avis assez mitigé sur le nouveau single SpecialZ de King Gnu, mais la vidéo réalisée par OSRIN de Perimetron (le collectif artistique de Daiki Tsuneta) est artistiquement assez exceptionnelle et m’a remis rapidement sur les rails. L’aspect chaotique de la vidéo accompagne et explique même d’une certaine manière la désorientation qu’on peut avoir à la première écoute du morceau. Cette image chaotique est très présente dans l’oeuvre musicale et visuelle de Daiki Tsuneta. Il s’agit également du thème principal du premier album de son autre groupe Millenium Parade. SpecialZ est le thème d’ouverture de l’anime Jujutsu Kaisen Shibuya Jihen (呪術廻戦 渋谷事変), tandis que le thème de fin est le dernier single de Hitsuji Bungaku (羊文学), More Than Words. King Gnu, tout comme Vaundy d’ailleurs, sortira bientôt un nouvel album qu’il faudra suivre avec attention. J’écoute aussi beaucoup quelques morceaux de Fujii Kaze (藤井風), en particulier Hana (花) et Workin’ Hard. Fujii Kaze m’a toujours un peu agacé, mais il faut quand même reconnaître qu’il y a beaucoup de talent. Il y a toujours une sorte d’évidence dans ses morceaux, comme si ça lui venait tout seul, sans efforts. C’est très certainement loin de la vérité mais cette impression reste pour moi très marquée. J’aime beaucoup le dernier single Hana, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il manque un instrument en fond, un piano aux notes claires et flottantes comme des lumières de neons (bon, j’ai peut-être trop écouté Kirinji). Cette série musicale est, une fois n’est pas coutume, très « mainstream » mais je vais bientôt repartir vers des profondeurs plus sombres. Je reprends en quelque sorte ma respiration avant de plonger.