林檎齧って空ばかりを見てる

La chaleur estivale bat déjà son plein dans les rues de Shirogane où je me promène rapidement cette fois-ci. Cette fin du mois de Juin et ce début Juillet sont particulièrement occupés et je manque par conséquent de l’énergie nécessaire pour prendre suffisamment de photographies qui alimenteront ce blog. Je repasse vers des endroits déjà empruntés et photographiés dans le passé. Il y a d’abord Oyagi House par Ryue Nishizawa (2018), puis le temple Zuishōji à Shirogane dont les nouvelles dépendances de bois ont été conçues par Kengo Kuma et finalement le fameux building verdâtre de cuivre oxydé nommé Nani Nani (1989) par Philippe Starck en collaboration avec Makoto Nozawa de GETT. Bref, rien de vraiment très neuf sous le soleil tokyoïte. J’ai ouvert un compte sur Threads, la nouvelle application liée à Instagram venant concurrencer directement et frontalement Twitter. J’étais assez motivé pour l’utiliser à la place de Twitter dans les premiers jours, mais l’excitation du moment est déjà retombée. L’interêt par rapport à Instagram est plutôt limité. J’utilise principalement Twitter pour suivre l’activité des artistes et groupes que j’apprécie, et je ne suis pas prêt à passer du temps pour vérifier s’ils et elles ont un compte sur Threads. L’application sans publicité pour l’instant est pourtant agréable, très axée photographies du fait de son lien direct avec Instagram.

Je suis toujours sous l’emprise irrésistible de Yuki sur les albums de Judy and Mary que je continue de découvrir. Mais, j’ai également envie de changer quelque peu d’ambiance avec quelques excellents morceaux d’une jeune compositrice et interprète appelée Rinne Amano (天野凛音) que je ne connaissais pas. Je la découvre vraiment par hasard au milieu de story Instagram. Ce personnage aux cheveux décolorés surgit soudainement avec un morceau intitulé Orange like the Chuo Line (中央線のオレンジ), qui me rappelle un peu l’ambiance musicale de Hidefumi Kenmochi pour Wednesday Campanella. Mais c’est seulement au début du morceau, car il part ensuite vers une atmosphère plus contemplative. Rinne Amano mélange les passages de hip-hop avec d’autres moments plus chantés. Ce morceau est très inspiré tout comme celui intitulé There was a Landlord (家主がいた) que j’écoute ensuite et que j’aime vraiment beaucoup. Il y a une certaine fluidité et un automatisme dans son chant qui rendent ce morceau particulièrement évident. On se laisse attraper par son flot très assuré, mais qui ne surjoue pourtant pas les émotions. Il y a une certaine joie mélancolique dans ses morceaux qui me plait beaucoup. Le fait que le morceau dure assez longtemps, environ 4 mins 30, me plait aussi beaucoup car on se sent bien dans ce refrain qui se répète. Ces deux morceaux sont sortis respectivement en Octobre et en Décembre 2022. Rinne Amano n’a pas encore sorti de EP ni d’album, mais seulement quelques morceaux très prometteurs. Le plus récent sorti en Janvier 2023 intitulé Chiki-Po, est assez différent, partant vers des ambiances beaucoup plus électroniques. Elle y chuchote sur des nappes sonores, mais le rythme est tout de même très présent. Ces quelques morceaux sont une belle découverte et sa musique est déjà très prometteuse. Et en parlant d’Hidefumi Kenmochi (ケンモチヒデフミ) qui est très présent dans le paysage musical électronique japonais en ce moment, il a récemment collaboré avec KAF (花譜) sur un très joli morceau intitulé Shuge-Hai!!! (しゅげーハイ!!!). On ne reconnaît pas immédiatement le style d’Hidefumi Kenmochi, ce qui est assez inhabituel. Le phrasé rapide de la mystérieuse KAF est toujours excellent, surtout quand le rythme s’emballe gentiment vers la fin du morceau.

Ɩɛ ɖéʂơཞɖཞɛ ơཞɠąŋıʂé ɖɛ ʂɧıɱơƙıɬą

Je prends beaucoup moins de photographies ces derniers temps et je n’ai même aucun billet en attente de publication dans mes brouillons, à part bien sûr celui que je suis en train d’écrire. Je marche en fait souvent aux mêmes endroits en ce moment et l’inspiration pour saisir en photo de nouvelles choses que je n’ai pas encore montré se fait plus rare. Dans ces cas là en général, je change d’objectif photo et je me décide à regarder les détails plutôt que les grands ensembles. La motivation me manque en fait comme si la machine s’était assoupie soudainement à l’approche de la période estivale. Je réfléchis tous les ans à la manière d’aborder l’été et je pensais même sérieusement à faire une longue pause estivale. Jusqu’au week-end dernier qui a été un peu plus propice aux photos.

Je me suis d’abord dirigé vers Shimo-Kitazawa pour aller voir l’exposition de l’illustrateur Wataboku qui se déroulait du Vendredi 9 Juin au Samedi 24 Juin 2023. J’y suis allé comme souvent au dernier moment, le dernier jour donc. L’exposition intitulée Manzoku dekiru kana (満足できるかな) prenait place dans un café nommé Candle Cafe & Laboratory △ll. Le café n’est pas très loin de la station mais situé à l’étage d’un petit immeuble dans une rue un peu à l’écart. La porte d’entrée en bois du café est antique et je me suis d’abord demandé comment l’ouvrir. Un autre visiteur est heureusement arrivé en même temps que moi et on s’est posé tous les deux la question de comment ouvrir cette maudite porte. Jusqu’à ce que la gérante (je suppose) du café vienne nous ouvrir. La petite salle d’exposition se trouve au fond du café qui ressemble en fait beaucoup plus à un bar. Je pensais que la salle d’exposition serait plus grande mais il s’agit en fait d’un petit espace composé de grandes plaques de bois contreplaquées sur lesquelles Wataboku a dessiné plusieurs versions de son personnage féminin fétiche. On apprend que le modèle des dessins est surnommée Aopi (あおぴ) et qu’elle est même venue poser à côté de son personnage. J’adore toujours la qualité des expressions des dessins de Wataboku, et on peut très bien comprendre que le modèle réel a dû bien l’inspirer. L’illustrateur n’était malheureusement pas présent à mon passage et il est apparemment passé plus tard pendant cette même journée. Je l’avais vu la dernière fois à l’exposition de Jingūnmae et il m’avait signé une carte postale à cette occasion. On ne pouvait passer que peu de temps devant les illustrations vu la taille de l’espace, mais c’était suffisant pour imprimer ces images dans ma tête.

Je continue ensuite à marcher dans les rues de Shimo-Kitazawa jusqu’au Disk Union, qui est devenu pour moi un passage obligé, même si je n’y ai rien trouvé de suffisamment intéressant cette fois-ci. En me dirigeant vers le magasin de disques depuis la station, je passe devant un autre nommé 45REVOLUTION spécialisé dans la musique punk rock. Je n’y suis en fait jamais entré vue la petite taille de l’endroit et mon intérêt limité pour le genre. Ce magasin se trouve dans la même rue étroite que la salle de concerts underground Shelter, que l’on voit régulièrement dans la série animée Bocchi The Rock (ぼっち・ざ・ろっく!). Sur la devanture du magasin au désordre organisé Village Vanguard, on trouve toujours des affichettes de cette série. J’ai fini de regarder les 12 épisodes de la première saison disponible sur Netflix et j’ai beaucoup aimé. Cette série évoquant les débuts d’un groupe de rock indépendant contient plein de petits détails intéressants sur les coulisses de la scène rock indé japonaise, en plus d’être très souvent drôle. Les morceaux que joue le groupe, appelé Kessoku Band (結束バンド) dans la série, sont d’ailleurs plutôt bons, les morceaux Hikari no Naka he (光の中へ) et Wasurete Yaranai (忘れてやらない) par exemple, et sont même sortis en CD. Ceci ne gâche en rien le plaisir de suivre les aventures des quatre filles du groupe, aux tempéraments très différents. Je pense que cette série a dû inspirer la jeunesse à se lancer dans l’apprentissage de la guitare (Fender vend tellement bien qu’un magasin a ouvert récemment à Harajuku). J’aimerais aussi ré-acheter une guitare même si je ne sais jouer aucun air connu et mon style autodidacte est complètement expérimental. Je me suis par contre acheté récemment un petit clavier USB Akai LPK25, que j’ai connecté à l’application Logic tournant sur l’iMac. J’avais acheté cette application musicale il y a plusieurs années sans pourtant en maîtriser les rouages. Avoir ce petit clavier permet de générer toutes sortes de sons à partir des vastes librairies sonores de Logic. Même si je n’atteins pas pour l’instant le stade de la composition, j’apprécie tout de même énormément jouer avec les sons. Ce modèle de clavier est utilisé par Utada Hikaru lorsqu’elle voyage et ça m’a décidé à l’acheter (j’y pensais depuis quelques temps déjà). Peut être que l’inspiration pour créer de nouveaux morceaux électroniques me reviendra progressivement.

Ma marche à pieds me fait ensuite revenir vers Daikanyama. Je n’avais pas vraiment remarqué que la construction de la nouvelle résidence située à côté de la tour Address avait progressé aussi vite. On ne sera pas complètement surpris d’apprendre que l’on doit le design de cette résidence Forestgate Daikanyama à l’architecte Kengo Kuma, qui, je trouve, envahit le paysage architectural japonais ces dernières années. Mais son design constamment basé sur l’utilisation du bois me convient plutôt bien, donc je mettrais pour l’instant de côté toute critique éventuelle qui pourrait me venir à l’esprit.

Entendre soudainement la voix de YUKI sur le morceau Koi ha Eien (恋は永遠) de l’album Ne- Minna Daisuki Dayo (ねえみんな大好きだよ) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) dont je parlais récemment m’a donné l’envie irrésistible de me lancer dans l’écoute d’un album entier du groupe Judy and Mary (ジュディ・アンド・マリー) par lequel elle a fait ses débuts. Je commence avec leur quatrième album intitulé The Power Source, sorti le 26 Mars 1997. C’est leur album le plus connu car c’est celui qui s’est le mieux vendu. Judy and Mary est un groupe rock oscillant entre la pop et le punk, ce qui paraître être un grand écart, mais qui correspond assez bien à l’ambiance musicale de cet album mélangeant des sons de guitares noisy, torturés et distordant et le chant pop non conventionnel de YUKI. Le groupe a fait ses débuts en 1992 et s’est dissolu en 2001 après 7 albums et au moins 3 compilations. YUKI s’est ensuite lancée dans la carrière solo prolifique qu’on lui connaît maintenant. A l’époque de Judy and Mary, elle s’appelait encore Yuki Isoya (磯谷有希). Elle est originaire de Hakodate à Hokkaidō. Le groupe est par contre identifié comme étant originaire de Kanagawa. Il se compose également du guitariste Takuya Asanuma (浅沼拓也), du bassiste Yoshihito Onda (恩田快人) et du batteur Kohta Igarashi (五十嵐公太). Le nom du groupe interpelle car on pourrait d’abord penser qu’il s’agit d’un duo composé de deux chanteuses « Judy » et « Mary ». Il fait en fait référence aux deux facettes d’une même fille, à la fois vive et positive (« Judy ») et plus tordue et négative (« Mary »). On imagine tout à fait YUKI jouer le rôle légèrement schizophrène de ce double personnage, qui correspond d’une certaine manière assez bien aux deux facettes de la musique du groupe. De Judy and Mary, je connais déjà leurs morceaux les plus connus qu’on entend parfois dans les émissions télévisées musicales qui font des rétrospectives récurrentes sur la J-Pop de l’ère Heisei. Sur cet album, le morceau le plus connu Sobakasu (そばかす). C’est un bon morceau sans forcément être mon préféré de l’album, peut-être parce je le connais déjà assez bien depuis très longtemps. Ce style musical rock très dynamique et partant un peu dans tous les sens me rappelle mes toutes premières années à Tokyo, comme s’il s’agissait d’une machine à remonter dans le temps vers ces années insouciantes où j’avais tout juste vingt ans. On trouve cette atmosphère tout à fait rafraîchissante dans les morceaux de Judy and Mary et dans la manière de chanter de Yuki Isoya en particulier. Et je me trouve maintenant à écouter sans arrêt cet album, comme si j’avais découvert une petite pépite que je ne peux pas quitter du regard. La liberté de ton et l’énergie contagieuse sur un morceau comme Happy? sont irrésistibles. Dans les morceaux que j’apprécie particulièrement, il y a aussi le premier Birthday Song et surtout le deuxième Lovely Baby. L’album part de temps en temps vers des pistes beaucoup plus axées pop comme Kijura 12go (くじら12号) ou Classic (クラシック), qui ne sont pas moins réussis. Kijura 12go est d’ailleurs particulièrement accrocheur et me semble même très bien adapté à un début d’été. L’album se termine sur le morceau The Great Escape qui retourne vers des sons de guitare plus noisy. Cet album est pour moi une tres belle surprise, certes un peu tardive, et j’ai maintenant la très ferme intention de découvrir les autres albums studio. La liste des albums à découvrir ne fait décidément que de s’allonger et c’est une très bonne nouvelle.

I know you dream of snowfields, Floating high above the trees

Je traverse régulièrement à pieds le sanctuaire Toranomon Kotohiragu (虎ノ門 金刀比羅宮) dont l’origine remonte à l’année 1660. Une de ses particularités remarquables est qu’il se trouve encastré entre des hauts immeubles. Il partage son emplacement avec la tour Kotohira et une partie du sanctuaire est d’ailleurs située dans cette tour. Cette combinaison d’un sanctuaire et d’une tour moderne peut paraître assez atypique mais n’est pas particulièrement rare à Tokyo. Dans le cas présent cependant, on a vraiment le sentiment que la tour à optimiser l’espace utilisable sans trop porter atteinte à l’environnement nécessaire au sanctuaire. Un des grands torii du sanctuaire est par exemple situé à l’entrée du building et l’approche du sanctuaire est en grand partie couverte par celui-ci. On pourrait très bien retrouver cet entrelacement de sanctuaire et de building dans le petit guide jaune Made in Tokyo de Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima. Je continue ensuite ma marche en longeant en partie le parc Hibiya, que je traverse aussi assez souvent en ce moment sans pourtant le prendre en photo. Le Hibiya Chunichi Building (日比谷中日ビル), conçu par Nikken Sekkei et construit en 1973, se trouve devant une des entrées du parc. J’ai toujours été intrigué par l’ouverture horizontale et biseautée située à un angle du building. Quelle peut bien être la fonction de cette ouverture, elle ne semble pas utilisée actuellement. Le bâtiment est occupé par une agence de presse et je me suis même imaginé qu’on jetait depuis cette fenêtre les journaux aux passants qui souhaiteraient bien les recevoir, un peu à la manière de paperboy dans le jeu vidéo d’arcade des années 80. Mais tout ceci est très improbable et le mystère reste entier. Je rejoins ensuite Kyobashi où un matsuri se prépare. Une dame me dit gentiment en anglais que le matsuri ne commencera qu’à 15h. Je lui réponds en japonais et elle se trouve du fait tout embêtée. Depuis quelques années, on ne m’adressait jamais la parole en anglais car on ne me confondait pas avec un touriste pendant toute la période de la crise sanitaire, les touristes étrangers étant quasiment absents. C’est désormais beaucoup plus fréquent qu’on m’adresse la parole en anglais. Il n’y a rien là de vraiment désobligeant mais je viendrais presqu’à oublier que j’habite au Japon depuis maintenant 24 ans. L’avantage d’être pris pour un touriste est de pouvoir prendre tout et n’importe quoi en photo sous prétexte d’exotisme, sans attirer grande attention. Ça apporte un confort certain.

Il suffit que je dise que je n’écoute pratiquement plus que de la musique japonaise pour que certains des artistes anglo-saxons que je préfère se mettent à sortir des nouveaux morceaux. Je suis toujours très attentif aux dernières créations électroniques d’Aphex Twin car je suis rarement (jamais) déçu. Il n’a pas sorti de nouvelles musiques depuis 2018 avec le EP Collapse. Un nouvel EP intitulé Blackbox Life Recorder 21f/In a Room7 F760 sortira le 28 Juillet 2023 et le premier morceau Blackbox Life Recorder 21f est déjà disponible. On ne sera pas surpris par l’ambiance générale du morceau. Il s’agit bien, dès les premières notes, du style Aphex Twin et c’est exactement ce qui me plaît. Il y a toujours un savant mélange et dosage entre les mélodies et la destruction sonores. La superbe image de couverture très architecturale est signée Weirdcore. Les shoegazers ’historiques’ Slowdive viennent également de sortir un nouveau single intitulé Kisses, en avance de leur prochain album Everything is alive qui sortira le 1 Septembre 2023. On a le temps de l’entendre venir mais ça fait de toute façon six ans qu’on attend un nouvel album de Slowdive, le précédent album éponyme étant sorti en 2017. Ce nouveau Kisses est vraiment excellent surtout quand les voix des anciens amants Neil Halsteid et Rachel Goswell se mélangent entre elles, avec des guitares très spatiales qui envahissent tout l’espace. Trente années après leurs heures de gloire avec l’album culte Soulvlaki, Slowdive n’a rien perdu de son inspiration et ça fait beaucoup de bien. Une autre excellente surprise est la découverte d’un nouveau morceau du projet The Smile fondé par les deux membres de Radiohead, Thom Yorke et Jonny Greenwood, avec Tom Skinner à la batterie. Ce nouveau morceau intitulé Bending Hectic fait 8 minutes. Je pourrais m’arrêter là car on peut facilement imaginer la qualité du morceau rien qu’en annonçant sa longueur. Il commence doucement, axé sur la voix hantée de Thom et sur des notes atypiques de guitare enclenchant des décélérations étranges. Et puis, il y a un retournement de situation assez flippant qui donne la chair de poule. Le morceau part ensuite vers d’autres territoires plus violents et chaotiques. Émotionnellement, c’est très fort. Ayant récemment réécouté certains albums de Radiohead comme Hail to the Thief, Amnesiac ou le single Ill Wind, ce nouveau morceau arrive au meilleur moment possible. Il y a une dose de génie chez Thom Yorke. Je le pense à chaque fois que j’écoute sa musique à travers Radiohead ou ses autres projets.

僕の片隅に誰にも届かない景色

Malgré le temps très nuageux, je prends mon vélo en direction de la rivière Tamagawa. La longue Route 1 que j’emprunte depuis Meguro m’amène sur la rivière que je ne traverse pas volontairement. Je préfère la longer jusqu’à Futago-Tamagawa en roulant sur la route cyclable et piétonne de la berge. Cette route ne passe pas au plus près de la rivière mais longe plutôt les nombreux terrains de baseball et de football installés sur les berges. En ce dimanche, beaucoup d’enfants et d’adolescents s’y entraînent. J’ai plusieurs fois marché le long de la rivière Tamagawa, mais je me demande si ce n’est pas la première fois que j’y roule à vélo. Ça sera à refaire très vite. La piste cyclable ne s’étend malheureusement pas jusqu’à Futago-Tamagawa et la dernière partie du trajet doit se faire avec les voitures sur une route assez étroite. J’y trouve au passage de l’architecture intéressante qui m’oblige à m’arrêter un instant pour prendre quelques photos. Le retour se fera par la route Komazawa qui passe devant le parc olympique du même nom. J’aime beaucoup ce parc et j’ai eu envie de m’y arrêter quelques instants pour respirer le vent qui traverse la grande place devant la tour de contrôle, et entre le stade et le gymnase. Les formes architecturales, arrondies pour l’un et angulaires pour l’autre, me fascinent toujours autant. J’aimerais habiter un peu plus près de ce parc pour y aller plus souvent, mais peut-être m’en lasserais-je.

Le math rock de Ling tosite Sigure (凛として時雨) n’est pas pour moi une découverte, mais je ne connaissais de ce groupe que quelques morceaux que j’avais sélectionné dans une petite playlist il y a huit ans. L’idée me vient maintenant d’écouter la musique du groupe car Tōru Kitajima (北嶋徹), aka TK, le leader de Ling tosite Sigure, a récemment écrit et composé pour AiNA The End le morceau Red:birthmark dont je parlais récemment. Je ne connaissais jusqu’à maintenant que quelques morceaux du groupe comme SOSOS du EP es or s de 2015, les singles Who What Who What de 2015, Enigmatic Feeling de 2014, abnormalize de 2012 et JPOP Xfile de 2009 entre autres. Ces morceaux sont pourtant très puissants mais je n’avais, à l’époque, pas continué ma découverte. Écouter ce nouveau single d’AiNA et réécouter ces quelques morceaux que j’avais sur mon iPod m’ont donné l’envie irrésistible d’approfondir mon écoute de Ling tosite Sigure. Direction donc le Disk Union de Shinjuku pour voir ce que je pourrais bien y trouver en CDs. J’y trouve trois albums: Still a Sigure Virgin? de 2010, just A moment de 2009 et i’mperfect de 2013. J’écoute beaucoup ces trois albums dans la continuité. La densité des guitares, la complexité des sons, les changements de rythmes soudains rapprochent très clairement cette musique au math rock. On retrouve cette technicité du math rock dans les sons des guitares et dans ceux de la batterie. L’émotion des voix qui se répondent dans de nombreux morceaux et l’ambiance électrique qui s’en dégage ne laissent pas indifférent. Mais la musique du groupe ne se laisse pas facilement apprivoiser, car il faut y mettre un peu du sien. Les voix de TK et 345 (de son vrai nom Miyoko Nakamura) sont loin d’être évidentes, tendant souvent vers les aigus et parfois vers les cris. Il y a des morceaux aux ambiances plus calmes, atmosphériques, même si les meilleurs morceaux sont en général ceux où TK et 345 dialoguent à travers des invectives verbales, se relayant l’un après l’autre comme pour repousser un démon intérieur. Il y a beaucoup de morceaux dans ce style, Telecastic fake show en est un très bon exemple, surtout quand le morceau atteint une catharsis vers la fin. Si on est réceptif à ce genre de choses musicalement parlant, c’est un bonheur d’écoute qu’on a envie de répéter pour la dopamine que cette musique procure. Les morceaux atmosphériques peuvent également être magnifiques à en pleurer, moment A rythm par exemple sur l’album just A moment. Il est magnifique lorsqu’un tourbillon de guitares vient soudainement interrompre la plénitude du morceau. En écoutant Ling tosite Sigure, j’en viens à penser que je m’étais bien trompé quant à mon impression initiale du math rock que j’imaginais froid car privilégiant l’aspect technique sur l’émotion, mais je me rends compte avec Ling tosite Sigure qu’il s’agit plutôt d’un catalyseur de cette émotion. La technicité et la rapidité sur le morceau MONSTER de l’album i’mperfect impressionnent autant qu’elles procurent des émotions palpables. La plupart des morceaux des albums que j’écoute en ce moment communiquent cette urgence, mais gardent toujours une très grande élégance dans l’exécution, même quand TK crie à en perdre la voix. Le trio composé de Tōru « TK » Kitajima (北嶋徹) à la guitare et au chant, Miyoko « 345 » Nakamura (中村美代子) à la basse et au chant et Masatoshi « Pierre » Nakano (ピエール中野) à la batterie (et mari de Seiko Ōmori) vient d’ailleurs de sortir un nouvel album intitulé last aurorality sorti le 12 Avril 2023. Mais avant d’attaquer ce dernier album, j’ai bien l’intention d’écouter tous les albums et EP du groupe, les uns après les autres.

今も未来も混ざるように

Fidèle à sa vision de créer des villes dans la ville, Mori Building en crée une nouvelle à Toranomon et Azabudai appelée Azabudai Hills (麻布台ヒルズ). La construction du complexe a démarré en 2019 et devrait se terminer un peu plus tard cette année. Plusieurs architectes japonais et étrangers interviennent sur ce projet dont Sou Fujimoto, Pelli Clarke & Partners et Heatherwick Studio. Les courbes de la zone basse résidentielle des deux premières photographies sont conçues par Heatherwick Studio, qui présentait d’ailleurs ses principales œuvres architecturales dans un musée de Tokyo, celui justement tenu par Mori dans la tour de Roppongi Hills. J’ai pensé aller visiter cette exposition mais je n’ai pu m’enlever de la tête l’aspect quelque peu publicitaire de cette exposition qui m’a en fait dérangé. La tour Azabudai Hills Mori JP Tower est conçue par Pelli Clarke & Partners, reprenant le style neo-futuriste légèrement arrondi de la tour Sengokuyama située à proximité. Il y a clairement une constante de style dans la plupart des tours construites par Mori Building. La tour d’Azabudai contiendra bureaux et résidences et, avec ses 325m de hauteur, il s’agit de la plus haute tour du Japon (en excluant les tours non habitables Tokyo Skytree et Tokyo Tower), devant Abeno Harukas à Osaka. L’ensemble Azabudai Hills est situé à proximité du carrefour Iikura, où l’on trouve également l’étrange temple noir Reiyūkai Shakaden (sur la quatrième photographie) que j’avais visité il y a quelques années et l’intérieur du hall d’entrée de la non-moins mystérieuse tour NOA conçue par l’architecte Seiichi Shirai (les cinquième et sixième photographies). La dernière photographie nous fait revenir vers les couleurs vives, celle de l’installation 100 colors no.43「100色の記憶」 créée par l’architecte française basée à Tokyo, Emmanuelle Moureaux. Et quant au poteau électrique plein de graffitis sur l’avant dernière photographie, il s’agit tout simplement et bien évidemment d’un quelconque poteau électrique plein de graffitis.

Musicalement, je continue avec l’électronique de la compositrice et interprète Franco-japonaise Maika Loubté (マイカ ルブテ) sur un morceau sorti le 10 Mai 2023 intitulé Ice Age. J’aime vraiment beaucoup l’atmosphère un brin mélancolique qui se dégage de ce morceau. Le rythme électronique est soutenu mais on se prend à dériver en écoutant ces sons comme s’il s’agissait d’ambient. C’est un morceau très inspiré. J’avais déjà parlé sur ces pages de Maika Loubté pour sa sublime collaboration avec Kirinji sur le morceau Hakumei (薄明) et pour quelques morceaux de son album Lucid Dreaming sorti en 2021. La vidéo d’Ice Age ainsi que l’image de couverture montre un petit personnage aux cheveux hirsutes. Je me demande si elle va le conserver comme identité visuelle, notamment sur son prochain EP qui devrait s’intituler Mani Mani mais dont la date de sortie n’est pas encore annoncée. À surveiller donc. Écouter ce morceau Ice Age me donne ensuite envie de revenir vers la musique d’4s4ki sur son dernier album Killer in Neverland. J’écoute cet album petit à petit, et en ce moment précis un autre excellent morceau intitulé Bōkansha (傍観者) qui est de nature électronique mais qui se rapproche plus dans son esprit de la musique alternative rock. Je pense que c’est dû au passage central tout en distortions vocales qui me rappelle un peu Seiko Ōmori. En parlant de ces deux artistes, j’en suis venu à me demander si elles avaient déjà travaillé ensemble, ne serait ce que pour des remixes, mais ça ne semble pas être le cas.